Semaine 7

  • Michpatim
Editorial
Parité ?

Chaque époque a ses sujets de préoccupations sociétaux. Et ceux qu’elle choisit sont toujours révélateurs de son état de développement moral, intellectuel voire spirituel. Au fil des siècles de l’histoire des hommes et des civilisations ont ainsi émergé les aspirations à la liberté, à l’égalité sociale, à la justice etc. Parfois, les sociétés sont parvenues à mettre en place des outils de régulation qui ont véritablement changé les manières de vivre autant que les façons de considérer les choses. Parfois, les recherches légitimes de progrès et de bonheur partagés se sont trouvées dévoyées en des oppressions plus soucieuses de leur maintien que de l’amélioration du sort collectif. Notre temps n’échappe pas à cette sorte de règle d’évolution.
Lui aussi sent monter des demandes sociales qu’il tente de satisfaire avec des succès divers. L’égalité entre l’homme et la femme est de celles qui apparaissent avec une acuité croissante.
Il est clair que la situation de la femme a radicalement changé, en particulier dans la période récente. Peu à peu, toutes les fonctions lui sont devenues accessibles, malgré nombre de pesanteurs qui subsistent encore. C’est à une égalité réelle plus que théorique que chacun souhaite s’attacher aujourd’hui. La tradition juive a certes, de longtemps, donné un rôle essentiel à la femme. Loin d’être une servante attachée au foyer, elle en a toujours été le « pilier ». Dans les termes du Talmud, sa « sagesse construit la maison » et cette proposition n’est pas à prendre uniquement au sens matériel.
Au début de cette semaine s’est conclu à New York le congrès annuel des Chlou’hot. Des milliers de femmes, venues de tous les coins du monde, se sont ainsi réunies pour échanger les expériences et penser l’avenir. Il s’agit des déléguées du Rabbi de Loubavitch dans tous les lieux où il est nécessaire d’agir. Souvent bien loin des centres de la vie juive, elles sont, avec leur mari, les actrices d’un changement essentiel. L’idée mérite d’être relevée. Voici qu’elles se sont retrouvées pour un congrès qui leur appartient en propre, comme le rôle qu’elles jouent dans leur endroit de résidence respectif. Ensemble, elles ont défini les lignes à suivre. De retour chez elles, elles savent qu’il leur appartient de les mettre en œuvre. Responsables, directrices de centres, enseignantes, préoccupées de chacun, elles sont aussi mères de famille et soucieuses de leurs enfants. Comment les comprendre et les définir ? Comme une incarnation juive d’une parité éternelle.
Etincelles de Machiah
Chaque prière est un progrès

Pour la Délivrance du peuple juif, une Délivrance éternelle qui ne sera suivie d’aucun autre exil, nous devons augmenter nos prières, les premières et les dernières générations. Les prières des premières générations aideront celles des dernières générations.
Ce sera plus facile pour les dernières générations qui sont plus proches de la Délivrance finale. Leurs prières seront plus acceptées que celles des premières générations. Puisque le sujet est si important, il doit y avoir une abondance de prières, génération après génération, afin que les prières pour la Délivrance soient acceptées.
(d’après Beth Elokim LéHamabit, Porte de la prière, chap. 17) H.N.
Vivre avec la Paracha
Michpatim

Le nom de notre Paracha, Michpatim, signifie «lois». La langue hébraïque propose plusieurs mots pour «lois», globalement équivalents mais avec des nuances de sens.
Michpatim fait référence à un type de lois que l’entendement humain comprend et juge nécessaires. On peut citer par exemple : ne pas tuer ou ne pas voler. Ce sont ces lois qui constituent la majorité de celles qui sont exposées dans cette Paracha.
Un autre terme, ‘Houkim ou «statuts», évoque des lois d’un tout ordre : il s’agit de préceptes totalement incompréhensibles pour un entendement humain ordinaire. Un exemple nous en est aussi fourni dans notre Paracha : il s’agit de l’interdiction de mélanger le lait et la viande. Bien souvent dans notre histoire, ce type de lois nous a valu la dérision et a nécessité de notre part de relever des défis. De nos jours encore où prévaut la rationalité, bon nombre de Juifs ne voient pas la raison d’être de ces lois. Elles sont pourtant essentielles dans notre relation avec D.ieu.
Une troisième catégorie de lois s’intitule Edout ou «témoignages». Les lois de Pessa’h en font partie. Nous observons cette fête en commémoration du fait que D.ieu nous a sortis d’Egypte. Sans la Torah, nous n’aurions pas instauré cette loi mais désormais nous en comprenons la raison.
Il est intéressant d’observer que l’atmosphère totalement miraculeuse de la Paracha de la semaine passée, dans laquelle D.ieu s’était adressé à l’ensemble de la nation depuis le Mont Sinaï, est suivie de lois qui paraissent extrêmement «terre à terre» et concrètes. Dans la Paracha de cette semaine, on aurait pu s’attendre à une demande manifestant une relation plus intense avec D.ieu, comme celle qui s’exprime dans les lois supra rationnelles (’Houkim) ou tout au moins dans les Témoignages. Pourquoi donc l’accent est-il mis plutôt sur les lois simples régissant les relations entre l’homme et son prochain ?
La réponse réside en ce que ce fait lui-même aide à comprendre quelque chose à propos de la Torah et de son objectif. La vie comporte un élément matériel dans les affaires du quotidien. Mais il y existe également une dimension spirituelle, divine, un royaume d’infinies pureté et sainteté.
Le but de la Torah est de joindre ces deux dimensions. Grâce à l’observance de la Torah, notre vie quotidienne peut devenir l’expression du Divin.
Ce point est mis en valeur par la juxtaposition des deux Parachiot. La semaine dernière, la Paracha racontait la Révélation de D.ieu. Cette semaine, il s’agit de lois simples, quotidiennes, que quiconque peut comprendre. Grâce à la force de la Torah, l’inspiration du mont Sinaï devient compréhensible et pleine de sens au niveau de la vie de tous les jours. Et ainsi les deux royaumes se rejoignent.
Dans les détails pratiques du monde, vivre en accord avec la Torah nous permet de découvrir la Présence du Divin.

Créer la civilité
Quel est le but des commandements ? L’une des explications que l’on donne pour répondre à cette question est qu’ils servent à raffiner le Peuple Juif.
La ‘Hassidout explique que notre personnalité intérieure comporte deux facettes : d’une part, nous possédons une âme divine, une étincelle de spiritualité décrite comme une «portion de Divinité». Elle vient au monde chargée d’une mission particulière dont les instructions sont consignées dans la Torah et les Mitsvot.
Pour comprendre la nature de cette tâche, il nous faut au préalable observer la seconde facette de notre monde intérieur : notre âme animale. C’est une force en nous qui nous pousse à vivre, à nous nourrir et à posséder. Guidés par la Torah, nous devons nous efforcer de purifier et de raffiner cette âme animale. Cela signifie en effet qu’il nous faut essayer de contrôler voire transformer les caractéristiques inhérentes à notre nature humaine (et parfois trop humaine).
Si une personne observe les directives de la Torah, elle suit un programme d’entraînement et d’amélioration de son propre caractère.
Observons par exemple les lois de la Cacherout, rencontrées dans la Paracha de cette semaine. Il y est également évoqué le fait que nous devons séparer le lait et la viande. C’est à juste titre qu’on a souvent affirmé que cette loi, ainsi que d’autres aspects de la Cacherout, développent la qualité de contrôle sur soi et également le fait de ne rien prendre comme acquis. «Est-ce cachère ?» est la question que nous nous posons avant de consommer quelque chose. Bien sûr l’effet de cette interrogation va bien au-delà d’une simple attitude face à la nourriture. Nous acquérons ainsi une approche par rapport à la vie et un large questionnement quant à la «Cacherout» de ce que nous absorbons en général.
La Cacherout est une loi qui se joue «entre l’homme et D.ieu». Par contre, la majorité des enseignements de Michpatim sont des lois qui concernent les relations «entre l’homme et son prochain».
Ici encore, et peut-être de manière plus évidente, nous voyons que les commandements ont un but précis. Ainsi, la Torah nous dit-elle que si nous observons que le bœuf de notre ennemi est perdu, il nous faut le ramener à son propriétaire. Si l’on observe que l’âne d’une personne que l’on exècre ploie sous sa charge, il ne nous faut pas nous détourner mais l’aider et le soulager.
Dans son œuvre magistrale, le Michné Torah, Maïmonide souligne que la Torah nous enjoint également d’aider notre ami : «tu ne verras pas l’âne ou le bœuf de ton ami, tombé sur le chemin, et t’en cacher, mais assurément, tu l’aideras à les relever.»
Ainsi donc si la Torah nous demande d’aider nos amis et nos ennemis, que faire si nous rencontrons en même temps notre ami et notre ennemi et que tous deux se trouvent dans une situation où ils ont besoin de notre aide ? Maïmonide répond: il nous faut d’abord aider notre ennemi ! La raison en est, affirme-t-il, qu’il nous faut courber notre mauvais penchant. C’est un accomplissement bien plus grand de briser notre nature pour aider un ennemi que d’aider un ami.
Suivre les instructions de la Torah nous aide à transformer notre propre caractère et à créer une véritable forme de civilisation.
La prochaine étape que D.ieu implantera sera une sorte de réaction en chaîne de transformations intérieures et qui, en dernier ressort, affecteront le monde entier.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que les «quatre Parachiot» ?

Nos Sages ont institué de lire, en plus de la Sidra hebdomadaire, une «Paracha» supplémentaire durant les semaines qui précèdent Pourim et Pessa’h.
• La première s’appelle «Chekalim». Elle rappelle la nécessité pour chacun de donner chaque année un demi-chékel pour l’entretien du Temple et l’achat des sacrifices communautaires. Cette Paracha (Exode 30 – 11 à 16) est lue le Chabbat qui précède Roch ‘Hodech Adar (cette année le Chabbat 13 février 2010). On sortira donc deux rouleaux de la Torah :
- un pour la Sidra de la Semaine : Michpatim (sept montées)
- un pour la Paracha Chekalim (un appelé qui lira aussi la Haftarah tirée du livre des Rois (11. 17 pour les Séfaradim ou 12. 1 à 17 pour les Achkenazim).
La seconde s’appelle Za’hor et rappelle la nécessité de se souvenir d’Amalek. Elle est lue le Chabbat précédant Pourim, cette année Chabbat Tetsavé, 27 février 2010.
La troisième s’appelle Para et rappelle la nécessité de se purifier avant la fête de Pessa’h. Elle est lue Chabbat Ki Tissa, 6 mars 2010.
La quatrième s’appelle Ha’hodech et rappelle l’importance du mois de Nissan et le sacrifice pascal. Elle est lue le Chabbat Vayakel Pekoudé, le 13 mars 2010.

F. L.
De Recit de la Semaine
L’œil et le vin

Le visage de l’ophtalmologiste ne laissait pas présager de bonnes nouvelles : «La blessure de l’œil est particulièrement grave. Je vous conseille de consulter en urgence la sommité en la matière, le Dr. Steven Felden».
On était au mois d’août, en 1982, à Long Beach (Californie). Ce matin-là, le docteur Leib Loubitch, spécialiste de la chirurgie cardiaque s’était levé tôt et s’était dirigé en silence vers l’armoire pour prendre ses vêtements. Il n’avait pas allumé la lumière afin de ne pas réveiller sa femme. Soudain un cri perçant lui échappa : sa femme se leva en sursaut et le trouva hurlant de douleur. Il s’était heurté à un meuble et une arête avait pénétré avec violence dans son œil lui causant une souffrance intolérable.
Très difficilement, il se rendit de toute urgence, avec l’aide de sa femme chez l’ophtalmologiste qui était aussi son ami.
Celui-ci les dirigea vers la clinique du Dr Felden au Doheny Eye Institute de Los Angeles : «Désolée, dit la secrétaire, il vous faudra attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous, le docteur est débordé !» Ce n’est que grâce à l’intervention et aux supplications de leur ami qu’ils obtinrent in extremis un rendez-vous pour le même jour.
Le spécialiste procéda à un examen approfondi à l’aide d’instruments ultra perfectionnés. Il expliqua finalement au docteur Loubitch que la pupille avait été touchée et avait entraîné un roulement de l’œil qui avait pris une mauvaise direction. Il conseilla de procéder à des examens complémentaires.
Un mois passa et aucune amélioration ne se produisit. Le spécialiste proposa une opération qui n’apporterait pas la guérison mais qui permettrait un meilleur diagnostic et donc un traitement plus approprié.
Le docteur Loubitch était désespéré. Sa carrière avait atteint des sommets, il était en train de mettre au point des développements spectaculaires en chirurgie cardiaque mais, pour opérer des patients, il avait évidemment besoin de ses deux yeux et d’une vue parfaite. Depuis son accident, il avait été forcé d’interrompre ses recherches et il était obligé d’envisager avec effroi que toutes ces années d’étude et de travail n’auraient servi à rien !
Il prit l’avis de plusieurs spécialistes et, comme il connaissait plusieurs ‘Hassidim de Loubavitch, il demanda également la bénédiction du Rabbi qui la lui accorda bien volontiers. On procéda donc à l’opération.
Le docteur Felden avait deux nouvelles à lui annoncer : une bonne et une… moins bonne : l’opération avait révélé que la pupille n’avait pas été endommagée mais il était impossible de remettre l’œil en place. La seule solution restait l’emploi de lunettes à prisme qui permettent de dévier la trajectoire de la lumière. Une fois ces lunettes préparées, le docteur Loubitch les mit sur le nez mais il était évident que leur usage ne lui simplifiait pas la vie. Elles n’étaient pas agréables et, surtout, elles ne permettaient pas d’améliorer notablement la vue, en tout cas certainement pas pour les recherches médicales.
Jamais le docteur Loubitch n’avait ressenti un tel désespoir. Il décida de contacter à nouveau le Rabbi. Il téléphona au secrétariat, expliqua sa situation et la ruine de sa carrière qu’elle impliquait. Le secrétaire promit de remettre au Rabbi au plus vite le papier sur lequel il avait inscrit tous les détails.
Le lendemain, personne ne se trouvait au domicile des Loubitch. Quand le docteur rentra, le téléphona sonna : «Depuis ce matin, j’essaie de vous joindre au téléphone, déclara le secrétaire du Rabbi (les téléphones portables n’existaient pas encore…). Le Rabbi demande si vous veillez à réciter le Kiddouch et la Havdala sur un verre de vin rouge ! »
Le docteur Loubitch répondit qu’il n’avait pas prêté attention à ce détail, qu’il lui arrivait d’utiliser du vin blanc ou du jus de raisins.
- A partir de maintenant, insista le secrétaire, veillez à n’utiliser que du vin rouge !
Le Chabbat suivant, le docteur Loubitch prit soin d’agir comme le Rabbi le lui avait demandé. Le lendemain, il se sentit soudain un peu mieux. Il avait l’impression bizarre qu’il se passait quelque chose au niveau de son œil. Un espoir fou renaissait en lui et il attendit avec impatience le Chabbat suivant !
Effectivement la bouteille de vin rouge était posée bien en évidence sur la table de Chabbat.
L’amélioration souhaitée ne tarda pas à apparaître. Sa vue était meilleure et, plusieurs fois dans la journée, il parvint à se passer de ses grosses lunettes.
Au bout du quatrième Chabbat, il était complètement guéri !
Il était fou de joie. Non seulement ses yeux de chair voyaient mieux mais même ses yeux «spirituels» s’étaient améliorés et il voyait la vie de façon plus sereine. Quelques jours plus tard, il reprit son travail comme si rien ne s’était passé !
Il téléphona au docteur Felden et lui annonça qu’il voyait avec ses deux yeux ! A l’autre bout du fil, le docteur Felden était sceptique… et stupéfait. Il répéta : «Ce n’est pas possible !» et demanda au docteur Loubitch de revenir le voir.
Le spécialiste mondial n’en revenait pas : les deux yeux de son patient fonctionnaient parfaitement. Il compara les résultats des nombreux examens. Son visage exprimait un étonnement mêlé d’incompréhension.
Le docteur Loubitch raconta au docteur Felden qu’il s’était adressé au Rabbi, que celui-ci lui avait demandé de veiller à réciter le Kiddouch et la Havdala sur du vin rouge. Il n’était pas sûr que le spécialiste avait compris et le fait est que même le docteur Loubitch avait du mal à trouver un lien entre les deux faits.
Ce n’est que plus tard qu’il étudia la Guemara (Chabbat 113. b) précisant que des pas précipités enlevaient 1/500ème de la vue et que celle-ci revenait grâce au Kiddouch récité sur du vin. Par ailleurs il apprit qu’il était particulièrement recommandé d’utiliser du vin rouge pour le Kiddouch et la Havdala.
Il comprit surtout que ce n’était pas seulement le vin mais que c’était également la bénédiction du Rabbi qui lui avait rendu la vue.

Sichat Hachavoua n°1203
traduit par Feiga Lubecki