C’était un chaud dimanche après-midi. La fête de Souccot avait commencé la veille, Chabbat, et ce n’était donc que ce dimanche qu’on pouvait accomplir le commandement du Loulav.

Mon neveu, Yossi Brisky et ses amis décidèrent de marcher jusqu’à Starett City à Brooklyn pour y contacter les Juifs qui n’avaient pas encore prononcé la bénédiction sur le Loulav. Ils entrèrent dans le premier immeuble et frappèrent à une porte : dans cet appartement se déroulait justement une petite fête et les Juifs qui s’y trouvaient étaient vraiment heureux de serrer la main du jeune rabbin – et de tenir son Loulav avec les bénédictions appropriées. Il se faisait déjà tard et il était logiquement temps de retourner à Crown Heights. Mais quelque chose poussait Yossi à continuer.
Il monta à l’étage suivant. Les gens qui lui ouvrirent la porte étaient sympathiques mais n’étaient pas Juifs. L’un d’entre eux s’excusa même : « Je suis désolé, Monsieur le rabbin, je ne suis pas juif, mais la dame de l’appartement au-dessus l’est ! »
« Merci » dit Yossi d’un souffle tandis qu’il s’élançait déjà vers l’étage suivant. Il frappa à la porte, déclina son identité, expliqua ce qui l’amenait mais la porte resta close : « Non merci, cela ne m’intéresse pas ! » dit une voix derrière la porte.
Yossi était déçu et s’apprêtait à repartir quand, tout-à-coup, il entendit le bruit d’une chaîne, la porte qui s’ouvrait et la voix d’une femme qui appelait : « Attendez ! J’ai changé d’avis, entrez ! » Il entra, expliqua ce qu’étaient la fête de Souccot et la Mitsva du Loulav et montra à la dame comment tenir le Loulav en récitant les bénédictions.
Elle lui demanda alors son nom et déclara qu’elle s’appelait Galina Belkin. Yossi eut un choc : « C’est incroyable ! Le nom de jeune fille de ma femme est aussi Belkin ! Nous sommes peut-être en famille ! D’où venait votre mari ? »
Elle expliqua que son mari était décédé deux ans auparavant mais n’avait jamais vraiment parlé de sa famille. Quant à elle, elle était originaire de Russie et tenait une agence de voyage : elle tendit d’ailleurs sa carte de visite à Yossi (ce brave garçon pouvait bien devenir un client potentiel, n’est-ce pas ?)
Poliment Yossi jeta un coup d’œil à la carte et n’en crut pas ses yeux : sur la carte, la dame se faisait appeler Galina Munitz ! « Le nom de jeune fille de ma mère était Munitz ! s’exclama-t-il. Connaissez-vous quelques noms de votre famille ? » demanda-t-il, de plus en plus étonné.
« Mon père s’appelait Leibel et son père Alexander Sender ! »
« Mon arrière grand-père se prénommait aussi Alexander Sender ! » murmura Yossi.
Ils en arrivèrent à une conclusion évidente : « Ma mère devait avoir un cousin qu’elle avait depuis longtemps perdu de vue » dit Yossi, pensif.
Ils promirent de se revoir après la fête. Il est facile d’imaginer combien les parents de Yossi étaient stupéfaits de la rencontre qu’il avait faite et la nouvelle se répercuta dans toute la famille Munitz.
Dès le lendemain, Sara (Munitz) Brisky – la mère de Yossi – contacta Galina, sa cousine retrouvée. Elle organisa une mini réunion de famille, pour célébrer également le soir-même le départ de sa sœur Dvora (Munitz) Rodal pour Milan où elle est l’épouse de l’émissaire du Rabbi. Galina arriva avec son fils unique, Mark, dans cette maison remplie de personnes portant le nom Munitz.
Quand Reb Israël Meïr Munitz était décédé vingt-cinq ans plus tôt, son frère Leibel (le père de Galina) se trouvait encore en Russie, derrière le Rideau de Fer et on ne pouvait le prévenir. De fait chacun des deux frères pensait que l’autre était sans doute mort depuis longtemps. Il y avait encore deux autres frères : Yossef Yts’hak qui était mort de faim durant le terrible siège de Stalingrad en 1943 et Yechaya dont personne ne savait quoi que ce soit. Une sœur, Emma, vivait en Israël.
Leib avait changé son nom de famille en Alexandrovitch (en mémoire de son père Alexander Sender) et s’était installé à Richone LeTsione, en Israël sans savoir que sa sœur Emma habitait à quelques kilomètres de là, à Bayit Vagan Jérusalem. Durant le reste de sa vie, aucun des deux n’avait imaginé que l’autre était encore vivant !
Leibel avait nommé sa fille Emma, en mémoire de cette sœur qu’il pensait décédée dans la Shoah. Galina, de son côté, avait nommé en hébreu son fils Israël Meïr en mémoire de son oncle qu’elle croyait décédé mais qui, de fait, vivait encore à Brooklyn.
De fait, Galina et son fils qui se croyaient seuls au monde se découvraient soudain une grande famille : des dizaines de nouveaux cousins qui aimaient à se réunir pour toutes les fêtes juives et qui participaient aux joies familiales des uns et des autres. Galina est maintenant, elle aussi, avec son fils unique et avec Emma (sa sœur), le mari et le fils unique de celle-là, invitée. Quel étonnement pour elles deux de découvrir ces familles nombreuses, incluant Dvora Rodal de Milan avec ses 17 magnifiques enfants !

* * *

Ce n’est que grâce à la détermination d’un jeune Loubavitch, décidé à marcher durant des heures pour permettre à d’autres Juifs d’accomplir la Mitsva du Loulav qu’il a été possible de réunir des familles qui avaient été séparées depuis plus de trente ans !

Gitty Munitz – Nchei Chabad Newsletter
Le’haïm
Traduite par Feiga Lubecki

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