Semaine 7

  • Michpatim
Editorial
Aux portes de la joie

Le nouveau mois est, à présent, si proche, qu’il emplit déjà tout notre horizon. Et il ne pourrait faire moins ; n’est-il pas celui de Adar dont nos Sages disent toute la grandeur particulière ? De fait, voici que nous entrons, au bout de cette semaine, dans une période radicalement différente. Si le mois de Chevat, qui s’écoule peu à peu, nous a fait vivre dans une lumière à nulle autre pareille, celui de Adar nous entraîne dans un temps et dans un monde insoupçonnés. On s’en doute, la venue de Pourim n’est pas étrangère à la nature de ce mois. Mais sans doute est-ce là qu’il faut s’arrêter un instant. Si la fête de Pourim est l’expression de la joie la plus pure, en quoi et jusqu’à quel point cela concerne-t-il l’ensemble du mois ?
C’est comme en réponse à ces questions que retentit, flamboyant, l’enseignement des Sages : «Lorsque Adar arrive, on multiple la joie !» C’est dire que, dans ce mois, rien n’est plus pareil et que, de jour en jour, l’allégresse, sincère et absolue, doit monter. Et cela change tout. Alors que nous vivons parfois dans un monde où le gris du ciel paraît se confondre avec celui du bitume, dans un monde dont le vacarme peut parvenir à étouffer la douce musique de l’âme, Adar éclate comme un soleil. Il dissipe les nuées sur son passage et entre dans notre vie en triomphateur. Nous ne changeons pas seulement de nom de mois sur nos calendriers, nous changeons de fondement spirituel. A présent, la joie va commencer en régner en maîtresse et notre existence en est transfigurée. Car la joie est une véritable clé. De fait, comme tout semble lourd et difficile lorsque, sous le voile de la mélancolie, c’est le poids du monde qui paraît nous tirer en arrière. Et comme tout avance plus vite et la vie même semble plus légère quand la joie conduit notre pas.
Une anecdote rapporte qu’un jour un Juif très simple, au cœur merveilleux même si ses connaissances étaient réduites, fit observer : «Les soldats ne prennent une ville que conduits par un chant de joie». Celle-ci, enseigne-t-on, «brise les barrières». Elle est aujourd’hui à notre portée. Par elle, nous pouvons gravir tous ces échelons qui, jusqu’ici, paraissaient inaccessibles. Par elle, nous pouvons nous défaire des dernières entraves qui nous attachent encore à la grossièreté des choses. Il n’appartient qu’à chacun de se saisir de cette arme suprême car, décidément, le temps en est venu. Puisse-t-il nous introduire à celui où la joie sera enfin éternelle, celui de Machia’h.
Etincelles de Machiah
«Pleine de rire»

Evoquant le temps de Machia’h, les Psaumes (126 : 2) annoncent : «Alors, notre bouche sera pleine de rire». Il faut souligner que ce rire-là a un sens et une motivation profondes.
En effet, la valeur numérique du mot «rire» en hébreu est de 414. C’est aussi celle des mots «Or Ein Sof» qui signifient « Lumière Infinie » et font référence à l’Essence Divine. Cette équivalence indique que la signification véritable de ce « rire » est la révélation de D.ieu.
(d’après Likoutei Torah, Bamidbar, p. 19d)
Vivre avec la Paracha
Michpatim : Une inspiration pour la vie quotidienne

Le nom de notre Paracha Michpatim signifie «lois». En hébreu, plusieurs mots ont ce sens mais tous comportent une différence dans leur nature.
Michpatim ou «jugements» fait référence aux lois qui peuvent facilement se comprendre comme celles de l’interdiction de voler ou de tuer. En fait, la plupart des lois de cette nature sont édictées dans notre Paracha.
Un autre terme : ‘Houkim ou «statuts» évoque les lois qui ne peuvent se comprendre par l’intellect humain ordinaire. Un exemple de ces lois nous est fourni par l’injonction qui nous est faite de ne pas mélanger le lait et la viande. Elle figure également dans la Paracha. A de nombreuses occasions dans l’histoire de notre peuple ce type de lois a présenté pour nous un défi extraordinaire. A certaines époques, on se moquait des Juifs qui y adhéraient. Aujourd’hui encore, gouvernés par leur rationalité, de nombreux Juifs se demandent pourquoi elles sont nécessaires. Toutefois les ‘Houkim constituent un lien important dans notre relation avec D.ieu.
Un troisième type de lois est appelé Edout, «témoignages». Le commandement d’observer la fête de Pessa’h, par exemple, appartient à cette catégorie. Nous observons cette fête en guise de témoignage et de signe du fait que D.ieu nous a sortis d’Egypte. Sans la Torah, nous n’aurions pas imaginé cette loi, mais maintenant que nous la possédons, elle prend pour nous un sens.
Il est intéressant d’observer que l’atmosphère totalement miraculeuse de la Paracha de la semaine passée, dans laquelle D.ieu s’adressa à l’entière nation au mont Sinaï, est suivie par les lois apparemment «ordinaires» et terre à terre que l’on lit cette semaine, dans une Paracha appelée avec justesse Michpatim. Nous aurions pu nous attendre à des commandements qui auraient exprimé un aspect de notre relation avec D.ieu plus intense, comme celui qui apparaît dans les «statuts» supra rationnels ou tout au moins dans les «témoignages». Pourquoi l’emphase est-elle placée sur des lois de justice entre l’homme et son prochain qui sont, somme toute, simples ?
La réponse en est que ce fait en lui-même nous aide à comprendre quelque chose de la Torah et de son but. Il existe une dimension physique à la vie : le monde matériel des occupations quotidiennes. Mais il existe également une dimension spirituelle, un royaume de pureté et de sainteté infinies.
Le but de la Torah est de joindre ces deux dimensions. En se soumettant à la Torah, notre vie quotidienne devient l’expression du Divin.
Ce point est mis en lumière par la juxtaposition des deux Paracha. La semaine dernière relatait la Révélation Divine. Cette semaine la Paracha concerne le Juif dans son quotidien, les lois simples que tout un chacun peut comprendre. Par la force de la Torah, l’inspiration suscitée par l’événement du Sinaï devient compréhensible et significative au niveau de la vie de chaque jour. Les deux royaumes se trouvent unis. Dans les détails du monde pratique, vécus en accord avec la Torah, nous découvrons la présence du Divin.

Civiliser
Quel est le but des commandements ? L’une des explications de nos Sages avance qu’il s’agit, par eux, de raffiner les hommes. Les commandements de la Torah ont pour effet de civiliser le Peuple Juif.
L’enseignement de la ‘Hassidout explique que notre personnalité intérieure comporte deux aspects. L’un est notre âme divine, une «étincelle» spirituelle à l’intérieur de nous, décrite comme «une parcelle de Divinité». Elle vient au monde investie d’une tâche particulière ; la Torah et ses commandements sont les instructions qui permettent de l’accomplir.
Pour comprendre la nature de cette tâche, observons le second aspect de notre monde intérieur : l’âme animale. C’est la force en nous qui veut vivre, manger, posséder… Guidés par la Torah, nous devons faire l’effort de purifier et raffiner notre âme animale. Cela signifie, en fait, que nous devons essayer de contrôler, voire de transformer, les caractéristiques fondamentales de notre nature humaine (et parfois trop humaine). Si l’homme observe les directives de la Torah, il fait l’expérience d’un programme d’entraînement et d’amélioration de son caractère.
Prenons pour exemple la loi de la Cacherout que nous avons évoquée plus haut. Il est vrai qu’observer la régle qui nous interdit de mélanger le lait et la viande, ainsi que les autres aspects de la Cacherout, nous permet de développer le contrôle de soi et de ne rien prendre pour acquis. «Est-ce cachère ?» est la question que nous posons avant de consommer quelque chose. Il est bien évident que la portée d’une telle loi va bien plus loin que notre attitude face à la nourriture. Progressivement, nous apprenons à nous demander, sur tout dans la vie, « est-ce cachère ?»
La Cacherout est une loi «entre l’homme et D.ieu». Par contre, la majorité des enseignements de notre Paracha sont des lois qui régissent les relations «entre l’homme et son prochain» et elles sont centrées sur des questions concernant les relations humaines. Là encore, et de façon encore plus évidente, nous observons que les commandements ont l’impact évoqué. Ainsi la Torah nous enjoint : «si tu vois le bœuf ou l’âne de ton ennemi s’égarer, il te faudra le lui ramener. Si tu vois l’âne d’une personne que tu hais ployer sous son fardeau, tu n’éviteras pas la situation mais l’aideras à s’en délivrer». Maïmonide souligne, dans le Michné Torah, que la Torah nous commande également d’aider un ami : «Tu ne verras pas l’âne ou le bœuf de ton frère tomber en chemin et te dérober à cette vue ; tu l’aideras à se relever».
La Torah nous demande d’aider nos amis et nos ennemis, mais que devons-nous faire si nous les rencontrons tous deux et que tous deux ont un animal qui ploie sous sa charge ? Maïmonide indique : «il faut d’abord aider l’animal de son ennemi»! La raison en est, dit-il, que cela nous permet de maîtriser notre penchant vers le mal. C’est un accomplissement plus grand dans notre travail sur nous-même d’aider un ennemi que d’aider un ami. C’est la raison pour laquelle aider un ennemi vient en priorité.
Suivre les injonctions de la Torah nous aide donc à transformer notre caractère et suscite une réelle forme de civilisation. L’étape suivante, que D.ieu met en œuvre est ce qui provoque une réaction en chaîne de transformations intérieures qui, en dernier ressort, affecteront le monde entier.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que les «quatre Parachiot» ?

Nos Sages ont institué de lire, en plus de la Sidra hebdomadaire, une «Paracha» supplémentaire – donc dans un second Séfer Torah - durant les semaines qui précèdent Pourim et Pessa'h.
• La première s'appelle «Chekalim». Elle rappelle la nécessité pour chacun de donner chaque année un demi-chékel pour l'entretien du Temple et l'achat des sacrifices communautaires. Cette Paracha (Exode 30 - 11 à 16) est lue le Chabbat précédant Roch ‘Hodech Adar (cette année le Chabbat Michpatim 17 février 2007).
• La seconde s'appelle «Za'hor». Elle rappelle la nécessité de se souvenir du mal que nous a fait Amalek dont le descendant, Haman, chercha lui aussi à anéantir le peuple juif à l'époque d’Esther et de Morde'haï. Cette Paracha (Deutéronome 25. 17 à 19) sera lue le Chabbat Tetsavé avant Pourim (cette année le 3 mars 2007). On lira la Haftara dans Samuel (I. 15. 1 à 34).
• La troisième s'appelle «Para». Elle rappelle la nécessité de se purifier avec l'eau lustrale mélangée aux cendres de la vache rousse avant la fête de Pessa’h pour pouvoir se présenter au Temple et offrir le sacrifice de la fête. Cette Paracha (Nombres 19. 1 à 22) sera lue le Chabbat «Ki Tissa» (cette année le 10 mars 2007). On lira la Haftara dans Ezékiel 36. 16 à 38.
• La quatrième s’appelle «Ha’hodech». Elle rappelle l'importance du premier jour («Roch 'Hodech») du mois de Nissan et la préparation du sacrifice pascal. Cette Paracha (Exode 12. 1 à 20) sera lue après la Sidra «Vayakel Pekoudé», le 17 mars 2007. On lira la Haftara dans Ezékiel 45. 16 à 46-18.
C’est une obligation édictée par la Torah d'écouter encore plus attentivement que d'habitude la lecture de la Paracha Za'hor, avant Pourim. Dans de nombreuses communautés, les femmes font l'effort de se rendre à la synagogue pour écouter cette Paracha.

F. L.
De Recit de la Semaine
Chabbat : le meilleur remède

Un des fidèles de notre communauté de Juifs originaires de Perse souffrait de terribles problèmes financiers. Bien qu’il se consacrât énergiquement à ses affaires, les résultats ne suivaient pas. Chaque fois qu’il s’engageait dans un dossier qui semblait prometteur – qui aurait pu au moins mettre un terme à son instabilité chronique – celui-ci échouait lamentablement et l’entraînait encore plus bas. Par ailleurs, ses clients «oubliaient» de le payer, ses fournisseurs annulaient des contrats prometteurs, son comptable accumulait les erreurs… bref il n’avait vraiment pas le moral.
La dépression le guettait : il craignait même de prendre des décisions tant il était persuadé qu’il appelait la malchance. Dès qu’une bonne affaire se présentait, il hésitait : allait-il y perdre sa chemise ? Un autre se précipitait sur l’occasion et gagnait des millions tandis que lui semblait collectionner les coups tordus.
Un jour, alors qu’il pensait avoir atteint le fond de l’abîme, il se rendit chez mon mari et nous avons engagé la conversation. Il était si abattu que j’avais peine à reconnaître l’homme énergique, brillant et sûr de lui qui dirigeait notre communauté.
Je mentionnai devant lui le nombre impressionnant de Juifs qui avaient bénéficié de conseils judicieux du Rabbi. Pourquoi ne se rendrait-il pas à Brooklyn pour demander au Rabbi de l’aide ou, au moins, sa bénédiction ?
Il semblait intéressé mais n’avait manifestement pas la force de prendre encore une initiative. Une fois qu’une personne se sent tellement déprimée qu’elle perd tout espoir, même le fait de prendre son tour dans la queue devant le Rabbi apparaît comme une montagne insurmontable. Je lui proposai alors, s’il me le permettait, d’écrire moi-même une lettre au Rabbi de sa part pour demander une bénédiction. Il est à porter à son crédit le fait qu’il ait accepté.
Immédiatement, j’écrivis la lettre et la déposai au secrétariat, 770 Eastern Parkway. La réponse arriva très vite. Le Rabbi accordait sa bénédiction mais ajoutait : «Ne travaillez ni le Chabbat ni les jours de fêtes !» Nous étions tous absolument stupéfaits. Dans notre synagogue, tous étaient des Juifs traditionalistes, autant qu’on pouvait le savoir. Je «savais» que jamais il ne travaillerait le Chabbat. Sa femme aussi le «savait».
Mais, de fait, il «sortait de la maison» samedi après-midi : on pensait qu’il se promenait, qu’il rendait visite à des amis ou qu’il avait besoin de se relaxer… Maintenant, il était obligé de l’admettre : il était si inquiet pour ses affaires qu’il lui arrivait de travailler – juste «pour quelques heures» - chaque semaine l’après-midi du Chabbat !
Il était embarrassé, bien sûr, de devoir le reconnaître mais, plus encore, il était absolument stupéfait : comment le Rabbi l’avait-il su ? Sa propre femme ne s’en était pas doutée, sa propre famille n’en avait aucune idée ! Nul dans la communauté n’aurait pu envisager même pareille révélation ! Mais le Rabbi savait…
Il réfléchit : si le Rabbi savait, alors, bien entendu, il ne pouvait pas non plus tromper D.ieu. Non, bien sûr, ce n’est pas qu’il pensait pouvoir abuser de D.ieu mais il avait été si inquiet…
Actuellement, il n’est pas encore millionnaire. Cependant, il a retrouvé une certaine paix intérieure et sa famille a retrouvé sa stabilité. Il gagne bien sa vie et, surtout, il n’a plus besoin ni de psychothérapie ni de tranquillisants. Sa vie a pris un autre sens depuis qu’il ne travaille plus du tout le Chabbat !

Sarah Karmely
Ne’shei Chabad Newsletter
traduite par Feiga Lubecki