Le judaïsme nous encourage à penser par nous-mêmes et à tout questionner.
Il ne nous faut pas tout accepter aveuglément mais explorer, analyser, débattre et conclure. Vrai ou faux ?


Deux noms

Yossef eut deux fils. Il nomma le premier Ménaché parce que «nachani Elokim - D.ieu m’a permis d’oublier les difficultés et la maison de mon père». Il appela son second fils Ephraïm parce que : «hifrani Elokim» - D.ieu m’a fait prospérer sur la terre de ma souffrance».

Chez son père, Yossef était détesté de ses frères et fut vendu comme esclave. En Egypte, il se querella avec la femme de son maître et fut jeté en prison. Il finit par être libéré et put oublier ses ennuis. C’est ainsi que s’explique le nom de Ménaché. Outre le fait qu’il put parvenir à la sérénité, il fut nommé vice roi d’Egypte, d’où le nom d’Ephraïm.

L’étude de la Torah

Nos Sages offrent différentes interprétations dont celle qui explique «Nachani Elokim», comme signifiant : «D.ieu me permit d’oublier la Torah que j’avais étudiée dans la maison de mon père» et «Hifrani Elokim», «D.ieu m’a rendu prospère en restaurant mes connaissances de la Torah, sur la terre de ma souffrance».

Cette interprétation est difficile à comprendre. Nous pouvons saisir les sentiments de Yossef quand il nomme Ephraïm ; il était reconnaissant pour le savoir qui lui était revenu. Mais quelle fut sa motivation en appelant son fils aîné Ménaché ? Etait-il reconnaissant à D.ieu de lui avoir fait oublier la Torah qu’il avait étudiée ? Nous ne faisons pas des efforts pour acquérir le savoir pour ensuite nous réjouir de l’avoir perdu !

La réflexion critique

Le moment le plus heureux d’un maître survient lorsque son élève l’interpelle et lui demande une explication plus approfondie.

Certains professeurs encouragent leurs élèves à rejeter tout ce qu’ils enseignent jusqu’à ce qu’ils puissent vérifier, de façon autonome, les informations qui leur ont été délivrées. Ces étudiants examineront toujours attentivement les théories et les arguments qui leur sont enseignés et ne s’égareront jamais.

Ainsi, Yossef lui aussi, désirait apprendre comment rechercher, analyser et comprendre les préceptes de la Torah, par lui-même. Il ne voulait pas seulement les connaître parce qu’ils lui avaient été transmis mais passer au crible chaque information qu’il possédait.

Ce qu’il avait étudié auprès de son père lui avait donné les outils pour le faire mais, en quelque sorte, cela le freinait également. Yossef se sentait incapable d’objectivité par rapport aux préceptes qu’il avait appris de Yaakov. Yaakov était le Maître de la Torah par excellence et Yossef savait que ce que son père lui avait enseigné était certainement la vérité. Mais sans l’objectivité qu’il pensait nécessaire, il se sentait incapable de le déterminer par lui-même.

C’est pour cette raison qu’il pria pour oublier. Cette amnésie sélective le mit dans une situation où il pouvait tout recommencer à zéro. Sans aucun acquis antérieur, il pouvait désormais se dévouer à l’analyse et à la corroboration de ces préceptes.

Quand il y parvint, il fut enchanté et grandement soulagé. Ces sentiments s’expriment dans le nom de son second fils. Ephraïm «qui a fait prospéré mes études sur la terre de ma souffrance». Le fait de rassembler à nouveau ses connaissances suscitait en lui de l’anxiété et de la souffrance. Réussir dans cette entreprise et prospérer dans ses études lui procurèrent un immense soulagement.

Le choix de Yaakov

Quand Yossef demanda à son père de bénir ses fils, Yaakov bénit Ephraïm avant Ménaché. Yossef objecta, avançant que Ménaché était l’aîné. Yaakov lui répondit que malgré l’âge de Ménaché, les descendants d’Ephraïm éclipseraient ceux de Ménaché. Nos Sages nous enseignent que Yaakov faisait alors référence à Yehochoua, descendant d’Ephraïm.

Yehochoua était lui-même un érudit extraordinaire. Il était acclamé comme le plus grand penseur de son temps. Sa piété ne connaissait pas de limites. Il fut un chef, un faiseur de miracles et un prophète. Et pourtant la Torah le décrit comme l’humble et discret élève de Moché. Il buvait chaque parole de son maître et embrassait, sans aucun questionnement, tous les préceptes qu’enseignait Moché.

Yaakov préféra l’acceptation humble de Yehochoua à la pensée objective de Menaché. Yehochoua analysait et disséquait chaque doctrine qu’enseignait Moché mais la raison ultime de son acceptation de ces doctrines ne venait pas du fait qu’il les avait comprises mais de ce que Moché les avaient enseignées.

Avant que D.ieu ne donne la Torah au Sinaï, Il avait confié Sa sagesse à nos Patriarches. A cette époque, l’approche de Yossef était correcte. Mais lors de la Révélation Sinaïtique à tout Israël, D.ieu nous fit don de la Divinité latente dans la Torah et cela requerrait une approche nouvelle, une approche faite d’acceptation devant la Vérité Divine.

Le voyage et sa destination

Le judaïsme encourage-t-il la réflexion critique ? La réponse est résolument positive. La pensée critique est ce qui précède la connaissance. Mais la pensée critique seule n’est plus suffisante parce que la Torah n’est plus simplement un livre de connaissances. Elle est désormais un Livre de Divinité. Et la Divinité se reçoit par l’humilité et l’acceptation.

L’étude de la Torah est un voyage, celui d’une quête intellectuelle et spirituelle. Les questions et la réflexion critique sont les bornes qui dirigent notre itinéraire.

L’humilité et l’acceptation nous permettent d’atteindre notre destination.

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