Le verset Vayéra 18, 2 dit : « Il leva les yeux, il vit et voici que trois hommes se tenaient devant lui, il vit et il courut à leur rencontre ». La Parchat Vayéra est introduite par le récit que fait la Torah de la révélation de D.ieu à notre père Avraham, alors qu'il était assis à la porte de sa tente(1) et des trois invités qui vinrent le voir(2).

Rachi, se basant sur les Midrashim(3) de nos Sages, expliquent que c'était le troisième jour après sa circoncision(4) et : D.ieu avait fait sortir le soleil de son écrin, afin de ne pas l'importuner par des invités ». Mais, Avraham fut très peiné de ne pas avoir d'invités et le Saint béni soit-II lui envoya donc trois anges qui avaient pris forme humaine.

La Torah relate qu'Avraham, voyant ces trois hommes, courut à leur rencontre, « s'excusant » auprès de D.ieu de devoir L'abandonner(5) pour recevoir ses invités. Nos Sages, en déduisent(6) que : « recevoir des invités est plus important qu'accueillir la Présence divine ».

On peut, à ce sujet, poser une question très simple. En réalité, ces invités n'étaient pas des hommes, mais des anges, qui n'ont pas besoin de manger, de boire ou de dormir. En l'occurrence, les anges firent uniquement comme s'ils mangeaient(7). Ils n'ont pas réellement consommé tout ce qu'Avraham avait préparé pour eux.

Cela revient à dire que notre père Avraham a abandonné le Saint béni soit-II sans aucune raison valable, car seule une véritable réception d'invités : « est plus importante que l'accueil de la Présence divine », alors qu'en l'occurrence, il n'y avait pas un réel besoin de recevoir ces invitée(8) !

Il est difficile d'admettre l'explication selon laquelle Avraham ne savait pas qu'ils étaient des anges et qu'il agissait donc par inadvertance(9). En effet, il est fait référence, en l'occurrence, à notre père Avraham. Or, s'il est dit, de chaque Tsaddik, que : « rien de fâcheux ne peut survenir au Tsaddik »(10), combien plus en est-il ainsi pour les trois Patriarches, desquels il est dit : « ils sont comme une charrette »(11), à l'image du Char céleste.

Nous le comprendrons après avoir défini la différence fondamentale qui existe entre les Mitsvot accomplies par les Patriarches et celles qui sont ultérieures au don de la Torah. Ainsi, lorsque l'on fabrique, à l'heure actuelle, avec du parchemin, une Mezouza, ou bien des Tefillin, on fait de ce parchemin un objet de sainteté(12). De même, lorsque l'on présente un aliment ou une boisson à un invité, pour accomplir la Mitsva de l'hospitalité, on révèle la sainteté, au sein de cette nourriture.

A l'inverse, les Mitsvot des Patriarches(13) n'avaient pas le pouvoir de transformer l'existence matérielle et de la transformer pour l'intégrer au domaine de la sainteté. Leurs Mitsvot restaient des accomplissements spirituels, des valeurs moralee(14). Pourtant les Patriarches liaient aussi leurs Mitsvot à des gestes physiques(15), mais il en était ainsi uniquement pour que : « les actes des Pères » soient : « une indication pour les fils »(16), afin de nous insuffler la force d'accomplir les Mitsvot, après le don de la Torah. Il en résulte que les Mitsvot des Patriarches ne sanctifièrent pas ce monde matériel et grossier. Elles n'avaient pas le pouvoir d'intégrer la matérialité à la sainteté.

Ce qui vient d'être exposé nous permettra de comprendre que les Patriarches aient accordé la plus grande importance à la dimension spirituelle, non pas à sa conséquence, pour l'action matérielle, alors qu'à l'opposé de cela, nous accordons nous-mêmes la place essentielle à la conséquence matérielle et à l'action, au sein de ce monde(17).

Ainsi, après le don de la Torah, un Juif qui aurait toutes les pensées que l'on doit avoir, quand on met les Tefillin, mais qui porterait celles qui ne sont pas valables, parce qu'une seule lettre en est effacée, n'aurait pas accompli la Mitsva. Chez les Patriarches, à l'inverse, la situation était opposée et l'accent était mis sur la spiritualité, sur l'aspect moral, sur l'intention qui anime l'hommen(18).

En d'autres termes, dans l'optique des Patriarches, celui qui a toutes les pensées que l'on doit avoir, quand on met les Tefillin(19), peut effectivement, de cette façon, accomplir la Mitsva à la perfection, malgré qu'elle n'ait aucun impact sur le monde matériel.

Cette interprétation nous permettra d'établir que l'hospitalité d'Avraham était irréprochable(20) Certes, ses invités étaient des anges, non pas des hommes, mais, à son époque, cette différence importait peu, car l'essentiel était alors l'intention et le sentiment de l'homme qui accomplit les Mitsvot, non pas cette pratique proprement dite en tant qu'acte matériel.

Avraham fit ce qu'il fallait quand il abandonna le Saint béni soit-Il, car son hospitalité fut alors parfaite et irréprochable. Il ne ménagea aucun effort, en tout ce qui était en son pouvoir. Son sentiment et ses préparatifs étaient parfaits. Cependant, après le don de la Torah, l'accent est mis sur l'aspect concret et, de ce fait, celui-ci est, de nos jours, plus important que l'intention et le sentiment, même si la ferveur de la Mitsva est fondamentale(21) et qu'il est nécessaire d'aimer D.ieu et de Le craindre pour que l'accomplissement soit parfait. En revanche, à l'époque d'Avraham, la manière dont il mit en pratique la Mitsva de l'hospitalité fut parfaite.

(Discours du Rabbi, Likouteï Si'hot, tome 5, page 324)

Notes :

(1) Attendant des invités, malgré sa souffrance, puisqu'il venait de pratiquer la circoncision.
(2) Qui étaient, en fait, trois anges.
(3) Dans le traité Baba Metsya 86b.
(4) On verra, à ce propos, l'extrait précédent.
(5) Alors qu'Il était venu lui rendre visite !
(6) Dans le traité Chabbat 127a.
(7) En vertu du principe selon lequel : « lorsque tu arrives dans une ville, adopte ses usages ». Il en résulte qu'Avraham n'a pas réellement accompli la Mitsva de l'hospitalité.
(8) Qui, de fait, n'en étaient pas !
(9) En pensant recevoir de véritables invités.
(10) Michlé 12, 21.
(11) Dans le Midrash Béréchit Rabba, chapitre 47, au paragraphe 6 et chapitre 82, au paragraphe 6. Tout comme une charrette est totalement soumise au cocher, incapable du moindre mouvement autonome, Patriarches étaient totalement soumis à Oieu.
(12) Qu'il possède indépendamment de toute utilisation.
(13) Avant le don de la Torah qui réalisa la jonction entre la matière et l'esprit.
(14) Sans incidence sur le monde matériel.
(15) Avraham reçut des invités, 1ts'hak creusa des puits, Yaakov tailla des bâtons, dans l'étable de Lavan.
(16) Selon le Or Ha Torah, au début de la l'archal Le'h Le'ha, d'après le commentaire du Ramban sur le verset Béréchit 12, 6 : « tout ce qui advint aux Patriarches est une indication pour les fils », qui en tirent la force de leur propre accomplissement.
(17) Ainsi, disent nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, « l'acte est essentiel ».
(18) Et, qui, à l'époque, ne pouvait pas encore trouver une résonnance matérielle.
(19) Effectivement, le Zohar, tome 1, à la page 162a, explique que notre père Yaakov mit en pratique la Mitsva des Tefillin avec ces bâtons qu'il tailla. On consultera également, à ce propos, le Torah Or, Béréchit, à la page 23c.
(20)11 accomplit pleinement la Mitsva.
(21) Au point que, disent nos Sages, « une Mitsva sans ferveur est un corps sans âme ».

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