Semaine 37

  • Ki Tetsé
Editorial
Une vie à changer

Un homme simple vivait dans sa maison. Il travaillait dur pour vivre ainsi que sa famille. Tous ceux qui étaient autour de lui connaissaient la même existence : le lever alors que, souvent, il fait à peine jour, le labeur au long de la journée, le soulagement du soir et le repos physique toujours attendu, parfois obtenu, les soucis constants du quotidien qui tendent à effacer tout autre préoccupation. Lui, pourtant, était différent. Il connaissait, comme intuitivement, la puissance du rêve. Et il rêvait tout éveillé. Au cœur de son travail, il se prenait à songer et son rêve était merveilleux. Il se voyait allant à la rencontre du roi, du souverain qui, bon et miséricordieux, veillait au bonheur de ses sujets. Il se voyait l’approchant, le saluant avec respect et amour tandis que le monarque lui rendait son salut avec bienveillance. Il se voyait encore lui demandant de combler les manques qu’il ressentait, matériellement ou spirituellement. Et toutes ses requêtes étaient accordées. Puis, il se voyait accompagnant le roi alors qu’il retournait dans sa ville et son palais. C’est alors que l’homme sortait de son rêve, secouant les épaules comme pour en chasser les dernières traces et reprenait son travail avec, au cœur, le regret vague que tout cela ne soit véritablement qu’un songe. Ne savait-il pas lui-même que le roi vivait dans son palais, bien loin de là, et que les gens simples ne pouvaient même pas imaginer parvenir un jour jusqu’à lui ?
Un jour pourtant, l’impensable arriva. Il fut proclamé, dans tout le pays, que le roi irait à la rencontre de son peuple et que chacun pourrait l’approcher à sa guise. L’homme se prépara autant et aussi bien qu’il le put. Certes, il n’était pas un grand seigneur mais, au moins, il serait un sujet fidèle et aimant de son roi ! Le jour dit, le cœur battant, il se présenta. Et la réalité fut encore plus belle que son rêve. Il parla au roi, lui demanda tout ce qui lui tenait à cœur et plus encore. Et, en un sourire radieux, le roi lui accorda tout ce qu’il demandait. Ce jour-là changea toute sa vie.
Il faut en prendre conscience : cette histoire est bien autre chose qu’un joli conte. Elle est surtout celle de notre vie. Chacun est ainsi emporté par les jours qui passent et les préoccupations qui, naturellement, les emplissent. C’est alors que le mois d’Elloul, dernier du calendrier juif, commence. Il est celui où nous nous préparons aux grandes fêtes de Tichri. Il est celui où le Roi de l’univers, D.ieu, est comme plus proche de chacun. Il vient à nous, prêt à entendre les demandes et à y répondre avec une miséricorde absolue, comme un Père sait répondre à ses enfants. Elloul ? Un mois pour tout changer.
Etincelles de Machiah
Impossible à supporter !

En regardant les choses avec une vérité absolue, le peuple juif connaît, dès aujourd’hui, un état de liberté authentique. Il ne peut plus supporter la fausseté de l’exil, non plus que la situation dans laquelle «d’autres maîtres que Toi affirment leur autorité sur nous». Son désir est que la vérité soit révélée au monde entier au point que l’idée générale de «D.ieu est Un et Son Nom est Un» apparaisse à tous.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – Chabbat Parachat Mikets 5742) H.N.
Vivre avec la Paracha
Ki Tetsé : Qui sont nos ennemis ?

«Quand tu sortiras en guerre sur tes ennemis, et D.ieu le livrera entre tes mains…» sont les mots qui ouvrent la Paracha de cette semaine : Ki Tetsé.
La Torah Ecrite est extrêmement précise. Quand apparaît une anomalie grammaticale, comme ici le pluriel «tes (ennemis)» qui devient singulier : «le (livrera)», les commentaires et les midrachim s’emparent de cette singularité et en découvrent l’histoire et la leçon sous-jacentes.
La présence des Egyptiens, des Amalécites, des Babyloniens, de l’Eglise, des Nazis, des Soviets et de bien d’autres sont la preuve que nous ne manquons pas d’ennemis dans notre histoire. D’une manière générale, on peut les séparer en deux groupes : les ennemis spirituels et les ennemis physiques.
Les exemples classiques nous sont fournis par l’empereur syro-grec, Antiochus, qui tenta d’helléniser par force les Juifs (nous en fêtons la défaite, chaque année, à ‘Hanouccah) et par Haman l’Agaguite qui promulgua un décret royal afin d’annihiler physiquement la présence de tous les Juifs sur terre (sa chute est célébrée à Pourim). Il n’est pas difficile, de surcroît, de trouver des exemples contemporains.
Et pourtant, intrinsèquement, ces deux types d’ennemis n’en sont qu’un. A plusieurs reprises, l’histoire juive nous relate la manière dont l’affaiblissement de notre identité spirituelle mena invariablement au déclin physique. Un ennemi de l’âme juive est un ennemi du corps juif tout comme un ennemi du corps juif est évidemment un ennemi de l’âme juive.
C’est là la leçon implicite dans le verset qui ouvre notre Paracha. Notre première ligne de défense dans la guerre pour la survie du Peuple Juif est la prise de conscience que nos ennemis «pluriels» sont en réalité un ennemi «singulier». Le destin physique et le destin spirituel sont inexorablement liés. Nous devons considérer chaque attaque contre un Juif comme une attaque contre l’esprit éternel d’Israël et traiter chaque danger spirituel comme une menace pour notre survie physique.
Que faire pour gagner la guerre ? Comment la mener pour que «D.ieu le livre entre nos mains» ? La réponse réside dans une autre curiosité grammaticale de l’ouverture de Ki Tetsé. : «Quand tu sortiras en guerre «sur» tes ennemis…»
Le mot «sur» est la traduction de l’hébreu «al» qui signifie dans ce contexte «contre». Le sens simple du verset signifie donc «quand tu iras en guerre contre tes ennemis». Mais ce mot peut également être compris comme signifiant «au-dessus» : ne va pas à la guerre contre eux, va à la guerre au-dessus d’eux.
Nous en avons été témoins à de si nombreuses reprises, dans notre expérience en tant que peuple, que ce «détour» grammatical de la Torah ne fait que nous ouvrir les yeux sur une réalité vécue. Quand nous partons en guerre, «au-dessus» de nos ennemis, confiants dans notre supériorité morale et spirituelle, et sûrs de notre cause, nous finissons toujours par triompher, même si nous sommes dépassés par le nombre des hommes et des armes. Mais quand nous commençons à douter du bien-fondé de nos initiatives, quand nous commençons à considérer des meurtriers décadents comme nos égaux, nous sommes condamnés à perdre du terrain même si, sur le plan matériel, nous détenons l’avantage militaire et stratégique.
La leçon est aussi simple que profonde : quand tu pars en guerre «sur» tes ennemis, D.ieu le livrera entre tes mains.
Mais nous sommes également engagés dans un autre type de batailles : celles qui ont principalement lieu à l’intérieur de nous-mêmes où s’affrontent l’empire de l’esprit, des idéaux juifs, de la Torah et celui des besoins, des désirs et des attitudes ordinaires et quotidiens. Le combat entre ces deux forces en nous se mène tout au long de notre vie.
Le premier verset de la Paracha évoque donc aussi ce type de conflit. Les buts en sont établis par la Torah : faire de la Torah une partie intégrante de notre vie quotidienne en observant les commandements divins, créer des foyers et des familles où l’atmosphère est harmonieuse et entière, exprimant les valeurs des enseignements millénaires de la Torah.
Et surviennent toutes sortes de menaces. Certaines sont des problèmes simples, comme l’envie de faire ce qui est le plus facile pour nous, ou encore avoir de l’indulgence pour notre propre personne. D’autres sont des obsessions problématiques qui semblent nous hanter continuellement.
Dans cette situation qui dure toute la vie, chacun d’entre nous est appelé à partir en guerre. Comme un bon stratège, menant un combat sur un front difficile, la Torah prend en considération où faire des concessions à la fragilité humaine et où ne pas les faire. L’aide des rabbanim et de leurs épouses permet justement souvent d’établir les frontières subtiles de ces questions.
Néanmoins, un commentaire intéressant de nos Sages illumine le paradoxe de la vie. Dans la loi juive, deux types de combats sont décrits : une bataille qui est un devoir, comme sauver la vie du Peuple Juif, et une bataille facultative, comme celle que mena le Roi David pour étendre les frontières de la Terre d’Israël. Les Sages décrivent la bataille évoquée dans la Paracha comme «optionnelle».
Mais comment la bataille spirituelle de la vie, le combat pour observer correctement la Torah, peut-il être qualifié d’«optionnel» ? Il est sûr qu’il nous est imposé par le fait même que nous sommes nés !
La ‘Hassidout apporte une réponse intéressante à cette interrogation. Les Sages disent que D.ieu consulta les Justes avant de créer le monde. Or, chaque Juif est considéré comme étant «Juste». Il s’ensuit donc que la création en général et, en conséquence, le fait que chacun soit né ont été acceptés par chaque âme individuelle.
Cela signifie qu’à un niveau profond, chaque âme a choisi d’être là. Notre âme a choisi l’option de venir dans le monde pour y mener les batailles spirituelles et physiques qui s’y déroulent parce qu’elle a confiance que nous les remporterons. La bataille est «optionnelle» parce que c’est cette option que nous avons choisie. Nous avons choisi d’être là et sur chaque front, nous allons gagner.
Le Coin de la Halacha
Il est bien entendu interdit de voler. Si un voleur se repent et désire rendre l’objet volé, que peut-il faire si le propriétaire est décédé ?
Il rendra l’objet – ou éventuellement sa valeur si l’objet n’est plus utilisable – aux héritiers du propriétaire.

Comment doit agir celui qui a lésé de nombreuses personnes mais qui ignore qui il doit rembourser ?
Comme il ignore à qui il doit restituer l’objet ou le rembourser, sa «Techouva» est particulièrement difficile. Les Sages conseillent dans ce cas d’utiliser l’argent dérobé pour confectionner des objets utiles à la communauté : ainsi, les personnes lésées pourront profiter un peu de ce qui leur a été dérobé. Cependant, si le voleur connaît certaines des personnes qu’il a lésées, il devra leur rendre l’argent ou l’objet volé : ce qu’il a «offert» à la communauté ne le rendra pas quitte dans ce cas-là.

Comment doit agir celui qui a acheté un objet et qui découvre que celui-ci a été volé ?
Celui qui possède un objet volé – même si ce n’est pas lui qui l’a volé – est obligé de le rendre à son propriétaire. S’il l’avait acheté (au voleur) en toute bonne foi, le propriétaire doit lui rembourser l’argent, puis doit se retourner contre le voleur pour exiger le remboursement.

F. L.
(d’après Rav Ehoud HaCohen Kavine - Michpa’ha Hassidit)
De Recit de la Semaine
De Belz à Belz en passant par Loubavitch

Un certain ‘Hassid de Belz se mit un jour à parler contre le Rabbi de Loubavitch et ses efforts pour répandre le judaïsme dans les endroits les plus improbables. Selon lui, le fait d’envoyer des jeunes ‘Hassidim proposer à des Juifs dans la rue de mettre les Téfilines cachait des motifs intéressés etc… Son interlocuteur tenta de le faire taire mais ce ‘Hassid de Belz n’en démordait pas.
Cet homme avait un fils d’une vingtaine d’années : un beau jeune homme, studieux, sérieux, très pratiquant qui faisait la fierté de son père.
Inexplicablement, quelques jours après que son père se soit ainsi emporté, le jeune homme ressentit de l’ennui ; il ne parvenait plus à étudier la Torah jour et nuit comme auparavant. Pire : il s’aventura hors du quartier religieux, se rasa la barbe et les Péot, se laissa pousser les cheveux, cessa même de mettre les Téfilines chaque jour. Il se fit de nouveaux «amis» qui l’emmenèrent fréquenter les bars louches de Tel Aviv. Puis, bien décidé à «profiter de la vie», il prit l’avion et se retrouva à New York, écumant des endroits peu fréquentables.
Un matin, alors qu’il avait déjà passé un an à «s’amuser», le jeune homme aperçut un jeune ‘Hassid de Loubavitch qui lui demanda s’il était juif. Instinctivement, il répondit non, mais fut trahi par son accent typiquement israélien ; le Loubavitch comprit immédiatement et insista mais le jeune homme s’entêta : cela ne l’intéressait vraiment pas !
Une semaine plus tard, dans un autre quartier, il rencontra le même jeune Loubavitch qui le supplia de mettre les Téfilines – cela ne prend que quelques minutes – mais encore une fois en vain. Une troisième fois, il rencontra le jeune Loubavitch, non loin d’un «tank des Mivtsaïm», ces camions à bord desquels on peut trouver tout ce qu’il faut pour parfaire ses notions de judaïsme et les mettre en pratique : «Que me veux-tu ? Tu me poursuis à travers tout Manhattan ? Laisse-moi tranquille !» s’exclama l’ancien ‘Hassid de Belz.
- Mais non ! Je t’en supplie, mets les Téfilines pour me faire plaisir. Cela fait des heures que je suis là et je n’ai pas réussi à mettre les Téfilines à au moins un Juif ! Rends-moi service !
Il l’avait dit avec un tel sourire, une telle sincérité que le jeune homme ne put refuser une troisième fois. Il roula la manche gauche de sa chemise et attrapa les Téfilines qu’il savait bien sûr mettre tout seul, sans aucune aide ; il se souvenait également de la bénédiction et du Chema Israël.
Après cela, il se mit à bavarder avec ce Loubavitch si sympathique ; celui-ci l’invita à fréquenter d’autres bâtiments dans d’autres quartiers de New York : une synagogue, un lieu d’études…
Quelques mois plus tard, il était de retour en Israël. Il frappa à la porte de ses parents mais il était redevenu un ‘Hassid de Belz et, cette fois-ci, il avait mûri et s’était renforcé dans son judaïsme. Son père l’accueillit avec un cri de joie, l’enlaça, l’embrassa, versa même quelques larmes d’émotion : «Les Loubavitch ne m’ont pas lâché et me voilà, de retour à une vie de Torah !» expliqua le fils.
Soudain, le père comprit ! Parce qu’il avait parlé contre le Rabbi, son fils avait quitté le droit chemin ; et grâce au Rabbi et à ses fidèles émissaires, son fils était revenu. Le ‘Hassid décida sur le champ : il devait se rendre à New York et demander pardon au Rabbi, face à face. Il appela son agent de voyage et commanda un billet.
Une semaine plus tard, il fut admis dans le bureau du Rabbi, au 770 Eastern Parkway. Tête basse, il osait à peine lever les yeux pour regarder le Rabbi. Il réalisait combien il avait été stupide quand il avait osé parler contre lui. Tout ce qu’il put balbutier, ce fut : «Pardon Rabbi ! Je suis fautif et j’en suis désolé !» Et il éclata en sanglots.
- Quand votre fils vous a laissé (comment le Rabbi savait-il ?), vous étiez vraiment malheureux, n’est-ce pas ? demanda le Rabbi.
- Malheureux n’est pas le mot ! J’étais brisé !
- Et quand il est revenu, vous étiez heureux !
- Fou de joie ! répondit l’homme.
- Maintenant, conclut le Rabbi, vous comprenez combien je suis malheureux chaque fois qu’un Juif abandonne le judaïsme et combien je suis heureux chaque fois qu’un Juif y retourne !»

Rav Tuvia Bolton
www.ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki