En octobre 1973, un groupe de jeunes gens fut envoyé par le Rabbi dans la Yechiva qui venait d’être fondée à Miami, en Floride.
Nous avions entendu parler d’un collège qui était fréquenté par un grand nombre d’étudiants juifs. Un vendredi après-midi, nous nous sommes installés à la sortie de l’école, avec une table pliante et quelques paires de Téfilines juste avant la fin des cours. Quand les étudiants sortirent, ils furent surpris mais enchantés que nous leur proposions de mettre les Téfilines. Bien vite, il se forma une longue queue de jeunes garçons qui attendaient leur tour. Tout se passa très bien et, le vendredi suivant, nous sommes retournés ainsi que les semaines suivantes. Mais un jour le directeur du collège sortit et remarqua ce qui se passait. Furieux, il nous interpella : «Arrêtez ! Vous n’avez pas le droit de faire cela ici ! C’est anticonstitutionnel !»
- Nous sommes désolés mais nous ne faisons rien de mal ! Ce sont des Téfilines et tous les garçons et hommes juifs sont supposés les mettre chaque jour. Nous ne faisons qu’aider les étudiants juifs à accomplir leur devoir religieux !
- Foutaise ! Moi aussi je suis juif mais personne ne fait plus ce genre de choses. De plus, cela s’appelle de la coercition religieuse. Je n’admettrai pas que la religion s’incruste dans mon école publique !
- Je voudrais vous faire remarquer que nous ne sommes pas stationnés dans l’enceinte de votre école mais à l’extérieur. Nous sommes citoyens d’un pays de liberté, ce qui comprend la liberté de culte. Vos étudiants n’auraient-ils pas le droit de pratiquer leur religion dans ce pays ?
- Si vous ne partez pas immédiatement (il était furieux), j’appelle la police !
Il tourna les talons, l’air courroucé.
Nous avons décidé d’ignorer ses menaces. Après tout, nous étions les émissaires du Rabbi, nous ne faisions absolument rien d’illégal et, de toute manière, le directeur ne mettrait certainement pas ses paroles à exécution.
Nous avons néanmoins préféré nous installer un peu plus loin afin de pas être accusés de bloquer la sortie du collège ou de gêner la circulation. Quand le directeur se plaignit encore une fois, nous avons carrément traversé la rue. Et nous étions tellement occupés à aider les jeunes gens à mettre les Téfilines que nous n’avons pas remarqué l’officier de police qui approchait jusqu’à ce qu’il s’écrie : «Arrêtez tout cela et partez d’ici immédiatement !»
Persuadés que la justice et le bon D.ieu étaient de notre côté, nous avons refusé d’obtempérer en expliquant : «Nous ne contrevenons à aucune loi ! Nous agissons sur la voie publique, nous ne procédons à aucun prosélytisme, nous aidons simplement des jeunes Juifs à accomplir leur devoir religieux. Nous ne forçons personne !»
Mais l’officier de police n’était pas impressionné : «Si vous ne partez pas, je vous arrêterai !»
Les forces du mal devaient vraiment être désespérées pour en arriver à ce point ! pensions-nous. Mais nous n’allions pas céder pour autant, nous avions une mission importante à accomplir et, de plus, les étudiants continuaient à faire la queue devant notre stand.
Le policier sortit les menottes de sa poche.
«Vous allez voir que nous sommes sérieux !» menaça-t-il et nous nous retrouvâmes menottés, donc dans l’incapacité de continuer à mettre les Téfilines à qui que ce soit : «Allez-vous quitter ce trottoir maintenant ou dois-je vous emmener au commissariat ?» demanda l’officier avec un sourire sarcastique.
«Bon, d’accord ! Nous partons !»
Le policier dégagea les menottes tandis que le directeur de l’école qui avait suivi la scène gloussait de satisfaction : «Voilà qui leur apprendra à ne plus recommencer !»
Il ignorait que les émissaires du Rabbi ne se laissent pas démonter si facilement. Quand Rav Chalom Ber Lipsker entendit ce qui était arrivé, il nous assura que nous pourrions retourner dès le vendredi suivant à notre porte, face au collège.
Le vendredi suivant, le maire – non-juif – de Miami, M. Chuck Hall se déplaça en personne et se posta devant la porte du collège pour montrer combien il était attaché à la liberté de culte. Il tint à serrer chaleureusement la main de chacun d’entre nous et désigna un endroit où nous pourrions placer notre table. Il tint à se faire photographier, souriant, au milieu de nous – étudiants barbus et en chapeaux de la Yechiva de Miami – pour immortaliser son soutien à notre cause. Incrédule, le directeur juif du collège observait la scène d’un œil morne.
Espérant néanmoins démontrer que lui défendait la démocratie et le mode de vie américain, il s’approcha d’un de ses étudiants qui venait juste de mettre les Téfilines et qui remettait sa veste :
- Pourquoi permettez-vous à ces fanatiques de vous traiter ainsi ? demanda-t-il d’une voix qui se voulait autoritaire.
- Mais c’est ma religion ! répondit le jeune homme sur un ton d’évidence. Je ne sais pas ce que vous ressentez pour la vôtre mais moi, j’aime ma religion et j’en suis fier !
A dater de ce jour, il n’y eut plus d’opposition.

Yossef Yitzchok Gordon, Melbourne – Australie
N’shei Chabad Newsletter
traduit par Feiga Lubecki