Que la joie nous entraîne !
Après la solennité, presque l’austérité, de la première partie du mois de Tichri, après tous les efforts investis dans la spiritualité pure et exigeante de Roch Hachana et de Yom Kippour, voici que vient le temps de la joie. Et quelle joie ! C’est de celle de Souccot et de Sim’hat Torah qu’il s’agit. Ce deuxième versant du mois nous propose ainsi un privilège immense : parvenir aux sources de l’allégresse la plus authentique en vivant des fêtes à nulles autres pareilles. Alors qu’on s’engage dans cette si grande et forte période, ne convient-il pas de mettre cette joie en perspective ?
Il est vrai que la joie est puissante. Elle a pour capacité de forcer les barrières, de briser les limites. Elle est comme un vent nouveau qui bouscule les habitudes et emporte sur ses ailes tous ceux qui veulent vivre plus pleinement. De fait, dans la Souccah, cette fragile demeure au toit de feuillage, nous ressentons comme l’accomplissement de la Volonté Divine nous entoure. Ne résidons-nous pas tout entier dans cet abri, solide parce que léger, puissant parce qu’éphémère ? N’y résidons-nous pas comme on le fait dans une fière demeure de pierre, simplement parce que D.ieu nous l’a ordonné et que, confiants en Sa fidélité, nous savons qu’Il nous garde et nous protège ? Durant la semaine de la fête, ne vivons-nous pas avec ces «invités» spirituels dont parle le Zohar qui nous visitent jour après jour : Abraham, Isaac, Jacob etc. ?
C’est alors que vient l’explosion, quand, prenant les rouleaux de la Torah, les serrant sur notre cœur comme on fait d’un objet précieux et aimé, nous en devenons les porteurs en dansant avec eux. Chacun devient alors comme un élément de la Torah, s’unissant à elle, ne constituant plus, en quelque sorte, qu’une seule entité avec elle. C’est ainsi un nouveau rapport qui s’établit. Il ne se fonde guère sur la réflexion préalable ; la Torah étant roulée, enveloppée dans son manteau, elle ne se prête pas à l’étude. Du reste, si c’était le cas, chacun en aurait une approche différente, adaptée à ce qu’il est et à ce qu’il sait. En ce jour, tout cela s’efface, c’est d’Infini qu’il est question. Et, dans cette absence de limites, chacun trouve, comme naturellement, sa place.
De tout cela, nous savons, dès à présent, que rien ne se terminera. Nous prendrons avec nous tout ce que nous vivons aujourd’hui. Pour une année bonne et douce.
Plus de faute involontaire
Lorsque le Machia’h viendra, le penchant vers le mal qui existe aujourd’hui dans le cœur de chaque homme, cessera d’exister. Le prophète Zacharie (13 : 2) l’a enseigné dans ces termes : “Je supprimerai l’esprit d’impureté de la terre”.
Cela signifie que la gloire de D.ieu deviendra si manifeste dans le monde entier qu’une simple figue criera si l’on menace de la cueillir un jour de Chabbat (Midrach Tehilim, fin du chap. 73).
Il est clair que, dans un tel contexte, commettre une faute sera radicalement impossible. Il sera même impossible d’en commettre une involontairement de même qu’en notre temps il est impensable qu’un petit enfant mette sa main dans une flamme.
(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXV, p. 263) H. N.
Souccot / Chemini Atsérét / Sim’hat Torah
Chabbat Beréchit
Des âmes dans la pluie
Si D.ieu est «parfait», comme le clame le Judaïsme, qu’est-ce qui Le précipita à créer l’univers ? Quel vide essayait-Il de remplir ?
La réponse apportée par la mystique juive indique que D.ieu désirait le mariage. Le mariage nécessite l’existence de quelqu’un d’autre que vous avec lequel vous allez partager votre vie, une union entre le mari et la femme.
D.ieu choisit au Sinaï l’humanité comme épousée.
Ce mariage est fait d’affection, de querelles et de difficultés. Dans chaque génération, cette relation a subi des tribulations et cependant, cette union dure car chacun des partenaires sait intrinsèquement que tous deux appartiennent l’un à l’autre. Quand tous les voiles sont ôtés, l’homme exprime ouvertement son aspiration à s’unir avec D.ieu.
Selon la Kabbale, la période des fêtes de Tichri constitue l’expérience annuelle du mariage cosmique entre D.ieu et l’humanité. Les cinq moments spirituels clé de la saison sont en parallèles avec les étapes fondamentales d’une rencontre et d’une union conventionnelle. La période des fêtes nous invite à nouveau à entreprendre ce voyage qui régénère la relation entre D.ieu et le Peuple Juif.
La rencontre
Le mois hébreu d’Elloul précède les fêtes de Tichri. Ce mois est décrit dans les enseignements de la ‘Hassidout comme une période où «le Roi va dans les champs pour rencontrer Son peuple, l’accueillant avec bonté et tendresse, montrant à tous un visage plein de joie». A notre tour, «nous ouvrons notre cœur à D.ieu».
Cette période nous donne l’occasion de faire connaissance avec D.ieu.
La demande
Le monde s’agite, dit le grand Maître de la Kabbale, Rabbi Its’hak Louriah. «Durant la nuit de Roch Hachanah, écrit-il, la conscience animant l’univers devient fragile et faible». En fait, les grands Maîtres mystiques se sentaient physiquement affaiblis, durant la nuit de Roch Hachana.
Toute existence a vu le jour en vue de ce mariage qui lui est proposé. Si nous Le refusons, alors tout aura été créé en vain. L’univers tout entier attend notre décision.
L’engagement
Lors de la cérémonie de Roch Hachana, un son perçant surgit de la terre : le cri du Choffar. C’est un cri simple, exprimant l’aspiration de l’homme à s’engager avec le Divin.
Nous avons décidé. Notre réponse est «oui».
Le mariage
Le jour du mariage arrive : Yom Kippour. Un jour décrit dans la Kabbale comme «le moment d’unicité» au cours duquel le fiancé et la fiancée forgent un lien pour l’éternité.
Dans la tradition juive, le fiancé et la fiancée jeûnent le jour de leur mariage. Le jour où nous nous unissons à D.ieu, nous nous abstenons également de boire et de manger. Le Talmud enseigne que le jour du mariage, toutes les fautes des mariés sont pardonnées.
C’est la raison pour laquelle Yom Kippour est appelé «le Jour du Pardon».
La cérémonie du mariage commence avec la très émouvante prière du Kol Nidré dans laquelle nous annulons tous les vœux et les dépendances qui nous retiennent. Durant ces moments intenses, nous tentons de nous libérer des comportements et des habitudes compulsives et néfastes et nous abandonnons les ressentiments, l’animosité, la colère, la peur et l’envie.
La cérémonie traditionnelle du mariage juif culmine lorsque les mariés pénètrent dans un lieu fermé (en hébreu : ‘heder hayi’houd) ‘pour passer quelques moments seuls. Yom Kippour culmine avec la prière de Néilah ou «clôture», appelée ainsi parce qu’au moment où le soleil se couche, les portes des cieux se referment, nous gardant à l’intérieur.
Durant la prière de la Néilah, chaque âme est seule avec D.ieu.
La célébration
Quand les mariés sortent de ce lieu privé, la fête commence. De Yom Kippour, nous passons dans la fête de sept jours, Soukkot, décrite dans la Torah comme «la période de notre joie».
Ces jours sont emplis de joies festives et extatiques, célébrant l’union entre D.ieu et Son Peuple.
L’union
La fête du mariage est terminée. La famille et les amis sont repartis chez eux. Les mariés vont désormais mêler leurs vies comme mari et femme.
C’est pourquoi suivant les sept jours de Soukkot, nous atteignons le zénith de la période des fêtes : Chemini Atsérét et Sim’hat Torah, décrits dans la Kabbale comme «le moment d’intimité avec le Divin». Durant ces deux jours chargés, la joie atteint son apogée, lorsque D.ieu et Son peuple se présentent formant un tout indissoluble. Une graine divine est plantée dans le cœur de chacun.
C’est la raison pour laquelle nous récitons une prière particulière pour la pluie lors de la fête de Chemini Atsérét. Qu’est-ce que la pluie ? Au milieu de l’intimité entre le ciel et la terre, des gouttes venues du ciel sont absorbées, fertilisées et nourries par la terre nourricière qui, à son tour, donnera naissance à des enfants botaniques.
Le mois «normal»
La période de célébrations touche à sa fin et l’excitation diminue. Maintenant le mariage consiste à se soucier l’un de l’autre et à se donner des preuves de confiance et de loyauté, alors que nous avançons dans le labeur monotone et continu de la vie.
Parmi les douze mois de l’année du calendrier juif, il en est un seul qui ne comporte aucune fête. Il s’agit du mois qui suit immédiatement la période des fêtes de Tichri : le mois de ‘Hechvan. Ce mois est le moment de construire une véritable relation dans notre mariage avec Celui Qui est notre Partenaire chaque jour de notre vie. C’est le moment de découvrir la joie qui naît d’une relation continuelle avec D.ieu.
Que fait-on à Souccot ?
«Dans des Souccot, vous habiterez durant sept jours... afin que vos générations sachent que c'est dans des Souccot que J'ai fait habiter les enfants d'Israël lorsque Je les ai faits sortir du pays d'Egypte».
Chaque Juif prend ses repas dans une Souccah, une cabane recouverte de branchages, depuis mercredi soir 26 septembre 2007 jusqu'à Chémini-Atséret inclus, c'est-à-dire jeudi après-midi 4 octobre. On essaiera d'habituer les petits garçons à prendre aussi leurs repas dans la Souccah. Les femmes ne sont pas astreintes à ce commandement. Il est recommandé d'avoir des invités dans la Souccah.
Avant d'y manger du pain ou du gâteau, ou d'y boire du vin, on dira la bénédiction adéquate suivie de la bénédiction : «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Léchève Bassoucca». «Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné de résider dans la Souccah».
Mercredi 26 septembre, dans la journée, on procèdera au «Erouv Tavchiline».
Mercredi soir, après avoir mis quelques pièces à la Tsedaka (charité), à Paris avant 19h 22, les femmes mariées allument au moins deux bougies (les jeunes filles et les petites filles allument une bougie) avec les bénédictions suivantes :
1) «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chèl Yom Tov». «Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de la fête».
2) «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé'héyanou Vékiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé». «Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre et exister et parvenir à cette époque».
Jeudi soir 27 septembre (à Paris après 20h 26) elles allument les bougies avec les mêmes bénédictions, à partir d’une bougie de 48 heures allumée avant la fête.
A partir de jeudi matin 27 septembre et jusqu'au mercredi 3 octobre inclus, on récite chaque jour la bénédiction sur les «quatre espèces» (cédrat, branche de palmier, feuilles de myrte et feuilles de saule) :
1) «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al Netilat Loulav». «Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné de prendre le Loulav».
La première fois, on ajoute : 2) «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé'héyanou Vékiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé». «Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre et exister et parvenir à cette époque».
Vendredi 28 septembre, on allume les bougies de Chabbat à l’aide de la bougie de 48h avant 19h 18 avec la bénédiction :
1) «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chèl Chabbat Kodech». «Béni sois-Tu Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné d’allumer la lumière du saint Chabbat».
Tous les soirs de Souccot, on organise, si possible dans la rue, une fête joyeuse, Sim'hat Beth Hachoéva.
F. L.
Le toit de la Souccah
Après soixante-dix ans de communisme en Russie, y construire une Souccah est comparable à la fonte des neiges à la fin de l’hiver : cela réchauffe un cœur juif, même au plus profond de la Sibérie.
Depuis les vingt dernières années, le judaïsme renaît dans toutes les régions de cet immense pays ; quand arrive Souccot, c’est vraiment un miracle évident car cette fête était presque complètement oubliée à cause des dangers et des difficultés à construire une Souccah ou à obtenir un Loulav ou un Ethrog.
Il y a trois ans, je me suis rendu à Kazan, une ville située le Tatarstan, une région habitée essentiellement par des citoyens musulmans.
Après l’office du matin conduit par le Grand Rabbin de Kazan, Its’hak Garelik, celui-ci me présenta un des fidèles, M. Moché Perlov, un dentiste âgé de soixante-cinq ans. Je lui demandai : «Comment se fait-il que vous fréquentiez tous les jours la synagogue ?» C’est alors qu’il me raconta son histoire.
«Mon père s’appelait Reb Na’houm Eliahou Perlov. Avant la Seconde Guerre Mondiale, il était «Sofer», scribe à Kazan : il écrivait méticuleusement les parchemins sacrés utilisés pour les Téfiline, les Mezouzot et les Sifré Torah. A la maison, il était très scrupuleux dans l’observance des Mitsvot mais comme il n’existait pas d’école juive, je fréquentais l’école publique, même le Chabbat. Cela signifie que de nombreuses traditions étaient affaiblies mais, à la maison, nous tentions d’observer le mieux possible les fêtes et les coutumes.
Mon père était inquiet pour mon avenir. Il me suppliait toujours de ne pas révéler à mes camarades ce que nous pratiquions à la maison : «Sois un Juif à la maison et un Russe dans la rue !» répétait-il.
D’un certain point de vue, il avait raison car je n’aurais jamais été accepté dans une université si j’avais ouvertement professé mon judaïsme.
Nous habitions une petite maison en bois, pas dans un appartement comme la plupart des gens. De ce fait, nous disposions d’une sorte de porche à l’arrière. Chaque année, avant Souccot, mon père en couvrait le toit avec des branches et des feuillages. Nous invitions tous nos amis juifs car, de fait, c’était la seule Souccah de toute la ville. Mon père récitait le Kiddouch sur le vin, racontait des histoires et nous parlait longuement de la beauté de cette fête. Ces souvenirs de Souccot sont particulièrement vivaces dans mon esprit.
Mon père mourut en 1965 et j’héritai de sa maison. Je désirais ardemment maintenir cette tradition de Souccot, afin que mes propres enfants en soient imprégnés. J’étais un peu déçu du fait que tout ce que mon père avait réussi à construire était un toit de feuillage et de branchages. Moi, j’allais faire beaucoup mieux ! Comme j’avais des amis qui travaillaient dans une usine de métaux, ils me procurèrent des plaques d’aluminium renforcé dont je pus recouvrir le toit du porche. Ainsi je pouvais recevoir nos amis à l’abri du vent et de la pluie. J’étais si fier et heureux de perpétuer la tradition de mon père ! Du moins le croyais-je…
En 1998, le mouvement Loubavitch envoya Rav Its’hak Garelik et son épouse ‘Hanna revitaliser la communauté juive à Kazan. C’était si incroyable de voir un jeune rabbin célébrer en public ce que nous avions tenté de respecter en privé, à l’abri des regards indiscrets ! Cette année-là, Rav Garelik me dit : «Reb Moché ! Demain, c’est Souccot ! Je veux vous inviter à manger dans la magnifique Souccah que nous avons construit !»
Ce soir-là, quand j’entrai dans sa Souccah, je saluai Rav Garelik vêtu de son habit de Chabbat qui récitait le Kiddouch, alors que les bougies de la fête étaient allumées sur la table… et que le toit de sa Souccah était constitué de feuilles et de branchages !
Je ne pus me retenir et me mis à pleurer. Je venais de réaliser que ce que mon père avait toujours mis en guise de toit était la bonne façon d’agir ! Depuis plus de trente ans, je m’étais cru plus intelligent en recouvrant ma «Souccah» de plaques d’aluminium pour la rendre plus belle et plus confortable mais ce n’était pas une Souccah !
Rav Garelik me demanda pourquoi je pleurais et quand je lui expliquai, il me consola : «Certainement votre père vous regarde depuis le ciel, avec tous les grands Juifs des générations passées et il sourit : je vous garantis que D.ieu ressentait un immense plaisir de votre Souccah – avec son toit en aluminium – même si elle n’était pas recouverte de feuillage parce que vous la construisiez avec tant d’ardeur et de sincérité !»
Depuis, j’ai continué à apprendre et à mieux comprendre nos traditions. Ma famille et moi-même sommes très impliquées dans la vie de la communauté et nous célébrons les fêtes comme il se doit !»
Malgré le froid de l’automne russe, de nombreux Juifs tiennent actuellement à sortir pour manger et se réunir dans les Souccot communautaires érigées la plupart du temps dans les cours des synagogues. C’est la Souccah qui les garde au chaud !
Telle est la véritable saga de Souccot en Russie : jamais le communisme le plus virulent n’a réussi à complètement détruire la frêle Souccah et l’étincelle de judaïsme qui anime chaque Juif.
Rav Avraham Berkowitz
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The Jewish Press
Traduit par Feiga Lubecki