Avant ma première visite au Rabbi en 1966, je n’avais eu aucun contact avec lui. A cette époque, je rencontrai d’énormes difficultés dans mes affaires à la suite du décès tragique de mon partenaire. J’avais beaucoup entendu parler du Rabbi et, quand un de mes amis me suggéra de le consulter, je sautai sur l’occasion.

Je vivais et travaillais comme comptable à Londres et je pris l’avion pour New York avec Rav Faivish Vogel à qui je demandais, angoissé : «Comment vais-je expliquer mes problèmes en affaires au Rabbi ? C’est vraiment un cas très complexe !». Il suggéra de tout écrire, ce que je fis : près de trente pages ! Rétrospectivement, je m’en veux d’avoir «forcé» le Rabbi à lire une lettre aussi longue mais puisque Rav Vogel m’avait dit…

Quand j’entrai dans le bureau – à deux heures du matin comme c’était souvent le cas – je tendis les feuillets au Rabbi qui se mit à lire. Cela prit du temps et je me demandais : «Pourquoi fais-je perdre du temps au Rabbi ? Ce n’est pas possible qu’il comprenne toutes les subtilités des affaires, c’est bien trop compliqué !».

J’étais encore plus nerveux du fait que le Rabbi ne me posait pas de questions, il continuait à lire.

Quand il finit la lecture, il me posa une question qui touchait directement au cœur de mon travail : «En Angleterre, quand une société est inscrite à la Bourse, comment est-elle évaluée ?»

J’expliquai le système anglais et le Rabbi remarqua : «Ce n’est pas la façon dont les affaires se passent ici en Amérique…» et il m’expliqua comment cela se passait à la Bourse de New York. Puis il me posa une autre question et encore une autre. Je commençai à réaliser que le Rabbi avait senti mes doutes et qu’en me posant ces questions – et en me donnant les réponses - il me montrait en fait qu’il comprenait très bien le monde des affaires en général et mon problème en particulier.

Puis il me demanda : «Connaissez-vous la différence entre Émouna et Bita’hone ?». Non, je ne la connaissais pas.

- Voilà. Les gens croient que Bita’hone (confiance en D.ieu) est une forme plus haute de Émouna, (foi en D.ieu). Mais ce n’est pas ainsi. Bita’hone, c’est une toute autre façon de considérer D.ieu. Quand on a un problème et qu’on a Émouna, alors on croit que D.ieu va nous aider à résoudre le problème. Mais si on a Bita’hone, on ne voit pas du tout que c’est un problème car on comprend que D.ieu n’envoie pas des problèmes, seulement des défis à relever ! 

Puis le Rabbi me donna des conseils pratiques comment m’occuper de ce qui me causait du souci, comment gérer la situation. Ses conseils furent très précieux pour moi, bien plus efficaces que ceux que j’avais été obligé de payer très chers auprès de consultants spécialisés.

Puis il ajouta : «Vous devriez réciter des Tehilim (Psaumes). Si les gens réalisaient ce que les Tehilim peuvent apporter à celui qui les lit, ils liraient des Tehilim continuellement ! Aussi… je pense que vous devriez faire vérifier vos Téfilines !».

Je protestai :

- Mais j’ai de très bons Téfilines !

- Je pense que vous devriez tout de même les faire vérifier, sourit le Rabbi.

Après la prière du matin, je me rendis avec Rav Vogel chez un Sofer (scribe) qualifié qui ouvrit mes Téfilines, les vérifia à la loupe et déclara : «L’écriture des parchemins est très belle, les boîtiers sont en très bon état. Mais… les parchemins ont été placés dans le mauvais ordre !».

J’étais horrifié et, en même temps, je me suis demandé : «Comment le Rabbi savait-il ?». Éternelle question !

Si déjà on parle de Téfilines, je voudrais raconter une autre histoire qui m’est arrivée dix ans environ après cela et qui m’a enseigné une leçon très importante : je traitais des affaires à Detroit et j’y rencontrai un homme qui me posa toutes sortes de questions sur les Téfilines : pourquoi doivent-ils être noirs ? Pourquoi les boîtiers sont-ils carrés et pas ronds etc. Je répondis aussi bien que je pouvais puis lui demandai s’il mettait les Téfilines ; il répondit que non mais, si je considérais que c’était important, je devrais les lui mettre le lendemain à 6 heures 30 du matin, à la boulangerie où il travaillait. Ce fut très dur, j’étais très fatigué mais je tins parole : le lendemain, j’apportais les Téfilines très tôt à la boulangerie et, entre les sacs de farine, il les mit lui-même ; il connaissait parfaitement la bénédiction et récita par cœur le Chema Israël. Étonné, je lui demandai pourquoi il ne les mettait pas régulièrement. Il répondit qu’il n’en avait pas et que c’était trop cher : si on lui en offrait, il accepterait de les mettre chaque jour. Je promis de lui en apporter la prochaine fois que je serais à Detroit, dans six semaines à peu près.

Cette nuit-là, je pris l’avion pour New York et écrivis au Rabbi cette histoire. Le Rabbi répondit immédiatement : «Estimez-vous qu’il soit juste qu’un Juif qui a mis les Téfilines pour la première fois depuis vingt ans doive attendre encore six semaines ? Achetez-lui une paire aujourd’hui et trouvez un moyen de les lui faire parvenir le plus tôt possible !». J’admis la suggestion, achetai (à crédit) une paire de Téfilines et trouvai une compagnie d’aviation qui accepta de les transmettre à Détroit où quelqu’un se chargea de les faire parvenir au boulanger. Je fis part au Rabbi de la réussite de cette entreprise et il en fut très satisfait.

Six semaines plus tard, je revis le boulanger qui m’assura : «Je les mets régulièrement maintenant. Il arriva même un jour que je fus pris dans un embouteillage et je préférai garer ma voiture n’importe où pour me rendre à pied chez moi et arriver à l’heure pour pouvoir les mettre avant le coucher du soleil. Je devais les mettre parce que cela avait une si grande importance pour vous !». Ses mots faisaient écho à ce que m’avait dit le Rabbi : «Quand ce Juif remarquera combien il est important pour vous qu’il mette les Téfilines chaque jour, cette Mitsva aura une importance particulière à ses yeux !».

Bentzion Rader – JEM

Traduit par Feiga Lubecki