Semaine 53

  • Chémot
Editorial
200 ans
Rappeler la survenance d’une Hilloula, de la date anniversaire du départ de ce monde d’un Sage, est, sans nul doute, une idée importante dans la tradition juive. Il est facile, du reste, de constater à quel point elle la traverse en tous temps et en tous lieux. De fait, la notion parle à chacun car elle ne renvoie pas seulement au souvenir d’un Sage qui quitta le monde en ce jour mais, littéralement, à toute l’œuvre qu’il accomplit et qui, à ce moment, atteignit son point culminant pour nous révéler ensuite, d’année en année, toute sa puissance. Lorsqu’un tel jour revient, il est donc naturellement source d’inspiration. Dimanche prochain verra la 200ème Hilloula de Rabbi Chnéor Zalman de Liady, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h, fondateur du ‘hassidisme ‘Habad. Et que ce jour revienne pour la deux-centième fois attire déjà l’attention.
En effet, cette durée n’est pas anodine. 200, cela équivaut à quatre jubilées, quatre périodes de cinquante ans, dont chacune est qualifiée de « monde » par les textes. Force est de reconnaître que, depuis 200 ans, bien des « mondes » sont passés tant au sens matériel que spirituel et bien des choses ont changé. Sans s’attacher aux bouleversements connus depuis lors par la société dans son ensemble, sans rappeler même les transformations profondes vécues par les nations, l’œuvre de Rabbi Chnéor Zalman a, pendant cette période, ouvert de nouveaux chemins, défini de nouveaux horizons et donné à chacun les moyens d’y parvenir.
Connaître D.ieu pour mieux s’attacher à Lui, comprendre ce que l’on est pour trouver les voies de cet attachement, c’est un désir que tout homme porte en lui plus ou moins consciemment. La sagesse que marque ce 200ème anniversaire nous donne enfin les clés de sa satisfaction. Il y a ici comme une réponse à un appel d’autant plus puissant qu’il ne retentit qu’au plus profond du cœur. L’anecdote rapporte qu’un jour Rabbi Chnéor Zalman entendit un enfant pleurer à l’étage au-dessus de la pièce où il se trouvait et tandis qu’il était totalement immergé dans son étude. Il interrompit son occupation pour aller le consoler, soulignant alors qu’on ne peut pas ne pas entendre l’enfant qui pleure. D’une certaine façon, nous sommes aujourd’hui un peu cet « enfant qui pleure » et c’est une sagesse vieille de deux cents ans, aussi jeune que l’éternité, qui nous répond. L’enseignement de Rabbi Chnéor Zalman – pour chacun.
Etincelles de Machiah
La Techouva pour les Tsadikim ?

La notion de Techouva peut également s’appliquer aux Tsadikim – aux Justes – si l’on se réfère à l’enseignement de nos Sages selon lequel un homme devrait «passer tous ses jours dans la Techouva».

En effet, dès qu’un Juif perd, ne serait-ce qu’un instant, de son niveau habituel du service de D.ieu, par la prière et l’étude de la Torah, cela est considéré, pour lui, comme une chute considérable. Cela appelle donc la Techouva la plus sincère. Devant l’intense lumière apportée par Machia’h, cette dernière sera d’autant plus nécessaire.
(d’après Or Hatorah, Chir Hachirim, p. 688) H.N.
Vivre avec la Paracha
Chemot : Je suis

«Je suis Celui que Je suis.» (Chemot 3 :14)
«Je suis avec vous dans votre détresse présente, et Je serai avec vous dans les exils et les persécutions futurs.» Rachi sur ce verset.

Quand D.ieu apparut à Moché dans le buisson ardent et le chargea de la mission de sortir le Peuple d’Israël d’Egypte, Moché dit au Tout- Puissant :
«Voici, je viendrai auprès des Enfants d’Israël et leur dirai : ‘Le D.ieu de vos pères m’a envoyé à vous’ ; et ils diront : ‘Quel est Son nom ?’. Que leur dirai-je ?».
D.ieu répondit à Moché : «Je suis Celui que Je suis.»

Un D.ieu anonyme ?
Nommer quelque chose est le décrire et le définir. Ainsi D.ieu, qui est infini et indéfinissable, ne peut-Il être nommé. En fait, D.ieu ne possède pas de nom. Seules sont nommées les descriptions des différents modes de comportement attribués à Son influence dans notre vie. Selon les mots du Midrach, «D.ieu dit à Moché : ‘Tu veux connaître Mon nom ? Je suis appelé selon Mes actions. Je peux être nommé E-l Cha-daï, Tsevakot, Elokim ou Ha-Va-Yé-H. Quand Je juge Mes créatures, Je suis appelé Elokim. Quand Je fais la guerre contre les impies, Je suis appelé Tsevakot. Quand Je tolère les péchés de l’homme, Je suis appelé E-l Cha-daï. Quand J’ai de la compassion pour Mon monde, Je suis appelé Ha-Va-Yé-H…»
C’est là que réside le sens profond de la question que Moché pressentait de la part des Enfants d’Israël. «Quel est Son nom ?». «Quel type de comportement va-t-Il manifester désormais ? Tu affirmes que D.ieu a vu la souffrance de Son peuple en Egypte, qu’Il a entendu leurs pleurs, qu’Il connaît leur douleur et que c’est pour cette raison qu’Il t’a envoyé nous sauver. Mais où était-Il jusqu’à maintenant ? Où est-Il depuis les quatre-vingt-six années que nous subissons le fouet du maître des esclaves, que les enfants sont arrachés des bras de leur mère et jetés dans le Nil, que le Pharaon se baigne dans le sang des enfants juifs ? Quel nom endosse-t-Il maintenant, après quatre-vingt-six ans pendant lesquels Il a été apparemment «sans nom» et absent de notre vie ?»

Divin mais non Saint
Comme nous venons de le voir, chacun des «noms» Divins décrit l’un des attributs par lequel D.ieu a décidé de communiquer avec Sa création. Elokim décrit le principe de D.ieu pour l’attribut de Justice, Ha-Va-Yé-H, Son principe de Compassion, etc.
Eh-he-yéh, «Je suis», le nom par lequel D.ieu s’identifie ici à Moché, connote le principe de D.ieu pour l’Etre et l’Existence.
C’est la raison pour laquelle certains posent la question de savoir si Eh-he-yéh peut être compté dans «les sept saints Noms de D.ieu». La Loi de la Torah interdit d’effacer ou d’abîmer le Nom de D.ieu, l’encre et le papier (ou d’autres outils) eux-mêmes ayant acquis de la sainteté par le fait qu’ils représentent quelque chose qui possède un lien avec le Divin.
(C’est la raison pour laquelle le mot «D.ieu», ou d’autres Noms divins, sont écrits avec des points, des traits d’union, en omettant ou en substituant des lettres ou avec d’autres altérations (par exemple en remplaçant un «h» par un «k», comme dans Elokim ou Tsevakot). Si le Nom divin était épelé exactement, le fait de détruire ou de jeter la page sur lequel il a été imprimé constituerait une violation sévère de la Loi.)
Il existe de nombreux «noms» et «adjectifs» qui décrivent la myriade de facettes de l’implication de D.ieu dans Sa création. Cependant, sept Noms divins essentiels sont sujets à l’application rigoureuse de cette loi. Et pourtant, bien que Eh-he-yé soit considéré comme le Nom Divin le plus spirituel, il n’est pas inclus dans certaines versions de la liste des sept noms, apparaissant dans le Talmud et les textes émanant d’autorités hala’hiques. En fait, la Loi tranche et conclut qu’il ne constitue pas l’un des sept Noms saints.
La raison de ce paradoxe peut être mieux appréhendée si l’on s’arrête sur la signification du terme «sainteté». Qu’est-ce qui rend quelque chose «saint» ? «Saint» (kadoch, en hébreu) signifie «transcendant» et «séparé». D.ieu est saint car Il transcende notre réalité terrestre. Chabbat est un saint jour parce que c’est un jour où l’on prend du recul par rapport à la quotidienneté. Le rouleau de la Torah ou une paire de Téfilines sont saints parce que ce sont des objets qui ont, de toute évidence, dépassé leur matérialité pour servir un objectif Divin.
La même chose s’applique aux sept Noms Divins : chacun décrit une activité divine qui va au-delà de la norme du monde, une intervention divine dans la réalité : D.ieu comme Dirigeant le monde, D.ieu comme Juge, D.ieu comme Celui qui pourvoit à nos besoins, D.ieu comme Sauveur, etc.
Mais Eh-he-yéh désigne D.ieu comme Etre, comme essence de la réalité. Ainsi Eh-he-yéh est-Il au-delà de la «sainteté». Si la sainteté est un trait de la transcendance de D.ieu, l’Etre de D.ieu dépasse la Sainteté elle-même, décrivant une dimension de la réalité divine qui imprègne chaque existence, tout en la transcendant, et possède un lien avec tout, et de la même manière, que cela appartienne au domaine du «saint» ou du «profane».
(Néanmoins, Eh-he-yéh est un nom, ce qui signifie que c’est quand même un mode de comportement de D.ieu. Le phénomène de l’ «existence» lui-même fait partie de la création de D.ieu et il est certain que D.ieu ne peut être défini par quelque chose qu’Il a créé. En dernier ressort, D.ieu ne peut être défini par «Etre» ou «Existence» que dans la mesure où nous parlons de Lui comme «Celui qui pourvoit à nos besoins» ou comme «Dirigeant du monde». Ce sont simplement des «noms» qui décrivent non Son Essence mais une certaine perception. Il nous permet de L’appréhender en affectant d’une certaine manière notre réalité).

La réponse
C’est là la réponse à l’exclamation du peuple : «Quel est Son nom ?».
Dis aux Enfants d’Israël, répondit D.ieu à Moché, que Mon nom est Hé-he-yéh. Où étais-Je durant toutes ces années ? Avec vous. Je suis l’Etre ou l’Existence. Je suis la réalité. Je suis dans le gémissement de l’esclave battu, dans les pleurs de la mère endeuillée, dans le sang versé d’un enfant assassiné. Certaines choses doivent être, quelque douloureuses et incompréhensibles qu’elles puissent apparaître pour vos personnalités humaines, afin que se produisent des faits extraordinaires et heureux. Mais Je n’orchestre pas ces événements depuis des Cieux distants, «saints» et séparés de votre souffrance existentielle. Je suis là, avec vous, souffrant avec vous, priant avec vous pour la Rédemption.
Si vous ne pouvez Me voir, ce n’est par parce que Je suis impalpable, éloigné, retiré mais c’est parce que Je suis complètement dans votre réalité.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que Chabbat Mevare’him ?

La Torah ordonne au Tribunal rabbinique de fixer Roch ‘Hodech (le début du nouveau mois) selon l’apparition de la nouvelle lune attestée par des témoins. Le président de ce tribunal déclarait : «Il (le nouveau mois) est sanctifié !» et tout le peuple répétait : «Sanctifié, sanctifié !» Des malfaiteurs obligèrent le tribunal rabbinique à ne plus accorder de confiance aux témoignages oculaires et Hillel l’Ancien prépara un calendrier perpétuel basé sur les observations et les calculs des astronomes ainsi que les impératifs de la vie juive (en fonction surtout des fêtes qui ne doivent pas tomber à certaines dates). On prit alors l’habitude d’annoncer le début du prochain mois le Chabbat précédent car alors les Juifs se rassemblent dans les synagogues.
Cette annonce se fait debout de la même façon que cela se passait dans le Temple. C’est le Rav de la communauté qui procède à cette annonce après la lecture dans le Séfer Torah alors qu’il tient encore le Séfer Torah dans ses bras.
On fait précéder cette annonce d’une courte prière (d’où le mot Mevare’him : on bénit le nouveau mois) pour que ce mois soit rempli de bénédictions, de miracles et de joies pour tout le peuple juif, où qu’il se trouve.
Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn (1880-1950) avait institué que ce Chabbat, on se lève plus tôt et on se réunisse dans les synagogues pour réciter avant la prière tout le livre de Tehilim (Psaumes) : «Cette conduite est très recommandable et apporte une abondance de bénédictions et de réussite, dans les domaines matériels et spirituels».
La coutume des ‘Hassidim est de se réunir après la prière pour une réunion joyeuse afin de se renforcer mutuellement dans les bonnes décisions dans une réelle ambiance d’Ahavat Israël (amour du prochain).

F. L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)
De Recit de la Semaine
Une vente bien sympathique

C’était un vendredi matin ensoleillé de février à Monsey et un ami m’avait invité à assister à une «vente sur place». Je n’avais jamais fréquenté ce genre de vente auparavant mais, par curiosité, je décidai de l’accompagner.
C’était un petit pavillon, des gens entraient et sortaient, demandaient le prix de chaque objet : un dollar pour ceci, un dollar et demi pour cela… La propriétaire était une vieille dame qui déménageait pour se rapprocher de ses enfants ; ceux-ci surveillaient l’évolution de la vente. Plus de cinquante ans de souvenirs d’une brave dame mais nul ne se montrait trop sentimental et tout se passait dans la bonne humeur. Dans la salle à manger, trônait un plateau de Séder en céramique ainsi que deux chandeliers en airain. Je n’y prêtais pas vraiment attention et trouvais finalement de petites choses à acheter pour un prix ridicule. Quand je sortis, la vieille dame me souhaita Chabbat Chalom. Je répondis de la même manière.
Mais sur le chemin de retour, l’image des chandeliers ne me quitta pas. «Mais où avais-je la tête ? J’ai tout raté !» me dis-je.
Il était près de midi, l’heure de prendre les enfants à l’école. Je m’arrêtai à la boulangerie et achetai deux petites ‘Hallot toutes fraîches. Je pris les enfants à la sortie de l’école et leur expliquai le plan que j’avais en tête. A la maison, je pris deux bougies avec les godets en verre correspondants ainsi qu’un exemplaire de mon livre : «Mon compagnon de la table de Chabbat». Nous retournâmes vers le pavillon où se déroulait la vente, en espérant que les bougeoirs n’avaient pas été achetés entre-temps. Tout comme les enfants, j’étais curieux de voir si mon plan fonctionnerait.
Ouf ! Les bougeoirs étaient encore là ! Je demandai à la vieille dame leur prix : «Huit dollars les deux !» répondit son fils. «D’accord !» Et je sortis les billets de mon porte monnaie. Elle me tendit les bougeoirs, je la regardai droit dans les yeux tandis que les enfants observaient chacun de mes mouvements :
- Savez-vous pourquoi j’ai refait toute cette route ?
- Non !
- Je suis revenu avec mes enfants pour les acheter afin de vous les offrir en cadeau. Je veux que ces bougeoirs restent dans votre salon et continuent d’illuminer votre foyer tous les vendredis soirs ! (Elle en avait les larmes aux yeux… Ma fille Hindy lui tendit les bougies et les godets en verre. Moché lui offrit les ‘Hallot. ‘Hanna lui offrit mon livre de chants de Chabbat).
Son fils arriva pour voir ce qui se passait. Sa fille aussi. Elle leur raconta ce que j’avais fait. Tous trois s’embrassèrent en pleurant. Même les étrangers qui cherchaient encore la bonne occasion s’arrêtèrent avec stupéfaction comme s’ils avaient été touchés par ce déversement de lumière divine provenant d’âmes juives ramenées à leur identité.
Finalement, la vieille dame nous apprit que son prénom juif était Tsipora, qu’elle avait fréquenté un Talmud Torah dans sa jeunesse mais rien de plus, qu’elle se souvenait un peu des bénédictions…
Puis son fils déclara : «Puisque vous avez offert un cadeau à Maman, nous aussi, nous voulons vous offrir un cadeau : je vous en prie, reprenez les huit dollars ! Ce que vous nous avez donné aujourd’hui vaut bien plus que huit dollars !»
Je déclinai poliment et demandai au contraire qu’ils partagent avec ma famille le mérite de l’allumage des bougies de Chabbat et Yom Tov.
- D’accord ! répliqua-t-il, tandis que sa mère et sa sœur hochaient la tête en signe d’acceptation.
Nous sommes repartis comme nous étions venus mais cette fois, nous flottions sur des nuages spirituels. Notre plan avait réussi, des âmes juives avaient été réunifiées avec leur source et ce sentiment nous accompagna tout au long de nos préparatifs de Chabbat. Mais surtout, j’étais heureux que mes enfants aient pu prendre part à cette unique transaction. J’espère que cette expérience leur a enseigné comment utiliser chaque opportunité, même quand rien n’est évident à première vue.

Zalman Goldstein – www.chabad.org
Traduit par Feiga Lubecki