En 1984, nous étions un jeune couple idéaliste et nous attendions notre second enfant. Comme de coutume, nous avions écrit au Rabbi pour lui annoncer la bonne nouvelle et lui demander sa bénédiction pour que tout se passe bien. 
Le temps passa mais nous ne recevions pas de réponse. Je continuai d’écrire chaque mois au Rabbi mais, pour une raison mystérieuse, le Rabbi ne répondait pas, ce qui nous inquiétait car pour notre premier bébé, le Rabbi avait envoyé sa bénédiction habituelle. Ceci me rendait nerveuse et je m’enhardis : j’écrivis au Rabbi que je ne me sentais pas prête à donner naissance à ce bébé s’il ne m’envoyait pas sa bénédiction ! Quelques jours avant l’accouchement, je reçus enfin une réponse du Rabbi ! J’étais soulagée, la lettre était celle normalement envoyée par le Rabbi dans pareille circonstance mais un détail nous intrigua : à la fin de la lettre, le Rabbi ajoutait : «Veillez à la cacherout de la nourriture et de la boisson !»
Nous étions atterrés. Il faut préciser que, tous les deux, nous sommes issus de familles ‘hassidiques habituées à respecter toutes les ‘Houmrot, tous les embellissements, toutes les exigences les plus recherchées dans un foyer ‘hassidique. Notre cuisine avait été conçue selon les critères les plus pointus dans ce domaine, nous habitions dans un quartier où tous les produits alimentaires étaient supervisés par des Rabbanim connus pour leur strict respect des lois et des surveillants rituels étaient chargés d’inspecter régulièrement les magasins alentour. Comment cette note du Rabbi pouvait-elle s’appliquer à nous ? Nous étions absolument bouleversés. Nous avons revu tout ce qui se passait dans notre cuisine mais sans résultat. Chaque ‘Hassid sait que, si le Rabbi écrit quelque chose, c’est qu’il faut en tenir compte. Nous avons discuté avec Rav Moché Yehouda Leib Landau, le Rav de Bné Brak, spécialisé dans tous les domaines de la cacherout. Il nous recommanda de ne plus utiliser un certain produit laitier et nous avons accepté avec joie pour résoudre ce problème. Nous étions sûrs que, maintenant, nous nous étions conformés au conseil du Rabbi : je donnai naissance à un beau bébé et tout allait bien. 
Pour la troisième grossesse, j’écrivis à nouveau au Rabbi et attendis une réponse – cette fois-ci sans post-scriptum ! Mais comment décrire notre amertume quand nous reçûmes une nouvelle lettre du Rabbi avec une bénédiction certes mais encore une fois la petite note en bas de page !
Que pouvions-nous faire de plus ? Le fait que nous n’utilisions plus cette marque particulière de produits laitiers nous compliquait la vie, les gens autour de nous ne comprenaient pas que nous privions notre bébé de ce lait spécialement conçu pour les nourrissons allergiques : j’en étais réduite à concasser moi-même des amandes pour pallier à ses problèmes alimentaires et ceci me causait un travail supplémentaire considérable. Mais le résultat ? Que se passait-il dans notre cuisine qui ne satisfaisait toujours pas le Rabbi ? 
Nous avons discuté de notre problème avec d’autres ‘Hassidim et quelqu’un nous conseilla d’en parler avec Reb Zushe Wilamovsky, celui qu’on appelait «le Partisan» pour ses faits d’armes pendant la guerre. Mon mari alla en discuter avec lui et il raconta qu’un autre couple très pratiquant avait reçu la même réponse que nous des années auparavant et qu’eux aussi n’avaient pas compris où se situait la faille. Ils avaient alors réalisé que la dame était une descendante du saint Rabbi Chalo qui avait demandé dans son testament que ses descendants mâles ne consomment pas de viande de dinde. Son père et ses frères étaient scrupuleux à ce sujet et la dame avait alors décidé à la suite de cette lettre du Rabbi de se conformer elle aussi à cette injonction. 
Mais ceci ne pouvait pas s’appliquer dans notre cas puisque ni l’un ni l’autre, nous n’étions des descendants du saint Chalo. 
Rav Landau nous suggéra alors de veiller à nous laver les mains rituellement même après une courte sieste durant la journée, ce qui rendrait la nourriture que nous touchions par la suite plus pure. Bien entendu, nous avons accepté mais le problème demeurait : dans sa lettre suivante, le Rabbi répétait sa requête ! 
Ce n’était plus une vie ! Nous nous abstenions de manger chez les autres ou même à des mariages ou des réceptions, nous nous imposions toutes sortes de difficultés et la réponse restait la même ! Nous étions immensément déçus !
Ma belle-sœur se fiança et je m’occupais de lui acheter tout ce dont elle avait besoin dans sa cuisine afin qu’elle dispose de l’équipement électro-ménager le plus en pointe. Je choisis les meilleurs articles selon ce qui était disponible en Israël à cette époque. Elle vérifia tout ce que je lui apportais et, quand elle vit le tamis à farine, elle s’indigna : «Qu’est-ce que c’est ?» Je craignis que cela ne soit pas assorti au reste de sa vaisselle mais, à mon avis, ce n’était vraiment pas très grave…
- Pourquoi n’as-tu pas acheté un tamis avec de la soie ?
- De la soie ? répondis-je de la manière juive la plus typique, avec une autre question.
- On voit que tu n’es pas à la page ! Tu ne sais donc pas que pour tamiser la farine, il existe maintenant des tamis bien plus fins – avec de la soie – que celui que tu m’as acheté !
En entendant cela, je décidai bien évidemment d’acheter un tel tamis avec de la soie pour moi aussi. La même semaine, je reçus une lettre du Rabbi. Nous l’avons ouverte avec appréhension mais, à notre grande joie, cette fois-ci, c’était la lettre habituelle de bénédiction pour un accouchement facile et en son temps. Je ne peux pas vous décrire notre soulagement !

Quand vous recevez une réponse du Rabbi, sachez qu’elle vous est spécialement destinée, que ce n’est pas une réponse toute faite car le Rabbi sait exactement ce que vous avez besoin de corriger pour que sa bénédiction puisse vous parvenir. C’est à nous d’être fiers du privilège qui nous est ainsi accordé. 

P. Zarchi
traduit par Feiga Lubecki

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