La Paracha de cette semaine Vayé'hi commence ainsi : «Et Yaacov vécut en terre d’Egypte». Le Baal Hatourim, célèbre commentateur de la Torah, explique que Yaacov passa ses meilleures années en terre d’Egypte.

Une explication est ici nécessaire. Tout au long de sa vie, Yaacov dut faire face à des problèmes et à des difficultés. En Egypte, il put enfin vivre dans la richesse et la prospérité et passer les dernières années de sa vie à partager son savoir avec ses fils. Ce furent donc bien ses meilleures années.

Cependant, l’on pourrait se demander pourquoi les meilleures années de sa vie durent-elles se passer en Egypte ? L’Egypte était un pays dépravé, un lieu d’obscurité spirituelle. Pourquoi Yaacov ne put-il plutôt s’accomplir en Erets Israël, notre Terre Sainte ? Pourquoi D.ieu choisit-Il ce déroulement particulier des événements ?

Les commentateurs affirment que cela renvoie à un thème évoqué dans le Zohar. A propos du verset : «Je vois un avantage de la lumière sur l’obscurité», le Zohar explique que c’est par l’obscurité qu’il est possible de parvenir à une meilleure qualité de lumière.

L’existence de chaque entité du monde est maintenue par une force vitale Divine. Ces objets qui paraissent vides de spiritualité possèdent des étincelles divines. En fait, dans une certaine perspective, l’énergie divine qu’ils contiennent est plus grande encore que celle qui se manifeste dans des situations où la sainteté se révèle ouvertement.

Comment la Divinité de ces entités peut-elle être rendue manifeste ? En s’inspirant de l’exemple de Yaacov. Yaacov ne vit aucune différence entre la vie en Egypte et la vie en Erets Israël. Il est évident que ce qui apparaissait extérieurement était différent. En Israël, il vivait en sécurité et ne devait pas combattre des ennemis pervers. Dans l’un de ces lieux, la terre était sainte et dans l’autre, corrompue. Mais intrinsèquement, il ne voyait aucun changement. Dans les deux endroits, sa vie se caractérisait par un engagement immuable et incessant dans la Torah. Même en Egypte, c’était là le centre de son existence. Malgré la décadence de la société égyptienne, lui et ses descendants restèrent concentrés sur la spiritualité.

C’est par ces efforts qu’il put libérer le potentiel spirituel présent en Egypte, permettant à une lumière d’une qualité bien meilleure de faire surface. Et en agissant ainsi, il généra le potentiel de la sortie d’Egypte, lorsque ses descendants se mettraient en route, quittant l’exil pour la rédemption.

Dans Vaye’hi, il nous est également relaté que Yaacov bénit les fils de Yossef, Ephraïm et Ménaché, en ces termes : «Par vous, Israël sera béni, ce qui veut dire ‘que D.ieu fasse de vous (des hommes) comme Ephraïm et Ménaché’». C’est là la bénédiction que chaque père donne à ses fils le vendredi soir, la veille de Yom Kippour et lors d’autres occasions.

Cela implique donc qu’Ephraïm et Ménaché sont des prototypes. Ils représentent tous deux les enfants juifs nés en exil, loin de la Terre Sainte. Mais chacun souligne un aspect différent.

Le nom «Ménaché» lui fut donné parce que «D.ieu m’a fait oublié… la maison de mon père». Cela signifie que un «Juif Ménaché» est préoccupé par le fait de perdre son lien avec la maisonnée de son père. Il réalise qu’il vit en Egypte, en exil, et n’a pas la conscience de l’immanence de D.ieu que possède celui qui vit en Terre Sainte. Cela le préoccupe. Il craint l’oubli et son nom lui permet de se souvenir. Bien qu’il vive en exil, il regarde en arrière, quand ses ancêtres vivaient en Israël. Cela lui permet donc de rester connecté à son héritage juif.

Ephraïm reçut ce nom parce que «D.ieu m’a fait fructifié dans la terre de mon oppression». Ephraïm ne regarde pas en arrière. Il prend l’exil, «la terre de mon oppression» et la fait fructifier, la transforme en moyen d’exprimer l’intention de D.ieu. Il est sûr que vivre en exil est différent de vivre en Erets Israël. Mais il y a également un but divin à cette situation. Quand une personne est en exil, elle n’a pas besoin de déployer tous ses efforts pour essayer de se rappeler Erets Israël. Mais elle doit faire ce qu’elle peut pour disséminer la Divinité dans son environnement et démontrer qu’il n’existe aucun lieu et aucune situation en dehors de Lui.

C’est pour cette raison qu’Ephraïm reçut la plus grande bénédiction. Car la voie du Service Divin connotée par son nom est plus exhaustive et nous permet d’apprécier combien Sa présence imprègne chaque aspect de l’existence.

La Paracha raconte qu’avant de quitter ce monde, Yaacov dit à ses fils : «Rassemblez-vous et je vous dirai ce qui vous arrivera à la fin des jours». Nos Sages rapportent que Yaacov désirait ainsi annoncer à ses enfants quand viendrait le Machia’h. Cependant, D.ieu ne désirait pas qu’il révèle cette information et Il lui retira alors le don de prophétie. Quand il en prit conscience, Yaacov évoqua alors d’autres sujets avec ses fils.

Ce récit nous apporte plusieurs enseignements dont le plus évident est que D.ieu ne veut pas que l’on connaisse le moment de la venue du Machia’h. Certains expliquent que la raison en est que cela risque de nous conduire à désespérer. Si les gens savent qu’ils doivent attendre pour la venue du Machia’h, ils risquent de perdre espoir.

D’autres expliquent qu’ils peuvent être tentés de se laisser aller. S’ils savent que le Machia’h ne viendra pas jusqu’à un moment précis, ils risquent d’être moins enclins à s’investir dans leur Service Divin.

Maïmonide dit : «J’attends sa venue (celle du Machia’h) chaque jour», ce qui signifie que chaque jour, n’importe quel jour, le Machia’h peut venir et c’est véritablement ce à quoi nous nous attendons.

Aucune date n’est précisée pour la venue du Machia’h. Cependant, il existe un état du monde propice. Quand le monde atteindra cette conscience et ce niveau de conduite, le Machia’h viendra, à coup sûr.

C’est la raison pour laquelle il n’y a aucune raison de désespérer. Tout est entre nos mains. Si nous faisons des efforts, la venue du Machia’h peut devenir une réalité. Et il n’y a donc aucune raison de nous laisser aller. Il nous faut, au contraire, nous investir pour que le monde soit prêt et que le Machia’h arrive sans retard.

Le récit biblique nous donne également une perspective concernant les étapes préparatoires. Yaacov dit à ses fils : «Rassemblez-vous». L’unité est l’une des caractéristiques fondamentales qu’introduira le Machia’h. En anticipant cette unicité et en l’intégrant dès à présent à notre vie, nous avons la possibilité de précipiter la diffusion de cette idée de par le monde et d’accélérer la venue réelle de Machia’h.