Né en Angleterre dans une famille traditionnaliste, Rav Chaim Jacobs habitait dans le quartier juif orthodoxe de Stamford Hill à Londres. Dès l'âge de cinq ans, il fréquenta le Talmud Torah ouvert par le mouvement Loubavitch car tous ses voisins de Cranwich Road, comme le regretté Rav Bentzion Shemtov y habitaient aussi. C'est ainsi que toute la famille fut influencée par le mouvement Loubavitch.
Par la suite, il étudia à la grande Yechiva centrale Loubavitch de New York où il eut le privilège d'observer de près le Rabbi.
«Le Chabbat qui bénit le mois de Sivan – qui tombait le 3 juin 1967 – le Rabbi évoqua longuement la situation en Israël. A cette époque, la tension était extrême au Proche Orient : quelques semaines plus tôt, le président égyptien Nasser avait expulsé ceux qu'on appelait les Casques Bleus, c'est-à-dire les soldats envoyés par l'ONU pour servir de tampon entre Israël et l'Égypte. De plus, Nasser avait bloqué le Golfe d'Akaba : les navires israéliens ne pouvaient plus ni entrer ni sortir depuis le port d'Eilat. De jour en jour, la situation devenait de plus en plus tendue et, dans le monde entier, on imaginait le pire, avec toutes les armées arabes paradant et encerclant Israël de tous les côtés.
Citant le Talmud, le Rabbi expliqua que le verset : «Les peuples du monde verront que le Nom de D.ieu est sur toi et ils vous craindront» est une référence aux Téfilines. Ceci, continua le Rabbi, doit être porté à la connaissance des soldats prêts à combattre en Israël : mettre les Téfilines constitue une protection, en particulier pour les soldats.
Le lendemain, dimanche 4 juin, le Rabbi jeûna ; le lundi – 5 juin – la Guerre des Six Jours éclata. Je me souviens comment nous avons tous été très excités d'entendre qu'à l'aube, les avions israéliens, volant à très basse altitude au-dessus du Sinaï, avaient abattu tous les avions militaires égyptiens au sol : ceux-ci n'avaient même pas eu une chance de prendre leur envol.
Le second jour de la guerre, avec plusieurs de mes camarades de Yechiva, je me suis conformé aux directives du Rabbi : nous avons demandé aux commerçants juifs peu pratiquants de mettre les Téfilines. Nous sommes entrés dans les magasins de Kingston Avenue, d'Empire Avenue et Utica Avenue en déclarant : «Aidons Israël à gagner la guerre !». Il n'y eut pas un seul homme ce matin-là qui refusa de mettre les Téfilines ! Chacun était si enthousiasmé par la victoire soudaine qui s'annonçait...
De fait, le Rabbi souhaitait vraiment que cette inspiration se prolonge et se concrétise. Si vous demandiez à n'importe quel Juif à ce moment-là d'aider Israël financièrement, sans aucun doute chacun aurait vidé son porte-monnaie. Le Rabbi estimait qu'au lieu de demander de l'argent, les rabbins devaient se lever et proposer : «Messieurs ! Remontons nos manches et mettons les Téfilines pour aider Israël !».
J'ai continué et j'envoyai chaque jour un rapport sur la campagne de Téfilines que je menai activement. Après mon premier rapport, le Rabbi répondit : «Je suis content pour les bonnes nouvelles ! J'espère que d'autres apprendront de votre exemple et agiront de même !».
Un jour, alors que je marchais sur Bedford Avenue, je remarquai une armurerie qui semblait être une ruche bourdonnante d'activité. Les hommes qui n'étaient pas mobilisés pour la guerre du Vietnam venaient là pour s'entraîner. Je demandai aux responsables : «Avez-vous quelque chose ici qui ressemble à un office religieux pour les soldats juifs ?». Non, ils n'avaient rien de cela mais ils répondirent qu'ils seraient très heureux de m'accueillir pour ce genre d'initiative.
J'ai donc arrangé des offices pour les soldats juifs le Chabbat matin. Je revenais le dimanche avec une douzaine d'autres étudiants de Yechiva et, rapidement, nous parvenions à mettre les Téfilines à autant de soldats qu'il était humainement possible.
Quand je rapportai tout cela au Rabbi la première fois, je reçus comme réponse que je devais augmenter mes activités dans ce domaine. Le même soir, Rav Hodakov, le secrétaire personnel du Rabbi m'appela et m'informa, au nom du Rabbi, que «des fonds sont disponibles» et qu'il mettrait à ma disposition tout l'argent dont j'avais besoin pour faire réussir le programme. On m'octroya même un petit bureau pour travailler ! Ce genre d'initiative n'avait jamais été entendu dans le mouvement 'Habad !
Avec l'argent, nous avons pu faire imprimer de nombreux prospectus sur les Téfilines et les prières à offrir aux soldats ; puis nous leur avons proposé des cartes avec les différentes bénédictions écrites en phonétique. Nous avons loué des voitures pour visiter d'autres armureries dans le quartier. Les années suivantes, nous avons continué et amplifié ce projet. C'est ainsi que démarra la campagne des Téfilines et qu'elle continue de s'intensifier chaque jour. Et tout cela à l'initiative du Rabbi !

* * *

Au bout de cinq années d'étude à la Yechiva au 770 Eastern Parkway, je me suis marié et, avec mon épouse Sarah, nous avons été envoyés en 1969 comme Chlou'him (émissaires) du Rabbi à Glasgow, au nord de l'Angleterre. Ce fut vraiment très difficile car nous avions du mal à récolter des fonds : tout seul, je devais assumer tous les rôles : enseigner, organiser les activités, gérer et m'occuper de trouver les financements. J'étais totalement nouveau en cela et je dus tout apprendre sur le tas.
Nous avons essayé et essayé mais, en été 1982, nous avons ressenti que la situation financière devenait insupportable. J'ai écrit au Rabbi que nous voulions abandonner parce que nous n'y parvenions pas : nous avions plus de 12000 £ de dettes et nous désirions nous installer ailleurs.
En réponse, nous avons reçu une lettre incroyable (qui fut par la suite publiée dans le livre Likouté Si'hot). Le Rabbi me rappelait que je lui avais écrit quelques semaines plus tôt en spécifiant que, malgré nos difficultés, nous connaissions de grandes réussites et étions témoins « de grands miracles de D.ieu à chaque instant ».
Telle était toujours la démarche du Rabbi : minimiser le problème, insister sur le positif et proposer des encouragements.
Puis il nous rappelait que, quand nous étions arrivés à Glasgow, nous avions tout commencé depuis le début. Depuis, grâce à la bénédiction divine, nous avions des fils et des filles qui suivaient la voie de la Torah. Nous possédions notre propre maison. Nous avions établi dans la ville des institutions et des activités qui avaient suscité l'admiration de tous et qui étaient imitées par d'autres. Nous étions connus et respectés par les autorités locales et même les leaders non-juifs. Comment pouvions-nous nous plaindre que la situation n'était pas satisfaisante ?
Dans la lettre se trouvait inclus un prêt de 3000 £. C'était exactement la somme dont nous avions besoin pour joindre les deux bouts à ce moment.
Tout le reste est connu. Nous sommes restés à Glasgow et tout s'est arrangé. Exactement comme le Rabbi le souhaitait.

Rav Chaim Jacobs – JEM