«D.ieu dit à Moché : viens chez Pharaon et dis-lui : ‘Ainsi parle D.ieu : laisse partir Mon peuple pour qu’ils puissent Me servir. Mais si tu refuses de [les] laisser partir, voici, Je frapperai toutes tes frontières avec des grenouilles’» (Chemot 7 :26-27)
«Sans [la plaie des] grenouilles, comment D.ieu aurait-Il puni les Egyptiens ?» (Le Midrach)
Ce dernier commentaire paraît bien étrange voire hérétique ! Il semble impliquer que sans la plaie des grenouilles, Pharaon n’aurait pas été vaincu. Mais n’existe-t-il pas de «nombreux agents pour D.ieu» ? Sa force d’action n’est-elle pas vaste et diversifiée ? Et n’y eut-il pas neuf autres plaies tout aussi, sinon plus, efficaces pour faire plier Pharaon ?
Les trois fantoches
Dans la tradition biblique et de façon générale, nous rencontrons trois idéologies professées par trois personnalités célèbres, chacune s’en prenant à D.ieu, de façon erronée et différente.
Ces individus (non cités chronologiquement) sont : Bilaam, Pharaon et Senachérib.
Bilaam était un homme compliqué. Croyant, il l’était. Après tout, c’était un prophète. Et quel prophète un tant soit peu sensé aurait nié l’existence du D.ieu dont il prétendait parler ? Plutôt que croire simplement de façon abstraite ou théorique, il comprenait bien, et plus tard réapprendrait, le fait que D.ieu est extrêmement intéressé et impliqué dans les affaires du monde. Nous savons cela de sa propre affirmation naïve : «Même si Balak me donne sa maison pleine d’argent et d’or, je ne peux transgresser la parole de l’Eternel, mon D.ieu, rien faire de petit ou de grand…» (Bamidbar 22 :18)
Mais son système de croyance était nuancé et complexe. Bien qu’il crût en l’existence de D.ieu, il avait un problème avec le principe de l’unité.
A l’autre extrême, se situe Sennachérib, l’athée qui reniait l’existence d’un Etre Suprême, allant jusqu’à assurer de maudire D.ieu. Son incroyance prit la forme d’un athéisme actif. Sa religion était l’impiété et il avait à cœur de mener un combat actif et passionné pour démolir la foi dans le Créateur.
Ainsi, à la fois Bilaam et Senachérib partageaient-ils un territoire commun : tous deux étaient également gênés par la notion de D.ieu et tout particulièrement comme un Etre qui supervise le monde. Pourtant, ils différaient dans la manière de régler leurs frustrations respectives : Bilaam se résignait à contre-cœur à la domination de D.ieu alors que Senachérib passa sa vie entière en campagne contre Lui.
Pharaon, néanmoins, s’engagea sur un nouveau terrain.
C’est le tout premier déiste de la Bible, croyant que quand bien même D.ieu existât, Il n’avait rien à faire avec l’administration du monde. La maintenance de l’univers était l’affaire des hommes.
En d’autres termes, selon l’opinion de Pharaon, la question de l’existence de D.ieu n’était que théorique et sans rapport avec la vie pratique. C’était un sujet intéressant à discuter dans les grands débats intellectuels mais n’avait rien à voir avec la rue, les lieux de distraction et encore moins avec la politique gouvernementale.
Sa philosophie apparaît très clairement dès les premiers mots qu’il adresse à Moché : «Qui est ce D.ieu dont je devrais tenir compte de la voix et renvoyer Israël ?», ce que l’on peut comprendre comme signifiant : «depuis quand D.ieu s’implique-t-Il dans ce qui se passe en bas ?»
La conception du monde de Pharaon devient encore plus évidente si l’on se reporte aux paroles de Moché à propos de D.ieu : «Si tu ne laisses pas partir Mon peuple, voici, Je lancerai contre toi, et contre tes serviteurs, et contre ton peuple, et dans tes maisons, un mélange de bêtes sauvages… de sorte que tu sauras que Je suis D.ieu au sein de la terre.»
Il semble que Pharaon eût besoin d’être convaincu que D.ieu régnait non seulement dans les cieux mais également «au sein de la terre».
Ainsi, pour résumer, nous avons Bilaam le (confus) théiste, Pharaon le (cela ne change rien pour moi) déiste et Sennachérib le (furieux) athée ou anti-théiste.
S’il fallait juger ces hommes et leurs philosophies, lesquels représenteraient-ils la plus grande menace pour l’institution de la foi ?
De façon inattendue, c’est certainement Pharaon.
En effet, dans les propos de Bilaam et de Sennachérib, nous entendons le Nom de D.ieu. Il est vrai que dans la bouche de Sennachérib, il résonne avec force, voire férocité. Mais il est présent. Des arguments du théiste comme de ceux de l’athée, ressort le fait qu’ils considèrent Son existence qu’ils craignent tous deux.
Si l’on parle à Pharaon, l’on peut ignorer qu’il existe un D.ieu. Il n’en parle même pas.
Et c’est alors qu’interviennent les grenouilles.
Les animaux peuvent être classés en trois groupes : ceux dont l’humanité bénéficie, ceux qui font du mal aux hommes et ceux qui n’ont aucun impact.
Les chiens procurent le compagnonnage et la sécurité. Nous les aimons. Ils sont des créations de D.ieu, ce qui a un sens pour nous.
Les serpents venimeux peuvent provoquer la mort.
Et puis les grenouilles semblent ne remplir aucune fonction, ne donnent aucune indication sur la fonction que leur a attribuée le Créateur. La grenouille, lorsqu’on l’observe, tout comme Pharaon, ne dit rien de son Créateur.
C’est la raison pour laquelle D.ieu les choisit comme punition contre Pharaon. Comme pour dire : même cette créature étrange a un but dans ce monde. Toute création est nécessaire et a un sens. Le Créateur de notre monde est Celui Qui le dirige. Et dans Son grand ensemble qu’est le monde, le croassement même d’une grenouille est une louange qu’elle Lui adresse.
Le contraire de l’amour, de la beauté et de la vie n’est pas la haine, la laideur et la mort mais l’indifférence.
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- Publication : 8 janvier 2015