Samedi, 25 avril 2015

  • Tazria - Metsora
Editorial

 L’avancée

C’est clair : dire une bénédiction sur le temps, c’est aussi le sanctifier. C’est ce que nous faisons – et cela a été abondamment dit – avec le décompte des jours pendant la période de l’Omer, entre les fêtes de Pessa’h et de Chavouot. Il existe pourtant ici une autre idée, à la fois simple et précieuse : celle du progrès. Car il convient de replacer les choses dans leur contexte. Lorsque les Hébreux quittèrent l’Egypte, libérés par D.ieu de la servitude, ils se trouvaient alors au plus bas degré de l’impureté. Certes ils étaient à présent des hommes libres mais efface-t-on en un instant les effets de siècles de soumission à la dépravation dominante ? Pourtant, le temps pressait. Les Hébreux savaient que leur libération n’était pas un aboutissement, comme la réalisation attendue d’un rêve ancien. Ils savaient qu’elle n’était que le début d’un voyage qui allait les mener à leur rendez-vous avec D.ieu, au Don de la Torah. Pour passer ainsi du plus bas au plus haut des degrés, ils n’avaient que sept semaines – si peu de temps pour une œuvre si grande. Ils n’hésitèrent pas et avancèrent dans l’espace et dans le temps, matériellement et spirituellement.

Nous vivons à présent la même expérience. Nous avançons après la fête de Pessa’h vers celle de Chavouot – de sortie d’Egypte en Don de la Torah. Et notre effort s’exprime dans les mêmes termes que pour nos ancêtres. Nous avons bien peu de temps pour parvenir à ce degré ultime qui permettra la rencontre renouvelée avec D.ieu. Alors, à notre tour, il nous faut croire au progrès. Il nous faut croire qu’au-delà de tous les obstacles, l’avancée véritable est toujours possible et que rien ne peut jamais nous entraver. Et ce n’est pas d’un simple acte de foi qu’il s’agit. Croire sincèrement que les choses peuvent changer est en soi une manière de changement. Croire profondément que chacun peut s’améliorer est en soi un chemin d’amélioration.

Le Créateur a fait à Ses créatures – aux hommes, couronnement de Sa création – un cadeau prodigieux. Il leur a donné la capacité de modifier eux-mêmes et ce qui les entoure. Il leur a donné un sens des choses qui leur permet de considérer le monde et d’y reconnaître ce qu’ils peuvent lui apporter. Il leur a accordé la faculté de ne pas être liés par leur nature et ainsi condamnés à répéter toujours les mêmes comportements. Tout est donc possible, pour le meilleur. Le progrès : une idée neuve.

Etincelles de Machiah

 Plus que le Gan Eden

Lorsque le Machia’h viendra, tous les Justes, les patriarches et Moïse descendront de «l’endroit» sublime où ils se trouvent : le plus haut degré du Gan Eden. Ils viendront dans ce monde-ci, se revêtiront de corps matériels et ressusciteront. Quelle est la raison d’un tel processus pour des hommes déjà parvenus au niveau spirituel le plus élevé ?

C’est qu’à ce moment la révélation Divine dans ce monde sera encore supérieure à tout ce qui existe au plus haut du Gan Eden car «l’aboutissement de l’œuvre est dans la pensée (Divine) primordiale.»

D’après Likoutei Torah Bamidbar p.49a

Vivre avec la Paracha

 Tazria Metsora : Le rejet

Le rejet est l’une des armes les plus puissantes de notre société pour réguler et empêcher les comportements indésirables. Enfants, nous savions que tout mauvais comportement encourait le risque d’un regard de désapprobation de la part des parents et peut-être d’un renvoi dans notre chambre. Adultes, le spectre de l’emprisonnement menace les criminels potentiels comme moyen de dissuasion de toutes sortes d’agissements illégaux. Mais jusqu’à quel point l’isolement forcé est-il efficace pour empêcher le crime, et peut-être, ce qui est encore plus important, éveiller un sentiment de regret chez le coupable ? Les chercheurs sociaux et les psychologues réévaluent cette vieille méthode pour agir face à l’acte criminel. Il est vrai que le bannissement et l’emprisonnement retirent le criminel de la société, protégeant ainsi le reste des hommes de son comportement choquant. Cependant, une fois qu’il a été séparé de la communauté, l’offenseur ne ressent que peu de motivations pour se réadapter aux normes. En l’isolant, nous le coupons de la civilisation. Notre rejet peut ne pas l’inciter à s’améliorer mais plutôt lui permettre de plonger encore plus profondément dans le monde du crime.

La Torah possède également un système d’isolement qu’elle prescrit pour certains crimes. Tsaarat était une affliction ordonnée par D.ieu et qui s’abattait sur un individu coupable d’avoir calomnié son proche. Une fois qu’il avait été déclaré impur, le lépreux était renvoyé des trois campements d’Israël et gardé complètement à l’écart du reste de la société. Sa punition correspondait à son méfait. Ses paroles calomnieuses avaient résulté en une discorde et une désunion entre les hommes. Sa punition était une séparation obligatoire de la communauté.

Et pourtant, il est important de noter le processus par lequel le lépreux était déclaré impur. Celui qui avait découvert une tache suspecte sur sa peau devait se faire examiner par un sage érudit. Si le sage déterminait que la tache avait tous les symptômes de tsaarat, il le présentait alors au Cohen qui le déclarait impur. Le Cohen pouvait être complètement ignorant de tous les détails des lois concernant tsaarat, l’individu n’était déclaré impur que lorsque le Cohen en avait prononcé le verdict. Même si le Cohen se faisait seulement l’écho de la décision du sage érudit, c’était ses paroles plutôt que l’opinion savante de l’érudit qui fixaient le statut de la personne.

Il est étonnant d’observer que la Torah appuie la déclaration d’impureté sur la parole du Cohen. Après tout, le Cohen se distinguait par son propre statut particulier de pureté. Il accomplissait les tâches les plus  raffinées dans le Temple et avait l’obligation de ne pas se souiller par quelque contact que ce soit avec une impureté rituelle. Pourquoi devait-il, lui, déclarer cet homme impur ?

L’implication obligatoire du Cohen jette la lumière sur la perspective de la Torah concernant l’isolement social comme punition et dissuasion d’actions viles. La fonction du Cohen, en dehors de son service dans le Temple, était d’être celui par lequel passaient les bénédictions pour le Peuple Juif. Les Cohanim ont conservé ce rôle au cours de l’histoire juive, par la récitation de leur bénédiction à la synagogue. Avant de la commencer, les Cohanim en récitent une autre, se concluant par les mots : «…Qui nous a commandé de bénir le Peuple Juif avec amour» Si le Cohen sent qu’il manque d’amour, même à l’égard d’un seul des membres de la communauté, il est obligé de reculer et de s’abstenir de prononcer les paroles de la Birkat Cohanim (bénédiction des Cohanim). C’était donc seul le Cohen, connu comme un «homme de bonté», qui avait l’autorité de déclarer une personne impure, ce qui avait pour résultat son bannissement du campement du Peuple Juif.

La déclaration du Cohen est basée sur l’opinion de sage érudit, versé dans les myriades de lois concernant les différentes affections de la peau et leurs statuts rituels. Cependant, c’est au Cohen que reviennent les derniers mots sur les sujets d’impureté. Le cœur du Cohen, débordant d’amour pour son prochain, ne se permettra pas de faire une telle déclaration à la légère. Il est pleinement conscient de la portée de ses paroles et il n’aura de cesse que le sage érudit ne trouve une échappatoire pour éviter d’affirmer qu’un autre Juif est impur. Et si, malgré tous ces efforts, il est incapable d’éviter de prononcer ce mot : «impur», nous pouvons avoir la certitude qu’il ne s’épargnera aucun effort pour faciliter la purification du lépreux.

L’isolement et le rejet sont des moyens pratiquement inefficaces pour améliorer un comportement criminel en l’absence d’un ingrédient essentiel : l’amour. Une fois que  l’individu se sent rejeté de la société, il perd sa plus grande source de motivation et d’encouragement pour mener une vie pleine et productive. Le Cohen est là pour nous enseigner que même en refusant et en condamnant un comportement inacceptable, nous ne devons jamais perdre de vue notre rôle essentiel : tendre une main aimante et encourageante à chacun des membres de la société, quel que soit son statut.

Un individu capable de prononcer une condamnation contre un autre être humain doit soigneusement examiner son propre cœur. Ceux qui manquent d’amour et de compassion sont incapables d’arriver à une conclusion vraie concernant le statut d’autrui. Ils arriveront seulement à les conduire encore plus loin dans leurs attitudes de critique acharnée. En fait, celui qui n’a pas les qualifications requises pour déclarer l’impureté de quiconque et le fait cependant, se rend lui-même coupable de calomnie, l’offense même qui encourt la punition de tsaarat.

L’isolement est le sort d’une espèce d’hommes, ceux qui sont incapables de tolérer et d’accepter les autres. Ceux qui sont incapables d’aller vers chaque membre de la communauté devraient s’arrêter sur eux-mêmes et essayer de faire naître dans leur propre cœur un sentiment de clémence, d’éviter de faire souffrir les autres avec les piqûres de leur amertume et de leurs condamnations.

Il n’y a pas de mots pour dire à quel point nous pouvons avoir de l’impact et de l’influence sur toute la société quand nous gardons nos cœurs ouverts à tous avec bonté et compassion. Le Cohen, un homme de bonté, nous guide pour atteindre ce niveau extraordinaire de sensibilité. C’est cette forme d’amour inconditionnel qui effacera la cause première de notre long exil. Car l’exil est un état de conflit et de disharmonie où nous nous sentons coupés émotionnellement les uns des autres et même de notre moi intérieur. Quand nous tentons, en toute conscience, d’éveiller en nous-mêmes un véritable sentiment d’acceptation et d’amour pour tous les individus, nous nous libérons nous-mêmes et la société du piège de l’isolement et du détachement.

Ainsi, la prochaine fois que vous rencontrerez quelque forme d’imperfection que ce soit chez un autre être humain, ne vous détournez pas. A la manière du Cohen, regardez derrière la tache superficielle, dans l’âme. Votre œil bienveillant et votre âme aimante accompliront bien plus que des condamnations sévères. Ces petits gestes d’unité et d’acceptation ont la force de changer le paysage de notre société qui, d’une jungle corrompue, deviendra un lieu où la paix, la sérénité et l’harmonie régneront.

Le Coin de la Halacha

Quelles sont les lois et coutumes liées à la Brit Mila (circoncision) ?

La Brit Mila est une obligation fondamentale ; elle scelle l’entrée de tout Juif dans l’alliance avec D.ieu telle qu’elle a été accomplie par Avraham notre père et proclamée par D.ieu sur le mont Sinaï.

- C’est une Mitsva, un commandement pour le père de circoncire son fils à l’âge de huit jours – ou de nommer un autre Juif pour le faire.

- Tout garçon né d’une mère juive doit être circoncis. Si cela n’a pas été fait le huitième jour, ceci doit être accompli le plus rapidement possible : chaque jour, chaque moment qui passe représente une grave transgression.

- C’est le père qui confie l’enfant et le place sur les genoux du «Sandak», celui qui tient l’enfant pendant la cérémonie. C’est aussi le père qui tend le couteau au Mohel (celui qui effectue la Brit Mila).

- Le père se tient au côté du Mohel.

- Après la Brit Mila, le père récite la bénédiction :

«Barou’h Ada Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidechanou Bémitsvotav Vetsivanou Leha’hnisso Bivrito Chel Avraham Avinou.»

Béni sois-Tu Eternel notre D.ieu qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné de le faire entrer dans l’alliance d’Avraham notre père.

Les personnes présentes répondent : «Kechem Chéni’hnass Librit, Kène Yikaness LeTorah, Le ‘Houppa Oulemaassim Tovim» - «Comme il est entré dans l’alliance qu’ainsi il célèbre sa Bar Mitsva, son mariage et des bonnes actions».

- On veille à choisir des personnes scrupuleuses dans l’accomplissement général des Mitsvot, aussi bien pour le Sandak que pour le Mohel.

Il est d’usage d’honorer le grand-père pour la fonction de Sandak. Il est d’usage de ne pas honorer deux fois la même personne comme Sandak dans la même fratrie.

- On offre un repas de fête après la cérémonie.

- Une fois que le prénom juif aura été donné au garçon le jour de sa Brit Mila, on inscrira l’enfant à l’école juive en versant les frais d’inscription ; on achètera également à l’enfant une lettre dans un Séfer Torah.

 (d’après Junior Code of Law – Rav Nissan Mindel)

Le Recit de la Semaine

 70 ans après, il respecte le vœu le plus cher de son père

«Tant d’hommes dans notre communauté ont ce problème, soupire Rav Baruch Myers, Grand-Rabbin et Chalia’h (émissaire) du Rabbi à Bratislava en Slovaquie depuis 1993. Durant l’occupation communiste, il était inacceptable et totalement inimaginable de procéder à la circoncision des petits garçons. Seuls les Juifs les plus pratiquants et déterminés respectaient ce commandement fondamental. Mais depuis quelques années, de nombreux garçons et adultes ont décidé de sauter le pas, de se faire circoncire et de pouvoir ainsi acquérir un prénom juif et monter à la Torah».

Tel fut le cas d’Ivan Pasternak, sorte d’énigme pour le Grand-Rabbin. Instituteur, il fréquentait régulièrement le mini-sanctuaire formé dans l’énorme ancienne synagogue (bien trop vaste) par la petite communauté décimée par la Seconde Guerre Mondiale et la Shoah. Après avoir pris sa retraite et après la mort de sa femme Zuzka, Pasternak s’était de lui-même proposé pour devenir le Chamach, l’homme à tout faire qui range les livres saints et veille à la propreté des lieux.

Mais il hésitait à se faire circoncire – bien que cela le sépare inévitablement du reste du petit Minyane qui formait l’ossature régulière de la synagogue. Ces hommes grognaient entre eux contre ceux à qui manquait cette marque distinctive du judaïsme, qui n’avaient reçu ni un minimum d’éducation juive ni même un prénom hébraïque…

C’est à Sim’hat Torah 5774 (2014) que quelque chose changea ; après avoir dansé joyeusement avec les rouleaux de la Torah, Pasternak signala au Grand-Rabbin qu’il était prêt : prêt à se faire circoncire et à prendre le prénom populaire en Israël de «Ilan» (arbre), assez proche du prénom Ivan.

Durant le trajet d’une heure de Bratislava à Vienne (Autriche), Rav Myers entendit de la bouche d’Ivan une raison supplémentaire du choix de ce prénom :

- A l’origine, ma famille était originaire de Presov : mes parents, Marta et Teodor Pasternak s’y étaient mariés en 1940. Peu après, les Juifs y ont été sérieusement persécutés par les sympathisants du parti nazi. Presov fut la première ville où les Juifs furent obligés de porter un brassard blanc et, bien vite, nombre d’entre eux – y compris mes grands-parents et bien d’autres membres de la famille – furent déportés et on n’entendit plus jamais de leurs nouvelles. Réalisant que Presov (où ils étaient connus) devenait un piège mortel, mes parents décidèrent de se réfugier à Presbourg (l’actuelle Bratislava) en prenant une nouvelle identité. Les Pasternak devinrent les Paulovic.

Je suis né en 1944 et, bien entendu, il n’y avait aucun moyen de me faire circoncire. Donc ils attendirent en espérant que, dès la guerre terminée, ils pourraient accomplir ce devoir incombant à tout parent juif. Mon père avait prévu un prénom hébraïque pour moi, Ilan. Mais trois semaines après ma naissance, nous avons été découverts et emmenés dans un petit camp de concentration. De là, mon père a été déporté à Auschwitz puis Dachau.

Ma mère et moi, nous avons eu de la chance. Elle parvint à soudoyer un garde slovaque qui ferma les yeux quand elle s’enfuit en me tenant dans les bras et en courant sur quinze kilomètres. Nous avons été cachés dans une famille chrétienne : les rondes de soldats ennemis étaient incessantes et nous avons vécu dans une angoisse permanente. Ma mère m’a raconté par la suite que je n’avais jamais pleuré durant toute cette période.

A la fin de la guerre, nous sommes revenus à Presov mais rien n’était plus pareil. Ma mère espérait le retour de mon père mais la Croix Rouge nous informa qu’il avait été assassiné à Dachau comme tant d’autres Juifs innocents.

Nous nous sommes installés à Bratislava. Ma mère me racontait combien notre famille avait été nombreuse mais que presque tous ses membres avaient été tués dans les camps. De temps en temps, je lui demandai quand je pourrais être circoncis car je savais que c’était une Mitsva qui incombait à chaque garçon juif. Elle répondait en toute sincérité qu’elle pensait sincèrement que ce ne pouvait être accompli que sur un bébé de huit jours et que j’avais donc dépassé l’âge.

Je me suis marié avec ma femme Zuzka et nous avons eu deux garçons. Après son décès, il y a cinq ans, cette question de la circoncision est revenue à mon esprit.

Aujourd’hui, j’ai 70 ans et je suis fier de pouvoir prendre le prénom Ilan, celui que mon père avait choisi pour moi à ma naissance avant d’être déporté. Je ressens que, de là où ils sont, mes parents et mes grands-parents sont fiers de mon initiative et sont soulagés que j’aie  entrepris ce qui convenait !

Ivan Pasternak est enfin devenu Ilan : il est entré dans l’alliance de notre père Avraham.

Menachem Posner – Chabad.org

Traduit par Feiga Lubecki