Notre paracha Vaye'hi (48, 1) mentionne les noms de : «Menaché et Ephraïm»(1). Cette Paracha présente, en effet, un dialogue particulier entre notre père Yaakov et Yossef le Tsaddik, lorsque ce dernier présenta ses fils à son père, afin qu'il les bénisse.

D'une manière naturelle, Yossef plaça Menaché, l'aîné, face à la droite de Yaakov et Ephraïm, le plus jeune, à sa gauche(2). Mais Yaakov croisa les bras, posant la main droite sur la tête d'Ephraïm et la main gauche sur celle de Menaché. C'est ainsi qu'il les bénit(3).

Yossef n'en fut pas satisfait et il dit à Yaakov : «Ce n'est pas ainsi, mon père, car celui-là est l'aîné. Place ta main droite sur sa tête»(4). Mais, Yaakov refusa de procéder de la sorte et il expliqua : «Je sais, mon fils, je sais. Il sera également un peuple et il grandira. Cependant, son jeune frère sera plus grand que lui»(5).

On sait qu'un Tsaddik ne commet pas d'erreur(6) et c'est notamment le cas des Patriarches et de leurs fils, en particulier concernant ce qui est relaté par la Torah et qui a donc pour objet de délivrer un enseignement, de tracer la voie pour toutes les générations. Cela veut dire que Yossef ne se trompa pas quand il demanda à Yaakov de placer sa main droite sur la tête de Menaché(7).

Cela veut dire que Yaakov et Yossef avaient raison, l'un et l'autre et que leur divergence d'opinion correspond, plus précisément, à deux conceptions différentes du service de D.ieu. Yossef le Tsaddik, selon sa perception du monde et sa manière de servir D.ieu, privilégiait Menaché. Celui-ci était, en l'occurrence, l'aîné. En revanche, du point de vue de notre père Yaakov, c'est Ephraïm, le plus jeune, qui était le plus haut.

On peut découvrir l'explication de tout cela dans les noms de Menaché et d'Ephraïm. L'un et l'autre expriment le sentiment que suggéra la descente en Egypte, dans le coeur de Yossef. Menaché reçu ce nom : «car, D.ieu m'a fait oublier mon effort et toute la maison de mon père»(8). Ce nom exprime la douleur de Yossef parce qu'il avait été écarté du lieu naturel de sa vie, la maison de son père.

A l'inverse, Ephraïm fait allusion au sentiment opposé : «car, D.ieu m'a fait fructifier dans le pays de ma pauvreté»(9). Yossef rend grâce à l'Eternel, en ces termes, pour tout ce qu'il put obtenir grâce à l'exil(10).

On observe ici les deux sentiments qui animaient le coeur de Yossef. Le plus fort, le sentiment dominant, était la nostalgie permanente de la maison de son père. Aussi, l'aspect spirituel de son service de D.ieu se concentrait-il sur l'attachement à la maison de son père, y compris quand il se trouvait en Egypte. De ce point de vue, il accordait la place essentielle à Menaché(11).

Yaakov, à l'inverse, privilégiait la seconde approche, celle qui est exprimée par le nom d'Ephraïm, la transformation de l'exil et de l'obscurité en lumière. /l considérait donc qu'Ephraïm était plus haut que Menaché(12).
Ces deux approches sont nécessaires, l'une et l'autre, pendant le temps de l'exil(13). Tout d'abord, cette période doit inspirer à un Juif la douleur, du fait de l'éloignement de notre Père Qui se trouve dans les cieux. Il faut demander à D.ieu, exiger de Lui, sans cesse, le retour dans la «maison de mon père», la délivrance véritable et complète.

Mas, simultanément, on doit savoir également que la raison d'être de l'exil est : «D.ieu m'a fait fructifier dans le pays de ma pauvreté». Il est donc nécessaire d'illuminer l'obscurité de cette période par la Torah et les Mitsvot, de transformer la pénombre de l'exil en une grande lumière, grâce à : «la bougie (qui) est une Mitsva et la Torah (qui) est une lumière»(14), jusqu'à ce que s'accomplisse la promesse selon laquelle : «la nuit éclairera comme le jour»(15).

Quand un Juif se trouve dans un environnement qui n'est pas favorable(16), il ne doit pas en concevoir de la peine et attendre avec impatience le moment d'en échapper. Bien au contraire, il doit se servir de sa présence dans cet endroit pour y diffuser la lumière de la Torah, jusqu'à le transformer en un endroit de Torah. C'est la finalité véritable de l'exil(17).

(Discours du Rabbi, Likouteï Si'hot, tome 15, page 432)

Notes :
(1) Les deux fils de Yossef qu'il conduisit au chevet de son père Yaakov, afin qu'il leur accorde sa bénédiction avant de quitter ce monde.
(2) Le côté droit, celui de la bonté, est le plus important. En l'occurrence, Yossef se dit que la bénédiction la plus large devait aller à l'aîné.
(3) Privilégiant ainsi le puiné.
(4) Selon les termes du verset Vaye'hi 48, 18.
(5) Vaye'hi 48, 19.
(6) En effet, il n'a pas la perception du mal, qui est à l'origine de l'erreur.
(7) Même si, concrètement, ce n’est pas ce qui fut fait.
(8) Mikets 41, 51. La racine grammaticale du nom de Menaché signifie: «oubli».
(9) Mikets 41, 52. La racine grammaticale du nom Ephraïm signifie: «fruit».
(10) Yossef constate, en l’occurrence, qu’il n’aurait pas pu obtenir tout cela, s’il était resté dans la maison de son père.
(11) Auquel il avait donné un nom basé sur cette idée.
(12) En privilégiant le résultat final.
(13) Et, les deux sentiments ne sont pas contradictoires. Bien plus, ils se complètent et forment un tout.
(14) Michlé 6, 23
(15) Tehilim 139, 12. Lors de la délivrance véritable et complète, par notre juste Machia’h, très bientôt et de nos jours.
(16) Et, y a-t-il un environnement plus défavorable que celui de l’exil ?
(17) Qui sera clairement établie, après la venue du Machia’h, lorsque: «J’ôterai l’esprit d’impureté de la terre».