Mon père était né en Ukraine mais, à l’âge de vingt ans, en 1923, il émigra pour éviter d’être enrôlé dans l’armée soviétique. Il se rendit en Roumanie et prit un bateau, persuadé qu’il arriverait aux États-Unis mais, à cause de la politique des quotas, il se retrouva au Canada. Il y ouvrit un commerce de confection pour hommes dans lequel il prospéra.

En 1941, le premier groupe d’émissaires du Rabbi arriva au Canada, parmi lesquels Rav Greenglass avec qui mon père se lia d’amitié. Ce fut Rav Greenglass qui le persuada au début des années 50 d’aller demander conseil auprès du Rabbi quand il fut confronté à une grosse difficulté.

Mon père possédait une vieille bâtisse à Montréal : son magasin était situé au rez-de-chaussée et il louait les étages à de petits industriels. L’un d’entre eux décida qu’il était plus lucratif de provoquer des incendies pour toucher les dédommagements des assurances que de vendre des marchandises. C’est ce qu’il fit plusieurs fois jusqu’à ce que les assurances décident : «Soit vous installez un système de sécurité dans tout ce vieux bâtiment soit vous le détruisez et en construisez un nouveau. Mais tant que vous n’aurez rien fait, votre assurance est annulée !».

Bien sûr, mon père avait besoin d’une assurance car toute sa marchandise était hautement inflammable. Cependant, installer un système de sécurité était très onéreux. Il loua les services d’un architecte mais ne voyait pas de solution. Il en devint très déprimé.

Courbé en deux par les soucis, il avait perdu toute confiance en lui et avait vraiment l’air d’une loque quand il nous emmena, mon frère et moi, pour demander conseil au Rabbi. Il était l’image de la déchéance mentale. Il posa ses mains sur le bureau du Rabbi comme pour y trouver un appui.

Le Rabbi le regarda et lui ordonna presque :

- Reb Nathan ! Tenez-vous droit !

Mon père enleva ses mains du bureau et se redressa.

Il raconta au Rabbi combien il avait peur de ne pas être couvert par une assurance. Le Rabbi écouta puis demanda à voir le plan du bâtiment que mon frère tenait derrière son dos et posa des questions comme s’il était un architecte :

- Comment se fait-il que le plafond de la cave soit si bas ?

Mon père répondit que le sol était en pierres et qu’il était très onéreux de creuser plus profondément.

- Les fondations ne suffisent que pour trois étages. Pourquoi ? continua le Rabbi.

- Parce que je n’ai pas assez d’argent pour plus de trois étages, répondit mon père, surpris. De plus, je n’ai jamais pensé à construire plus que cela.

- Vous devriez augmenter la hauteur de plafond de la cave, suggéra le Rabbi et renforcer les fondations pour ajouter d’autres étages – même si vous ne disposez pas des fonds nécessaires ! Plus le «récipient» est grand, plus les bénédictions du Tout Puissant seront grandes !

Et, en souriant, le Rabbi conseilla à mon père d’être heureux, de se considérer comme un soldat partant au combat – qui ignore le résultat mais qui a confiance qu’il gagnera. Mon père devait rentrer à Montréal, se rendre chez son banquier en étant totalement assuré que D.ieu était de son côté et que tout irait bien.

En quelques minutes, mon père avait complètement changé : de soucieux et même complètement découragé, il était devenu sûr de lui ! Au point qu’à son retour à Montréal, il entra très décidé et la tête haute dans la banque et obtint un prêt à un taux très avantageux. Il entama les travaux. Le Rabbi lui avait redonné tant de confiance en lui qu’il fut capable de prendre des initiatives audacieuses – comme demander ce prêt qu’il négocia au taux de six pour cent alors qu’il s’élevait normalement à douze pour cent. C’est ainsi qu’il fut capable de financer le projet de reconstruction en développant considérablement son entreprise.

Quelques temps plus tard, un de ses fournisseurs lui proposa d’acquérir avec lui un terrain dans une zone extérieure à la ville. Soupçonneux, mon père hésitait mais l’homme insistait. Finalement, mon père demanda conseil au Rabbi qui l’encouragea à accepter et même à vendre sa maison pour cet investissement. Mon père accepta cette proposition audacieuse mais, quand ma mère entendit cela, elle refusa au début puis se laissa persuader et accepta même que mon père emprunte de l’argent auprès de ses enfants. Telle était la confiance que mon père plaçait dans le Rabbi.

Quand mon père et son associé acquirent le terrain, c’était une zone fermière, les impôts étaient très bas et rien ne s’y passait. Mais rapidement, tout changea et la valeur de ce terrain augmenta considérablement : durant vingt ans, mon père et son associé vendirent les parcelles une à une : ce qu’ils avaient acheté pour cinq centimes en valait alors cent fois plus et les profits furent considérables. Grâce à cet investissement, mes parents purent acheter une maison en Israël où ils s’installèrent en 1978 et vécurent heureux – grâce au Rabbi.

M. Elimelech Leiman – JEM

Traduit par Feiga Lubecki