L’un des aspects peu connus en ce qui concerne la fête de Souccot est son lien profond avec l’eau.
Roch Hachana possède une prière toute particulière que l’on récite près d’un point d’eau (Tachli’h).
L’eau occupe une place importante lors de Yom Kippour. En effet, à l’époque du Temple, en ce jour saint, le Cohen s’immergeait cinq fois dans l’eau du Mikvé et de nos jours, nous nous purifions par l’eau avant le début de la fête.
Mais la fête de Souccot est encore plus profondément attachée à l’eau. Le Talmud nous enseigne que durant la fête de Souccot, le Tout Puissant décide de la répartition de l’eau qu’Il donnera au monde. Le huitième jour de la fête, lors du commencement de la dernière partie de la liturgie, l’on prononce une prière bien particulière dans laquelle nous implorons D.ieu pour qu’Il nous donne la pluie et suffisamment d’eau. Et de fait, prier pour l’eau fera, à partir de ce moment, partie intégrante de chacune de nos prières et ce, jusqu’à Pessa’h.
A la suite du jugement pour l’eau, à Souccot, nous enseigne le Talmud (Roch Hachana 16a), le Peuple juif devait se livrer à une libation d’eau sur l’autel du Temple, chacun des jours de Souccot. L’eau était puisée à la source de Chiloa’h, à Jérusalem, la nuit précédente et cette cérémonie s’accomplissait dans d’extraordinaires exultations et allégresses. C’était l’occasion de célébrations, de danses et de chants qui duraient tout au long de chacune des nuits de Souccot. Cette cérémonie, appelée « Beth Hachoévah », est qualifiée par le Talmud comme l’événement le plus joyeux ayant jamais existé : « Celui qui n’a pas connu la joie de Beth Hachoévah n’a jamais vu de joie véritable de toute sa vie ! »
Est-il possible que toutes ces manifestations festives soient suscitées par le jugement pour l’eau ? Et quelle est exactement la relation entre ce jugement et la fête de Souccot ?
Pour trouver la réponse à ces questions, observons la nature de l’eau.
L’eau présente une dichotomie intéressante. D’une part, elle est présente partout. Elle est dans pratiquement chacune de nos activités et nous ne pouvons survivre sans elle. Elle est essentielle à la vie. Et c’est pourquoi il est nécessaire qu’elle soit accessible à tout moment et partout où un être vivant peut se trouver. C’est donc la raison pour laquelle l’eau représente, par excellence, la stabilité et la permanence.
Cependant, l’eau est une commodité temporaire et instable. Elle fuit toujours. La goutte d’eau qui coule à l’instant même dans la rivière disparaît à jamais dans un temps si rapide qu’il est insaisissable. « L’eau qui coule sous les ponts » ne revient jamais.
Il semble donc que l’eau nous adresse un message : malgré l’apparente consistance et l’omniprésence que nous manifestons, nous sommes également des êtres qui changeons et évoluons constamment, jamais tranquilles. Et malgré ces changements perpétuels, nous continuons à être bien là.
La célébration de la fête de Souccot présente également ce double aspect.
D’un côté, la Soucca est désignée comme « un lieu de résidence ». La Torah commande au Peuple Juif : « dans des cabanes, vous résiderez » (Lévitique 23 :42). Cette injonction consiste à se livrer à toutes nos activités de « résidence » dans la Soucca. Elle doit être le lieu où nous mangeons, étudions voire habitons constamment, pendant les sept jours de la semaine.
Mais par ailleurs, toute cette structure n’est construite que pour durer sept jours. Vivre quelque part, y résider pendant une semaine ne ressemble guère à s’y installer ! De surcroît, le toit de cette habitation dans laquelle nous demeurons, partie la plus importante de cet habitacle, est fait de branches détachées, de feuillages et de brindilles. Ce toit précaire nous rappelle constamment avec quelle facilité la Soucca peut s’affaisser et ce qu’il risque d’arriver si la pluie, qui semble souvent présente à cette occasion, venait à se frayer un joyeux chemin dans notre habitation sophistiquée !
Parmi les nombreux messages et enseignements de la fête des Souccot, il en est un qui évoque la dualité du changement permanent. Nous venons de vivre la période des fêtes, très solennelle et pleine d’inspiration, un moment où chaque juif redécouvre souvent ou réintègre le phénomène le plus permanent qui soit : le lien le plus profond de son âme avec notre Père en Haut. Ce même Père encourage Son peuple à, tout de suite et sans transition, résider pendant une semaine entière dans une structure matérielle des plus temporelles et à s’y engager dans les activités les plus matérielles comme manger, boire et s’y reposer.
Il apparaît alors que Souccot, c’est la vraie vie. Bouillonner dans la vie comme l’eau qui coule et ne jamais rester en place. Constamment bouger et changer avec consistance.
Quand l’eau coule à Souccot, la fête de notre joie, nous réalisons à quel point nous sommes heureux et bénis de pouvoir célébrer la vie avec du sens et de l’enthousiasme et ne jamais être prisonniers de ses hauts et de ses bas.
Car, en dernier ressort, la vie est comparable à une grande roue : elle tourne. Parfois, la roue s’arrête de tourner mais elle ne reste jamais immobile longtemps. Ce qui arrive aujourd’hui ne sera plus d’actualité demain et ce qui surviendra demain durera plus ou moins longtemps mais jamais pour toujours.
S’inquiéter du présent ne nous mène nulle part. Nous sommes au meilleur de nous-mêmes lorsque nous nous rappelons de l’eau et de la cabane et comptons les bénédictions que nous possédons réellement. Concentrons-nous sur les bénédictions extraordinaires de la santé, des enfants, du toit qui est sur notre tête, des amis, de la communauté et de tout ce que nous possédons d’extraordinaire.
De plus, grâce à D.ieu, la roue est en train de se diriger vers le haut et de nous mener vers le prochain cycle de changement qui ne nous apportera que réjouissances et célébrations.
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- Publication : 29 septembre 2020