Quand le froid peut devenir chaleur
Le 10 Tévet, qui marque le début du siège de Jérusalem par les armées venues de Babylone, donne à cette semaine une coloration bien différente de celle que nous avons connue jusqu’ici. Et ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit là d’un jour de jeûne. De fait, nous nous trouvons en présence de la commémoration d’un événement particulier, qui est comme l’origine de l’exil. De ce siège de Jérusalem sortira bien, à terme, la destruction du Temple et de la ville. Et pourtant, il y a encore si peu de temps nous étions occupés à fêter ‘Hanoucca et sa lumière... Certes, le 10 Tévet et ‘Hanoucca n’ont aucun rapport historique. Le premier nous parle du Temple construit par le roi Salomon tandis que le second se rapporte à celui construit, justement, après le retour de Babylone. Cependant, la fête de ‘Hanoucca, si elle commence au mois de Kislev, se poursuit pendant le mois de Tévet et cela suffit à établir un lien entre les deux événements car ‘Hanoucca détient une telle lumière que celle-ci anime tout ce qu’elle touche.
C’est que le mois de Tévet lui-même présente une qualité spécifique. Il est celui du froid. C’est, bien entendu, un phénomène matériel mais, s’il peut exister sous cette forme, c’est parce qu’une force spirituelle correspondante le sous-tend. Pour le dire dans les termes de la tradition juive, si le mois de Tévet est celui où le soleil est davantage caché que pendant le reste de l’année, c’est d’abord parce que la vitalité Divine y est plus masquée. Cette idée a une conséquence bien importante. Puisque la lumière spirituelle est comme plus dissimulée dans la période, cela veut dire que l’effort des hommes doit grandir afin qu’elle apparaisse, rayonnante. Une anecdote de ce type est rapportée au sujet du Baal Chem Tov. Un jour, dans la maison d’étude, la provision de bougies s’était épuisée. L’obscurité régnait et il semblait ne rien y avoir pour la chasser. Le Baal Chem Tov ordonna alors de prendre les morceaux de glace qui pendaient du toit et de les allumer comme des bougies. Et c’est ce qui se produisit. Au-delà du miracle, le message est ici que le froid peut devenir lumière et chaleur.
Et le 10 Tévet ? Il est certes un début d’exil ; c’est un froid spirituel qui paraît descendre sur le monde. Mais nous avons la capacité de le transformer et d’amener le temps de toute Vie et de toute Lumière.
Au-dessus des eaux
Machia’h détient une supériorité générale, même par rapport à Moïse. C’est ce que nous enseigne le verset (Genèse 1:2) « et le souffle de D.ieu » – que nos Sages identifient (Midrach Béréchit Rabba, 2:4) comme « le souffle de Machia’h » – « plane sur les eaux ». Cela signifie que son « souffle » se trouve au-dessus du niveau de Moïse à propos duquel il est dit : « je l’ai tiré des eaux. »
C’est la raison de la longueur de l’exil. Il faut beaucoup de temps pour parvenir à un tel degré.
(D’après Maamarei Admour Hazakène – Parachiot – p.237)
Vaye’hi
Résumé de la Paracha
Yaakov passe les dix-sept dernières années de sa vie en Egypte. Avant de mourir, il demande à Yossef d’être enterré en Terre Sainte. Il bénit les deux fils de Yossef, Ménaché et Ephraïm, les élevant au même statut que ses propres fils : fondateurs des tribus de la nation d’Israël.
Il désire révéler la fin des temps à ses enfants mais il ne peut le faire. Puis il bénit ses fils, assignant à chacun son rôle en tant que tribu : Yehouda donnera naissance à des chefs, des législateurs et des rois. Les prêtres descendront de Lévi, des érudits d’Issa’har etc.
Une grande procession, composée des descendants de Yaakov, des ministres du Pharaon, des notables d’Egypte et de la cavalerie égyptienne, accompagne Yaakov dans son dernier voyage vers la Terre Sainte où il est enseveli, à ‘Hévron, dans la grotte de Ma’hpéla.
Yossef meurt, lui aussi en Egypte, à l’âge de 110 ans. Il a également donné des instructions pour être enterré en Terre Sainte, mais cela ne se produira que bien longtemps après, lors de l’Exode des Juifs d’Egypte.
Ce Chabbat est Chabbat ‘Hazak, le Chabbat où se conclut la lecture du Livre de Béréchit. On a la coutume de s’écrier, à la fin de la lecture de la Torah : ‘Hazak,’Hazak venit’hazèk, «Sois fort, sois fort, que nous soyons renforcés». C’est ainsi que la conclusion de chacun des Livres de la Torah ajoute de la force à tous les sujets qui nous concernent. Elle contribue également à renforcer le monde en général puisque «le Saint Béni soit-Il regarda dans la Torah et créa le monde, une personne regarde dans la Torah et maintient (donc) le monde».
Puisque la proclamation ‘Hazak, ‘Hazak… intervient à la conclusion de la lecture de la Torah, il s’ensuit qu’elle partage un lien avec le sujet qui précède immédiatement, ici, la mort de Yossef et son ensevelissement en Egypte.
Cela soulève une question : pourquoi ce passage est-il choisi pour conclure le Livre de Beréchit ? Comment «renforce-t-il» le Peuple juif dans son service de D.ieu ? Apparemment, il semble évoquer une descente et un événement malheureux. Plus tôt, on a pu lire dans la Paracha la déclaration de Yaakov : «Ne m’enterrez pas en Egypte». «Quand je vais être réuni à mes pères… enterrez moi dans leur lieu de sépulture… dans la grotte, dans le champ de Ma’hpélah».
On peut relever deux points dans les propos de Yaacov : l’avantage d’être enterré en Israël et dans la grotte de Ma’hpélah et le désir de ne pas être enterré en Egypte, une terre dont le niveau spirituel était des plus bas.
Yossef, par contre, ne mérita pas (du moins au début) d’être conduit en Erets Israël (et encore moins dans la grotte de Ma’hpélah). Il fut enseveli en Egypte, dans l’intention (tout au moins de la part des Egyptiens) que sa dépouille reste en Egypte pendant une longue période.
On peut expliquer que du point de vue des Juifs, l’ensevelissement de Yossef présentait une dimension positive. Il permit aux Juifs d’avoir la force et le courage personnel de subir l’exil. Yossef était le dirigeant de l’Egypte, comme le Pharaon le lui avait dit : «Sans toi, personne ne pourra lever la main ou le pied dans toute la terre d’Egypte» (Beréchit : 41 :44).
C’est lui qui était la source de subsistance des Juifs. C’est ainsi qu’ils pouvaient intérioriser l’idée que bien qu’ils fussent en exil, personne ne pouvait les déranger. L’inhumation de Yossef prolongeait donc son influence même après sa mort.
Ces idées gardent toute leur actualité. En effet, l’exil d’Egypte est la source de tous les exils qui allaient suivre pour le Peuple juif. Ainsi, la leçon associée à l’enterrement de Yossef concerne également tous les autres exils que les Juifs durent endurer, y compris notre exil présent. En fait, la relation avec l’exil contemporain est encore accentuée par le fait que le dirigeant de notre génération, le Rabbi précédent (Rabbi Yossef Its’hak, beau-père du Rabbi Mena’hem Mendel) s’appelle également Yossef. Son service, qui impliquait «répandre les sources de la ‘Hassidout et du Judaïsme vers l’extérieur», traduire la Torah en «soixante-dix langues», renvoie au service de Yossef. Ce dernier, comme l’explique la ‘Hassidout, est lié à la prière de Ra’hel (sa mère) quand il fut nommé : «Que D.ieu m’ajoute un autre fils» (Yossef Hachem li ben a’her). Cela signifie que le service de Yossef consiste à transformer «les autres», ceux qui se sont éloignés et sont devenus étrangers au Judaïsme, en «fils». En fait, ces «fils» sont à un niveau supérieur à celui de ceux qui ont naturellement suivi le chemin des «fils», comme le déclarent nos Sages : «A l’endroit des Baalé Techouvah (ceux qui reviennent à D.ieu), les Tsaddikim (Justes) parfaits ne peuvent se tenir».
Le Rabbi précédent a déclaré que nous sommes dans les derniers jours de l’exil et que tout ce qui reste à faire est de «polir les boutons» (des manteaux) et se tenir prêts à accueillir le Machia’h. Puisque plus de quarante ans passés à «polir les boutons» se sont écoulés, il est donc clair que tout obstacle et toute difficulté que rencontrent les Juifs ne sont que des défis. Le mot hébreu pour «défi» est nissayone. Il possède également la connotation de ness, «élévation» : il s’agit d’élever la personne au-dessus de son niveau présent.
Nous voyons que ce concept s’exprime par rapport à Avraham qui dut subir diverses épreuves. Avant chacune d’entre elles, il était déjà à un niveau spirituel élevé, a fortiori après qu’il les eut surmontées. C’est parce que D.ieu voulait qu’il s’élève encore davantage qu’Il lui donna ces épreuves supplémentaires.
La même chose s’applique à notre génération. Nous vivons dans une période qui suit toutes les épreuves des Juifs des générations précédentes. La seule raison pour laquelle D.ieu nous fait subir d’autres épreuves est de nous faire encore grandir en les surmontant.
Que cela nous conduise à la Rédemption du Peuple juif, thème central du Livre de Chemot que nous allons commencer. La description de la libération d’Egypte de notre Peuple renferme également des allusions à la délivrance messianique ultime. Qu’elle se produise rapidement, de nos jours !
Qu’est-ce que le jeûne du 10 Tévet (cette année mardi 22 décembre 2015) ?
En ce jour funeste, commença le siège de la ville sainte de Jérusalem par l’armée babylonienne, sous les ordres du cruel Nabuchodonosor en 3336 (425 ans avant le début de l’ère commune).
A cause de sa gravité – puisqu’il marque le début de la destruction et de l’exil – il ne peut être repoussé à une date ultérieure (comme les jeûnes du 17 Tamouz et du 9 Av) ou avancé à une date précédente (comme le jeûne d’Esther). C’est le seul jeûne qui peut tomber un vendredi - donc veille de Chabbat. Du fait de sa gravité, il aura d’ailleurs une place de choix quand les jours de jeûne seront transformés en jours de joie (avec la venue de Machia’h).
Le but du jeûne est que même le corps physique ressente «la diminution de la graisse et du sang». On ne mange pas et on ne boit pas. On ne se rince pas la bouche. Mais on peut se laver sans restriction.
Les enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de la Bar ou Bat Mitsva (les filles dès 12 ans et les garçons dès 13 ans) ne jeûnent pas. Les personnes fragiles, les femmes enceintes ou qui viennent d’accoucher ou qui allaitent ne jeûnent pas. Même ceux qui ont la permission de manger s’abstiendront de manger des friandises.
Le jeûne commence à l’aube, mardi 22 décembre 2015 (6h 57 heure de Paris) et se termine à la tombée de la nuit (17h 42 heure de Paris).
Dans la prière du matin, on récite les Seli’hot spéciales de ce jour après le Ta’hanoun ainsi que «le grand Avinou Malkénou». Puis on lit dans la Torah le passage commençant par Vaye’hal… Seul celui qui a jeûné peut être appelé à la Torah.
Durant la prière de Min’ha (l’après-midi), on lit dans le rouleau de la Torah le passage Vaye’hal... Dans la Amida, on ajoute le passage Anénou («Réponds-nous, Éternel au jour de notre jeûne car nous sommes dans une grande peine…»).
On récite le Ta’hanoun et «le grand Avinou Malkénou».
Comme tous les jours de jeûne, on procédera à un examen de conscience approfondi et on évitera de se mettre en colère. On augmentera les dons à la Tsedaka (charité). Rabbi Chnéour Zalman explique qu’un jour de jeûne est aussi un jour de bienveillance divine. Comme ce jeûne du 10 Tévet est particulièrement important, on comprend que la Techouva (retour à D.ieu) procurée par ce jeûne est aussi d’un niveau plus élevé.
Dans de nombreuses communautés, ce jeûne est associé au souvenir des martyrs de la Shoah.
(d’après Rav Yossef Ginsburgh)
Dites-le avec des fleurs…
Jeune étudiant dans les années soixante, je dus assister à un séminaire de formation à Bethel dans l’état du Maine aux États-Unis. Comme la cacherout y était inexistante, ma mère me prépara une grosse réserve de divers produits cachères, y compris salami et Matsot. J’achèterais sur place les fruits et légumes.
Quand j’arrivai, je remarquai que la majorité des trois cents étudiants étaient juifs mais j’étais le seul à porter la Kippa. Certains s’attroupèrent autour de moi avec une question : «D’où as-tu obtenu de la nourriture cachère ?». J’offris de partager mes provisions avec eux et, ensemble, nous avons mis au point une stratégie pour préparer des repas cachères dans la cuisine du séminaire.
D’autres étudiants s’intéressaient plutôt à des questions théoriques et me pressaient de répondre à leurs interrogations philosophiques. Connaissant la façon d’agir des ‘Hassidim de Loubavitch qui savaient trouver le chemin du cœur des Juifs les plus éloignés de toute tradition, j’avais emporté certaines de leurs brochures explicatives. Mais, quand je les eus toutes distribuées, j’écrivis une lettre à Rav Leibl Groner, un des secrétaires du Rabbi, pour lui en demander davantage. Dans ma lettre, j’écrivis que j’étais en contact avec de nombreux étudiants juifs qui n’avaient jamais vu un Juif pratiquant de leur vie. Je ne cachais pas mon pessimisme : même si je parvenais à leur parler sur place, une fois qu’ils rentreraient chez eux, ils auraient certainement vite fait de tout oublier !
Rav Groner montra ma lettre au Rabbi et, peu de temps après, il me téléphona pour me transmettre le message suivant du Rabbi : «Vous devez agir ; le reste, c’est D.ieu qui le fera !».
Dès que j’entendis cela, je me sentis gonflé à bloc ! Quand un étudiant juif m’approchait, j’en profitai pour lui parler de Torah et de Mitsvot ; ceci enthousiasmait tant mes camarades qu’à la fin du séminaire, ils dansèrent tous la Hora en mon honneur.
Quand je retournai à New York, je me rendis à un Farbrenguen (réunion ‘hassidique) du Rabbi. Le visage rayonnant, le Rabbi me remarqua, me félicita pour mon action positive dans le milieu estudiantin et m’invita à trinquer Le’haïm («A la vie»). A partir de ce moment, je ressentis comme si le Rabbi me proposait de devenir son ‘Hassid, son partisan et je me considérai comme tel.
Peu après, je m’inscrivis pour étudier la ‘hassidout dans une Yechiva Loubavitch, jusqu’à mon mariage en 1967.
Un an plus tard, nous n’avions toujours pas d’enfant : ma femme et moi sommes allés demander au Rabbi sa bénédiction et son conseil : devions-nous consulter un spécialiste ? Nous avons aussi écrit dans cette lettre que nous étions prêts à devenir des émissaires du Rabbi et à nous installer n’importe où dans le monde pour répandre le judaïsme. Le Rabbi répondit : «Après la naissance du bébé, vous recevrez votre mission !».
Nous étions heureux ! Le Rabbi nous avait promis un enfant et, ensuite, nous deviendrions ses émissaires !
Trois ans plus tard, quelques semaines après la naissance de notre petite ‘Hanna-Etka, nous l’avons présentée au Rabbi pour le remercier de sa bénédiction et pour lui demander de nous préciser où nous devions nous installer. Mais le Rabbi sourit et remarqua : «Pourquoi auriez-vous besoin de voyager ? Vous pouvez devenir mes émissaires ici, à Brooklyn !».
C’est exactement ce que nous avons fait : chaque semaine, ma femme et moi invitions des étudiants à partager notre repas de Chabbat et, inévitablement, cela les encourageait à en apprendre davantage sur leurs racines juives : je peux maintenant affirmer, sans exagérer, que nous avons ramené des centaines de jeunes juifs au judaïsme, grâce à la joie et la chaleur de notre foyer.
Quant à la Parnassa (le gagne-pain), le Rabbi me suggéra d’ouvrir un magasin… de fleurs !
Voici ce qui s’était passé : le mouvement Loubavitch s’était tellement développé qu’il avait dû acheter tout un building à côté de la modeste synagogue qui avait suffi aux premiers ‘Hassidim rescapés d’Europe et d’Union Soviétique mais qui ne convenait plus aux milliers de nouveaux venus. Le nouveau bâtiment avait abrité auparavant un petit magasin de fleurs et le quartier se retrouvait maintenant avec une synagogue spacieuse mais sans endroit où acheter des fleurs.
- Je souhaite, précisa le Rabbi, que les gens de la communauté puissent acheter des fleurs pour les occasions joyeuses et c’est à vous de vous en charger !
Le Rabbi m’expliqua en détail comment agir et réussir. Il suggéra de faire appel à mon beau-père pour commencer parce que celui-ci était fleuriste. C’était là une excellente proposition ! Il faut dire qu’à l’époque, je ne connaissais pas la différence entre une rose et un œillet…
Deux semaines plus tard, avec l’aide de mon beau-père, j’eu la joie d’annoncer au Rabbi que j’avais ouvert un magasin de fleurs sur Kingston Avenue, la grande rue commerçante du quartier de Crown Heights.
Plus tard, alors que ma femme était enceinte de neuf mois et sollicitait du Rabbi sa bénédiction pour un bon accouchement, le Rabbi demanda des nouvelles du magasin. Quand il apprit que c’était une toute petite échoppe, il nous offrit quelques centaines de dollars pour nous aider à acheter le bâtiment contigu et ainsi agrandir le magasin.
Les fleurs ne sont pas indispensables et, souvent, les magasins de fleurs périclitent mais le nôtre s’avéra très rentable : nous avions les conseils et la bénédiction du Rabbi et le succès fut assuré.
Gil Hirsch - JEM
Traduit par Feiga Lubecki