Semaine 8

  • Téroumah
Editorial

La révolution d’Adar
Il suffit parfois d’un jour pour que tout change. La veille, on pouvait se sentir désemparé, soumis à la grisaille ambiante – climatique ou morale – comme la proie d’un monde désenchanté. Brusquement, sans que l’on sache véritablement pourquoi, une joie immense chasse tous les vents mauvais. En un instant, le soleil perce les nuages qui paraissaient jusqu’ici être le seul horizon. On s’interroge alors : que s’est-il passé ? Les choses sont-elles devenues différentes ? Et on se prend à penser : peut-être est-ce soi-même qui a changé ? Peut-être tout tient-il d’abord dans notre regard ? Il y a, dans tout cela, quelque chose de vrai. De fait, un changement s’est produit et nous avons changé également. C’est – faut-il le dire ? – que le mois d’Adar est arrivé.
Etrange mois que celui-là ! La tradition juive le présente comme celui de la joie sans limite, sans restriction. Certes, la fête de Pourim, déjà en perspective, et sa tonalité d’allégresse sans frein, n’y sont pas pour rien. Le Talmud ne va-t-il pas jusqu’à énoncer la sentence définitive : «Quand entre Adar, on multiplie la joie» ? N’est-ce pas surprenant ? Ainsi nous sommes invités à cesser de considérer le monde comme l’habitude nous y conduit trop souvent. Nous sommes invités à y voir un lieu de nouveauté, un endroit où seul règne la joie. Quelles que soient les éventuelles difficultés rencontrées, voici qu’il convient d’y voir, et par conséquent d’en faire, autant de victoires – merveilleuses, héroïques, éternelles. D’une certaine façon, ce bouleversement profond nous dépasse, il nous entraine dans son avènement car, né du calendrier, il s’impose à nous comme un bonheur assumé.
On le disait : il a suffi du passage d’un jour. La veille, le mois précédent, celui de Chevat, nous illuminait de sa grandeur et nous nous efforcions de le vivre à sa hauteur. Aujourd’hui nous sommes en Adar et ce seul fait nous porte vers des élévations inespérées. Car la joie n’est pas une émotion simple, faite d’oubli des soucis légitimes et d’une apparence de contentement. Profonde, immense, elle ouvre les brèches dans les murailles du quant à soi. Elle rapproche les hommes, elle ouvre le monde à ce qui le dépasse. En un mot, la joie est l’arme absolue de la victoire dans l’éternel combat spirituel que chacun mène au quotidien. Un vieux proverbe ‘hassidique dit que, lorsque une armée marche au combat, elle y va en chantant et que ce chant-là – la joie qu’il exprime – est le signe de sa victoire à venir. Le mois de Adar commence et, jour après jour, la joie grandit. Nous en sommes les porteurs et aussi les bénéficiaires. Il suffit que nous nous en saisissions pour qu’enfin nous soyons les acteurs et les témoins de son triomphe éternel.

Etincelles de Machiah

Tous prophètes !

Le Talmud de Jérusalem (traité Méguila 1 : 5) enseigne à propos des temps de Machia’h : «Tous les livres des prophètes disparaîtront sauf le Livre d’Esther». Cela signifie que la Lumière Divine révélée par la prophétie sera si faible comparée à la Lumière intense de ce nouveau temps qu’elle paraîtra aussi insignifiante qu’un rayon de soleil devant l’astre qui en est la source.
Toutefois, cela ne signifie en aucune façon que la prophétie n’existera plus en Israël. Au contraire, D.ieu promet pour ces temps futurs : «Je déverserai Mon esprit sur toute chair et vos fils et vos filles prophétiseront».
(d’après Chaarei Orah, p. 57) H.N.

Vivre avec la Paracha

Terouma : Le bois de la folie

Seul avec D.ieu, Moché étudie les détails de la construction du Michkan (Tabernacle), le Temple portatif décrit dans la Paracha de cette semaine. Il allait devenir le centre spirituel des Juifs, voire du monde entier : le lieu où la Che’hina (Présence Divine) serait révélée.
Le Michkan était construit par l’érection de longues poutres de bois, chacune soutenue à sa base par deux lourds blocs d’argent dans lesquels la poutre entrait. Elles étaient recouvertes d’or et solidement fixées les unes aux autres. Elles constituaient les parois du Tabernacle, des couches de rideaux en formant le toit.
A l’intérieur du Michkan, étaient déposés la Menorah, une Table et un autel pour les encens, le tout en or. Derrière un rideau magnifiquement brodé, se situait le Kodech Hakodachim (le Saint des Saints) où se trouvait l’Arche Sainte en or. Elle renfermait les Tables de la Loi en saphir gravées des Dix Commandements, que Moché avait ramenées du Mont Sinaï.
Le Sanctuaire érigé par Moché existait il y a longtemps et sera reconstruit à Jérusalem sous la forme du Temple.
Mais il existe également un Temple intérieur dans le cœur de chaque homme et de chaque femme.
Les détails de la construction du Temple matériel donnés par la Paracha nous aident à ériger notre Temple personnel, de sorte que la présence Divine y réside également, à l’intérieur de nous.
Le bois utilisé pour les poutres possède un nom étrange qui se traduit littéralement par «bois de la folie». Or ce nom nous aide à comprendre le but du Michkan et de la vie.
Le comportement humain peut suivre un mode normal, civilisé. C’est la norme. Des attitudes basses, vulgaires ou dépravées vont en-deçà de cette norme. C’est ce qu’on appelle «la folie». Toutes les fautes et le mal naissent de ce genre de folie.
Mais il existe un autre type de folie qui implique de s’élever au-delà de la norme. C’est ce que l’on nomme la «sainte folie». Par la foi, la dévotion, le sacrifice et l’amour, la personne s’élève au-dessus du niveau dit ordinaire. Elle fait un pas qui peut être exceptionnel. Imaginez quelqu’un qui décide de mettre les Tefilines tous les jours ou qui décide de transformer sa cuisine et de la rendre véritablement cachère.
Le Judaïsme s’appuie sur la force générée par de telles décisions.
Si nous avons survécu, au cours des millénaires, c’est grâce à la force de cette «folie sacrée», de notre volonté occasionnelle d’aller au-delà de la norme de la rationalité conventionnelle. Le bon en avant que nous opérons alors nous délivre des excès et des errances de notre folie inférieure et déplaisante. Le mal est transformé en bien, l’obscurité en lumière. Et c’est par ce processus que nous construisons notre Sanctuaire intérieur.
C’est la raison pour laquelle le Michkan était construit à partir de bois d’acacia, «le bois de la folie». Cette quête pour progresser nous permet de passer de la raison ordinaire à la «sainte folie» et de transformer notre folie matérialiste en spiritualité. Et c’est ainsi que nous parvenons à révéler la Che’hina, la présence de D.ieu. Elle illumine le Sanctuaire de notre cœur, de notre maison, de notre vie, et, en dernier ressort, depuis le Temple de Jérusalem, le monde entier.

La femme et le Sanctuaire
La première expression de cette révélation Divine dans le monde entier se manifesta dans le Gan Eden, dont la Torah nous dit qu’y résidaient Adam, ‘Hava et la Présence de D.ieu. Cependant, le monde n’était pas prêt. Comme nous le savons, Adam et ‘Hava consommèrent le fruit de la connaissance du bien et du mal et la conséquence en fut que la Présence Divine se cacha. Les fautes des générations suivantes, comme le meurtre de Abel par Caïn, ne firent que la dissimuler encore davantage. Toutefois, avec Avraham commença le processus de retour sur terre de la Présence de D.ieu, qui se poursuivit avec Its’hak, Yaakov et les générations suivantes.
A la septième génération après Avraham, survint Moché. Nos Sages nous indiquent que les «septièmes» ont beaucoup de chances et de succès. Et en effet, cela se vérifie avec les accomplissements de Moché. Ce fut lui qui permit la réalisation du premier objectif de la Création par la manifestation de D.ieu dans le Michkan et tout particulièrement dans le Kodech Hakodachim. Les étapes suivantes allaient se révéler dans le premier Temple, dans le second Temple et finalement dans le troisème Temple, à Jérusalem.
Le fait que la Présence Divine réside dans le Saint des Saints n’est pas indépendant de la vie de chacun d’entre nous, comme nous l’avons vu précédemment. Nous lisons dans la Paracha : «Ils me feront un Sanctuaire et Je résiderai parmi eux», c'est-à-dire en chacun de nous.
Le Rabbi souligne que les femmes jouèrent un rôle particulièrement significatif dans la construction du Michkan. Elles manifestèrent un très grand enthousiasme, y contribuant en offrant de l’or, de l’argent, du cuivre, des pierres précieuses, des laines teintes, du lin. Elles apportèrent également leur aide par d’artistiques travaux de tissage. Il est à noter que les femmes avaient refusé catégoriquement de participer à l’érection du veau d’or, antithèse même de tout ce qui s’exprimait dans le Michkan.
De nos jours aussi, la femme joue un rôle essentiel dans la création de notre Sanctuaire personnel : la maison Juive. La force spirituelle de la femme peut se comprendre par l’idée de la Cabbale selon laquelle la femme a un lien avec le septième attribut divin : la Royauté, qui implique la perfection et l’accomplissement dans le monde concret. En d’autres termes, la femme possède une sensibilité attribuée par D.ieu qui lui permet de reconnaître le positif et le saint dans ce qui convient d’encourager et l’inverse.
Bien évidemment, cette sensibilité doit être nourrie par l’étude personnelle de la Torah et la pratique des Mitsvot.
Et c’est ainsi que les femmes avec leurs époux et leur famille pourront révéler la Présence Divine dans leur maison, dans leur environnement et d’une manière générale ce qui nous mènera au troisième Temple d’où l’humanité entière percevra D.ieu.

Le Coin de la Halacha

Qu’est-ce que le jeûne d’Esther (cette année le jeudi 25 février 2010) ?

Nos Sages ont institué plusieurs journées de jeûne au cours de l’année juive. La plupart de ces jeûnes sont liés au siège de Jérusalem et à la destruction des deux Temples.
La veille de Pourim, nous marquons le jeûne d’Esther pour commémorer le fait que les Juifs jeûnèrent le 13 Adar, le jour prévu par leurs oppresseurs – les partisans d’Haman – pour «la solution finale», l’extermination du peuple juif, ce qu’à D.ieu ne plaise. Ils jeûnèrent et prièrent ce jour-là afin que D.ieu leur accorde une délivrance miraculeuse. Ce jeûne a été perpétué afin de rappeler à chacun que D.ieu a écouté les supplications de Son peuple et accepte-leur Techouva, leur retour sincère à la foi de leurs ancêtres.
Les femmes enceintes ou qui allaitent ne sont pas astreintes à ce jeûne, ni même les malades ou les femmes qui ont accouché dans les 30 jours qui précédent.
Cette année, le jeûne a été avancé au 11 Adar (jeudi 25 février 2010) pour nous éviter de jeûner le jour du Chabbat, car Pourim est fixé au dimanche 28 février 2010.
Le jeûne commence à 6h 08 et se termine à 19h 06.
Le matin, on récite les Seli’hot après le Tahanoun (supplications) et avant le grand Avinou Malkénou.
Le matin et l’après-midi, on lit dans la Torah la section «Vayakhel».
L’après-midi on récite la Haftara «Dirchou Hachem». Seuls ceux qui ont jeûné sont appelés à la Torah.
Avant la prière de Min’ha, il est de coutume de donner trois pièces d’un demi-euro à la Tsedaka (charité) en souvenir de l’offrande des Chekalim qui avait lieu au mois d’Adar, pour l’entretien du Temple de Jérusalem.

F. L. (d’après Cheva’h Hamoadim)

De Recit de la Semaine

Le dollar de la «Ye’hidout»

Lors de nos «tournées de Téfilines» du vendredi après-midi, mon ami Shmulik Lerner et moi-même avons l’habitude de rendre visite à un Israélien, Doudou, qui habite New York et dirige une entreprise de déménagement. D.ieu merci, il progresse dans la pratique du judaïsme et s’est même engagé à étudier «‘Hitat» (‘Houmach (Bible), Tehilim (Psaumes) et Tanya) chaque jour. Si seulement nous éprouvions tous le même enthousiasme que Doudou quand nous-mêmes étudions ‘Hitat !
Il y a quelques mois, Doudou nous a confié qu’il aimerait vraiment beaucoup recevoir un dollar du Rabbi.
Nous avons tenté de lui expliquer combien c’était difficile mais il insistait parce que, disait-il, il avait un problème dans ses affaires et «sentait» qu’un dollar du Rabbi l’aiderait. Quand nous avons constaté combien cela lui tenait à cœur, nous avons décidé d’essayer d’en obtenir un pour lui.
Shmulik se rendit à la synagogue du Rabbi au 770 Eastern Parkway et demanda à plusieurs ‘Hassidim un dollar pour Doudou que nous avions réussi à rapprocher de la Torah et des Mitsvot. Nous savions que ce serait difficile mais nous n’avions pas imaginé à quel point. Chacun avait une excuse : l’un expliqua que le Rabbi lui avait donné le dollar pour une bénédiction personnelle et qu’il n’était pas question de le donner. Un autre prétendit qu’il n’en avait pas assez lui-même pour tous ses enfants et petits-enfants. Un troisième raconta qu’il en avait déjà distribué beaucoup.
Plusieurs mois passèrent durant lesquels nous avons tenté d’obtenir un dollar pour Doudou en insistant sur le fait que cela le renforcerait dans sa pratique religieuse mais en vain. Nous avons alors compris qu’il était plus facile de demander aux gens de grosses sommes pour diverses causes charitables que de leur «extorquer» un dollar du Rabbi. Dans un sens, c’était réconfortant mais cela ne nous aidait pas !
Le vendredi de la Parachat Behaalote’ha 2007, nous avons rendu visite à Doudou comme d’habitude. Il nous apprit incidemment qu’il fêterait son anniversaire le vendredi suivant. Nous nous sommes regardés Shmulik et moi et avons compris qu’il fallait absolument lui trouver un dollar du Rabbi pour cette occasion.
Cette semaine-là, nous n’avons pas arrêté : demander, supplier, implorer, que sais-je ! Nul ne voulait se séparer d’un dollar du Rabbi. Jeudi midi, Shmulik s’affola : non seulement nous désirions lui offrir un dollar mais nous voulions aussi le faire encadrer ! Jusqu’à 19 heures, il tapa sur l’épaule de tous ceux qu’il rencontrait dans la grande synagogue.
Toujours rien ! Je décidai alors, en dernier recours, de téléphoner à mon grand-père, Reb Leibl Posner et de lui demander un dollar.
Alors que je m’apprêtais à décrocher le combiné, Shmulik arriva et m’indiqua que Reb Zev Cadaner venait d’entrer au 770 Eastern Parkway, la synagogue du Rabbi. Sachant que j’avais quelque chose à lui demander sur un autre sujet, il me demanda de ne pas oublier le dollar de Doudou.
Je dois vous dire que je téléphone à mon grand-père au moins deux fois par semaine et qu’il y a toujours quelqu’un chez lui pour me parler. Ce jour-là, ce fut la première fois que je tombais sur son répondeur !
Je pris ceci pour un signe du ciel : je n’avais d’autre solution que Reb Cadaner, je m’armai d’audace et me dirigeai vers Reb Zev Cadaner ; nous avons discuté du sujet que j’avais à débattre avec lui puis je lui parlai de Doudou qui mettait maintenant régulièrement les Téfilines et qui désirait plus que tout un dollar du Rabbi. J’expliquai que s’il pouvait me donner un seul de tous les dollars qu’il avait sans doute reçus du Rabbi, ce serait pour Doudou un merveilleux cadeau d’anniversaire et cela l’aiderait à adopter les coutumes ‘hassidiques.
Brusquement, j’arrêtai de parler car j’avais l’impression que Reb Zev ne m’écoutait pas. Il était rêveur, fixait un point à l’horizon… Puis il sourit, fouilla dans sa poche, en sortit un élastique, un trombone et quelques papiers pliés en quatre parmi lesquels il dénicha un vieux dollar qu’il me tendit en souriant : «Tu ne peux pas imaginer quelle Hachga’ha Pratit (Providence Divine) se cache ici ! Ce matin, au travail, je me suis acheté une boisson au distributeur. J’ai sorti un dollar de mon portefeuille et j’ai voulu l’introduire dans la fente réservée à cet usage mais soudain – allez savoir pourquoi – j’ai eu un scrupule et je me suis retenu, comme si je ne pouvais pas le mettre dans la machine. J’ai alors examiné ce billet et j’ai immédiatement compris que ce dollar avait été émis… en 1974 ! Actuellement, vous ne pouvez plus obtenir de tels billets, ils ne sont plus en circulation. Ceux que vous trouverez maintenant datent des années 2000 et plus.
Sur l’autre côté du dollar, il y avait quelques mots écrits au stylo. J’ai pris une loupe et je ne suis parvenu à déchiffrer que le premier mot : «Ye’hidout» (audience privée) !
Malgré tous mes efforts, je n’ai pas pu déchiffrer les mots suivants.
Pourquoi le Rabbi m’envoyait-il un dollar, pour ainsi dire ? Je n’avais pas de réponse. Je fourrai le dollar dans ma poche et attendis la suite des événements. Et maintenant tu viens me demander un dollar du Rabbi… Le voici, il est pour ton Doudou !»
Le lendemain, nous l’avons fait encadrer comme si ce dollar tout usé était le portrait le plus cher du monde et nous l’avons apporté à Doudou. Il n’a pas arrêté de nous remercier puis nous a raconté qu’il venait d’étudier dans le Tanya à propos de «E’had» et «Vaèd», l’unification du Nom de D.ieu dans les mondes supérieurs et dans les mondes inférieurs, comme quoi la véritable réalité est divine. Doudou avait d’abord mal compris cela : il avait conclu que toute réalité – y compris nos actions – ne sont qu’imagination comparée à la vérité Divine. Et cela l’avait entraîné à se demander pourquoi il devait fournir tant d’efforts pour étudier ‘Hitat chaque jour.
C’est alors qu’il reçut ce dollar du Rabbi qui lui rappela l’importance de suivre les instructions du Rabbi, l’importance de l’action concrète. Le Rabbi s’occupe vraiment de chacun d’entre nous !

Avraham Ben
traduit par Feiga Lubecki