Cette question maîtresse a été posée par des courants de pensée de Torah variés, Talmud, Moussar, Zohar chacun à leur tour, chacun selon sa propre optique.

L’enseignement ‘hassidique explique que toutes ces visions, ainsi que celles que l’on trouve dans d’autres ouvrages kabbalistiques et philosophiques, sont toutes des facettes variées d’un désir divin unique dans la création, comme il s’exprime dans les différents «mondes» ou royaumes de la création de D.ieu. Le ‘hassidisme offre également sa propre formulation de ce désir divin : pour que nous fassions «une demeure pour D.ieu dans le monde matériel».

Une demeure pour D.ieu

Que signifie faire de notre monde une demeure pour D.ieu ?

Une des pierres angulaires de notre foi est que «le monde entier est rempli de Sa présence» et qu’«il n’y a pas un endroit vide de Lui». Ainsi il ne nous revient pas de faire venir D.ieu dans le monde matériel : Il s’y trouve déjà. Mais D.ieu peut se trouver dans le monde sans y avoir de résidence.

Etre «à la maison» implique être dans un lieu qui accueille votre présence, un lieu où l’on va s’affairer à accomplir vos désirs et satisfaire vos besoins. Cela veut dire être dans un lieu où vous pouvez être vraiment vous-mêmes contrairement à l’attitude que vous empruntez en public ou ailleurs.

Le monde matériel, dans son état naturel, n’est pas un environnement hospitalier pour D.ieu. Il n’y a qu’un point commun entre toutes les créatures matérielles, c’est leur égocentrisme intrinsèque, le fait que le fondement et le but de leur existence soient fondés sur l’ego. Avec chaque iota de sa masse, la pierre proclame: «je suis». L’arbre et l’animal, dans chacun de leurs accomplissements, n’aspirent qu’à la préservation et la reproduction.
Et qui plus que l’homme possède une ambition démesurée pour se mettre en avant, ambition qui devient en lui, bien souvent, un idéal qui le consume ?

Le seul problème de cet égocentrisme, c’est qu’il masque la vérité sous-jacente : la vérité selon laquelle la création n’est pas une fin en elle-même mais le produit et le véhicule de son Créateur. Et cet égocentrisme n’est pas une caractéristique incidente ou secondaire de notre monde, mais son trait dominant. Ainsi pour faire de notre monde une «résidence» pour D.ieu, devons-nous en transformer sa nature elle-même. Nous devons reconstruire les fondements de son identité et faire de cette entité tournée vers elle-même quelque chose qui existe pour un dessein plus grand qu’elle.

Chaque fois que nous saisissons un objet matériel ou que nous utilisons une aptitude et que nous les engageons dans le service de D.ieu, nous opérons une telle transformation. Quand nous prenons un morceau de cuir et en faisons une paire de tefilines, que nous prenons une pièce de monnaie et le donnons à la charité, que nous employons notre esprit à l’étude d’un chapitre de Torah, nous opérons une telle transformation.

La frontière du moi

Deux pas sont nécessaires dans l’entreprise de faire de notre monde une résidence pour D.ieu. Le premier pas implique de faire des ressources matérielles «un réceptacle pour la Divinité» : façonner le cuir en tefilines, donner l’argent à la charité, programmer du temps pour l’étude de la Torah. Le second pas consiste à utiliser effectivement ces «réceptacles» pour qu’ils servent la volonté divine : attacher les tefilines sur le bras et sur la tête, utiliser l’argent donné à nourrir ceux qui en ont besoin, étudier la Torah etc.

A première vue, il semble que le second pas soit le plus important, alors que le premier, qui ne fait que permettre le second, semble un moyen pour arriver à la fin. Mais le récit que nous donne la Torah de la première maison pour D.ieu construite dans notre monde met une plus grande emphase sur la construction de la « maison » que sur son utilisation effective comme résidence divine.

Le Sanctuaire est le modèle et le prototype de toutes les résidences suivantes de D.ieu, construites dans le monde matériel. Ainsi l’accent donné à l’étape de sa construction
(contrairement à l’étape de l’installation) implique que dans notre vie également il y a quelque chose de tout particulier dans le fait de faire surgir dans nos ressources personnelles le potentiel de servir D.ieu. Faire de nous-mêmes des « réceptacles » pour la Divinité est, en un certain sens, un exploit plus important que d’apporter effectivement la Divinité dans notre vie.

Car c’est là que se trouve le véritable cœur de la transformation, la transformation d’un objet centré sur lui-même en quelque chose qui s’implique pour plus grand que soi. Cette transformation a lieu à la première étape quand le matériel devient l’instrument du divin. La seconde étape ne consiste qu’à actualiser un potentiel déjà établi , qu’à lui donner son utilisation naturelle.

Faire des réceptacles

Vous rencontrez un homme qui doit encore inviter D.ieu dans sa vie, un homme qui, quelques louables et réussis que puissent être ses entreprises et accomplissements, doit encore transcender son moi et ses desseins orientés vers lui-même.
Vous voulez élargir son horizon, lui montrer le chemin d’une vie qui dépasse les restrictions du moi. Vous souhaitez lui mettre les tefilines, partager avec lui la sagesse divine de la Torah.

Mais il n’est pas prêt. Vous savez que le concept du service de D.ieu lui est encore étranger dans une vie entraînée à tout considérer à travers le spectre de son ego. Vous savez qu’avant que vous ne puissiez introduire en lui le monde de la Torah et des mitsvot, vous devez d’abord le rendre réceptif à la Divinité.
Ainsi, quand vous le rencontrez dans la rue, vous souriez simplement et dîtes «Bonjour!» Vous l’invitez chez vous à prendre un café ou à un repas chabbatique. Vous parlez de tout et de rien. A ce point, vous ne suggérez aucun changement dans son mode de vie. Vous voulez simplement qu’il s’ouvre à vous et à ce que vous représentez.
Apparemment vous n’avez rien «fait». Mais profondément, une transformation essentielle et radicale a eu lieu. La personne est devenue un «réceptacle» pour la Divinité.

Bien sûr, le but d’un récipient est d’être rempli avec un contenu; le but d’une maison est d’être habitée. Le Sanctuaire était construit pour abriter la Présence de D.ieu. Mais c’est la fabrication des réceptacles de la Divinité qui présente le plus grand défi et l’accomplissement le plus révolutionnaire de la vie.