C'était une jeune Américaine typique de la génération des baby-boomers. Sa famille revendiquait son appartenance au judaïsme et ne s'en cachait pas. Cependant, la pratique religieuse était inexistante.

Attirée par la spiritualité, elle devint hippie comme nombre de jeunes dans les années 60. Elle errait sur les routes, découvrait de nouvelles façons de vivre, s'ouvrait à d'autres cultures et arriva un jour à New York pour y étudier.
Quelqu'un lui proposa de se rendre auprès du Rabbi de Loubavitch à Crown Heights, Brooklyn :
- Tu devrais vraiment voir le Rabbi de Loubavitch ! C'est tout autre chose, tu verras !
Elle se dit que cela pourrait être profitable et fut invitée à se rendre au 770 Eastern Parkway en février 1973. Justement, le Rabbi prononçait un discours devant des femmes et des jeunes filles. Puis il resterait assis tandis que chaque femme ou jeune fille qui le souhaiterait pourrait s'approcher et lui demander une bénédiction ou lui poser une question.
Cette jeune fille décida de profiter de l'occasion :
- Je veux que vous sachiez, Monsieur le Rabbi, que je ne suis pas venue ici parce que je crois en vous et en toutes les histoires qu'on raconte sur vous. D'ailleurs, je ne crois pas dans tous ces récits miraculeux. Pour ne rien vous cacher, je ne suis pas loin de penser que vous dirigez une secte...
Le Rabbi écouta en souriant et rétorqua calmement :
- Alors expliquez-moi pourquoi vous êtes venue ?
Elle décrivit les études qu'elle suivait à l'Université puis posa sa question :
- Je termine bientôt mon cursus de psychologie. Mes parents voudraient que je me spécialise encore davantage mais, personnellement, je préférerais voyager en Extrême Orient et y apprendre l'art de la poterie. Que me conseillez-vous ?
- Je pense que les deux options sont louables et intéressantes. La psychologie et la poterie sont toutes les deux des vocations dignes et utiles. Et je ne peux pas vous indiquer laquelle serait la meilleure. Mais j'ai une troisième idée, ajouta le Rabbi, les yeux brillants. Pourquoi ne prendriez-vous pas un peu de temps pour vous connaître vous-même ? Pour découvrir et comprendre ce que signifie le fait d'être un être humain et d'être une fille juive ?
La réponse du Rabbi lui plut. Elle avait apprécié le fait que sa remarque préliminaire ne l'avait pas choqué, qu'il avait pris le temps de réfléchir à sa question, qu'il avait approuvé les deux options et avait été ouvert à ses aspirations. Elle avait été touchée par le respect qu'il lui avait manifesté et la finesse avec laquelle il avait présenté son idée : il avait senti qu'elle recherchait la vérité et qu'elle avait soif d'idéal.
Quelque temps plus tard, on lui suggéra de se rendre pour l'été au Séminaire Beth Hanna dans le Minnesota ; là elle pourrait approfondir ses connaissances juives et sans doute trouver des réponses à nombre de ses questions.
Elle sollicita alors une entrevue privée avec le Rabbi. Quand elle entra dans le bureau – cette fois-ci avec beaucoup plus de respect que la fois précédente – elle demanda au Rabbi s'il était judicieux pour elle d'aller étudier le judaïsme au Minnesota.
- Vous me demandez ce que j'en pense ? s'étonna le Rabbi avec un grand sourire. Vous savez certainement ce que j'en pense ! Bien sûr, je pense que vous devriez aller étudier au Beth Hanna !
Cet été, elle quitta Pittsburgh et se rendit à St Paul pour s'inscrire au Séminaire et tout le reste, vous l'avez deviné : elle étudia, observa, réfléchit et décida. Décida d'avancer dans la voie de la Torah.
Mais voici le message à retenir ici : il y avait donc là une personne qui, tout de go, déclarait qu'elle ne croyait en rien et se montrait ostensiblement dédaigneuse du mouvement et de l'idéal auxquels le Rabbi consacrait toute sa vie. N'importe quel autre interlocuteur l'aurait remise à sa place, peut-être même avec colère et lui aurait demandé de mieux se conduire en exigeant davantage de respect.
Mais alors, quel aurait été le résultat ?
Il l'aurait peut-être éduquée mais il ne l'aurait pas rapprochée, ne lui aurait pas fait connaître la beauté du judaïsme et de la Torah. Le Rabbi souhaitait offrir à cette jeune fille en qui il voyait la descendante de Sarah, Rivka, Ra'hel et Léa le cadeau de son identité juive, lui faire connaître son âme et parlait donc un langage qu'elle pouvait comprendre.
Et Rav Yossef Is'hak Jacobson conclut ainsi son histoire :
«Je connais bien cette histoire parce que cette jeune fille est devenue ma belle-mère, Madame Ra'hel Chlomo...».
Et l'auteur de ce récit ajoute : «Quant à moi, Y.T. je connais presque aussi bien cette histoire puisque cet été là, au Minnesota, celle qui allait devenir mon épouse partageait la même chambre que la future belle-mère de Rav Jacobson...».

Y.T. rapportant Rav Yossef Its'hak Jacobson
Traduit par Feiga Lubecki

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