Manger? Oui, bien sûr, mais avec esprit.

On consomme le jour du Chabbat trois repas. Celui du vendredi soir, un autre le samedi matin, un troisième dans l’après-midi. Pourtant, le Chabbat n’est-il pas ce jour marqué d’une intense spiritualité ? Et n’est-il donc pas surprenant que l’on accorde pareille attention à ces nourritures on ne peut plus terrestres ?

L’origine de cette obligation se trouve dans le récit biblique qui nous rapporte l’apparition de la manne, cette nourriture, don de D.ieu, que les Juifs consommèrent alors qu’ils sortaient d’Egypte, en route vers la Terre d’Israël. Dans ce récit donc, en relation avec le Chabbat et les repas qu’il faut y prendre, on lit trois fois le mot « aujourd’hui ». Le Talmud y voit l’indication de trois repas.

Nos Maitres nous offrent aussi une explication, belle et profonde à sa manière. Sachant, nous disent-ils, qu’on devra consommer trois repas, on ne mangera à chacun d’eux que ce qu’il convient. On ne se vautrera pas dans la nourriture mais on maîtrisera son appétit. A chacun de ces repas on mangera donc pleinement comme un être humain. On restera maître de soi-même et on conservera toutes ses forces en éveil pour l’étude de la Torah.

C’est une sagesse profonde en effet qu’on découvre ici. A travers un acte qui semble lourd de banalité, manger, c’est toute une pédagogie qui se découvre. Elle part d’une vision de l’homme concret, de celui qui mange. Et qui aime ça un peu trop, qui en redemanderait encore, sans mesure, qui pourrait même ressembler à un bœuf revêtu des habits du Chabbat et assis à la table du Chabbat ! Et par des moyens tout aussi concrets, elle lui propose de demeurer simultanément présent au monde (pas d’ascétisme : on consommera bien trois repas en l’honneur du Chabbat) et présent à soi (on les consommera avec la distance nécessaire).

Faire que les humains le soient vraiment, qu’en l’occurrence la satisfaction de leurs besoins les plus prosaïques, de leurs appétences les plus communes, ne les ravale pas à un rang inférieur mais, au contraire, les élève, c’est le projet de la Torah.