La Sidra de cette semaine nous plonge dans les bénédictions adressées au Peuple Juif par le prophète non juif, Bilaam. Balak, roi de Moav, redoutait que le Peuple Juif ne l'attaque, lui et son peuple, sur sa route vers la Terre d'Israël. Il employa donc Bilaam, un prophète non juif, pour maudire les Juifs. Bien que Bilaam désirât accomplir la mission que lui avait confiée Balak, chaque fois qu'il se préparait à proférer des malédictions, D.ieu mettait dans sa bouche des bénédictions qu'il était obligé de prononcer. Ses bénédictions furent si puissantes qu'elles sont rappelées dans la Torah pour l'éternité et que certaines d'entre elles ont pris place dans notre rituel de prières quotidiennes.
Quand Bilaam vit que D.ieu ne lui permettrait pas de maudire le peuple, il chercha à l'atteindre par un autre biais. «Leur D.ieu, dit-il à Balak, déteste l'immoralité. Que tes femmes séduisent leurs hommes.»
Balak suivit ce conseil et en conséquence, une plaie s'abattit sur le Peuple Juif, tuant des milliers d'hommes.
Nos Sages s'interrogent : «Pourquoi D.ieu attribua-t-il une vision spirituelle et un don prophétique à un homme aussi vil que Bilaam ?»
Ils expliquent que dans le futur, les non Juifs se plaindraient à D.ieu, lui disant que des prophètes avaient été attribués aux Juifs et qu'ils pouvaient donc progresser spirituellement. D.ieu répondrait alors que ce n'était pas seulement le don de prophétie qui avait permis aux Juifs d'avancer. Car Il avait également doté les non Juifs d'un prophète, Bilaam, et qu'avait-il fait ? Au lieu d'œuvrer à faire progresser spirituellement son peuple, il avait encouragé l'immoralité.
Ce récit comporte une importante leçon éternelle.
La vision spirituelle ne peut être considérée comme séparée de la conduite individuelle. Le concept d'un sorcier clairvoyant, conscient de la réalité spirituelle et menant pourtant une vie dépravée, va à l'encontre des principes fondamentaux du judaïsme.
Le judaïsme considère la conscience spirituelle comme un outil pour embellir et intensifier notre expérience quotidienne et non simplement comme un niveau spirituel élevé. Quelles que soient notre perspective et notre expérience spirituelles, il nous faut les utiliser en rendant notre conduite plus profonde et plus significative. La spiritualité n'est pas un espace dont on tire du plaisir puis que l'on ignore. Elle doit au contraire être incorporée à la manière dont nous construisons nos relations, établissons nos familles et forgeons notre rôle dans la société en général.
La leçon a une double portée : ceux qui recherchent une expérience spirituelle doivent réaliser que cela doit les conduire à un engagement plus profond dans la vie morale qu'ils mènent dans leur activité professionnelle et dans leur vie familiale et sociale. Et d'autre part, ceux qui travaillent à promouvoir les valeurs familiales et la vérité morale doivent se concentrer sur l'aspect spirituel de ces valeurs et de ces vérités et intensifier la force de leur message, à la fois pour eux-mêmes et pour leurs élèves.
Dans les bénédictions attribuées par Bilaam on trouve les mots: «Une étoile jaillira de Yaakov et un bâton se lèvera dans Israël», ce que nos commentateurs interprètent comme étant une référence explicite de la Torah à Machia'h.
La question se soulève alors : pourquoi la venue de Machia'h est-elle associée à la prophétie de Bilaam ? Bilaam était un homme immoral qui chercha à meurtrir le peuple juif. Il aurait donc semblé beaucoup plus approprié que le message de Machia'h soit associé à Moché ou à un autre dirigeant juif.
Cependant, si cela n'est pas le cas, c'est pour nous montrer à quel point le concept de la Rédemption sera universel. Elle ne concernera pas seulement quelques hommes justes choisis ou une élite spirituelle. Ses effets ne seront pas non plus confinés au peuple juif seul. Mais «la terre sera remplie de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent le lit de l'océan». Toute existence sera imprégnée de la conscience de la Divinité.
Qu'est-ce que cela signifie-t-il concrètement ?
Aujourd'hui, nous entrevoyons notre vie en termes matériels : ce que nous voyons, ce que nous entendons et touchons, et ces entités concrètes occupent donc la centralité de nos pensées. Nous comprenons qu'il existe un but spirituel à notre vie et nous pouvons même considérer que c'est l'énergie divine qui nous maintient en vie. Cependant, cela reste un facteur secondaire. Car pour la grande majorité des hommes, aller travailler le matin et pourvoir aux besoins de leur famille est une réalité bien plus urgente que la conscience spirituelle.
Mais avec la venue de Machia'h, tout cela changera. Chacun sera réellement conscient de la Divinité. Un jour, Rabbi Lévi Yits'hak de Berditchev s'exclama : «D.ieu ! Comment peux-Tu reprocher aux gens de ne pas accorder d'attention au spirituel ? Tu leur permets de voir et de goûter aux plaisirs du monde matériel alors que Tu mets la spiritualité dans des livres ! Inverse ces facteurs et vois ce qui se passera ! »
C'est précisément ce qui aura lieu à la venue de Machia'h. Le cadre matériel de l'existence que nous menons continuera, de façon ininterrompue, mais nous aurons conscience des forces divines qui la soutiennent. Chacun bénéficiera de cette conscience. Tout comme aujourd'hui nous sommes conscients des choses matérielles, avec Machia'h, nous et toute l'humanité serons conscients du spirituel. Cela constituera la manière «normale» de percevoir le monde.
Et c'est pour faire allusion à ces concepts que les prophéties concernant Machia'h furent transmises par Bilaam. Cela prouve que même celui dont le caractère n'est pas raffiné partage un lien avec les révélations messianiques, car la venue de Machia'h touchera l'humanité toute entière.

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