Chaque partie de la Torah s’offre à de multiples explications. On distingue généralement quatre niveaux d’interprétation, depuis celle du Pchat, le sens littéral, pour aboutir au Sod, le sens cabalistique.
Et pour chacun de ces quatre niveaux, nos Sages affirment qu’il existe 600 000 explications. Dans certains passages, le sens simple de la Torah est le plus clair. Cependant, malgré le fait qu’en règle générale, le sens cabalistique soit le plus complexe, dans certains cas, il permet d’apporter un sens plus clair sur le passage. Et c’est effectivement le cas, dans la Paracha de cette semaine, Toledot.
Il y est relaté que dans son âge avancé, Its’hak voulut bénir son fils Essav et non Yaakov. Pourquoi voulut-il bénir Essav à la place de Yaakov ? Il savait qu’Essav était impie. Et bien que nos Sages affirment qu’Essav essayait constamment de berner Its’hak, nous savons, d’après ce passage précis, qu’Its’hak savait que quelque chose n’allait pas chez Essav. Quand Yaakov revêtit les habits d’Essav et l’imita pour obtenir la bénédiction, il mentionna le Nom de D.ieu. Et Its’hak douta immédiatement de son identité. En effet, seul Yaakov mentionnait sans cesse le Nom de D.ieu. Nous déduisons de ce passage qu’Its’hak savait qu’Essav n’était pas un homme qui craignait réellement le Tout Puissant. Il apparaît donc troublant qu’il ait voulu donner la bénédiction à Essav plutôt qu’à Yaakov.
Le AriZal, cité dans la philosophie ‘hassidique, apporte une explication à cette interrogation.
Il explique que chaque existence matérielle dans ce monde possède une source spirituelle dans le royaume spirituel. Mais plus encore, plus l’objet tombe bas dans ce monde, plus élevée est sa source spirituelle. La métaphore donnée est celle d’un mur qui s’écroule. Plus les pierres sont en hauteur, plus elles tombent bas et loin de l’emplacement initial du mur, alors que les pierres du bas se retrouvent plus proches du mur originel. Par le même ressort, quelque chose de très bas, dans ce monde, possède une source très élevée dans le monde spirituel et quelque chose qui paraît très élevé ici-bas a une source spirituelle moindre.
Ce principe s’applique également à Yaakov et Essav. Bien que dans ce monde Yaakov parût le plus saint et Essav l’impie, lorsqu’il s’agit de leurs sources spirituelles, par certains aspects, Essav était plus élevé que Yaakov. Dans le langage de la Cabale, la source spirituelle d’Essav émanait du monde de Tohou et celle de Yaakov du monde de Tikoun.
Its’hak ne se trompait pas sur la nature d’Essav telle qu’il lui apparaissait mais il savait que sa source spirituelle était extraordinaire et celle-là même qu’il aspirait à révéler par sa bénédiction. Il est sûr que Yaakov était réellement un saint homme mais Its’hak voyait le potentiel d’Essav, ce qui d’ailleurs se révélerait, au fil du temps, par les illustres convertis qui allaient rejoindre le rang des dirigeants du peuple juif : Rabbi Méir, Chmaya, Avtalione, Ovadia, Onkeloss… tous ceux-là contenus dans l’âme d’Essav. Et si Its’hak voulait donner cette bénédiction à Essav, c’était pour révéler toute cette sainteté dans le monde. Le problème était que la sainteté d’Essav, profondément enfouie dans son âme, ne se révélait que dans sa source, dans les dimensions les plus élevées du monde spirituel. Mais dans le monde matériel qui est le nôtre, elle ne pouvait se dévoiler.
C’est ce à quoi il est fait allusion dans un récit que relatent nos Sages à propos d’une bataille qui se livra lors de l’enterrement de Yaakov. La conséquence en fut la décapitation d’Essav. Et sa tête fut enterrée aux côtés d’Its’hak. Comment une telle chose est-elle possible ? Cet homme était vil et un homme vil ne peut être enseveli aux côtés d’un Tsaddik ! Mais ce que nous avons vu nous indique que dans sa source, Essav était saint. Sa tête, siège de l’aspect le plus élevé de son âme, avait donc sa place dans ce lieu.
Mais la femme d’Its’hak, Rivkah, elle, vit que c’était Yaakov qui avait la capacité de faire descendre la sainteté dans ce monde et c’est la raison pour laquelle elle l’encouragea à arracher la bénédiction à son frère.
La bénédiction attribuée à Yaakov ne lui permit pas seulement de révéler la sainteté de son âme, dans ses sources spirituelles à lui, mais aussi de purifier Essav et dévoiler sa sainteté, d’élever son niveau. Non seulement releva-t-il sa propre source et celle d’Essav mais il parvint à un niveau encore plus haut qu’eux deux.
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- Publication : 30 octobre 2021