Et si l’on se rassemblait ?
Comme les années sont belles quand elles commencent ! Comme elles semblent porter la vie et l’espoir ! Elles sont comme une porte ouverte sur une chambre aux trésors encore inexplorée. C’est avec assurance que nous venons de franchir le seuil de l’année nouvelle. Nous sommes certains qu’elle recèle toutes les félicités, individuelles et collectives, du monde. Puissent-elles seulement se révéler à nous concrètement. Ne dit-on pas que le bonheur est contagieux ? Le souhait de chacun, en ces jours de commencement, est qu’il s’étende à tous avec la fulgurance des causes justes et la puissance des causes gagnées.
Il faut dire que, dans ce domaine, nous partons avec un avantage notable. Alors que nous vivons la fête de Souccot, la joie de la résidence dans les cabanes au toit de feuillage, l’allégresse de la bénédiction quotidienne sur le bouquet de plantes – le Loulav et l’Etrog, l’année nouvelle prend brutalement une coloration plus brillante. C’est littéralement comme une vague d’enthousiasme qui nous soulève : cette année est celle du «Hakhel», du rassemblement. Il y a d’abord, dans ces mots, un souvenir historique. A l’époque où le Temple de Jérusalem se dressait sur sa colline et où l’ensemble du peuple juif, gouverné par un roi, demeurait sur la Terre d’Israël, lorsque s’achevait l’année du repos agricole – la Chemita – une cérémonie particulière se déroulait, prescrite par la Torah. Une estrade était dressée dans la cour du Temple et le roi y montait pour lire des parties de la Torah au peuple assemblé. Le but était clair : «qu’ils entendent et apprennent à craindre D.ieu» au meilleur sens du terme. Ce rassemblement se passait à Souccot et il ne laissait pas inchangé.
Certes, tout cela peut sembler ne plus avoir que le charme des choses qui appartiennent au passé. Pourtant, notre peuple, s’il a une longue mémoire, pratique peu la nostalgie. Il lui préfère l’inspiration. C’est dire que ce commandement garde aujourd’hui tout son sens. Bien sûr, le Temple n’est pas là, nous n’avons pas de roi et tous ne vivent pas en Terre d’Israël. Il nous reste, cependant, un élément essentiel : le rassemblement. Se rassembler soi-même d’abord : réunir toutes ses forces, tous ses sentiments, toutes ses capacités, toutes ces choses merveilleuses qui font l’homme et leur donner un but : entendre comprendre, craindre D.ieu. Peut-être est-ce déjà le programme d’une année… Mais comment se limiter à soi ? Nous rassembler, nous réunir pour, ensemble, construire le bonheur, cette année nous en donne le pouvoir. Nous pouvons réaliser l’unité de tous. Nous pouvons faire que, de nos individualités, naisse une idée plus grande, riche de tout ce que nous sommes. Une Année de Rassemblement pour faire jaillir le meilleur du monde. Elle a, dès à présent, commencé. Puisse-t-elle, par notre effort, nous conduire au Rassemblement ultime, celui de la Délivrance.
Un cantique absolu
Presque à la fin du cycle annuel de lecture de la Torah arrive le cantique dénommé par son premier mot : «Haazinou - Ecoutez». C’est Moïse qui s’adresse au peuple juif en un chant à la portée spirituelle infinie. Pourtant, ce que le texte qualifie de «cantique» est loin de ne présenter que des aspects positifs. Si son début souligne effectivement tout le bien que D.ieu a fait pour Son peuple, sa conclusion est, au contraire, une sévère remontrance. Par exemple : «Je cacherai d’eux Ma face» ! Cependant l’ensemble porte le beau titre de cantique !
C’est que tous les événements rencontrés par le peuple juif, même ceux qui semblent difficiles, n’ont qu’un but : parvenir à la Délivrance. Dans cette optique, ils ne sont que des étapes d’élévation qui conduisent à la perfection éternelle que Machia’h amènera. Les passages à connotation négative font ainsi bien partie intégrante d’un cantique qui célèbre l’avancée progressive de l’Histoire.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. 24 – Haazinou Chouva) H.N.
Souccot : La Mitsva facile
Comment [accomplir] la Mitsva de résider dans la Souccah ? On doit manger, boire et habiter dans la Souccah, jour et nuit, comme l’on vit dans sa maison les autres jours de l’année : pendant sept jours, on doit faire de sa maison sa résidence temporaire et de sa Souccah sa résidence permanente. (Choul’han Arou’h, Ora’h ‘Haïm 639 :1)
D.ieu dit… «J’ai une Mitsva facile, et Souccah est son nom » (Talmud, Avodah Zarah 3a)
«Dans des Souccot, vous devez résider sept jours », ordonne la Torah, «…pour que vos générations sachent que J’ai fait résider les Enfants d’Israël dans des Souccot quand Je les ai sortis de la terre d’Egypte. »
Nos Sages, relevant l’emploi que fait la Torah du verbe «résider», dans les versets cités plus haut, définissent la Mitsva de la Souccah comme un commandement qui implique que, tout au long de la durée de la fête de Souccoth (du 15 au 21 Tichri), la Souccah devienne notre résidence principale. Tout ce que l’on fait d’habitude à la maison doit être accompli dans la Souccah.
Ainsi, à chaque automne, alors que les conditions atmosphériques deviennent inclémentes, nous nous installons à l’extérieur. Pendant toute une semaine, nous échangeons notre maison habituelle pour une autre qui nous laisse à la merci des éléments, démontrant ainsi notre confiance en la providence et la protection divines, tout comme le firent nos ancêtres lorsque «ils Me suivirent dans le désert, dans une terre inculte. »
Résider sept jours dans la Souccah est une belle expérience, source d’inspiration. Cependant, on peut difficilement la décrire comme «facile». Et pourtant, c’est cet adjectif qu’utilise le Talmud pour qualifier cette Mitsva !
Le lien par la Mitsvah
«Mitsva», terme qu’utilise la Torah pour indiquer les préceptes divins qui guident et gouvernent chaque aspect de notre vie, depuis le moment de notre naissance jusqu’à notre dernier souffle, possède deux significations : ce mot signifie à la fois «commandement» et «lien».
En nous enjoignant les Mitsvot, D.ieu créa le moyen par lequel nous pouvons établir une connexion avec Lui. La main qui distribue la charité, l’esprit qui réfléchit sur la sagesse de la Torah, le cœur qui s’épanche dans la prière, la gorge qui avale la Matsa consommée à Pessa’h, tous deviennent les instruments de la Volonté Divine. Chaque membre, chaque organe, chaque faculté de l’homme possède des Mitsvot qui lui sont propres de sorte qu’aucune partie de notre être ne reste sans implication dans notre relation avec le Créateur.
C’est là que réside la particularité de la Mitsva de la Souccah. Alors que chacune des autres Mitsvot concerne un aspect précis de notre être, la Mitsva de la Souccah donne le moyen qui permet à la totalité de la personne de s’engager dans l’accomplissement de la Volonté Divine. L’être humain tout entier entre et vit dans la Souccah : «la Souccah est la seule Mitsva dans laquelle l’homme s’engage avec ses bottes pleines de boue» s’exclame l’adage ‘hassidique... Pendant les sept jours de Souccot, la Souccah est notre foyer, l’environnement de chacune de nos entreprises, de chacune de nos activités.
L’homme et son terrain
L’aspect unique de la Souccah, en tant que moyen de connexion avec D.ieu qui englobe l’être tout entier, peut être mieux compris à la lumière de la signification de ce qu’est un «foyer» pour l’être humain.
Nos Sages soulignent combien est profondément enraciné en l’homme le désir d’un foyer. C’est bien plus que le simple besoin d’un toit pour s’abriter et être en sécurité. En effet, satisfaire seulement ces besoins, ceux d’un toit et d’un abri sans un lopin de terre (ou une maison) vraiment à soi, ne comble pas l’aspiration à avoir son foyer. Le Talmud va même jusqu’à déclarer : «celui qui ne possède pas de foyer n’est pas un homme». Le besoin d’une maison est intrinsèque à l’âme et l’une des définitions de ce qu’est un homme.
C’est la raison pour laquelle l’identification d’un homme avec sa maison ne se confine pas aux heures qu’il passe à l’intérieur de ses murs. Quand il travaille, qu’il rend visite à des amis ou qu’il se promène dans un jardin, c’est en tant qu’habitant de sa demeure propre qu’il travaille, rend des visites ou se promène. Puisque son humanité même est incomplète sans ce lieu qui est le sien, ce dernier fait partie de tout ce qu’il fait.
Pendant les sept jours, où nous faisons de la Souccah notre demeure, elle forme une partie intégrante de notre identité. Tout ce que nous accomplissons, y compris ce que nous faisons à l’extérieur de la Souccah, est inclus dans ce «lien» avec D.ieu noué grâce à cette Mitsva.
Facile comme la vie
Nous pouvons désormais comprendre pourquoi la Mitsva de la Souccah est la Mitsva «facile» de D.ieu.
Dans son approche de l’accomplissement des commandements de D.ieu, l’homme peut adopter l’une des deux attitudes suivantes :
Il s’y engage par devoir. Il entrevoit alors le but de sa vie comme la réalisation de ses propres ambitions personnelles. Et en même temps, il reconnaît que D.ieu est le Maître de l’univers, Celui Qui l’a créé, lui a donné la vie et Qui continue à le soutenir à chaque moment de son existence. Ainsi se sent-il obligé, par devoir, d’obéir aux commandements de D.ieu.
Ou bien alors, l’individu considère son engagement dans l’accomplissement des Mitsvot comme le but de son existence. Il comprend que «Je n’ai été créé que pour servir Mon Créateur». Il reconnaît comme vérité que c’est là son véritable «moi» et l’accomplissement et la réalisation ultimes de ce qu’il est.
Si nous observons la première approche, celle qui considère l’observance d’une Mitsva comme celle d’un devoir, nous considérerons certaines Mitsvot «faciles» et d’autres «difficiles». Il se peut que nous les accomplissions toutes, peut-être même avec bonne volonté et même avec joie, mais nous en trouvons certaines agréables et pleines d’inspiration et d’autres plus difficiles voire lassantes. Les dépenses de temps, d’efforts et d’argent que nécessite une Mitsva peuvent également affecter le degré de difficulté que nous ressentons dans son accomplissement.
Mais lorsque nous considérons l’accomplissement de la Volonté de D.ieu comme le terreau même de notre vie, le concept de «Mitsva difficile» n’existe pas. Toutes les Mitsvot sont «faciles» car elles ne nous sont pas imposées dans notre vie, elles sont notre vie. En fait, il n’y a pas de clivage entre les domaines de notre vie appartenant aux Mitsvot et ceux sans Misvot. Quand nous vivons pour implanter dans la création le but Divin, notre vie toute entière devient une quête unique pour nous lier à notre Créateur et servir Sa volonté.
Si l’observance de toutes les Mitsvot peut se faire de l’une ou l’autre manière, il en est une dont les modalités d’observance ne demandent rien moins que la seconde approche. La Mitsva de la Souccah ne nous dit pas de faire quelque chose, elle nous dit d’être quelqu’un : celui qui réside dans la Souccah. La façon d’observer ce commandement est de faire de la Souccah notre foyer, notre environnement, nos racines, notre identité même, pendant sept jours, chaque année de notre vie.
Et quand nous appliquons le modèle de la Mitsva de la Souccah à tous les commandements de D.ieu, ils prennent alors tous la qualité de la Souccah qui englobe tout. Ils deviennent alors aussi «faciles» que la vie.
Que fait-on à Souccot ?
«Dans des Souccot, vous habiterez durant sept jours… afin que vos générations sachent que c’est dans des Souccot que J’ai fait habiter les enfants d’Israël lorsque Je les ai fait sortir du pays d’Egypte».
Chaque Juif prend ses repas dans une Souccah, une cabane recouverte de branchages, depuis lundi soir 13 octobre 2008 jusqu’à Chémini Atséret inclus, c’est-à-dire mardi après-midi 21 octobre. On essaiera d’habituer les petits garçons à prendre aussi leur repas dans la Souccah. Les femmes ne sont pas astreintes à ce commandement. Il est recommandé d’avoir des invités dans la Souccah.
Avant d’y manger du pain ou du gâteau, ou d’y boire du vin, on dira la bénédiction adéquate suivie de la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Léchève Bassouccah» - «Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné de résider dans la Souccah».
Lundi soir 13 et 20 octobre, après avoir mis quelques pièces à la Tsedaka (charité), à Paris avant 18h 47, les femmes mariées allument au moins deux bougies (les jeunes filles et les petites filles allument une bougie) avec les bénédictions suivantes :
1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Yom Tov» - «Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière de la fête».
2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehiguianou Lizmane Hazé» - «Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre et exister et parvenir à cette époque».
Mardi soir 14 et 21 octobre (à Paris après 19h 51) elles allument les bougies avec les mêmes bénédictions, à partir d’une bougie de 48 heures allumée avant la fête.
A partir de mardi matin 14 octobre et jusqu’au lundi 20 octobre inclus, on récite chaque jour la bénédiction sur les «quatre espèces» (cédrat, branche de palmier, feuilles de myrte et feuilles de saule) :
1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al Netilat Loulav» - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné de prendre le Loulav».
La première fois, on ajoute : 2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehiguianou Lizmane Hazé».
Tous les soirs de Souccot, on organise, si possible dans la rue, une fête joyeuse, Sim’hat Beth Hachoéva.
F. L.
Une si petite Souccah
En 1936, le NKVD, la police secrète soviétique avait malheureusement réussi à éradiquer en grande partie le judaïsme en Russie. Même les quelques ‘Hassidim qui restaient fidèles aux lois de la Torah se cachaient et vivaient dans une terreur perpétuelle : être découvert ou dénoncé, puis arrêté, torturé et envoyé en esclavage en Sibérie pour y mourir de faim et de froid. Certains trouvaient le moyen d’enseigner secrètement la Torah à leurs enfants, de cuire des Matsot pour Pessa’h ou de prier avec un Minyane (quorum de dix hommes). Mais la fête de Souccot n’était vraiment pas simple à respecter : comment peut-on construire une cabane à ciel ouvert, au plafond recouvert de branchages sans éveiller les soupçons du KGB ?
Mais Rav Yits’hak Elchanan Shagalov était résolu à accomplir cette Mitsva sans compromis, comme d’ailleurs toutes les autres Mitsvot : «La Torah est plus précieuse que la vie elle-même» répétait-il à ses enfants ; ou encore : «Une vie sans Torah n’a aucun sens ! Les Soviétiques ne pourront jamais réduire nos âmes en esclavage !»
A l’arrière de la synagogue des ouvriers, dans la cour, se dressait une petite cabane en ruines. Elle était remplie d’un incroyable fourbis : des planches usées, des vieux journaux, des outils rouillés, des chiffons déchirés, des piles d’objets hétéroclites. Rav Yits’hak Elchanan Shagalov décida d’utiliser cette cabane. Quelques jours avant la fête, il enleva exactement deux planches du plafond et les remplaça par du feuillage.
La première nuit de Souccot, il réveilla ses six enfants – le plus petit n’avait que quelques mois – qui étaient blottis dans la synagogue, là où la famille avait dû trouver refuge après avoir été expulsée de sa maison. Il serra les enfants les uns contre les autres pour qu’ils se trouvent exactement sous le feuillage : ainsi chacun d’entre eux accomplissait la Mitsva.
Durant le «repas» - qui consistait en quelques croûtons de pain - Rav Yits’hak Elchanan enseigna à ses enfants la célèbre chanson yiddish : «A Soukelé A Kleine» («Une si petite Souccah»). Ce chant évoque des vents violents qui menacent d’abattre la frêle Souccah ; une petite fille angoissée s’écrie que la Souccah va s’effondrer et que les bougies vont s’éteindre ! Mais son père la console : cela fait des milliers d’années que la Souccah résiste et aucun vent ne peut la déraciner ! De fait, telle était l’éducation ‘hassidique qu’il désirait inculquer à ses enfants : «Les vents violents, ce sont les Soviétiques et leur police secrète. Ils tentent de toutes leurs forces de détruire notre Souccah. Les bougies, ce sont les enfants juifs que les communistes souhaitent assimiler à leur culture. C’est pourquoi ils interdisent toute pratique religieuse. Mais nos enfants resteront fidèles à l’enseignement de la Torah et le judaïsme ne s’éteindra jamais !»
Puis Rav Yits’hak Elchanan changea légèrement les mots : au lieu de chanter : «Les bougies vont s’éteindre», il affirma de sa voix mélodieuse : «Regardez ce miracle ! Nos bougies ne s’éteignent pas !» Il répéta le chant encore et encore, jusqu’à ce que les enfants le connaissent par cœur et s’imprègnent profondément de son message.
Actuellement, les enfants de Rav Yits’hak Elchanan et Maryasha Shagalov sont eux-mêmes arrières-grands-parents d’environ cinq cents descendants qui sont tous responsables communautaires, émissaires du Rabbi, Rabbanim, enseignants et abatteurs rituels dispersés sur les cinq continents, assumant fièrement la continuation de l’éducation juive : les vents violents n’ont pas réussi à déraciner la fragile Souccah du peuple juif. Les bougies allumées par ces ‘Hassidim dans une cabane abandonnée au fond d’une cour éclairent encore le monde d’une lumière pure et éternelle.
E. Lesches
traduite par Feiga Lubecki