Nos Patriarches, Avraham, Its’hak et Yaacov ont établi le rite des prières que l’on observe toujours aujourd’hui. Avraham composa la prière du matin, Cha’harit, Its’hak, celle de l’après-midi, Min’ha et Yaacov celle, Maariv ou Arvit.
Par la prière, nous attirons l’énergie divine dans notre environnement et dans nous-mêmes. Puisque chaque jour progresse par l’intermédiaire de trois étapes : le matin, l’après-midi et le soir, il est nécessaire de prier trois fois chaque jour. Chaque prière est un peu différente des autres afin d’attirer l’énergie spécifique requise à ce moment de la journée et chacune a été instituée spécifiquement par le Patriarche dont le caractère spirituel correspondait au besoin précis du moment.
Trois étapes
Le premier stade du jour a lieu au moment où l’aube apparaît. C’est un moment rempli de promesses, l’excitation devant tout ce qui est possible remplit l’air. L’énergie divine requise alors est celle de l’optimisme. Avraham, un homme à l’esprit positif et à l’optimisme infini a donc composé la prière de Cha’harit.
Le jour avance, l’enthousiasme du matin s’envole et nous nous engageons dans la tâche difficile mais gratifiante des accomplissements. Nous affrontons des défis, les surmontons avec l’intention d’être arrivés à notre but à la fin de la journée. Il nous faut alors de la résolution. Its’hak, un homme de dévouement, d’engagement et de résolution à toute épreuve a donc composé la prière de Min’ha.
Le jour décline, nous achevons nos activités et prenons du recul pour réfléchir. Bien que nous ayons rencontré du succès au cours de la journée, nous réalisons qu’il y a encore beaucoup à faire. Nous voulions achever notre travail mais l’obscurité est tombée.
La nuit s’accompagne de mélancolie. Nous ressentons les limites de la condition humaine et nous réalisons que la lumière du jour et la chaleur ne durent pas éternellement. L’enthousiasme du matin et l’élan de l’après-midi se sont estompés et la nuit nous enveloppe dans un sombre et menaçant désespoir. Pourrons-nous surmonter la froideur de la nuit et être tirés vers la chaleur de D.ieu ?
La réponse est un «oui» retentissant et notre Patriarche Yaacov est l’auteur d’une prière pour y parvenir. Pourquoi Yaacov ? Parce qu’il personnifiait l’engagement inébranlable pour la vérité divine qui ne s’émoussait jamais malgré des conditions difficiles. Sa vie est un enchaînement de moments sombres, d’épreuves difficiles et de défis apparemment insurmontables. Mais jamais il ne désespéra.
L’espace intérieur
Lisons ce que dit la Torah à propos de Yaacov. Il fut forcé de quitter le giron familial, l’enseignement et la direction de ses Maîtres, le soutien de ses amis. Il se dirigea vers une terre inconnue et pénétra dans une culture étrangère. Il plongea dans sa nuit avec ce qui aurait dû être un cœur lourd.
La Torah rapporte : Vayetsé Yaacov… - «Et Yaacov partit…». Dans son for intérieur, il sentait que c’était un départ total et complet. Il partait pensant qu’il ne reviendrait jamais, convaincu qu’il n’aurait pas à reconstruire une nouvelle vie dans un pays étrange et étranger, qu’il se mettait en route pour un exil qui durerait sa vie entière.
Alors que le soleil se couchait, au premier jour de son voyage, la Torah nous dit que «il rencontra l’endroit» où le Temple serait plus tard érigé. Que faisait-il là ? Il composait la prière du soir.
Considérons la situation. Il est banni de chez lui, éloigné de sa famille, seul dans l’obscurité… et il n’a pas peur. Bien au contraire, il est inspiré. D’où lui vient cette incroyable force de caractère ?
La réponse réside dans le choix de la terminologie employée par la Torah : «vayifga bamakom ki ba hachéméch…» que l’on traduit habituellement par «il rencontra l’endroit alors que le soleil se couchait». Néanmoins, une traduction littérale de ces mots révèle un sens différent : «il rencontra l’intérieur de l’endroit parce que le soleil se couchait». Quand il vit que la nuit tombait au moment précis où il arriva sur le futur mont du Temple, il comprit le rythme intérieur, le cœur et l’âme de ce lieu saint.
De la lumière dans l’obscurité
Nos Sages enseignent que le mont du Temple est pénétré d’une lumière spirituelle qui dépasse la lumière conventionnelle. En fait, elle en est la source. Quand Yaacov s’approcha et fit l’expérience de cette lumière spirituelle, le soleil se coucha immédiatement, parce que la lumière conventionnelle s’obscurcit quand elle rencontre la lumière du Temple.
Un homme ordinaire n’aurait pu qu’observer la diminution de la lumière naturelle. Mais Yaacov était attentif à l’ «intériorité», au sens profond de ce lieu. Il comprit que l’essence de cette obscurité était enveloppée dans une lumière raréfiée, si Divine qu’elle était au-delà de la perception de l’œil humain.
La nuit tomba mais Yaacov ne fut pas saisi par une mélancolie effrayante. L’inspiration et la joie l’envahirent. Il vit là un moment parfait pour composer une prière de gratitude à D.ieu pour lui avoir donné, et par lui, à nous-mêmes, un don appelé la nuit.
(Il pria à ce moment comme il ne l’avait jamais fait auparavant. La Torah nous dit qu’il rassembla des pierres autour de lui. La Cabbale enseigne que les pierres sont comme des lettres. Tout comme les pierres construisent des murs et des maisons, les lettres construisent des mots et des phrases. En fait, D.ieu utilisa des lettres et des mots pour créer le monde. La ‘Hassidout explique que Yaacov utilisa les lettres par lesquelles D.ieu avait créé ce moment particulier dans le temps et l’espace et les réorganisa pour former les mots de sa prière. En d’autres termes, il utilisa l’obscurité même qui aurait effrayé un homme ordinaire pour écrire une prière d’inspiration, de force et d’espoir.)
Il perça le voile de l’obscurité et découvrit une lumière transcendante. Il révéla que la nuit n’est pas la fin du jour mais le commencement du lendemain. En fait, le repos et la détente de la nuit nous rafraîchissent et nous permettent de faire face à la lumière du matin.
Avec cette prière, Yaacov nous permet d’apporter de l’énergie divine dans la nuit sombre et attristante. Avec cette prière, nous empêchons la nuit d’obscurcir le glorieux rêve d’hier. Avec cette prière, nous accueillons l’aube de demain parce qu’elle nous donne le courage d’affronter l’obscurité de ce soir.
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- Publication : 10 novembre 2015