D.ieu dit à Avraham: "va-t-en, de ton pays, de ton lieu de naissance et de la maison de ton père, vers la terre que Je te montrerai". (Genèse 12:1)

Qu'est-ce qui pousse un homme à quitter son pays, son lieu de naissance et la maison de son père pour une destination inconnue? Et pourtant il est vrai que nous sommes attirés, à la recherche de quelque chose de plus que ce que nos parents, nos maîtres, et en vérité, notre nature même, ont à nous offrir. Notre vie est une quête incessante après que nous ayons rejeté l'identité innée et acquise de notre jeunesse et de notre naissance.
Une partie non négligeable du livre de la Genèse est consacrée à la vie d'Avraham, le premier Juif. Plus curieusement, toutefois, nous rencontrons Avraham plutôt tard dans le cours de son existence: le premier événement de la vie d'Avraham décrit en détails par la Torah se produit alors qu'il est âgé de soixante-quinze ans! A ce moment, Avraham est capable de porter le regard sur une vie fructueuse, voire sans précédent dans ses accomplissements. Jeune enfant, il avait su discerner une vérité plus grande, implicite dans le déroulement de la nature et il en était venu à reconnaître le D.ieu Unique. Homme seul face à l'univers tout entier, il avait combattu la perversité païenne de son temps, conduisant de nombreux hommes à une croyance et une moralité monothéistes.
Puis vint un événement d'une telle importance qu'il éclipsa les premières sept décades et demi de la vie d'Avraham; un événement qui marqua l'amorce d'un nouveau phénomène, le Juif, et redéfinit le voyage de la vie.
Cet événement, c'était l'appel de D.ieu à Avraham: "Pars pour toi, de ton pays, de ton lieu de naissance et de la maison de ton père vers la terre que Je te montrerai". Maintenant que tu as réalisé la capacité totale de tes forces conscientes, va en toi-même. Je te montrerai un lieu qui est l'essence de ton propre moi, un lieu qui existe au-delà de la "terre", du "lieu de naissance" et de la "maison de ton père" que tu connais.

L'instinct, l'environnement et la raison
Les facteurs innombrables impliqués pour faire de nous ce que nous sommes peuvent être groupés en trois catégories: le naturel, l'inculqué et l'acquis.
Nous commençons une vie déjà programmée avec les tendances et les inclinations qui forment une psychologie et un caractère innés. Et puis commence, depuis le moment de la naissance, l'influence de notre environnement quand nos parents, nos maîtres et nos compagnons imprègnent nos âmes de leurs manières et de leurs attitudes. Finalement, vient une troisième et principale influence: celle de l'aboutissement de la maturité intellectuelle: l'homme, seul parmi les créatures de D.ieu a été doté d'un intellect objectif dont il peut, dans une grande mesure, contrôler les stimuli auxquels il est exposé et la manière dont ils l'affectent. Avec son esprit, il a la force de se développer, au-delà et même contre son moi précédent.
C'est la signification plus profonde des mots "ton pays", "ton lieu de naissance" et "la maison de ton père" dans l'appel de D.ieu à Avraham. Erets, le mot hébreu pour "pays" et "terre" a la même racine étymologique que le mot Ratson "volonté" et "désir"; ainsi "ta terre" peut également être traduit par "tes désirs naturels". "Ton lieu de naissance": Moladete'ha est une référence à l'influence de la maison et de la société. Et Beth Avi'ha "la maison de ton père" se réfère à l'homme comme être humain mûr et rationnel, forgeant son esprit, son caractère et son comportement avec l'objectivité de l'intellect.
Selon les critères traditionnels, cela constitue l'apogée dans les accomplissements de l'être humain: le développement de ses instincts naturels, l'assimilation des vérités observées et apprises et la reconstitution du moi à travers l'arbitrage objectif de l'esprit. Pourtant en réalité, l'intellect n'en reste pas moins une part de notre humanité, restant toujours sujet aux déficiences et aux limites de la nature humaine; s'il est vrai qu'il peut dépasser les confins de ce qui est inné et appris, l'intellect, en dernier ressort, n'est jamais véritablement libéré de l'ego et de ses préjugés.
Mais l'homme possède un moi plus élevé, un moi libre de toutes les limites de son humanité. C'est "l'étincelle de divinité" qui est le coeur de son âme, l'essence divine que D.ieu lui insuffla, l' "image de D.ieu" selon laquelle il fut créé: le Erets que D.ieu promit de montrer à Avraham.
Dans son voyage de découverte, Avraham doit, de toute évidence, quitter "la terre, le lieu de naissance et la maison de son père", sa Mésopotamie natale. Il doit rejeter la culture païenne de Our Kasdim et 'Haran. Mais il ne s'agit pas du départ dont nous parlons dans le verset cité ci-dessus. Car Avraham reçut cet appel de nombreuses années après avoir rejeté les habitudes païennes de sa famille et de sa patrie, reconnu D.ieu et produit un impact profond sur la société environnante. Et pourtant, il lui est encore dit: "Va! Pars de ta nature, de tes habitudes, pars de ton moi rationnel. Après avoir rejeté tes origines idolâtres, négatives, tu dois maintenant aussi transcender ton passé positif et enrichissant. Atteins le plus profond de toi-même, même si c'est un moi parfait".
La perfection humaine est tout simplement insuffisante. Car tout ce qui est humain, même l'intellect objectif, appartient néanmoins à la réalité créée, lui est toujours assujetti et est limité par elle. Et malgré tout, D.ieu nous invite, dans Son premier commandement au premier juif, à expérimenter ce qui transcende toutes les limites et les définitions: Lui-Même.
Mais d'abord, nous devons faire le "Le'h Le'ha", aller au plus profond de nous-mêmes, en arriver à notre moi que seul D.ieu peut nous montrer, le moi qui forme un avec Lui.