Semaine 15

  • Tazria - Metsora
Editorial

Vive le progrès !

C’est une grande chose d’avoir vécu des temps forts, qui marquent le cœur et l’esprit. C’est une chose merveilleuse que d’avoir conquis, une fois de plus, sa liberté et d’avoir brisé les chaînes de l’esclavage, matériel ou spirituel. En d’autres termes, Pessa’h a tenu ses promesses : il a été cette fête prodigieuse dont les effets ne cessent pas avec sa conclusion mais que nous emmenons avec nous tout au long de l’année pour en tirer les ressources de notre libération constante. Pourtant, alors même qu’elle se déroulait, c’est une entreprise nouvelle qui, parallèlement, commençait : le compte de l’Omer. Compter les jours qui s’étendent entre Pessa’h, la sortie d’Egypte, et Chavouot, le Don de la Torah… Compter le temps… Quelle idée étonnante ! Tout se passe comme si ce simple compte changeait profondément l’existant, comme si un acte rituel, dont on a peine à mesurer la portée, donnait à notre vie un sens nouveau. Peut-on, en effet, affirmer avec plus d’éclat la grandeur de l’idée de progrès ? Souvenons-nous : les Juifs qui quittent l’Egypte, nouvellement libérés, sont alors au «49ème degré de l’impureté». Ils doivent pourtant, sept semaines plus tard, se tenir devant D.ieu au mont Sinaï, recevoir la Torah. Est-il seulement possible d’imaginer un tel passage ? Comment aller, en une si courte période, du plus profond des abîmes au sommet le plus élevé ? La tentation est grande de penser que, finalement, le défi est trop grand, peut-être insurmontable. Mais c’est ici que l’inattendu devient réalité : jour après jour, les Juifs gravissent les degrés du spirituel et, au jour dit, ils sont dignes de leur rencontre avec la Divinité. Une idée nouvelle est ainsi apparue dans le monde : le progrès est possible. Les situations ne sont jamais figées et la volonté de l’homme, soutenue par l’aide Divine, est éternellement capable de réaliser des prodiges. Même si le point de départ paraît désespérément éloigné de celui d’arrivée, le voyage mérite d’être entrepris. Et ce voyage même est, en soi, une partie de la réponse. L’homme est enfin un être perfectible. Qui qu’il soit, il sait que tout peut toujours être amendé et que rien ne reste jamais fermé à qui le désire vraiment. Avec le compte de l’Omer, la liberté prend son plein sens. Les hommes savent à présent que plus aucune chaîne ne les entrave, même pas celles de l’histoire individuelle ou collective. Le progrès est né et il ne cessera plus d’enchanter la conscience des hommes. Aujourd’hui, l’entreprise continue. De degré en degré, nous nous élevons jusqu’au but final qui nous ouvrira de nouveaux champs de l’histoire : la venue de Machia’h.
 
Haim Nisenbaum

Etincelles de Machiah

L’attente confiante

Dans son Michné Torah, Maïmonide (Hil’hot Mela’him, chap. 11) expose les lois relatives à Machia’h. Il y souligne notamment l’importance de l’attente de la venue de Machia’h et relève : «Celui qui ne croit pas en lui ou n’attend pas sa venue, renie non seulement les autres prophètes mais également la Torah et Moïse notre maître». L’insistance sur Moïse est chargée de sens. En effet, sa prophétie présente une solidité particulière dans la mesure où elle fut confirmée par le fait qu’au mont Sinaï, où elle retentit, chacun fut le témoin direct de la révélation Divine. Comme Maïmonide le souligne : «Chacun vit et entendit». Ce fait confère à la prophétie de Moïse une «fiabilité qui dure éternellement» et donne à tous une confiance absolue dans l’avènement final de Machia’h. (d’après Likoutei Si’hot, vol. XVIII, p. 281) H.N.

Vivre avec la Paracha

Tazria Metsora

Tazria L’état d’esprit qui prédomine dans notre monde ne nous permet que difficilement d’apprécier la réalité spirituelle. Mais si nous ne pouvons l’apprécier, cela ne signifie pas pour autant que cette réalité n’existe pas. Les concepts comme ceux de la pureté et de l’impureté sont réels. Ils décrivent des forces puissantes, voire plus puissantes que les forces de notre monde matériel. Mais les mortels ne peuvent les percevoir. Cette Paracha est concentrée sur le concept de la pureté et de l’impureté spirituelles. Nos Sages expliquent la distinction entre les interdictions de la Torah et ses lois d’impureté de la façon suivante : les interdictions préservent du mal ce que notre esprit et notre cœur peuvent appréhender. Par contre, les lois d’impureté nous protègent contre un domaine du mal que nous ne pouvons comprendre. Comme le déclare le Midrach : «C’est un statut que J’ (D.ieu) ai ordonné, un décret que J’ai institué». Bien que le mal associé à une interdiction puisse être plus facilement envisagé, il n’en va pas de même avec le mal associé à une impureté. Etant plus difficile à discerner, il est plus ardu de s’en préserver et de l’éradiquer. Prenons pour exemple une personne qui avait consommé une alimentation non cachère. Elle avait commis une transgression et devait s’en repentir. Mais même avant qu’elle ne le fasse, elle avait le droit de pénétrer dans le Temple de Jérusalem et d’y apporter un sacrifice. Entrer fortuitement en contact avec une substance impure peut changer le statut personnel de l’individu et l’isoler de la sainteté. Ainsi, si un homme touchait un lézard mort, il ne pouvait pénétrer dans le Temple et prendre part à un sacrifice. Plus encore, tout comme la pureté rituelle est une qualité qui ne peut être saisie par notre intellect fini, elle affecte notre âme qui transcende la raison et l’intellect. Elle a une influence sur des dimensions de notre être liées à D.ieu, au-delà du niveau de la pensée logique. Voir l’horizon Aujourd’hui, toute la communauté juive est rituellement impure car à travers les âges, depuis la destruction du Temple, il a été impossible de maintenir un état de pureté rituelle. Pour comprendre cela, il faut savoir qu’une des sources principales d’impureté est le contact avec un mort. Pour restaurer la pureté de l’homme, dans une telle situation, un Cohen (Prêtre) devait l’asperger d’une eau mêlée aux cendres d’une vache rousse. Depuis la destruction du Temple, on ne peut plus se procurer de telles cendres et tout le Peuple Juif reste donc dans un état d’impureté rituelle. Ce sera l’un des premiers accomplissements de Machia’h, après la reconstruction du Temple : restaurer notre pureté. Notre relation avec D.ieu sera alors élevée à un niveau totalement différent. Metsora La Paracha commence par la description du processus de purification d’une personne rendue impure par la tsaraat, une maladie de la peau qui ressemble à la lèpre. Mais il ne s’agit pas de la lèpre. En fait, il s’agit d’une affliction qui n’a aucune cause biologique mais vient de la conduite de l’individu. C’est parce qu’il a proféré du lachone hara, de la médisance, que son propre corps est infecté et que sa peau commence à se décomposer. Comment peut-il se corriger ? Une fois que le Cohen a déterminé qu’il est impur, il doit sortir des limites de la ville et vivre seul, éloigné des autres. Comme l’expliquent nos Sages : «Puisqu’il a suscité une dissension chez les autres, il est forcé de vivre seul». Et c’est en menant cette existence solitaire qu’il prendra conscience de la gravité de sa transgression et ainsi expiera sa faute. Comment devient-il pur ? Un Cohen sort des limites de la ville et inspecte son corps pour voir si sa peau a guéri. Mais le Cohen ne peut devenir lui-même impur. Il doit donc faire très attention. Cela revêt pour lui une importance capitale. Car s’il devenait impur, il ne pourrait accomplir son service dans le Temple et c’est là la mission essentielle de sa vie. Or, il est fort probable que des objets impurs soient présents dans l’endroit où réside cette personne. Et pourtant, le Cohen part aider cet homme. Sa conduite est un exemple pour nous aujourd’hui. Il est évident que nos relations sociales ne doivent pas être malveillantes et répandre le désaccord et la dissension. Elles doivent, au contraire, avoir pour but de conduire à l’harmonie et à l’amour. Cependant le Cohen nous enseigne jusqu’où doit aller notre engagement, montrant que ces efforts sont nécessaires même s’ils impliquent un risque pour nous-mêmes. Il ne s’agit pas seulement de mettre en danger notre statut matériel mais même notre bien-être spirituel. Même si nous risquons de ne pouvoir pénétrer dans le Temple de D.ieu, nous devons faire tout ce qui nous est possible pour permettre à une autre personne de gagner la pureté et reprendre ses relations sociales. Voir à l’horizon Cette idée est intimement liée à notre part dans la mission de hâter la Délivrance. Car son chemin doit être emprunté par toute l’humanité. Il ne suffit pas qu’un individu cherche à se raffiner lui-même pour parvenir à des hauteurs spirituelles. Ce qui est nécessaire est qu’il motive les autres, ses frères juifs, et dans un large sens, l’humanité toute entière, à le rejoindre dans ses efforts et à partager ses aspirations. Celui qui dit : «Je veux servir dans le Temple dans un esprit de pureté et je ne me soucie pas des autres» ne verra jamais ses souhaits réalisés. Car le Temple ne sera pas reconstruit pour qu’un homme ou un petit groupe d’individus atteignent un niveau de spiritualité élevé. Cette étape sera atteinte lorsque Machia’h motivera toute la nation et toute l’humanité à se consacrer au dessein de D.ieu. Pour parvenir à ce but, nous devons atteindre nos frères, où qu’ils soient, même dans les lieux d’impureté, et les motiver à se joindre à nous dans nos efforts.

Le Coin de la Halacha

Comment préparer un mariage ?

Dès que la décision a été prise, il convient de fixer la date du mariage le plus tôt possible. Rallonger cette période intermédiaire ne fait qu’augmenter la tension entre les futurs époux et, éventuellement, leurs familles. Durant cette période, les fiancés espaceront leurs rencontres au maximum si possible d’un Chabbat à l’autre et éviteront tout rapprochement intempestif. Ils éviteront également d’être photographiés ensemble, de voyager ensemble, de s’écrire et de se téléphoner ; ils maintiendront et même augmenteront leurs différents cours de Torah et activités communautaires. La jeune fille veillera à réserver du temps pour étudier – avec une femme compétente – les lois de pureté familiale mais aussi pour réviser les lois de la cacherout et du Chabbat. Le jeune homme s’approfondira dans ses études toraniques au maximum. Il étudiera avec un rabbin les lois de la pureté familiale quelques semaines avant le mariage. En général, le mariage a lieu dans la ville où habite la jeune fille. Il convient de ne pas exagérer les sommes dépensées pour cette journée en engageant des dépenses superflues. Cependant, ceci ne doit pas se faire au détriment d’une partie ou de l’autre. Le Rabbi avait demandé que le repas de noces ne se déroule pas trop loin de l’endroit de la cérémonie afin de ne pas déranger inutilement les invités. Sept jours avant le mariage, les futurs époux évitent de se rencontrer et de sortir sans être accompagnés : ceci constitue une protection particulière. L’accompagnateur peut être un enfant ou un(e) autre future(e) marié(e). Cette coutume se poursuit après le mariage, mais cette fois pour une raison de «Kavod», l’honneur dû à «un roi et une reine» qui ne sortent pas seuls dans la rue. Le jeune homme est appelé à monter à la Torah à la synagogue le Chabbat avant le mariage. Ainsi il prend les forces nécessaires pour bâtir son nouveau foyer sur une base solide de Torah. A cette occasion, on lui lance des petits paquets contenant amandes, raisins secs et autres douceurs pour lui souhaiter une vie agréable et remplie, suivie rapidement de la naissance d’enfants. Après l’office, il est d’usage de réunir la communauté autour d’un «Kiddouch» et d’une réunion ‘hassidique. De même, la jeune fille offrira une réception à ses amies le Chabbat après-midi. F. L. (d’après Rav Dov Tvardovitch)

De Recit de la Semaine

Diplomatie discrète

J’ai été élu au Sénat américain en 1982. Quelques années plus tard, mon frère Marty Hecht et mon neveu, le Dr Haïm Hecht, m’emmenèrent à Brooklyn pour rencontrer le Rabbi lors d’un Farbrenguen (réunion ‘hassidique). Le Rabbi me dit, entre autres : «Votre mission prioritaire doit être de faire sortir des Juifs d’Union Soviétique!» Je mentionnai alors que ma mère – de mémoire bénie – avait émigré de Russie au début du siècle : sa famille avait ainsi échappé aux persécutions et aux massacres perpétrés par les Cosaques. «La clé de cette mission, continua le Rabbi, est la diplomatie discrète!» Il faut se rappeler qu’à l’époque, la guerre froide faisait encore rage entre l’Union Soviétique et les Etats-Unis. Trois ans plus tard, le Sénat américain devait se prononcer pour une élection importante. Le Président Ronald Reagan avait besoin de ma voix pour assurer sa majorité. J’avais toujours été un de ses plus ardents partisans car je trouvais qu’il était le meilleur ami qu’Israël avait jamais eu à la Maison Blanche. Je rencontrai personnellement le Président et l’assurai de mon soutien. Puis j’ajoutai que j’avais une requête personnelle à formuler : je rappelai au Président que ma mère avait émigré de Russie et que c’était uniquement grâce à cet acte que j’étais né aux Etats-Unis et que je le représentais au Sénat américain. J’insistai pour qu’il évoque la liberté de quitter le pays pour les Juifs soviétiques lors de la prochaine conférence au sommet : «Par ailleurs, ajoutai-je, ceux qui seront autorisés à quitter l’Union Soviétique ne devront pas être seulement des personnes âgées ou malades mais aussi des enfants, des adolescents, des médecins et des savants. Chacun d’entre eux devrait pouvoir jouir du droit élémentaire à la liberté de mouvement!» Le Président Reagan m’écouta attentivement et accepta ma suggestion. De fait, je fus la dernière personne à qui il avait accordé un rendez-vous avant le départ pour Reykjavik, en Islande, pour la conférence qui eut lieu au début d’octobre 1986. Lors de cette réunion, je présentai au Président une liste de 1200 noms de Juifs soviétiques qui avaient demandé à quitter la Russie. Je fis remarquer qu’en fait, il faudrait y ajouter des millions d’autres noms, mais que cela représentait déjà un bon début. A cette occasion, j’agis avec «diplomatie discrète» puisque seul le Président, son aide de camp et moi-même nous trouvions dans le bureau ovale. Il tint parole et tendit discrètement la liste au Président Mikhaïl Gorbatchev lors de la conférence de Reykjavik. Il expliqua que cela lui tenait à cœur. En quelques semaines, plusieurs familles juives furent autorisées à quitter la Russie. Bien vite, leur nombre fut multiplié par deux, trois, dix… et ce furent des centaines de milliers de Juifs qui purent quitter enfin le «paradis soviétique». Après la fin de son mandat, le Président Reagan et son épouse me rendirent visite aux Bahamas où j’avais été nommé ambassadeur du Commonwealth. Ils m’invitèrent avec mon épouse à une petite réception qu’ils réservaient à quelques amis. J’en profitai pour remercier le Président en insistant sur le formidable service qu’il avait rendu au peuple juif en plaidant la cause de ces Juifs soviétiques ; je lui demandai alors pourquoi il n’avait jamais évoqué cet épisode en public. Madame Reagan expliqua que M. Gorbatchev les avait avertis qu’autour de lui, de nombreux apparatchiks n’étaient pas d’accord que les Juifs quittent le pays. Si le sujet avait été rendu public, cet exode aurait immédiatement été stoppé. Le Président Reagan avait utilisé la «diplomatie discrète» avec M. Gorbatchev. L’histoire ne s’arrête pas là. Mon frère Marty eut un jour des problèmes au pied. En Californie, on l’adressa à un médecin qui l’envoya chez un spécialiste. Celui-ci l’examina puis lui demanda : «Vous vous appelez Hecht. Etes-vous en famille avec le sénateur Hecht?» - Oui, c’est mon frère ! Le médecin était très ému et expliqua que j’avais sauvé la vie de sa famille et de ses beaux-parents. Leurs noms avaient figuré sur la liste. On leur avait juste demandé de se trouver à l’aéroport à une certaine heure. Ils n’avaient aucune idée de ce qui les attendait. Ils étaient montés dans un avion et avaient atterri à Vienne. Avec le peu d’argent dont ils disposaient, ils avaient envoyé un télégramme de remerciement au Président Reagan. Par la suite, je rencontrai de nombreux autres Juifs qui s’étaient trouvés sur cette liste. Le conseil du Rabbi - faire appel à une «diplomatie discrète» - s’était prouvé fructueux : des centaines de milliers de Juifs avaient été sauvés et l’état d’Israël s’était renforcé avec l’arrivée de nombreux savants soviétiques. Chic Hecht fut sénateur du Nevada de 1983 à 1989 puis ambassadeur aux Bahamas de 1989 à 1994. Il décéda en 2006 à l’âge de 77 ans. Yaakov Chic Hecht Chabad.org Magazine traduit par Feiga Lubecki