Samedi, 1er juin 2019

  • Be’houkotaï
Editorial

Une simple vie juive

Il y a quelque chose d’impressionnant dans la ténacité du peuple juif. Occupés à compter l’Omer jour après jour, nous revivons cette longue attente et cette impatience grandissante. Voici que nos ancêtres sont sortis d’Egypte. A l’appel de D.ieu, ils ont entrepris le long voyage. Peu leur importe l’entrée dans le désert ou la menace des poursuivants, ils ont choisi d’avancer en un élan d’enthousiasme invincible. Ils ont ainsi traversé bien des étapes, rencontré bien des épreuves, depuis le désir de revanche du pharaon jusqu’à la haine d’Amalek, mais ils n’ont pas renoncé. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants et, comme tous les êtres humains, ils sont sans doute très différents les uns des autres. Ils sont pourtant unis par une même volonté, ils poursuivent leur route. Ils sont conscients de leur but : le mont Sinaï. Cela leur a été annoncé dès le début du processus qui allait les conduire vers la liberté ; ils avaient rendez-vous pour « servir D.ieu sur cette montagne », ils allaient recevoir la Torah.

Une telle conscience est une force et un privilège. De fait, rien ne les détourne du chemin et les difficultés semblent ne peser d’aucun poids sur leur décision. Il faudra, bien sûr, revenir sur l’inébranlable lien avec D.ieu qui sous-tend l’aventure. Mais, dès ce stade, on ne peut manquer d’être impressionné devant leur détermination. Nous vivons un temps où certains auraient tendance à y voir de l’entêtement, une rigidité dangereuse voire un irréalisme propre à mettre en péril la survie collective. Il est vrai que nos sociétés aimables peuvent parfois estomper la puissance de l’idéal affirmé. Mais l’histoire ici emprunte d’autres voies. De la même façon que nos ancêtres surent rester fidèles à leur objectif, ne laissant rien ni personne les en détourner, ainsi le peuple juif continue sa route quotidienne.

L’héroïsme n’est pas constitué uniquement d’actions d’éclat. Il est aussi cette force de vivre selon sa propre vision, sans exclusion ou rejet de l’autre mais toujours avec détermination. Il est cette capacité de comprendre le sens des choses, quelles qu’elles soient, et de choisir librement sa propre route. Et nous avançons donc, tendus dans la même attente, le même espoir avec une confiance sans faille. Une vie juive, finalement.

Etincelles de Machiah

Au talon de Machia’h

Le principal est notre génération qui est véritablement celle du « talon de Machia’h » car elle se déroule immédiatement avant sa venue. Les talons maintiennent le corps. De même, notre génération « maintient » toutes celles qui l’ont précédée.

Mais c’est sur le talon que la saleté s’accumule. C’est pourquoi on observe aujourd’hui un renforcement du mal. Il faut donc diffuser la lumière et automatiquement le mal sera écarté.

(D’après Séfer Hasi’hot 5699 p. 50)

Vivre avec la Paracha

Be’houkotaï

D.ieu promet que si le Peuple d’Israël observe Ses commandements, il jouira de la prospérité matérielle et résidera en paix sur sa terre. Mais Il donne également un avertissement sévère et le menace de l’exil, de la persécution et d’autres maux qui s’abattront sur lui s’il abandonne son alliance avec Lui.

Toutefois, « même quand ils seront sur la terre de leurs ennemis, Je ne les rejetterai pas, pas plus que Je ne les haïrai, ne les détruirai ou ne briserai Mon alliance avec eux. Car Je suis l’Éternel, leur D.ieu ».

La Paracha se conclut avec les lois concernant la manière de calculer la valeur des différents types d’engagements pris pour D.ieu et la Mitsva de prélever un dixième des produits agricoles et du bétail.

 

S’investir dans l’étude de la Torah

Sur le verset qui ouvre notre Paracha : « Si tu avances dans Mes statuts », le Sifrei déclare (comme le cite Rachi) : Cela concerne-t-il l’accomplissement des Mitsvot ? La suite (du verset) « et si tu es scrupuleux dans l’observance de Mes commandements » concerne les Misvot. Quel est donc le sens de « si tu avances dans Mes Statuts » ? Que tu t’investisses dans l’étude de la Torah.

Cela demande une explication. Si la phrase a pour but d’indiquer que les Juifs doivent observer les Mitsvot, nous pouvons comprendre pourquoi le terme « Be’houkotaï » a été utilisé. Bien qu’il existe trois types de Mitsvot (‘Houkim « les statuts », Edout « les témoignages » et Michpatim « les lois rationnelles »), l’on peut avancer que ce verset incorpore toutes les trois sortes en utilisant le terme de ‘Houkim, pour impliquer que même les Edout et les Michpatim, dont on peut saisir la raison, doivent être observés avec le même engagement que les ‘Houkim, c’est à dire avec Kabalat Ol, une acceptation du joug Divin.

Cependant, s’il est postulé que ce verset se réfère à l’étude de la Torah, le terme Be’houkotaï présente une difficulté. L’étude de la Torah implique de la compréhension. Il nous faut nous investir, réviser ce que l’on a appris, ne pas seulement apprendre les lois mais en connaître les principes, comme elles sont expliquées dans la Loi Écrite et dans la Loi Orale.

Certaines Mitsvot appartiennent à la catégorie des ‘Houkim parce que le principe qui les motive dépasse la compréhension. Comme l’établit Rachi : « C’est un décret et tu n’as pas la permission de questionner (son observance) ». Elles constituent néanmoins une minorité distincte dans la Torah. D’une manière générale, la Torah a été donnée de façon à être comprise par un esprit humain.

Il existe une différence radicale entre la Loi Écrite et la loi Orale. La Loi Écrite est un texte délimité, qui comporte un nombre précis de versets et de lettres. Il n’existe aucune possibilité d’ajout. Par contre, la Loi Orale n’est pas restreinte dans sa taille. Il est vrai qu’à présent, seul un certain nombre de lois a été révélé, mais dans chaque génération, on y fait des additions, comme le commentent nos Sages : « Chaque nouvelle perspective développée par un Sage expérimenté a été donnée à Moché au Mont Sinaï. »

Le même modèle est reproduit dans la Loi Écrite elle-même. La partie qui s’y réfère à une compréhension transcendante et traite des ‘Houkim est bien plus restreinte que la partie qui évoque les Mitsvot dont la signification peut être appréhendée.

Ainsi, l’utilisation du terme Be’houkotaï, dans le verset du début de la Paracha, est problématique. Dans la mesure où le sens en est que « les Juifs doivent se donner du mal dans l’étude de la Torah », il semblerait plus approprié d’utiliser une terminologie différente. Car, comme cela a été mentionné, les ‘Houkim ne représentent qu’une petite partie de la Torah.

Un tout intégral

Rabbi Chnéor Zalman interprète le mot Be’houkotaï comme lié au mot ‘Hakika qui signifie « gravé ». Il en résulte que nous devons nous investir dans cette étude jusqu’à ce que ses mots soient gravés en nous.

L’avantage de la gravure sur l’écriture est que les lettres gravées font partie intégrante de la surface sur laquelle elles sont gravées, contrairement aux lettres écrites qui sont indépendantes du parchemin lui-même.

La gravure n’est donc pas une réalité autonome puisqu’elle ne peut être séparée de son support.

Telle est la leçon de l’emploi du mot : Be’houkotaï, en relation avec l’étude de la Torah. Il ne suffit pas qu’un Juif étudie la Torah pour s’unir au sujet de son étude. Mais il doit la graver dans son être.

Étudier à la manière de l’écriture, dans laquelle les deux entités (le parchemin et l’encre) restent séparées ne suffit pas. Il faut choisir l’approche qui ressemble à la gravure. L’étudiant cesse de se considérer comme une entité indépendante. Son existence-même est la Torah.

Le Coin de la Halacha

Qu’est-ce que Birkat Cohanim ?

Les Cohanim (descendants d’Aharon, le Grand-Prêtre) ont la Mitsva de bénir les Enfants d’Israël (Bamidbar – Nombres 6 : 22 à 27) : « Ainsi vous bénirez les Enfants d’Israël, qu’ils disent : Que D.ieu te bénisse et te protège. Que D.ieu éclaire Sa face vers toi et t’accorde Sa grâce. Que D.ieu élève Sa face vers toi et t’accorde la paix ».

En Israël, les Cohanim bénissent les fidèles tous les jours. En Diaspora, cette cérémonie de Birkat Cohanim ne s’effectue que les jours de fête ou le Chabbat selon les rites.

On ne regarde pas les Cohanim quand ils élèvent leurs mains pour bénir les fidèles car la Che’hina (la Présence Divine) réside sur leurs mains : c’est pour cela qu’ils se couvrent le visage et les mains avec leur Talit (châle de prière). Cependant, le fidèle doit se trouver face au Cohen et non derrière lui. Il est d’usage que les fidèles aussi se couvrent le visage avec leur Talit : celui qui n’a pas de Talit se place sous le Talit de quelqu’un d’autre. Le père de famille prend ses enfants – même nourrissons – sous son Talit pendant la bénédiction des Cohanim. Ainsi chacun peut se concentrer sur les mots prononcés par le Cohen.

L’officiant lit chaque mot des bénédictions et les Cohanim les répètent, mot à mot. L’assemblée écoute attentivement et répond Amen à la fin de chacune des trois bénédictions.

Quand les Cohanim entonnent les trois derniers mots, les fidèles murmurent une prière pour demander que tous les rêves soient de bons présages ; cependant, il faut écouter attentivement les mots prononcés par les Cohanim.

 (d’après Pinat Hahala’ha - Rav Yossef S. Ginsburgh)

Le Recit de la Semaine

Un Mikvé contre une montre en or

Quand Rav Aharon Kraus devint rabbin dans la ville d’Atlantic City, il invita ses amis Rav Berel Baumgarten et Rav Mottel Kalmanson à donner un cours vendredi soir, qui dura jusque tard dans la nuit. Le lendemain matin, les deux jeunes gens demandèrent à se tremper dans un Mikvé (bain rituel) selon la coutume ‘hassidique mais on leur annonça qu’il n’y en avait point dans toute la ville !

« Pourtant on trouvait dans cette ville une forte population juive, se souvient Rav Kalmanson et nous ne pouvions pas croire qu’il n’existait pas de Mikvé ! ». Immédiatement après Chabbat, les deux jeunes gens encouragèrent Rav Kraus à organiser une réunion : ils expliquèrent l’importance du Mikvé et un comité fut nommé pour en construire un.

A leur retour à New York, les deux jeunes étudiants de Yechiva écrivirent un rapport détaillé au Rabbi. Le secrétaire du Rabbi, Rav Morde’haï Hodakov transmit sa réponse : Rav Kalmanson devait prendre la tête du comité pour la construction du Mikvé. Ainsi encouragé, il retourna souvent à Atlantic City mais le projet n’avançait que très lentement : « Nous manquions d’experts et… d’argent » se souvient-il.

Mais le Rabbi ne perdait pas de vue le but qu’il avait fixé. Quand Rav Kalmanson exprima, lors d’une audience privée, son souhait de se marier, le Rabbi répondit : « Actuellement, vous êtes impliqué dans une mission (la construction du Mikvé) et, quand vous l’aurez achevée, vous pourrez vous engager dans l’étape suivante ! ».

Le comité finit par acquérir un terrain et à dessiner les plans. Le Rabbi nomma Rav Nissan Telushkin, expert mondialement reconnu, pour surveiller l’avancement des travaux. Rav Meïr Greenberg, le Grand Rabbin de Patterson (New Jersey), s’impliqua également.

Au début des travaux, Rav Kalmanson amena un donateur, M. Irving Summers auprès du Rabbi à l’occasion de la fête de Pourim. Durant une pause pendant la réunion ‘hassidique, les deux hommes s’approchèrent du Rabbi et M. Summers offrit au Rabbi et à Rav Kalmanson des montres en or. Le Rabbi accepta la montre en cadeau à condition que M. Summers devienne le président du comité pour la construction du Mikvé d’Atlantic City. Il accepta.

Par la suite, Rav Kalmanson amena tout un groupe de personnes de cette ville au 770 Eastern Parkway (la synagogue du Rabbi) afin de les motiver pour la construction. Le Rabbi évoqua alors longuement l’importance d’un Mikvé :

« L’obligation d’accomplir les commandements de D.ieu et d’apprendre la Torah commence lorsqu’un garçon atteint l’âge de treize ans et une fille l’âge de douze ans. Cependant, il existe un commandement auquel on participe même avant la naissance et même avant la conception : la pureté familiale, avec l’obligation pour la future maman de se tremper dans un Mikvé afin de sanctifier la vie du couple et du futur enfant. Neuf mois avant la naissance d’un enfant, une femme juive se comporte avec pureté et sainteté afin que l’enfant soit en bonne santé physique et mentale. Ceci dépend de la conduite des futurs parents qui affecte l’avenir de leur enfant. Ainsi nous comprenons la grande récompense que D.ieu réserve à ceux qui accomplissent cette Mitsva dans tous ses détails. On pourrait penser que la construction d’un Mikvé soit une obligation qui incombe au rabbin, au professeur, au boucher ou au comité de la synagogue mais, en fait, cela incombe à chacun ! ».

Malgré les encouragements du Rabbi, les travaux n’avançaient que très lentement. Plus tard, cette année-là, le Rabbi transmit à Rav Kalmanson que, si la construction du Mikvé ne progressait pas, il devrait rendre la montre à M. Summers. Averti, celui-ci comprit l’urgence de la situation et, peu après, en été 1964, la communauté put se réunir pour la pose de la première pierre. Le journal local annonça ainsi l’événement : « La première pierre pour la construction d’un Mikvé (bain rituel) ultra-moderne sera posée ce dimanche à 14 heures. Cette structure sera la première du genre dans la région. Un Mikvé, bain rituel, doit être construit selon des règles rabbiniques bien précises… Son utilisation principale est d’assurer la pureté familiale, une tradition qui a été préservée même dans les périodes les plus difficiles de l’histoire du peuple juif. Le Rabbi de Loubavitch à New York œuvre inlassablement pour la concrétisation de ce projet sacré ».

Le Rabbi dépêcha deux émissaires à cet événement, en fait deux sommités rabbiniques, Rav Yo’hanan Gordon et Rav Chnéour Zalman Duchman. Dans une lettre qui fut lue devant l’assemblée, le Rabbi précisait ce qu’il attendait de l’événement : « Il est satisfaisant de constater que les efforts de votre comité présidé par Rav Moshé Shapiro (le Grand Rabbin de la ville) aient permis d’atteindre cette étape. Avec vous tous, j’espère et je prie pour que la construction soit achevée dans les plus brefs délais afin que nous puissions très bientôt célébrer l’inauguration du Mikvé en remerciant et en louant le Tout Puissant. Nous connaissons tous l’importance de l’empressement mis à accomplir toutes les Mitsvot (commandements divins). Il est d’autant plus évident qu’il convient d’accomplir cette Mitsva de construire un Mikvé le plus rapidement possible puisque c’est une des fondations essentielles de toute communauté juive ».

Malgré ces encouragements, la construction ne progressa que lentement. Et, pendant ce temps, la synagogue de Rav Greenberg (qui s’était impliqué dans les travaux) fut vandalisée. Il en informa le Rabbi qui répondit qu’il était temps d’achever le Mikvé d’Atlantic City. Rav Greenberg s’investit alors de toutes ses forces et, enfin, le Mikvé put être inauguré.

Il fonctionna jusqu’en 1983, quand le nouvel émissaire du Rabbi, Rav Chmouel Rapoport décida de construire un nouveau Mikvé, encore plus beau et plus fonctionnel.

Rav David Zaklikowski – COLlive – Hasidic Archives

Traduit par Feiga Lubecki