Un jour alors qu’il était en chli’hout à Bangkok, le rabbin ‘Hezki Lifshitz se trouvait dans un taxi, pris dans un énorme embouteillage. Calculant qu’il lui faudrait moins de temps pour se rendre à pied vers sa destination, il paya la course et sortit du taxi. Alors qu’il marchait sur le trottoir, un étranger, bien habillé, l’accosta.

- Je vous demande pardon de vous arrêter ainsi dans la rue, commença l’homme, mais j’ai le sentiment que vous allez pouvoir me conseiller. Ma femme et moi venons d’Amérique et nous sommes ici pour affaires. Nous attendons incessamment la naissance d’un petit garçon. Pourriez-vous m’indiquer où je pourrais trouver ici un mohèl pour accomplir la circoncision ?

- Je suis mohèl, répliqua le rabbin Lifshitz avec un sourire, et je serai très heureux d’être de service pour vous ! 

L’homme raconta plus tard au rabbin que la veille de leur rencontre, sa femme lui avait demandé s’il avait fait quelque chose pour trouver un mohèl. Inquiète, elle s’était exclamée :

- Qu’attends-tu ? Penses-tu tomber par hasard sur un mohèl, dans les rues de Bangkok ?

Et c’est, bien sûr, ce qui était arrivé.

*  *  *

Les commentaires de la Paracha de cette semaine évoquent le fait qu’il y eut une discussion entre les deux fils d’Avraham : Ichmaël, l’ancêtre des Arabes, et Its’hak dont descendent les Juifs.

Ichmaël se vanta auprès d’Its’hak qu’il avait accompli la circoncision à l’âge de treize ans alors que lui, Its’hak, l’avait faite à huit jours.

Ichmaël soulignait ainsi ses qualités supérieures. En effet, il avait été consentant pour pratiquer la circoncision à un âge plus avancé et il avait été conscient de ce qu’il faisait. Malgré la douleur encourue, il avait pris la décision consciente d’accomplir la volonté de D.ieu. Its’hak, arguait Ichmaël, n’avait jamais fait un tel choix. Il avait été circoncis alors qu’il était un nourrisson, ne réalisant pas ce qu’il lui arrivait.

Apparemment, l’argumentation d’Ichmaël se tient. Cependant, la Torah nous enjoint de circoncire nos enfants à l’âge le plus tendre. Pourquoi ?

La circoncision représente une alliance avec D.ieu, un signe physique de notre attachement à Lui. Pourquoi l’enfant est-il forcé d’être un partenaire passif de cet acte ? Pourquoi ne pas attendre qu’il soit plus âgé et que cet acte devienne une affirmation, en toute conscience, de l’accomplissement de la Volonté divine ?

Ce point reflète toutefois une distinction fondamentale entre la manière dont un Juif établit sa relation avec D.ieu et celle de l’humanité en général. Demandez à un passant s’il veut faire quelque chose pour D.ieu. Il acceptera pourvu, bien sûr, qu’il comprenne que D.ieu existe et qu’il sache ce que D.ieu attend de lui. Rien de mal à cela, c’est normal et naturel.

Mais la relation qui unit un Juif à D.ieu se situe au-delà du normal et du naturel. Cette différence se reflète dans la description que donnent nos Sages du Don de la Torah. Ils relatent qu’avant que D.ieu ne donne la Torah aux Juifs, Il la proposa à un certain nombre d’autres nations. Mais avant de l’accepter, chacune d’entre elles demanda : «Qu’y est-il écrit ?». Et quand la réponse leur indiqua que l’un de ses commandements ou un autre allaient à l’encontre de leur mode de vie, elles en déclinèrent gracieusement l’offre.

Quand D.ieu offrit la Torah au Peuple Juif, ils répondirent : naassé venichma, «nous ferons et nous écouterons (comprendrons)», donnant ainsi à D.ieu la promesse d’en accomplir les commandements avant même qu’ils ne sachent en quoi ils consistaient. L’accent n’est pas tant placé sur le fait qu’ils avaient confiance que, quoi que D.ieu leur dirait, ce serait en leur faveur, mais plutôt sur le fait qu’ils s’engagèrent aveuglément, promettant d’accomplir Sa volonté parce qu’Il est D.ieu, quelles que soient Ses exigences.

Il en va de même en ce qui concerne l’établissement d’une alliance avec D.ieu par le biais de la circoncision. L’approche de l’homme ordinaire est d’attendre jusqu’à ce qu’il comprenne. Et quand cet acte revêt tout son sens, il s’engage. Mais un Juif prend son engagement en faisant abstraction de toute connaissance, indépendamment de toute compréhension intellectuelle.

L’exemple ultime nous en est donné par l’enfant circoncis à huit jours. Il est conduit par ses parents dans cette alliance avec D.ieu, sans même réaliser ce qui lui arrive. Néanmoins, c’est cette alliance qui nourrit sa relation avec D.ieu, tout au long de sa vie.

Perspectives

Le nombre «huit» est significatif dans la numérologie de la Torah. «Sept» reflète l’ordre naturel et «huit» l’infinitude de D.ieu qui transcende la nature. Il est, toutefois, mis l’accent sur le fait que «huit» est «sept plus un», c’est-à-dire que l’unité transcendante de D.ieu imprègne les sept qualités de l’ordre naturel. Car le concept juif de la transcendance n’est pas celui de quelque chose d’un autre monde qui oublierait notre existence matérielle. Il s’agit plutôt de fusionner «un» avec «sept», de voir la transcendance de D.ieu se refléter dans chaque dimension de notre existence matérielle.

Ce concept concerne la venue de Machia’h car le mot hébreu pour «Rédemption», guéoula, comporte les mêmes lettres, en hébreu, que le mot «exil», golah, à l’exception d’une seule lettre : le aleph (dont la valeur numérique est «un»), représentant l’infini de D.ieu dans le monde, pour la Rédemption. Car l’idée de la Rédemption ne consiste pas à annuler le monde comme il aurait existé auparavant mais à y faire pénétrer l’infini de D.ieu.

Cela est également signifié par le fait que la harpe qui sera utilisée dans le Temple, à l’ère messianique, possèdera huit cordes.

Aux périodes antérieures, la harpe du Temple ne comptait que sept cordes car le monde n’avait pas encore dépassé les limites de la nature. A l’ère de Machia’h, cependant, ces restrictions seront surmontées et se révélera alors la transcendance de D.ieu.