Et il arriva en ce lieu et il s’y installa car le soleil s’était couché, et il prit quelques pierres de l’endroit et [les] plaça à sa tête et il s’allongea en ce lieu. (Béréchit 28 :11)
Yaakov appela ses fils et dit : «Rassemblez-vous et je vous dirai ce qu’il adviendra de vous à la fin des jours. Rassemblez-vous et écoutez, fils de Yaakov, écoutez Israël, votre père.» (Béréchit 49 :1-2)
Quand Yaakov avait quitté Beér Chéva pour ‘Haran, il s’était arrêté en route pour passer la nuit dans un lieu désert qui deviendrait un jour le site du Saint Temple. Ayant rassemblé douze pierres, il les avait placées tout autour et en-dessous de l’endroit où il allait s’allonger. Lorsqu’il avait posé sa tête, les douze pierres avaient fusionné pour n’en former qu’une seule.
Des années plus tard, en Egypte, alors que Yaakov est sur le point de mourir, il appelle à son chevet ses douze fils. Ils se rassemblent autour de lui et les douze individus deviennent une âme unique. Ils prononcent la prière du Chema devant leur père Yaakov, le rassurant ainsi que les principes de servir D.ieu et de reconnaître Son absolue Unicité vivraient et seraient enseignés. Une famille avec un cœur et une âme.
Quand Yaakov avait rassemblé ces douze pierres, sur le chemin de ‘Haran, il l’avait fait dans l’intention de lier à lui les douze fils qu’il devait avoir. En fait, le mot hébreu «évène» (pierre) est constitué de deux mots : «av» (père) et «ben» (fils), de sorte que le mot «pierre» sert à lier père et fils. Suivant l’intention Divine, les douze pierres fusionnèrent : non seulement seraient-elles toujours liées à lui, leur racine commune, mais elles le seraient également les unes avec les autres.
L’Unicité du Peuple Juif, nous enseigne-t-on, est la réflexion de l’Unicité du Créateur. Dans nos prières quotidiennes, nous prenons sur nous la Mistva d’Ahavat Israël (aimer son prochain juif avec le même amour que celui que l’on se porte à soi-même) avant même de prononcer Chema Israël, la déclaration de l’Unité de D.ieu. Plusieurs fois dans la journée, nous supplions D.ieu de «nous bénir tous comme un».
Il est clair que pour optimiser notre relation avec D.ieu, nous devons faire de même dans nos relations avec nos prochains. Quand l’unité en bas (c’est-à-dire l’unité entre les Juifs) est la plus complète, cela permet, voire commande, aux bénédictions de se déverser. L’on nous apprend même que lorsque nos ancêtres étaient unis dans l’idolâtrie, l’exil qui en découla fut moins terrible que ce qui résulta du fait d’être immergés à la fois dans la Torah et dans des conflits internes, quantitativement environ 1900 ans plus tard, et qualitativement par de nombreuses croisades, une Inquisition et la Shoah.
Mais comment parvenir à cette unité essentielle ? Que signifie réellement cette fusion de pierres et d’âmes ? Pour comprendre ce qui est attendu de nous, il nous faut contempler l’Etre Unique que nous nous devons d’imiter. La ‘Hassidout explique que D.ieu créa le monde parce qu’Il désire une résidence ici-bas. Mais quelle sorte d’intérêt cela peut-il avoir pour Lui ?
En bref, lorsque dans un lieu où se rencontrent tant de contradictions, tant de diversités, l’on peut reconnaître Son Unité, rien n’est plus solide et plus vrai que cette reconnaissance, bien plus que les plus grandes expressions verbales et louanges sur Lui.
A un niveau plus profond, l’Unité de D.ieu s’exprime réellement par l’existence même de toute cette diversité dans la Création. Notre unité, en tant que peuple a pour objet de refléter ce concept. Son Unité donne naissance à la diversité, la nôtre a pour but d’émerger de la diversité, de la soutenir. Une unité qui naît de la diversité a bien plus de réalité qu’une unité qui s’appuie sur l’uniformité.
L’on peut mieux apprécier cette idée en observant l’un des détails qui présida à la construction du Saint Temple. L’on pouvait entrer dans les Beth Hamikdach par treize portes : une pour chaque tribu et une porte générale, ouverte à tous. Rien n’était superflu : il y avait des avantages clairs à utiliser la porte qui était précisément attribuée à chaque tribu et des avantages tout aussi importants à utiliser la treizième porte. Il y a des moments où nous cherchons D.ieu en tant qu’individus et d’autres où nous Le cherchons simplement comme Juifs.
Yaakov ne prit pas une grande pierre pour s’y étendre pas plus qu’il ne donna une seule bénédiction à tous ses douze fils. Au contraire, il rassembla douze pierres particulières et il donna douze bénédictions individuelles et «sur mesure» à ses douze fils et à leurs descendants.
Dans les deux situations, il y eut un moment de fusion, de réunion dans une unité absolue. C’était une unité d’autant plus solide que la force de chaque individu restait intacte. Immédiatement après avoir prononcé «Chema Israël» comme un seul homme, les fils redevinrent à nouveau des âmes individuelles pour pouvoir recevoir leurs bénédictions de leur père, moyens qui allaient servir dans leur démarche individuelle dans ce monde.
Il nous revient d’apprendre à vivre avec les deux approches: les bénédictions individuelles et l’unité solide de la pierre. Aucune ne sera véritable sans l’autre.
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- Publication : 17 décembre 2015