Samedi, 22 février 2020

  • Michpatim
Editorial

 Histoire d’héroïnes

Cette semaine, c’est une histoire d’héroïnes qui nous est contée. Elle nous parle de femmes juives qui, par centaines, ont choisi de donner à leur vie un but et un sens plutôt que la facilité d’un certain confort matériel et moral. Elles portent un titre flamboyant : les «Chlou’hot». Ce sont les déléguées loubavitch partout dans le monde et elles se réunissent en congrès à New York. C’est bien d’héroïnes qu’il s’agit et elles sont, pour toutes et tous, un exemple. Elles font plus qu’ouvrir une voie, elles l’éclairent. Imaginons-les un instant. Elles sont de dignes épouses, des mères attentives, des maîtresses de maison accomplies mais aussi des professeurs, des directrices, des animatrices, des chargées de cours pour d’autres femmes juives et peut-être surtout des inspiratrices pour celles qu’elles côtoient. Elles sont, au plein sens du terme, des Chlou’hot et, au côté de leur mari, partout où sont installées des communautés juives, elles ont entrepris de changer le monde. Dans les grandes villes de la planète comme dans les régions reculées, là où le judaïsme est présent de longue date comme dans les pays où il déclenche la curiosité des passants, leur entreprise est en marche. A ce titre seul, leur congrès est un événement.

Traditionnellement fixé par ses organisatrices à proximité du 22 Chevat, jour-anniversaire du décès de la Rabbanite ‘Haya Mouchka Schneerson, la femme du Rabbi de Loubavitch, ce congrès est porteur du message lié à cette date. On sait que la Rabbanite eut à cœur de se préoccuper constamment de la vie de ces jeunes couples qui, loin de toute structure communautaire, choisissent de bâtir un nouvel avenir pour le peuple juif où qu’il se trouve : les délégués du Rabbi. La Rabbanite elle-même connut cette vie de don de soi. Elle sut être le soutien de son père, le précédent Rabbi de Loubavitch, puis de son mari. Les Chlou’hot sont les continuatrices de son œuvre.

Peut-être est-ce justement là que se trouve leur secret. Lorsqu’on s’interroge où de jeunes femmes peuvent trouver une telle force d’âme, quand on se demande comment elles peuvent concilier des nécessités aussi difficilement compatibles que le souci constant du foyer et l’action communautaire incessante, c’est le nom de la Rabbanite qui vient spontanément en tête. Décidément tout est possible à qui veut prendre sa part de la tâche éternelle du peuple juif. Tout est possible à celui qui, prenant force et appui dans les enseignements du Rabbi, choisit de leur donner expression concrète. Tout est possible ? Le congrès des Chlou’hot en est l’affirmation et la preuve.

Etincelles de Machiah

 « Splendeur et magnificence »

A propos du verset (Psaumes 21:6) « Tu lui as prodigué splendeur et magnificence », le Alchei’h explique que le monde a été créé avec « splendeur et magnificence » comme il est écrit (Psaumes 104:1) : « Tu t’es vêtu de splendeur et de magnificence ». Mais cela disparut après la faute de l’arbre de la connaissance du bien et du mal et, quand le Machia’h viendra, « la splendeur et la magnificence » reviendront.

Il faut ajouter : « la splendeur » représente l’essence de la Lumière Divine, « la magnificence » représente sa révélation.

(D’après Or Hatorah Na’h II p.971)

Vivre avec la Paracha

 Michpatim

A la suite de la révélation sinaïtique, D.ieu légifère une série de lois pour le Peuple juif. Elles incluent les lois concernant le serviteur contractuel, les compensations en cas de meurtre, d’enlèvement, d’assaut et de vol, les lois civiles pour rembourser les dommages, les prêts et les responsabilités des « quatre gardiens », enfin les lois dirigeant la conduite des cours de justice.

On y lit également les lois interdisant les mauvais traitements à l’égard des étrangers, l’observance des fêtes saisonnières, les dons agricoles à apporter au Saint Temple de Jérusalem, l’interdiction de cuire ensemble le lait et la viande et la Mitsva de la prière. La Parchat Michpatim comporte en tout 53 mitsvot : 23 commandements positifs et 30 commandements négatifs.

D.ieu promet de conduire le Peuple d’Israël en Terre Sainte et le met en garde contre les pratiques païennes de ses habitants.

Le Peuple d’Israël proclame « Nous ferons et nous entendrons tout ce que D.ieu nous a ordonné ». Laissant Aharon et ‘Hour en charge du camp israélite, Moché monte sur le Mont Sinaï pour recevoir la Torah de D.ieu et y reste quarante jours et quarante nuits.

La troisième couronne

« [Moché] prit le livre de l’alliance et le lut aux oreilles du peuple. Et ils dirent : « Tout ce que D.ieu a exprimé, nous le ferons et nous l’entendrons. » (Chemot 24 :7)

Ces versets sont la preuve que notre alliance avec D.ieu n’implique pas seulement de « faire » la Volonté divine mais également de l’ « entendre » et de s’y identifier.

En d’autres termes, nous ne servons pas seulement D.ieu par nos actions mais aussi avec notre esprit et notre cœur, en étudiant Sa sagesse et en parvenant à l’amour et à la crainte de Sa vérité.

Et pourtant nos Sages soulignent que le peuple dit « nous ferons » avant « nous entendrons ». Cela signifie que notre observance des Commandements divins ne dépend pas de notre compréhension. D’abord vient l’engagement absolu de faire ce que D.ieu nous enjoint de faire. Et ce n’est qu’après cet engagement que nous sommes également appelés à « entendre » et à comprendre.

Les dons des anges

Un très beau passage talmudique illustre la valeur que D.ieu accorde à cette déclaration du peuple.

Au moment où le peuple d’Israël déclara : « Nous ferons » avant « nous comprendrons », six cent mille anges vinrent, un pour chacun d’entre vous, qui plaça deux couronnes sur chaque tête : une pour « nous ferons » et une pour « nous entendrons ».

Un examen attentif de la formulation du texte révèle une inconsistance apparente. Ses mots d’ouverture impliquent que les dons apportés par les anges n’étaient pas une récompense aux déclarations « nous ferons » et « nous entendrons » elles-mêmes mais pour le fait qu’ils avaient placé « nous ferons » avant « nous entendrons ».

Mais s’il en est ainsi, comment se fait-il qu’ils reçurent deux couronnes, « une pour nous ferons et une pour nous entendrons » ?

Les maîtres de la ‘Hassidout expliquent : donner la préséance à « nous ferons » sur « nous entendrons » n’est pas simplement une vertu en soi, impliquant un engagement inconditionnel à la Volonté divine. Mais cela suscite également un effet durable et profond sur le « faire » et l’ « entendre » eux-mêmes, les élevant à un niveau d’accomplissement et de compréhension tout à fait différent.

Quand notre accomplissement de la Mitsva s’appuie sur la compréhension de sa signification, l’action se confine aux limites de notre esprit et de notre cœur. De plus, chaque Mitsva possède ses propres limites et ses conditions. Certaines Mitsvot sont plus compréhensibles, d’autres le sont beaucoup moins, voire pas du tout. Certaines réveillent nos émotions, d’autres le font moins. La Mitsva se trouve donc réduite (du moins dans l’expérience de celui qui l’observe) à un acte humain, sujet aux limites et aux fluctuations de la condition humaine.

Mais quand nous mettons « nous ferons » avant « nous entendrons », cela signifie : « j’accomplis la Volonté divine, non dans mes termes mais dans les termes de D.ieu. Je le fais non parce que je le comprends et dans la mesure de ce que je comprends mais parce que D.ieu me l’a ordonné. »

Ainsi, notre acte se trouve-t-il élevé et passe du statut d’un acte humain limité à la dimension infinie, éternelle et inconditionnelle du Divin.

Il en va de même avec l’aspect de « nous entendrons » de notre service de D.ieu. En lui-même et par lui-même, l’effort humain pour comprendre le Divin reste précisément cela : un effort humain, limité par le champ de l’intellect humain.

Certains aspects de la Volonté divine peuvent s’y identifier mais d’autres ont beaucoup plus de difficulté à le faire. Le seul moyen pour gagner une compréhension sans limite de la Vérité divine est de vivre cette vérité, pleinement et inconditionnellement dans notre vie et nos activités quotidiennes. Ce n’est que lorsque l’on a mis « nous ferons » avant « nous entendrons » que notre « nous entendrons » parvient à une véritable compréhension du Divin.

La couronne de D.ieu

Mais si l’on s’en tient à ce qui précède, les anges auraient dû placer trois couronnes sur la tête de chaque membre du peuple. Car la dimension supérieure de l’action et de la compréhension, qui nous fit gagner nos deux couronnes, dérivait d’une troisième qualité, implicite : notre soumission inconditionnelle à la Volonté divine, exprimée par le fait que l’on ait placé l’action avant la compréhension.

On peut apporter une réponse à cette interrogation dans une parabole que nous rapporte le Midrach :

Il y avait un jour un roi pour lequel ses paysans fabriquèrent trois couronnes. Que fit le roi ? Il en prit une et la plaça sur sa propre tête et les deux autres, il les posa sur la tête de ses enfants.

Les deux couronnes apportées par les anges à chaque âme juive, l’une pour « nous ferons » et l’autre pour « nous entendrons » représentent la magnificence d’un acte fait seulement par amour de D.ieu et la profondeur de la compréhension gagnée par celui qui poursuit la sagesse dans le seul but de servir son Créateur divin.

Cependant, il existe une troisième couronne : une couronne qui est la source et la racine des deux autres, une couronne que les anges n’apportèrent pas : la couronne de notre engagement absolu pour D.ieu.

Cette couronne-là, D.ieu ne la confie à aucun ange, n’en récompense aucune âme. Au lieu de la poser sur la tête de Ses enfants, D.ieu donne une encore plus grande démonstration de Sa considération à leur égard : D.ieu la porte sur Sa propre tête.

« Voici Ma fierté et Mon honneur, dit la couronne de D.ieu. C’est ici que le fait que Je m’en couronne est équivalent au fait que vous en soyez couronnés, car c’est ici que vous et Moi ne formons qu’un. »

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que les « quatre Parachiot » ?

Nos Sages ont institué de lire, en plus de la Sidra hebdomadaire, une « Paracha » supplémentaire durant les semaines qui précèdent Pourim et Pessa’h.

  • La première s’appelle « Chekalim ». Elle rappelle la nécessité pour chacun de donner chaque année un demi-chékel pour l’entretien du Temple et l’achat des sacrifices communautaires. Cette Paracha (Chemot – Exode 30 : 11 à 16) est lue le Chabbat qui précède Roch ‘Hodech Adar (cette année le Chabbat Michpatim 22 février 2020). On sortira donc deux rouleaux de la Torah :

- un pour la Paracha de la Semaine : Michpatim (sept montées)

- un pour la Paracha Chekalim (un appelé qui lira aussi la Haftara tirée du livre des Rois (11. 17 pour les Séfaradim ou 12 : 1 à 17 pour les Achkenazim).

  • La seconde s’appelle « Za’hor » et rappelle la nécessité de se souvenir d’Amalek (Devarim - Deutéronome 25. 17 à 19). Elle est lue le Chabbat précédant Pourim, cette année le Chabbat Tetsavé 7 mars 2020. La Haftara relate le combat du roi Chaoul contre Amalek (Samuel I – 15 1 à 34).
  • La troisième s’appelle « Para » (Bamidbar – Nombres 19 : 1 à 16) et rappelle la nécessité de se purifier avant la fête de Pessa’h. Elle est lue le Chabbat Ki Tissa 14 mars 2020. La Haftara rappelle la pureté du Temple (Ezékiel 16 à 38).
  • La quatrième s’appelle « Ha’hodech » (Chemot – Exode 12 : 1 à 20) et rappelle l’importance du mois de Nissan et le sacrifice pascal. Elle est lue le Chabbat Vayakhel Pekoudé 21 mars 2020. Ce Chabbat, on sortira 2 rouleaux de la Torah : pour Chabbat et pour la Parachat Ha’hodech. On lira la Haftara dans Ezékiel de 45. 15 à 46.18.
Le Recit de la Semaine

 Le ciment

Cela se passait il y a cent ans. On commençait à construire une nouvelle ville, la ville de Ramat Gan sur la côte méditerranéenne de la Terre d’Israël. Un des entrepreneurs, Yossef, un Juif pratiquant habitant la ville de Yaffo reçut la permission de construire un ensemble de vingt immeubles, depuis les fondations jusqu’aux derniers étages.

A cette époque, le ciment était un matériau précieux et aucune usine n’en fabriquait dans le pays. Il fallait donc en importer de grandes quantités de l’étranger, sinon les ouvriers en étaient réduits au chômage.

Yossef évalua la quantité de ciment dont il avait besoin : cela représentait une très grosse somme mais il était assuré du retour sur investissement quand il vendrait ces maisons.

Le grand jour arriva et le ciment commandé arriva un vendredi, tôt le matin, au port de Yaffo – dans dix énormes containers. Avec ses ouvriers Yossef procéda au déchargement puis convoya cette quantité impressionnante de matériau jusqu’à Ramat Gan. On déposa les containers dans une cour et Yossef contempla avec satisfaction le site où allaient bientôt s’élever de belles maisons grâce à lui.

On était au printemps et tous s’accordèrent pour laisser ainsi le ciment dans la cour ; il n’y avait aucun risque de pluie en cette saison. Dès dimanche, on pourrait commencer les travaux. Yossef et ses ouvriers quittèrent les lieux pour rentrer chez eux à Yaffo et se préparer pour Chabbat.

Quelques minutes avant l’allumage des bougies de Chabbat, on frappa frénétiquement à la porte de Yossef. C’était quelques-uns de ses ouvriers :

- Yossef ! On dirait qu’il va pleuvoir ! Or nous avons laissé les containers de ciment dans la cour, sans aucune protection contre les aléas de la météo ! L’eau va gâcher tout le ciment ! Il faut faire vite !

Yossef jeta un coup d’œil vers le ciel puis sur sa montre : il était impossible d’arriver à Ramat Gan avant Chabbat !

- Dommage mais on ne peut rien faire ! C’est bientôt Chabbat !

- Où est le problème ? Nous, nous sommes prêts à y aller et à recouvrir le ciment - même pendant Chabbat ! Tu sais bien que nous, nous ne respectons pas le Chabbat !

- Je vous interdis de transgresser le Chabbat pour du ciment, pour mon ciment ! affirma Yossef d’un ton déterminé.

- Mais… Yossef…

- Il n’y a pas de « mais » ! Un Juif ne transgressera pas Chabbat pour mon bénéfice ! Quel que soit le prix !

Il souhaita Chabbat Chalom à ses ouvriers et accueillit comme il se doit la sainte journée du Chabbat : des vêtements propres, une table bien garnie, des bougies sur la nappe blanche. La nuit descendit et les sources du ciel se déversèrent sur le pays : il ne faisait aucun doute que toute la marchandise, obtenue si difficilement, était gâchée. Sa femme et ses enfants regardaient Yossef avec étonnement mais, pour lui, c’était un Chabbat normal et il se mit à prier et chanter comme si de rien n’était. Les paroles de Torah coulaient de ses lèvres et tous finirent par se détendre et oublier « le problème ». Yossef, comme à son habitude, consulta un livre puis un autre, récita de nombreux chapitres de Tehilim (Psaumes) : il se considérait comme Noa’h (Noé) dans son arche, à l’abri des soucis du monde, convaincu que son Chabbat était plus important que tout l’argent du monde.

Mais dès que Chabbat se termina et que Yossef eut procédé aux prières et à la cérémonie de la Havdala, il fut bien obligé de réfléchir à la situation. Il grimpa dans sa charrette et se dirigea vers Ramat Gan pour mesurer l’ampleur des dégâts. Les rues étaient inondées par les pluies soudaines et, même si maintenant le ciel était clair, il était évident que tout le ciment serait devenu de la bouillie dont il serait, de plus, difficile de se débarrasser.

Mais quelle ne fut pas sa surprise – et celle de ses employés – en constatant que tous les containers avaient été soigneusement recouverts avec d’épaisses planches en bois : la marchandise était sauvée !

Toute la nuit, Yossef réfléchit à ce qui avait pu se passer : ses ouvriers lui avaient-ils désobéi ? Mais ceux-ci avaient protesté de leur innocence, ils n’étaient pas retournés à Ramat Gan et n’avaient pas touché au ciment !

Finalement il apprit ce qui s’était passé : la compagnie Solel Boné travaillait dans la cour voisine. Quand la pluie avait commencé à tomber juste avant Chabbat, elle avait dépêché des ouvriers non-juifs pour recouvrir ses propres réserves de ciment. Dans l’obscurité, les employés n’avaient pas distingué entre les différentes cours et avaient tout recouvert sans distinction…

Yossef leva les yeux au ciel pour remercier le Créateur : non seulement pour avoir épargné sa marchandise mais aussi et surtout pour lui avoir donné la force de résister à l’épreuve et d’avoir pu célébrer Chabbat…

Rav Yaakov Meir Che’hter – Si’hat Hachavoua N° 1713

Traduit par Feiga Lubecki

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