Semaine 15

  • Metsorah
Editorial

Quand tout commence

La semaine dernière, un événement majeur s’est produit. Pour la vingt-neuvième fois, le cycle annuel d’étude du Michné Torah, de Maïmonide, s’est conclu et, par là-même, il a recommencé pour la trentième fois. Une telle annonce, faite avec une telle solennité, peut surprendre. Certes, l’étude de la Torah est toujours essentielle. Certes, se pénétrer de cette sagesse, c’est se pénétrer de la Sagesse de D.ieu, devenir un avec elle. Et la conclusion de la Torah est légitimement une fête. Pourtant, quelque chose semble ici différent. Il s’y trouve comme un élément supplémentaire qu’il importe de trouver, décrypter car c’est, d’une certaine façon, notre rapport à la Torah qui s’exprime ici.
Il y a trente ans, le Rabbi de Loubavitch proposait d’entreprendre cette étude régulière. Il soulignait qu’elle n’était pas réservée à une élite, à ce qu’il aurait fallu qualifier de «caste d’érudits». Bien au contraire, privilège de tous, elle appartient, chaque jour davantage, à chacun. Dans son Michné Torah, Maïmonide expose et analyse toutes les lois de la Torah sans aucune exception. A cet égard, il fait œuvre unique. D’autres auteurs ont, évidemment, développé des ouvrages codifiant la loi juive, le Choul’han Arou’h en étant le plus bel exemple. Mais aucun n’a choisi l’exhaustivité. Ici, celle-ci est précieuse. De fait, étudier ce texte tout au long de l’année, c’est, pour cette raison, étudier l’ensemble de la Torah, en avoir une approche complète, totalisante. Rien ne convient mieux à la compréhension de l’Absolu – si tant est qu’elle soit possible. Il faut alors imaginer les centaines de milliers de personnes qui, depuis la semaine dernière, ont entamé ce trentième cycle avec tout l’enthousiasme de l’étude. Toutes ensemble, par delà les distances – géographiques ou intellectuelles – elles ont réalisé une manière d’unité, sans doute bien plus réelle et profonde que celle des affirmations sans portée. Elles construisent l’unité indestructible et indépassable de la réflexion et de la connaissance, portées par l’œuvre totale de Maïmonide.
Tout cela resterait sans doute théorique si le moindre pré-requis était nécessaire pour avoir accès au Michné Torah. Ne s’agit-il pas d’une œuvre majeure d’érudition ? Mais notre temps fait des miracles. Le Rabbi suggéra qu’on puisse étudier ce texte à des rythmes divers, adaptés à chacun : trois chapitres par jour, un chapitre par jour ou le «Séfer Hamitsvot» qui résume, en quelque sorte, les acquis du Michné Torah. Plus encore, tout cela existe aujourd’hui en traduction française, largement diffusé, accessible à tous. Finalement, il s’agit là d’une clé. Il suffit de nous en saisir.

Etincelles de Machiah


Le prophète Osée (6:2) annonce : «Il nous fera revivre après deux jours, le troisième jour il nous redressera et nous vivrons en Sa Présence.»
Les Sages interprètent l’expression «deux jours» comme se rapportant à «ce monde» et au «monde futur». Quant au « troisième jour », il désigne le «monde de la résurrection» qui suivra la venue de Machia’h.
Chacun de ces degrés correspond à un mode de service de D.ieu. «Ce monde» représente l’œuvre spirituelle accomplie par ceux qui exercent une activité profane et mènent leur vie conformément à la Torah. Le «monde futur» représente ceux qui se consacrent exclusivement à l’étude de la Torah. Le «monde de la résurrection» correspond au niveau le plus élevé du service de D.ieu ; il combine les deux précédents. C’est un niveau auquel l’âme et le corps participent avec un égal enthousiasme. C’est le but ultime de la création que la venue de Machia’h concrétisera.
(d’après les Iguerot Kodech du Rabbi, vol. IV, p. 462) H.N.

Vivre avec la Paracha

Métsora : Remonter à la cause

La lecture de la Paracha de cette semaine expose les lois de tsaraat (la « lèpre » biblique). Pourquoi cette maladie de peau était-elle si importante au point d’être l’objet de lois particulières de la Torah ?
Le Midrach enseigne qu’il arrivait que des affections physiques soient les conséquences des actions de l’homme et que cette « lèpre » très spéciale était un résultat de la médisance.

La maison, les habits et la peau
La « lèpre » pouvait apparaître sur la peau, sur les habits voire même sur les murs de la maison. Le Midrach enseigne que la « lèpre » sur les murs était le premier signe d’une faute. Si l’on ignorait ce signe et que l’on continuait à pécher, la « lèpre » gagnait les vêtements. Et en cas d’occultation de ce second symptôme, la « lèpre » devenait alors une maladie dermatologique.

Une question de choix
Un examen attentif de la Paracha met à jour un point intéressant. Alors qu’elle évoque l’apparition de la « lèpre » sur les murs, la Torah dit : « Il se rendra chez le Cohen ». L’implication en est que, lorsqu’un malaise spirituel est négligé et qu’on le laisse s’envenimer, l’on peut s’y habituer et on finit par l’ignorer. C’est par leur propre volonté que ces « patients » ne se rendaient pas chez le Cohen. Il fallait que des amis attentionnés les y conduisent.
Quand apparaissait la « lèpre », un Juif devait rechercher le Cohen et non un dermatologue. Il est vrai que les médecins sont exercés à avoir accès aux forces curatives de D.ieu et peuvent guérir l’affection de la peau. Mais il s’agit pour eux de soigner les symptômes. Ils ne peuvent soigner la cause. Le Cohen conseillait et guidait selon les enseignements de la Torah. La cause était traitée et automatiquement une guérison totale en résultait.

Pour réfléchir
Aujourd’hui, nous n’observons plus les lois de cette « lèpre » puisque nous ne possédons plus le Temple ni la prêtrise. Les symptômes de la « lèpre » ne sont plus fréquents mais sa cause reste toujours présente. Encourager son ami à ne pas proférer de médisance et accepter un tel conseil de nos propres amis est une tâche délicate. Et pourtant le but en vaut la peine, la cause est cruciale et nous ne devons pas la négliger.

Les mots et les pierres
A Médziboch, la ville natale de Rabbi Israël Baal Chem Tov (fondateur du ‘hassidisme, 1698-1760), deux hommes se prirent d’une violente querelle. Un jour, alors qu’ils criaient avec colère l’un contre l’autre, l’un des deux s’écria : « Je vais te couper en pièces de mes propres mains ! »
Le Baal Chem Tov, qui était à la synagogue à ce moment-là, demanda à ses disciples de former un cercle, chacun tenant la main de son voisin, et de fermer les yeux. Rabbi Israël en fit de même et plaça ses mains sur les épaules de ses deux voisins, à sa gauche et à sa droite. Soudain, les disciples poussèrent un cri de terreur : derrière leurs yeux fermés ils voyaient l’homme en colère déchirer réellement en morceaux celui qu’il avait menacé de ces mots.
« Les mots sont comme des flèches », dit le Psalmiste, « et comme des charbons ardents. » Comme des flèches, explique le Midrach, car l’homme reste au même endroit et ses mots dévastent la vie de quelqu’un d’autre, à des milliers de kilomètres. Et comme un charbon ardent dont la surface extérieure est à demi éteinte mais dont l’extérieur reste enflammé. Ainsi les mots malveillants continuent-ils à endommager bien après que l’effet extérieur s’est éteint.
Les mots tuent de plusieurs manières. Parfois, ils mettent en marche une chaîne d’événements qui peuvent se réaliser comme une véritable prophétie. Parfois ils dévient de la cible du venin pour frapper un témoin innocent. Et parfois, ils reviennent, comme un boomerang, et s’abattent sur celui qui les a prononcés. Mais quelle que soit la route qu’ils empruntent, les mots de haine débouchent inévitablement sur des actions détestables, quelquefois des années voire des générations après qu’ils aient été prononcés. La nature humaine est telle que les pensées luttent pour s’exprimer verbalement et les mots cherchent leur réalisation dans des actions, souvent empruntant des chemins complexes que celui qui les a proférés n’aurait pas désirés ni anticipés.
Mais la force des mots va plus loin que son potentiel à les traduire en actions. Même si ce potentiel ne se réalise jamais, même si les mots prononcés ne se matérialisent pas dans ce « monde de l’action », ils continuent quand même à exister dans le plus spirituel « monde de la parole ». Car l’homme n’est pas un simple corps, il possède également une âme ; il n’est pas seulement un être physique, il est également une créature spirituelle. Au plan physique, les mots prononcés ne peuvent signifier que des actions potentielles, virtuelles. Mais dans la réalité de l’âme, elles sont réelles.
C’était ce que le Baal Chem Tov désirait montrer à ses disciples en leur permettant un regard furtif jeté dans le monde des mots habité par les âmes des deux protagonistes. Il voulait qu’ils comprennent que chaque mot que nous prononçons est réel, qu’il s’accomplisse ou non dans le « monde de l’action » où réside notre être physique. A un plan plus élevé, plus spirituel de la réalité, une réalité aussi vraie que l’est pour notre corps la réalité physique, chacune de nos paroles, bonne ou mauvaise, se réalise.
Il en va de même, bien sûr, au sens positif : une parole de louange, une parole d’encouragement est aussi bonne que si elle était réalisée, dans la réalité spirituelle de l’âme. Avant même qu’une bonne parole ait donné lieu à une bonne action, elle a déjà opéré un effet profond et durable sur l’intériorité de notre être et de notre monde.

Le Coin de la Halacha

Quelles sont les Mitsvot essentielles du Séder ?

Le lundi 18 et le mardi 19 avril 2011, on organise le repas du Séder pour célébrer la sortie d’Egypte. On ne pourra commencer qu’après la nuit tombée (21h 20 - heure de Paris). Tous les Juifs doivent participer au Séder, hommes, femmes et enfants. Il faut :
Raconter la sortie d’Egypte
On le fait en lisant la Haggadah. Il faut raconter à tous les participants et en particulier aux enfants, selon ce qu’ils peuvent comprendre. Pour éviter qu’ils ne s’endorment, on aura pris soin de les faire dormir l’après-midi et on leur fera chanter certains paragraphes de la Haggadah.
Manger de la Matsa
On mange de la Matsa les deux soirs du Séder après avoir dit la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al A’hilat Matsa», en plus de la bénédiction habituelle «Hamotsi». La Matsa du Séder sera «Chemourah», c’est-à-dire qu’on aura surveillé depuis la moisson, que les grains de blé, et plus tard la farine, n’auront pas été en contact avec de l’eau, ce qui aurait risqué de les rendre ‘Hamets. Nombreux sont ceux qui préfèrent consommer les Matsot rondes cuites à la main (et non à la machine) comme au temps de la sortie d’Egypte. Il faut manger au moins 30 grammes de Matsa, et il est préférable de les manger en moins de quatre minutes. Il faudra manger trois fois cette quantité de Matsa : pour le «Motsi», pour le «Kore’h» (le «sandwich» aux herbes amères), et pour le «Afikoman», à la fin du repas, en souvenir du sacrifice de Pessa’h qui était mangé après le repas. Manger des herbes amères (Maror).
On mange des herbes amères en souvenir de l’amertume de l’esclavage en Egypte. On achètera de la salade romaine qu’on nettoiera feuille par feuille devant une source de lumière pour être sûr qu’il n’y a pas d’insectes, après l’avoir fait tremper dans de l’eau. On prépare pour chacun des convives au moins 19 grammes de «Maror», c’est-à-dire de salade romaine avec un peu de raifort râpé, trempé dans le «Harosset» (compote de pommes, poire et noix, avec un peu de vin) après avoir prononcé la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al A’hilat Maror». On consomme encore 19 grammes de Maror bien séché entouré de Matsa pour le «Sandwich de Kore’h».
Boire 4 verres de vin
On doit boire au cours du Séder au moins quatre verres de vin ou de jus de raisin cachère pour Pessa’h. Le verre doit contenir au moins 8,6 centilitres, et on doit en boire à chaque fois au moins la moitié, en une fois. Les hommes et les garçons doivent s’accouder sur le côté gauche, sur un coussin, pour manger la Matsa et boire les quatre verres de vin.
F. L.

De Recit de la Semaine

La Nasa et l’Université

J’avais passé quelques semaines à Londres où j’avais pu procéder à des échanges fructueux avec des collègues dans mon domaine de recherche, l’épidémiologie.
Comme cette visite s’était révélée si intéressante, je reçus à mon retour aux Etats-Unis une invitation à revenir dans la capitale britannique, mais cette fois plus longtemps, pour trois mois au moins de travail en commun.
J’en parlai au directeur de mon université au Minnesota : l’offre était alléchante et il la considéra favorablement. Il exprima sa satisfaction et m’accorda bien volontiers le congé dont j’avais besoin en me promettant de me reprendre dès mon retour.
Tout était donc positif et à aucun moment je ne ressentis un problème quelconque. Néanmoins, comme j’étais déjà lié au Rabbi de Loubavitch à cette époque, je voulus lui annoncer la bonne nouvelle et demander sa bénédiction. J’expliquai dans ma lettre que j’avais contacté des institutions gouvernementales qui avaient accepté de prendre à leur charge une bonne partie des frais impliqués.
En effet, j’avais prévu de voyager avec mon épouse et mes enfants : il nous fallait donc louer un appartement à Stamford Hill et inscrire nos enfants dans les différentes écoles Loubavitch. Bien entendu, mon temps serait consacré à mes travaux de recherche mais j’espérais néanmoins disposer d’un peu de temps libre pour continuer mes études de ‘Hassidout et influencer d’autres Juifs à progresser dans le judaïsme.
J’ajoutai que si la réponse du Rabbi devait être négative, je pouvais encore tout annuler.
Jusqu’à cette époque, j’avais entendu de la part de centaines de ‘Hassidim que le Rabbi voyait les situations dans leur véritable perspective. Mais je dois avouer que j’étais un peu sceptique et que je n’y croyais pas vraiment.
C’est alors que je reçus la réponse du Rabbi, une réponse qui me fit complètement changer d’avis. Le Rabbi n’approuvait pas complètement mes projets et relevait des questions auxquelles je n’avais pas du tout pensé. J’en fus stupéfait.
A la première lecture, je ne compris pas du tout la lettre du Rabbi pourtant écrite en anglais. En effet le Rabbi précisait : «J’aurais posé comme préalable à ce projet la garantie que vous ne perdrez pas votre poste présent !»
A l’époque, ma situation à l’université était des plus sûres. J’entretenais de très bonnes relations avec la direction et je ne pouvais pas envisager une seconde que quelqu’un prenne ma place ! C’était la première fois que le Rabbi évoquait un tel problème ! Cependant j’avais déjà compris que, quand le Rabbi exprime des doutes, il ne convient pas de les balayer du revers de la main.
Je faisais partie du personnel enseignant de cette université depuis 1959 et, au fur et à mesure, j’avais constaté que mon travail offrait toute satisfaction à mes supérieurs. Deux ans après mon embauche, j’avais reçu une invitation de la Nasa, l’agence spatiale américaine, pour rejoindre leur équipe de chercheurs.
J’avais été très honoré et heureux de cette invitation. Le président de l’université avait lui aussi été ravi de cette marque de reconnaissance de l’excellence de son équipe enseignante. Mais le directeur de mon département d’études y était opposé. Non pas par jalousie mais pour des raisons objectives : le travail de recherche que j’avais entamé à l’époque nécessitait une certaine continuité et mon absence, même momentanée, entraînerait des frais conséquents.
Cependant, le directeur de l’université m’encouragea vivement. Il me convoqua dans son bureau et me demanda de téléphoner devant lui à la Nasa pour signifier que j’acceptai l’invitation. Et il ajouta une phrase qui, sur le coup, ne m’interpella pas spécialement – mais que maintenant je comprenais mieux : «Quand j’aurai de nouveau besoin de vous, je vous contacterai et vous retrouverez votre place !»
J’avais donc rejoint la Nasa. Ce fut cinq années d’un travail passionnant qui m’apporta d’immenses satisfactions. Finalement, le directeur de l’université me rappela pour que je reprenne ma place : l’université avait noué des relations avec la Nasa et il était normal que je dirige les recherches conjointes puisque je connaissais bien les méthodes des deux nouveaux associés.
Mais ce que j’ignorais, c’est que le directeur de mon département de recherches – celui qui s’était opposé à mon départ à la Nasa – s’opposait maintenant à mon retour. Encore une fois, je ne pense pas qu’il ressentait une animosité particulière à mon égard mais il lorgnait certainement cette place enviable qui lui aurait assuré un avancement personnel conséquent.
Le «combat» s’était déroulé derrière mon dos et je n’en avais nullement conscience. Le président de l’université – après une longue discussion – avait conclu : «Je fais revenir le professeur Green et vous n’avez rien à redire à ce sujet !»
Ce n’est que des années plus tard, en 1965, quand je reçus cette lettre étonnante du Rabbi que j’appris tout ce qui s’était passé. J’évoquai devant le président de l’université les doutes du Rabbi quant à mon retour éventuel à mon poste : le Rabbi ne s’était pas opposé au voyage mais désirait que je m’assure que mon absence prolongée n’entraînerait pas ma mise au chômage. Moi-même je n’avais même pas imaginé ce qui s’était passé derrière mon dos ; mais le Rabbi savait !
Le président de l’université m’écouta et confirma qu’il prenait une responsabilité personnelle quant à l’assurance de mon retour : «Nous avons nous aussi de nombreux intérêts à ce voyage à Londres qui rehaussera le prestige de notre établissement !»
C’est ainsi que je pus me rendre à Londres pour un séjour prolongé, le cœur tranquille, sachant que personne n’en profiterait pour prendre ma place.

Professeur Velvel Green
Kfar Chabad n°1411
traduit par Feiga Lubecki