Samedi, 5 mars 2022

  • Pekoudeï
Editorial

 Quand les tyrans vacillent

Il y a toujours quelque chose de profondément réjouissant lorsque les tyrans, souvent sanguinaires, vacillent. Il est toujours réconfortant de pouvoir se dire que, au-delà des incantations rituelles, les peuples sont vraiment souverains et que, pour peu qu’ils élèvent la voix, tout cède devant leur volonté. Certes, nul ne sait sur quoi déboucheront les mouvements de colère qui agitent une large partie du monde. Nul ne sait si l’issue finale sera celle d’une paix et d’une liberté nouvelles ou si les lendemains rêvés seront vite confisqués par tous ceux que les beaux rêves effraient et qui, de-ci de-là, laissent déjà poindre leurs hideux visages. Mais il faut sans doute savoir donner sa chance au bonheur. Les peuples se soulèvent et leur expression massive constitue témoignage.

Le peuple juif, tout au long de sa longue histoire, a vu grandir et aussi tomber les monarques orgueilleux et les despotes sûrs de leur destin exceptionnel, de toutes sortes et de tous horizons. Il a comme une certaine expérience de ces choses ainsi que la compréhension de la vindicte des peuples outragés. Les regarder, c’est aussi vivre en soi un mouvement du même type. Car l’homme même n’est-il pas, pour reprendre l’expression des Sages, un « petit monde » ? Comme si les événements autour de nous ne pouvaient que soulever de bien forts échos dans la conscience de chacun ? Comme si la liberté de tous ne pouvait être que la résultante de celle conquise par chacun ? Et si tout justement commençait par là...

Si tout commençait, dans notre esprit et dans notre âme, par une grande voix qui monte, par l’expression de notre volonté souveraine et absolue, pure expression de ce que nous sommes ? C’est qu’un tyran spirituel est depuis toujours à l’œuvre pour nous enchaîner. Sans cesse, il entrave les mouvements naturels du cœur et la pensée pour mieux décourager l’action. Historiquement, il s’est appelé Amalek, Haman etc. En nous, il est ce qui détourne de la voie droite, la « route royale », tracée par D.ieu, qui mène de la création du monde à son aboutissement ultime. Mais rien ne résiste à la volonté. Il est enfin temps que le tyran cède la place. Voici venir le moment vrai de la Liberté.

Etincelles de Machiah

 Tout est entre nos mains

Le Tanya (chap. 37) enseigne : « Cet accomplissement ultime du temps de Machia’h et de la résurrection des morts, qui est la révélation de la Lumière divine infinie dans ce monde, dépend de nos actions et de notre travail pendant tout le temps de l’exil ».

La période actuelle est celle des « talons de Machia’h », au sens où elle précède immédiatement sa venue. Ainsi, chacun doit ressentir cette idée constamment, dans son service de D.ieu quotidien. Lorsqu’on ressent profondément et sincèrement que l’effort que l’on fait, la Torah que l’on étudie hâtent la venue de la Délivrance et entraînent le monde à son parachèvement en faisant la « résidence de D.ieu ici-bas », alors il est bien clair que l’on ne peut que redoubler d’enthousiasme afin de mener le processus à son terme aussi vite que possible.

(D’après Likouteï Si’hot, vol. XXI, p.18)

Vivre avec la Paracha

 Pékoudé

On procède au décompte de l’or, l’argent et le cuivre donnés par le peuple pour la fabrication du Michkan. Betsalel, Aholiav et leurs assistants fabriquent les huit habits sacerdotaux : le tablier, le pectoral, le manteau, la couronne, le chapeau, la ceinture et les pantalons, selon les instructions communiquées par Moché dans la Paracha Tétsavé.

Le Michkan est achevé et tous ses composants sont présentés à Moché qui l’érige et l’oint avec la sainte huile d’onction. Il initie à la prêtrise Aharon et ses quatre fils. Une nuée apparaît au-dessus du Michkane, signifiant que la Présence divine est venue y résider.

Cette semaine, nous concluons la lecture du second livre de la Torah : Chemot. Chaque achèvement dans la Torah devrait susciter une conscience plus aigüe et des effets plus intenses pour évaluer et renouveler notre service Divin associé au cycle que l’on vient de conclure, dans l’intention de se préparer correctement à l’étape suivante, en l’occurrence le livre de Vayikra.

C’est donc un moment approprié pour revoir le thème du Livre qui s’achève et ses leçons dans le service Divin, tout comme pour se préparer pour le futur. La Torah est extrêmement précise et à la clôture du Livre de Chemot ainsi qu’au début de Vayikra, il y est fait allusion au processus du bilan.

Le Livre de Chemot nous donne une vision générale du service divin accompli par l’homme. Le commencement en est l’histoire de la descente en Égypte qui fait allusion à la descente de l’âme dans le corps et dans le monde physique. Vient ensuite le récit de la punition subie par l’Égypte sous la forme des dix plaies qui fait à nouveau référence au processus spirituel de la purification et du raffinement de la matérialité du monde. Cela conduit à l’Exode : se libérer de l’Égypte et des contraintes matérielles pour se préparer au moment où « tu serviras D.ieu sur la montagne ». Lors de l’expérience du Matan Torah (Don de la Torah), la division entre le monde inférieur et les mondes supérieurs est abolie et D.ieu descend sur le Mont Sinaï et nous donne la Torah. Dans le même élan, nous recevons la force de transformer le monde matériel en sainteté et d’en faire un lieu de résidence pour D.ieu.

Cet effort parvient à son accomplissement total lorsque la Che’hina (la Présence divine) repose dans le Michkane (le Sanctuaire) construit grâce aux contributions du Peuple juif.

Tel est le contenu du Livre de Chemot. A sa conclusion, dans la Paracha Pekoudé, la Torah fait le compte et la récapitulation de tous les matériaux utilisés pour la construction du Michkane. Il s’agit ici d’une leçon claire sur l’importance de faire un tel compte à l’issue d’une partie de la Torah. Le nom Pekoudé, lui-même, signifie « la somme », le compte de tous les dons pour le Michkane et de tous les objets et les ustensiles à son usage. Nous avons ici, dans un certain sens, le résumé du service divin discuté dans Chemot dans le but de faire un Sanctuaire dans les mondes inférieurs. Il en va de même pour notre service divin personnel où nous devons également, à la clôture de Chemot, procéder à un inventaire similaire de notre travail pour faire une résidence pour D.ieu. Il doit être clair et précis de sorte que nous puissions dire : élé Pékoudé, « voici les comptes » du Sanctuaire.

Rachi est très précis dans son explication des mots qui ouvrent Pekoudé :

Dans cette section, sont énumérés tous les poids des métaux, donnés en contribution au Tabernacle, d’or, d’argent et de cuivre et sont également énumérés les ustensiles utilisés pour chacun des services qui y sont effectués. (Rachi, Chemot : 38 :21)

Dans un sens symbolique, cette leçon peut s’appliquer à chaque individu. L’or, l’argent et le cuivre font allusion à trois domaines du service divin humain et à trois niveaux que l’homme peut atteindre. A chaque niveau, il doit utiliser des forces et des outils qui sont à sa disposition : « l’or », « l’argent » et « le cuivre », pour construire ce Sanctuaire et être prêt à rendre compte de tout ce qu’il a fait.

De même, il nous faut lister tous les récipients quand l’on fait de soi-même un réceptacle pour la Divinité et que l’on transforme le monde en un réceptacle pour la Divinité.

Non seulement devons-nous être conscients des récipients produits mais également de la façon dont ils sont utilisés dans le service du Sanctuaire, tout comme dans Pékoudé.

Dans les termes ‘hassidiques, le service divin du Juif doit inclure les aspects théoriques de l’étude de la Torah tout comme l’aspect concret des Mitsvot. […]

Tout ce qui précède doit également s’appliquer lorsque l’on s’occupe de nos prochains et nous devons également les pousser à adopter cette voie et influencer le monde entier.

Tous les préparatifs pour Pourim doivent comporter l’étude des lois de Pourim et le fait de s’assurer que tous les Juifs disposent de tout ce dont ils ont besoin pour accomplir les Mitsvot de Pourim : la lecture de la Méguila, l’envoi de dons à des amis, de charité au pauvre et d’un festin de Pourim. En général, Adar est un mois propice pour augmenter la charité.

Que tout ce qui précède augmente nos bonnes actions et que notre service divin nous donne le mérite de reconstruire le troisième Beth Hamikdach.

Puisse cela se produire rapidement et de nos jours !

Le Coin de la Halacha

 Doit-on prélever le Maasser de l’argent reçu en cadeau ?

Selon la Hala’ha, même si le père a soigneusement prélevé le Maasser (le dixième de ses gains) de son vivant et l’a distribué à la Tsedaka (causes charitables), le fils devra prélever le Maasser de ce qu’il reçoit en héritage. En effet, les décisionnaires expliquent que la Mitsva ne s’applique pas à l’argent mais à la personne qui dispose de cet argent.

La même loi s’applique à celui qui reçoit de l’argent en cadeau (anniversaire, Bar Mitsva, mariage…) ou à celui qui trouve de l’argent : il doit en prélever le Maasser.

Si les parents entretiennent leur enfant et que celui-ci ne dispose pas de revenus de par lui-même, il doit les informer qu’il va prélever le Maasser de l’argent qu’ils lui donnent. Si les parents refusent alors de lui donner davantage d’argent pour qu’il prélève le Maasser, il n’est plus obligé de prélever. Mais s’il perçoit de l’argent par ailleurs (allocations, dons…), il devra prélever le Maasser de l’argent que ses parents lui donnent.

Celui qui a prélevé le Maasser puis a acheté un appartement devra néanmoins prélever le Maasser de l’argent que lui rapporte cet appartement. Cependant, il a le droit de déduire des revenus de cet appartement les dépenses causées par cette acquisition (charges, réparations…).

Il existe trois opinions à propos du Maasser : soit c’est une obligation de la Torah, soit c’est une obligation Miderabbanane (des Sages) soit ce serait un Minhag (coutume). Selon Rabbi Chnéour Zalman, il s’agit d’une obligation Miderabbanane.

(d’après Rav Yossef Ginsburgh – Si’hat Hachavoua N° 1833)

Le Recit de la Semaine

 Notre Guerre du Golfe au Minnesota

Dès les années 50, le mouvement Loubavitch possédait sa branche féminine appelée Neshei Oubnot Chabad, dédiée aux initiatives concernant spécifiquement les femmes et jeunes filles, comme par exemple l’insistance sur l’étude des textes, l’influence sur la famille, les amies et les élèves, le développement personnel… Puis, dans les années 60, Mme Lea Kahn eut l’idée révolutionnaire pour l’époque d’organiser un congrès de ce mouvement chaque année dans une autre ville des Etats-Unis ou du Canada. Le Rabbi donna son accord et sa bénédiction. Le premier congrès eut lieu à Boston et eut une profonde influence aussi bien sur les femmes qui venaient de loin que sur les femmes locales. Ma mère en assura bien vite la coordination mais, au bout de 25 ans passés à organiser des congrès à Chicago, Miami Beach, Toronto, Washington, DC, Los Angeles etc…, elle demanda au Rabbi la permission de prendre sa retraite. Le Rabbi ne voulait pas entendre parler de retraite : il lui suggéra plutôt de se faire aider. Lentement mais sûrement, je devins celle qui assumait de plus en plus de responsabilités aux côtés de ma mère.

Un tel congrès signifiait un Chabbat pour des centaines de femmes, avec des oratrices expérimentées, plus intéressantes les unes que les autres, des discussions formelles et informelles, des chants, des danses, des repas gastronomiques de la meilleure cacherout possible, des conseils sur l’éducation, la vie de couple, l’engagement communautaire… Chaque participante recevait toutes sortes de brochures et de petites gâteries.

En 1991, le congrès fut prévu au Minnesota. Mais, après des mois de tension internationale, la Guerre du Golfe éclata. Juste avant le départ de nombreuses participantes depuis New York, nous avons entendu qu’un premier missile irakien SCUD s’était écrasé en Israël ! Nous étions paniquées ! En quoi consistaient ces missiles ? Étaient-ils équipés d’effrayantes armes chimiques ? Quel était leur niveau de précision ? Comment nos frères et sœurs en Israël supportaient-ils la tension, les fuites dans les abris et les longues nuits passées à rassurer les enfants ? Les communications n’étaient pas encore développées comme maintenant et nous étions scotchées aux nouvelles de la radio.

Pour nous, la vraie question était : devions-nous maintenir le Congrès ? Nous avions prévu une intervention d’une chanteuse israélienne connue, Ruti Navon ; elle devait voyager depuis la Floride au Minnesota. Cependant, dès qu’elle apprit la nouvelle, elle téléphona immédiatement au bureau du Rabbi : « Annoncez au Rabbi que j’annule tous mes plans ; je suis inquiète pour ma famille qui habite en Israël et je n’ai pas le cœur à chanter : je préfère rester là où je suis et prier ! ».

Mais le Rabbi n’accepta pas son annulation et lui fit répondre : « Pour vous, la meilleure façon d’aider Israël n’est pas en restant à la maison mais en allant au Congrès et en le rendant joyeux ! Citant une expression hébraïque, le Rabbi continua : Puisque « la joie brise toutes les barrières », le fait de rendre joyeux d’autres gens apportera la délivrance au peuple juif. La façon d’aider consiste, en ce qui vous concerne, à vous rendre au Congrès et à infuser de la joie par vos chansons ! ».

Wawwwww ! Quand nous avons appris cela, tout devenait évident pour nous : le Congrès aurait bien lieu ! Nous ignorions qui pourrait y assister mais il y aurait un Congrès !

Ce vendredi, Neshei Chabad reçut une annonce du Rabbi : « A propos du dictateur irakien, Saddam Hussein… : « Si lui, agit selon ses croyances… alors certainement le peuple juif qui croit en D.ieu doit tout mettre en œuvre pour prouver sa foi – et ne pas agir d’une façon qui reflète un manque de croyance, D.ieu nous en préserve. Veillez donc à ce que toutes les personnes qui étaient supposées venir participeront effectivement et vous devriez même agir de sorte à ce que davantage de personnes assistent au Congrès ».

Immédiatement, un groupe de femmes qui n’avaient pas prévu de venir décidèrent de voyager. Mais vu l’heure, il était impossible d’arriver au Minnesota avant Chabbat (on était en hiver, le vendredi était court et la météo hasardeuse), ce qui signifiait rater toute une partie du programme. Le plus tôt serait de partir de suite après Chabbat : le Rabbi avait précisé qu’on devait lui transmettre encore avant Chabbat la liste des dames qui se décideraient à partir et il prépara même des billets d’un dollar à remettre à la Tsedaka (charité) à leur arrivée.

Comme les billets étaient très chers, Neshei Chabad décida de sponsoriser ou d’aider au paiement du voyage : ainsi, neuf personnes supplémentaires se rendirent au Congrès.

Moi-même, j’avais donné naissance à mon fils sept semaines plus tôt et je n’avais même pas imaginé emmener mon nouveau-né au Minnesota (connu pour être un des états les plus froids du pays) en janvier. Je m’étais depuis longtemps résignée à rater ce Congrès mais maintenant que le Rabbi avait expressément demandé qu’un maximum de personnes s’y rendent, j’ai décidé d’y aller - avec mon bébé évidemment. C’est ainsi que mon nom et celui de mon bébé furent ajoutés à la liste.

Nous avons pris l’avion à la sortie du Chabbat et ne sommes arrivés dans la salle de fêtes que vers minuit. Mais quelle joie ! Ruti Navon chantait encore, les femmes chantaient avec elle et dansaient avec une énergie, une joie et une confiance en D.ieu incroyables. Nous n’étions qu’une centaine de femmes dans cette salle immense réservée pour beaucoup plus de monde mais ce fut mémorable !

Le Rabbi avait affirmé que, par la joie, nous obtiendrions des effets positifs et, dès que le Congrès s’acheva, on entendit de bonnes nouvelles d’Israël. Les communications avaient repris, certains SCUD avaient été interceptés tandis que les autres n’avaient causé que des dégâts matériels.

Je n’avais jamais eu aussi froid que cette nuit au Minnesota. Mais, en même temps, j’y ai vécu un moment très chaleureux. Et c’est avec cette chaleur et cette fraternité intense que nous avions agi pour le bien d’Israël, du peuple juif et du monde entier.

Rivka Feldman - JEM

Traduite par Feiga Lubecki