Le Yerouchalmi explique que : « ceci vous indique qu'il n'y a pas de deuil pendant le Chabbat »(1). Des pratiques de deuil ont effectivement été instaurées, durant les trois semaines qui séparent le 17 Tamouz du 9 Av(2) afin de commémorer la destruction du Temple, de rectifier les comportements et de hâter la délivrance véritable et complète.

Cependant, pendant les Chabbats de ces trois semaines, ces pratiques de deuil sont in-terdites. Bien plus, il est alors nécessaire d'être joyeux(3), d'éprouver une joie qui dépasse celle de tous les autres Chabbats de l'année, afin qu'il soit bien clair que les pratiques de deuil de cette période ne réduisent pas la joie du Chabbat.

Mais, au sens le plus simple, cette nécessité d'écarter toute pratique de deuil en ce jour n'est qu'une explication accessoire, ne justifiant pas réellement la joie intense de ces Chabbats(4). C'est donc l'enseignement de la 'Hassidout qui révèle la relation qui existe entre la nature profonde de ces Chabbats et le rejet de la peine, du deuil, la nécessité d'une grande joie.

De façon générale, le Chabbat préfigure la délivrance. En effet, celle-ci est appelée : « le jour qui sera entièrement Chabbat »(5). Après la venue du Machia'h, la trace de cet exil amer aura totalement disparu. De ce fait, pendant le Chabbat, qui est un avant-goût du monde futur, on ne ressent en aucune façon les trois semaines. C'est la raison profonde pour laquelle toutes les pratiques du deuil sont interdites pendant le Chabbat(6).

Cette explication de la dimension profonde de la Torah permet de comprendre pourquoi il est nécessaire de multiplier la joie, pendant ces Chabbats des trois semaines. En fait, cette nécessité est liée à la nature véritable de l'exil, en l'attente de la délivrance. Car, il ne faut pas croire qu'après la délivrance, on retrouvera une liberté identique à celle que l'on connaissait, avant la destruction du Temple. Bien au contraire, la délivrance qui suivra cet exil sera infiniment plus haute que la situation qui l'a précédée.

On peut illustrer cette idée en rappelant le principe hala'hique de : « celui qui détruit dans le but de reconstruire »(7). Quand un homme détruit une maison afin d'en construire une autre, à sa place, il est alors bien clair que la nouvelle sera plus grande, plus belle, plus luxueuse que la précédente. Si ce n'était pas le cas, il n'y aurait aucune justification à la destruction de l'ancienne(8).

Il faut en conclure que la finalité véritable de la destruction du Temple est la construction, à sa place, de la délivrance véritable et complète(9), à un stade infiniment plus haut que la situation précédente.

De fait, il en est ainsi pour chaque délivrance(10) et, plus encore, pour la délivrance véritable et complète, qui ne sera suivie d'aucun autre exil. Celle-ci possèdera donc une immense élévation. Une Lumière divine totalement nouvelle s'y révèlera. Alors, il sera bien évident qu'il était justifié de vivre les moments terribles de l'exil pour atteindre une telle situation.

Ce qui vient d'être exposé permettra de comprendre que les Chabbats des trois semaines, préfigurant le monde futur, symbolisent la délivrance et la construction(11) que l'on obtient précisément grâce à l'exil. Une Lumière qui est un avant-goût de celle du monde futur éclaire alors et celle-ci a le pouvoir de transformer toutes les trois semaines en allégresse et en joie.

C'est pour cette raison qu'une joie intense est nécessaire, durant ces Chabbats. Aussi la Hala'ha tranche-t-elle(12) qu'il est possible de prendre, en ces jours, « un festin comme celui du roi Chlomo, à son époque », y compris le jour même de Tichea Be Av, si c'est un Chabbat. On sait, en effet, que la période du roi Chlomo préfigura le monde futur(13).

C'est de cette façon que ces Chabbats insufflent à un Juif toutes les forces dont il a besoin pour transformer le deuil et la peine en allégresse et en joie. Il en sera bien ainsi, lors de la délivrance véritable et complète, avec la venue de notre juste Machia'h, très bientôt et de nos jours.

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 2, page 358)

Notes :
(1) Yerouchalmi, traité Bera'hot, chapitre 7, au paragraphe 2. Toute manifestation de deuil est interdite pendant le Chabbat.
(2) Les dates de la prise de la ville sainte de Jérusalem et de la destruction du Temple.
(3) Car, « il n'y a pas de tristesse pendant le Chabbat », selon les Tossafot sur le traité Moéd Katan 23b et le Yerouchalmi, traité Bera'hot, chapitre 2, au paragraphe 7.
(4) Il y a donc nécessairement une explication plus profonde.
(5) « Et, repos pour l'éternité », d'après le traité Tamid 33b.
(6) Elles perdent alors toute leur signification.
(7) Enoncé dans le traité Chabbat 31 b, celui-ci s'applique, en particulier, à la reconstruction d'une synagogue.
(8) En pareil cas, la destruction de l'ancienne n'est que la phase préalable à la construction de la nouvelle.
(9) Qui apportera le troisième Temple.
(10) Qui fait systématiquement suite à une période de destruction.
(11) Du troisième Temple.
(12) Comme l'indique le Choul'han Arou'h, Ora'h 'Hahn, chapitre 552, au paragraphe 10.
(13) Elle fut la « période de la pleine lune ».