La Paracha ‘Hayé Sarah («la vie de Sarah») commence par le récit de la mort de Sarah qui joue un rôle important dans le récit qui suit. Cela soulève une question évidente : pourquoi cette portion de la Torah s’intitule-t-elle «la vie de Sarah» ?
On peut y répondre sur la base du commentaire de nos Sages (Taanit, 5a) : «Yaakov notre Patriarche ne mourut pas». Bien qu’il fût pleuré et enterré, ses descendants perpétuent son héritage spirituel. Et c’est donc ainsi que Yaakov est toujours vivant.
Il en va de même pour chaque individu. C’est le contenu spirituel de notre vie, et non notre existence matérielle, qui est fondamental. Si l’existence physique est limitée, cela ne concerne pas la dimension spirituelle.
Tel est le message caché dans le nom de cette Paracha : l’ «arbre» spirituel de Sarah continue à donner ses fruits longtemps après la fin de sa vie. Les éléments principaux de cette portion : l’acquisition de la Cave de Ma’hpélah, la mission d’Eliézer pour trouver une épouse pour Its’hak et le remariage d’Avraham et sa paternité d’autres enfants constituent le travail spirituel de l’esprit de Sarah.
Concentration et focalisation
Qu’est-ce qui constitue l’essence du service divin de Sarah ? Elle était l’épouse d’Avraham. Elle nourrissait son potentiel, s’assurant qu’il se développât de la façon la plus productive possible.
Avraham dispensait sa bienveillance sans compter, offrant l’hospitalité à tous les voyageurs, même à ceux qui se prosternaient devant la poussière collée à leurs propres pieds (Rachi, Beréchit 18 :4). Il donnait avec générosité, sans se préoccuper de savoir si son influence laisserait une marque durable. Sarah, par contre, (et tout particulièrement après la naissance d’Its’hak) cherchait à concentrer l’influence de son mari. Elle essayait de la diriger vers ces récipiendaires qui lui donneraient expression dans la sainteté.
Ce mode de comportement se retrouve dans la progéniture d’Avraham. Il enfanta de nombreux enfants. Sarah, quant à elle, n’eut qu’un fils, Its’hak. La générosité illimitée d’Avraham alla jusqu’à le faire envisager qu’Ichmaël était méritant. Ainsi, après que D.ieu lui eut annoncé la naissance imminente d’Its’hak, il pria : «Qu’Ichmaël vive devant Toi». Et par la suite, bien que D.ieu lui eût dit : «Je garderai Mon alliance avec (Its’hak) comme lien», Avraham affectionnait toujours Ichmaël et désirait l’élever dans sa maisonnée.
Ce fut Sarah qui demanda : (Beréchit 21 :10) : «Renvoie cette servante et son fils car (il)… n’héritera pas avec mon fils, avec Its’hak». Sarah avait compris que tous les membres de la maisonnée d’Avraham devaient être des individus dont la conduite reflétait l’héritage spirituel d’Avraham.
Erets Israël, notre héritage
C’est sur cette base que nous pouvons apprécier à sa juste valeur l’influence de Sarah sur les événements décrits dans la suite de la Paracha. Avraham avait déjà reçu en promesse Erets Israël, mais cette promesse devait encore se réaliser. C’est par l’acquisition de la Cave de Ma’hpélah, clairement associée à Sarah, qu’une partie d’Erets Israël devint d’abord un héritage éternel pour le Peuple Juif. Pour la première fois, la nature spirituelle de notre Terre Sainte trouvait son expression concrète.
Il existe également une dimension plus profonde. Nos Sages statuent (Erouvin 53a) qu’Adam et ‘Hava, ancêtres de toute l’humanité, sont aussi enterrés à Ma’hpéla. C’est ainsi qu’avant-même l’enterrement de Sarah, la Cave de Ma’hpéla avait un lien avec l’humanité en tant qu’entité. La mise en terre de Sarah en ce lieu, en continuation de cette attitude dont elle fit montre tout au long de sa vie, établit que ce site est l’héritage exclusif du Peuple Juif.
Une épouse pour Its’hak
De la même façon, en ce qui concerne le mariage d’Its’hak et de Rivkah, ce fut parce que les vertus morales de Sarah se retrouvaient chez Rivkah qu’elle fut chérie par Its’hak. Quand il vit que ses bougies brûlaient d’un Chabbat à l’autre, que sa pâte levait avec une bénédiction particulière et qu’une nuée de gloire couvrait sa tente, qu’il sut que la vie de sa mère ne s’était pas interrompue. C’est alors qu’ «Its’hak fut consolé».
Plus encore, tout le récit du voyage d’Eliézer et son choix de Rivkah renvoient à l’initiative de Sarah, assurant que la femme choisie pour Its’hak servirait de canal approprié pour les bénédictions de la maisonnée d’Avraham. C’est pour cette raison qu’Eliézer, serviteur dévoué et diligent disciple d’Avraham, essuya un refus quand il proposa sa propre fille comme parti pour Its’hak. La femme d’Its’hak devait être issue des mêmes racines que celles qui avaient rendu possibles le destin spirituel et la bonté dont faisaient preuve Avraham et Sarah.
L’héritier d’Avraham
Le dernier élément de la Paracha lui-même, le fait qu’Avraham donna naissance à d’autres enfants, montre l’influence de Sarah. Car bien qu’Avraham eût ces autres enfants, «il donna tout ce qu’il possédait à Its’hak» (Beréchit 25 :4). A ces enfants, «il donna des cadeaux et encore de son vivant, il les envoya vers l’est, vers les terres orientales, loin de son fils Its’hak» (Béréchit 25 : 5).
En réponse à l’influence perpétuelle de Sarah, Avraham démontrait ainsi qu’il considérait Its’hak seul comme son unique héritier.
Bien plus, Ichmaël lui-même reconnut cette distinction et à l’enterrement d’Avraham, il donna la préséance à Its’hak bien qu’il fût l’aîné. En concédant que c’était Its’hak qui devait enterrer Avraham, il soulignait le fait que c’était Its’hak qui perpétuait l’héritage d’Avraham.
Telle était la contribution de Sarah. Quand Ichmaël s’était vanté d’être l’aîné et donc de mériter une double part dans l’héritage d’Avraham, c’était elle qui avait assuré qu’il comprenait que le seul héritier était Its’hak.
Une influence pérenne
Le nom Sarah est associé en hébreu avec le mot srarah qui signifie «domination». Et en effet, l’œuvre de la vie de Sarah fut de montrer la suprématie de l’esprit d’Avraham et de révéler que le but de son existence était d’exprimer cet esprit. Sa mort ne mit pas fin à son influence. Comme l’indiquent les événements relatés cette semaine, son «arbre» continue à fructifier ; elle était en possession de la vie véritable.
Les actes que nous accomplissons dans la vie agissent sur autrui. Ainsi le bien que déverse une personne sur sa famille et sur son environnement crée une dynamique continue vers le bien. Et cette dynamique se perpétue après que la personne a quitté ce monde, aide à intensifier le bien et la vertu dans le monde, jusqu’à la venue de l’Ere de la Rédemption, où ces forces imprégneront toute existence.
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- Publication : 12 novembre 2022