Et il se retrouvait naufragé, isolé sur une île déserte. Il passa en revue les quelques objets qui avaient échappé, comme lui, au naufrage : quelques outils, quelques objets et un livre. Il prit le livre et le mit à l’abri car il réalisa qu’il serait sa seule source de stimulation intellectuelle.

Sur l’île, il y avait de grandes réserves d’eau potable, de fruits et d’animaux qui lui permirent de survivre. Mais l’homme était intéressé par quelque chose de plus que la simple survie. Alors que fit-il pour progresser ? Il lut son livre. Et il le relut et le relut encore. Sept années passèrent jusqu’au jour où un navire l’aperçut. Il avait alors tant étudié le livre que non seulement il avait acquis la connaissance de son contenu mais également celle de son auteur. Il comprenait à quels aspects de la personnalité de l’auteur faisaient référence les traits de ses personnages et pourquoi leurs destinées se croisaient.

La métaphore se réfère au Livre des livres, la Torah. Mais la Torah n’est pas simplement un livre. C’est un outil qui nous permet de connaître D.ieu Qui l’a composé. Par cette connaissance de D.ieu, toute notre conception de l’existence change. Nos relations avec notre prochain s’enrichissent également et sont plus gratifiantes. Car lorsque nous étudions la Torah, notre processus intellectuel s’aligne sur celui de D.ieu et nous considérons autrui comme Il le désire.

«J’ai bon cœur. Je veux aider les autres, voilà ce qui est important. Laissez-moi me concentrer sur faire le bien pour de mon prochain. Et quand je m’en serai acquitté, je me consacrerai alors à faire ce qui est bien pour D.ieu».

Ces paroles ne constituent pas un argument original. Bien au contraire, au cours de notre histoire, nous l’avons souvent entendu refaire surface. Et pourtant, depuis ses origines, le judaïsme n’a jamais accepté cette approche. Au Mont Sinaï, quand D.ieu nous a donné les Dix Commandements, Il les a divisés en deux groupes. Les quatre premiers commandements se concentrent sur notre relation avec D.ieu : croire en Lui, ne pas servir d’idoles, ne pas utiliser Son nom en vain, garder le Chabbat. Les six autres commandements évoquent nos relations avec nos congénères : il s’agit d’honorer notre père et notre mère, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d’adultère, ne pas porter de faux témoignages et ne pas envier.

Ces deux groupes de commandements furent donnés ensemble, les commandements relatifs entre les hommes et D.ieu venant en premier. Pourquoi ?

Parce que, de notre propre chef, nous ne pouvons être sûrs d’être toujours bons. Nous avons besoin de références objectives pour diriger notre conduite. Un homme peut avoir les meilleures intentions du monde mais quand il s’agit de leur réalisation, il peut arriver à porter gravement atteinte à son prochain.

Comment cela se peut-il ? En fait, «l’amour couvre tous les défauts» et l’amour-propre est la forme d’amour la plus puissante. A cause de la place prépondérante qu’occupent notre propre personne, ce que nous aimons et ce que nous pensons être juste, nous pouvons perdre de vue ce qui arrive à l’autre. Et bien que nous le blessions, nous en arrivons à penser que ce que nous faisons est bien.

Il y a un peu plus d’une génération, cette thèse aurait pu être contestée sur les fondements de la logique. Mais aujourd’hui, nous sommes tous témoins de ce qui arrive quand la nécessité de références divines est ignorée. Au début du vingtième siècle, le modèle de la civilisation, le maître de la science, de la culture, de la philosophie et de la morale était l’Allemagne et, en tant que nation, elle représentait le succès des efforts humains pour s’améliorer.

Et pourtant, cette nation perpétra le plus hideux des crimes et les atrocités les plus horribles de l’histoire, et tout cela au nom du progrès de l’humanité. Mais plus grave encore, la canaille n’était pas seule à soutenir ces actes. D’une façon générale, les défenseurs de la science et de la culture ne s’opposèrent pas non plus au régime nazi. En fait, c’est une grande majorité qui y collabora.

Livré à lui-même, l’homme peut ne pas percevoir la motivation de ses actes ou leurs conséquences. C’est la raison pour laquelle la Torah nous donne des règles objectives de justice et de moralité. Il faut s’y tenir, non parce que nous pensons qu’elles sont valables et bénéfiques mais parce qu’elles constituent la loi de D.ieu, immuable et éternelle.

Cette approche nous empêche également de tomber dans l’autre extrême : celui des individus qui proclament qu’ils sont religieux mais qui n’ont aucune idée de ce que signifie se comporter honnêtement avec autrui. Quand les règles de morale sont comprises comme étant la loi de D.ieu, de tels individus ne peuvent continuer à adopter cette double attitude. Ils ne peuvent se cacher derrière un habit de sainteté alors qu’ils agissent malhonnêtement. Car la Torah nous conduit non seulement au développement spirituel et à une étroite relation avec D.ieu mais également à l’essor en tant que peuple et à des relations humaines développées et harmonieuses.

Voir plus loin

Lorsqu’il évoque la venue de Machia’h, Maïmonide écrit : «C’est la principale dynamique du sujet. Cette Torah, avec ses lois et ses statuts, est éternelle. On ne peut rien y ajouter ni en retrancher».

Les paroles de Maïmonide ont pour but, d’une part, de bien différencier le concept juif sur les apports de Machi’ah de celui des autres religions. Cela est évident dans la conclusion de son texte, longtemps censurée dans les versions courantes de son œuvre mais récemment publiée : «Celui qui ajoute (aux Mitsvot), y retranche ou donne une interprétation erronée de la Torah, impliquant que les Mitsvot ne doivent pas être comprises littéralement, est, à coup sûr, un hérétique».

Par ailleurs, une vérité plus profonde y est recélée. Le Don de la Torah représente un tournant dans l’histoire spirituelle du monde : D.ieu Se révéla à l’homme et lui donna un code de lois. Puisque ces lois sont divines, tout comme D.ieu, elles ne changent pas.

C’est la raison pour laquelle nous ne nous attendons pas à ce que Machia’h change pour nous la Torah et révèle de nouvelles lois. Puisque la Torah est la vérité de D.ieu, rien ne peut être fait pour l’améliorer.

Cependant, la Torah est infinie et illimitée, comme D.ieu Lui-même. Bien qu’elle ne fasse l’objet d’aucun changement, à l’Ere de la Rédemption, de nouvelles dimensions nous en seront révélées, qui éclipseront les enseignements de l’âge présent. Car aujourd’hui, ne nous est découvert qu’un reflet limité de l’essence de la Torah. Mais à l’époque de Machia’h, nous pourrons apprécier la Torah dans sa vérité profonde.