Editorial
Jour de lumièreL’Omer déroule ses jours de Pessa’h à Chavouot. Nous en égrenons le décompte avec entêtement. Soir après soir, nous sommes conscients que le temps qui passe est ici un facteur de progrès, que nous nous élevons au fur et à mesure de son avancée. Nous savons que, sortis d’Egypte, nous allons vers le Don de notre Torah, notre grande rencontre avec D.ieu. C’est un long voyage que nous avons ainsi commencé, 49 jours d’une intensité particulière. Cependant, au sein de cette progression régulière, un jour brille d’un éclat nouveau.
Comme une flamme qui éclate en mille lumières et anime de son mouvement tout ce qu’elle touche, le33ème jour de l’Omer rayonne, cette semaine, sur le monde. Lag Baomer: un mot qui brille comme un éclair de grandeur. C’est que ce jour est celui de Rabbi Chimon Bar Yohaï et que la lumière qui en monte est celle du sens profond de la Torah. De fait, celui-ci a toujours été présent dans le texte, comme à l’orée des lettres mais, par le Zohar, Rabbi Chimon Bar Yohaï lui donna sa pleine expression. Aussi bien, la lumière de ce jour est celle d’une éternelle Sagesse.
Chacun le sait, le jour de Lag Baomer est, historiquement, celui où Rabbi Chimon quitta ce monde. Pourtant voici qu’il est aussi celui de la joie et de la célébration. Car ce jour signifie d’abord union profonde avec D.ieu, éternité de cette unité au travers de la Sagesse alors révélée. Lorsque cette joie éclate, elle brise toutes les barrières et emporte sur son passage tout ce qui limite notre rapport avec Lui.
Il n’est donc guère étonnant que le Lag Baomer soit fêté, avec une chaleur et un éclat particuliers, partout dans le monde. Pourtant un risque existe: la célébration pourrait rester du domaine de ces rites chaleureux qui, tout importants qu’ils soient, ne modifient pas en profondeur notre quotidien. Lag Baomer a une autre puissance: ce jour peut transformer toute notre vie pour peu qu’on s’en saisisse. Certes, l’obscurité du monde peut nous sembler aujourd’hui très épaisse mais n’est-il pas dit, à propos de Rabbi Chimon Bar Yohaï, que "l’on peut se fier à lui en temps d’urgence" ?
Le temps est venu, la lumière s'élève, sachons voir son éclat.
Etincelles de Machiah
L'enseignement de Machia'hL'étude de la Torah est une idée essentielle. Pourtant, le Midrach précise (Kohélet Rabba 11:8): "La Torah qu'un homme étudie dans ce monde est insignifiante comparée à l'enseignement de Machia'h". Quel est le sens d'une telle comparaison?
En fait, le texte veut ici indiquer que l'étude de la Torah dans ce monde n'est qu'une préparation à caractère pédagogique à l'étude à venir. En d'autres termes, l'étude dans ce monde permet d'atteindre le degré nécessaire pour étudier les enseignements que Machia'h donnera.
(d'après Likouteï Si'hot, vol. XXI, p. 280)
Vivre avec la Paracha
Be’houkotaï :le prodige sous le lit
Rabbi Hillel de Paritch (1795-1864) était l’un des nombreux érudits de son temps à avoir rejoint le mouvement ‘hassidique. Pendant de nombreuses années, il fut un disciple dévoué du second et du troisième Rabbi de Loubavitch, Rabbi DovBer et Rabbi Mena’hem Mendel de Loubavitch.
Quand il était jeune, Rabbi Hillel entendit parler du fondateur du ‘Hassidisme ‘Habad, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi et il chercha à le rencontrer. Mais l’opportunité semblait toujours échapper au jeune prodige. A peine arrivait-il dans une ville que visitait Rabbi Chnéour Zalman qu’on l’informait que le Rabbi venait de la quitter. En fin de compte, il réussit à localiser le lieu où allait séjourner le Rabbi, avant même que celui-ci n’y soit arrivé. Pour être sûr qu’il ne perdrait pas, une fois encore, l’occasion qui se présentait, Rabbi Hillel se glissa inaperçu dans la chambre qu’allait occuper Rabbi Chnéour Zalman et se cacha sous son lit, déterminé à faire sa connaissance.
Pour préparer sa rencontre avec Rabbi Chnéour Zalman, Rabbi Hillel s’était “armé” de certaines de ses découvertes dans le domaine de l’étude talmudique. A cette époque, le jeune érudit étudiait le traité Era’him ou “Evaluations”, la partie du Talmud qui traite des lois sur la manière d’apprécier la valeur des promesses de dons à la charité. Rabbi Hillel avait une question savante sur le sujet et il l’avait préparée et répétée avec diligence pour pouvoir en débattre avec le Rabbi.
De sa cachette, Rabbi Hillel entendit Rabbi Chnéour Zalman pénétrer dans sa chambre. Mais avant qu’il n’ait pu faire le moindre mouvement, il entendit le Rabbi s’exclamer: “Si un jeune homme a une question concernant “les évaluations”, il ferait mieux de commencer par s’évaluer lui-même !”.
Sous le lit, le prodige s’évanouit sur le champ. Et quand il revint à lui, Rabbi Chnéour Zalman était parti…
Le Rabbi a relaté cette histoire et a ensuite posé la question suivante: comment pouvons-nous appliquer cette histoire à nos vies ?
Le traité “Evaluations” discute des lois présentées dans le chapitre 27 de Vayikra, dans notre Paracha: si une personne promet de donner quelque chose à la charité mais qu’au lieu d’annoncer une somme, elle dit: “Je promets de donner la valeur de cet individu”, nous devons suivre la table des valeurs établie par la Torah, dans laquelle à chaque âge et à chaque genre (masculin ou féminin) est assignée une certaine “valeur”.
Mais pourquoi employer une évaluation “plate” qui rassemble dans un même groupe tant d’individus différents? Un érudit accompli ne devrait-il pas être considéré comme ayant plus de valeur qu’un simple ouvrier? La Torah enseigne que nous sommes tous égaux devant D.ieu, “depuis vos chefs de tribus, vos anciens, jusqu’à ceux qui coupent le bois et portent l’eau”. Mais peut-on considérer son prochain comme doté d’une valeur égale à soi-même quand il lui paraît tellement moins talentueux et accompli?
C’est là le sens de la remarque de Rabbi Chnéour Zalman à Rabbi Hillel: si tu as une question concernant les “estimations”, si tu trouves difficile d’accepter l’évaluation de la Torah de la valeur humaine, alors tu ferais mieux de commencer par t’observer toi-même avec attention. Un examen honnête de ton propre caractère et de ton comportement fera apparaître combien tu peux apprendre de chaque homme et combien tu dois t’inspirer de ceux qui te paraissent “inférieurs” à toi.
L’encre et la pierre
“ Si vous allez dans Mes statuts… (Vayikra 22: 3)
Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi dit: ‘Hok (statut), le mot utilisé ici pour Mistvot (commandements) signifie aussi “graver”.
On peut inscrire des mots de deux façons. On peut les imprimer sur un parchemin ou un papier. Ou bien on peut les graver dans la pierre.
Il en va de même pour les Mitsvot. Elles peuvent être appliquées comme des mots écrits à l’encre: un homme peut accorder son comportement aux commandements de la Torah, mais ils restent distincts de lui, de la même façon que l’encre et le papier restent deux entités distinctes bien qu’ils aient été liés pour exprimer une pensée ou une vision.
Mais par ailleurs, une personne peut intégrer le concept et l’action de la Mitsva dans son être même. Elle peut faire en sorte que son âme et la vision de la réalité de D.ieu soient en forme de “gravure” où le mot et son support sont uns.
Le Coin de la Halacha
Pourquoi lit-on les “Maximes de Nos Pères”, Pirkeï Avot, chaque Chabbat après-midi entre Pessa'h et Chavouot ?Entre Pessa'h et Chavouot, nous nous préparons à re-vivre le Don de la Torah au mont Sinaï. Pirkeï Avot est un traité talmudique qui contient des recommandations éthiques et morales: grâce à ces paroles de nos Sages, nous pouvons raffiner notre personnalité et notre comportement, de façon à mériter de recevoir la Torah.
Dans de nombreuses communautés, on continue la lecture de ces 6 chapitres tout au long de l'été jusqu'au Chabbat qui précède Roch Hachana. En effet, durant l'été, certains sont moins stricts dans leur observance des Mitsvot, et il convient donc de se renforcer spirituellement pour éviter tout relâchement.
F. L.
De Recit de la Semaine
VOIR ENFIN LE PROPHETE ELIAHOUTrès riche.
Reb Moché, négociant en tissus, était très riche. Sa magnifique villa était située au centre de la ville de Kossov. Reb Moché était loin d’être un érudit et, disons-le tout net, était loin d’être généreux. Cependant il ressentit un jour une envie aussi soudaine qu’irrépressible: il désirait voir le prophète Eliahou !
Ce désir devint une obsession.
De lui-même, il comprit que pour cela il devait changer sa façon de vivre: il décida de travailler moins afin d’étudier davantage la Torah. Mais le prophète Eliahou ne lui apparut toujours pas !
Un jour, il décida de se confier à Rabbi Barou’h de Viznitz (le fils et successeur de Rabbi Mena’hem Mendel de Kossov). Celui-ci répondit: “Investis-toi dans les œuvres charitables car c’est là que réside la mission de ton âme”.
Non, Reb Moché n’était pas vraiment prêt à cela. Etudier et prier davantage encore auraient dû lui faire mériter l’apparition tant désirée ! Cette aspiration constante mais à chaque fois déçue l’amena au bord de la dépression.
Son maître, conscient de son problème, tenta de l’encourager. Il lui parla gentiment: “Seules quelques personnes triées sur le volet méritent de voir le prophète Eliahou à chaque génération !”
Reb Moché refusait d’accepter ce genre de consolation. Rabbi Barou’h réfléchit un instant et lui dit: “Ouvre largement ta main ! Distribue généreusement ton argent pour la Tsédaka (charité). Même si tu rencontres un pauvre homme qui te demande une grosse somme d’argent, donne-lui ce qu’il exige !”
A partir de ce jour, Reb Moché changea complètement. Bien que cela lui fût très difficile, car il était économe de nature, il se montra très généreux envers chacun.
Un jour, un inconnu, apparemment pauvre, frappa à sa porte. Reb Moché n’était pas présent puisqu’il étudiait à la synagogue, mais sa femme ouvrit la porte et accueillit l’étranger comme il convient:
“Que désirez-vous ?” demanda-t-elle poliment.
“J’ai faim !” répondit-il laconiquement.
Elle se dépêcha de préparer un repas copieux sur une table joliment dressée. Elle invita le mendiant à manger: il s’assit, le visage fermé, mais ne toucha à rien.
Peut-être n’appréciait-il pas les aliments proposés, se dit la maîtresse de maison. Elle rajouta alors d’autres plats, modifia la disposition, présenta d’autres boissons… Mais il ne mangeait toujours pas.
“Ne m’avez-vous pas dit que vous aviez faim ?” demanda-t-elle, étonnée.
“Moi, je ne mange pas dans la cuisine mais dans la salle à manger !” dit-il sèchement.
La femme s’empressa de dresser la table, encore plus élégamment dans la magnifique salle à manger.
A sa grande surprise, il refusa encore de manger !
“Ce n’est pas de cette salle à manger que je parlais mais du salon personnel du maître de maison !” dit-il avec aplomb.
“Peut-être ne s’agit-il pas d’un mendiant ordinaire mais plutôt d’un voleur, d’un bandit…” se dit la femme qui prit peur. Cependant, elle s’efforça de se calmer en se souvenant que son mari s’était engagé dernièrement à satisfaire le moindre souhait de chaque pauvre qui se présentait. Elle accepta donc de déménager encore une fois ce qui était devenu un véritable festin dans le salon particulier de son mari, puis sortit.
Pendant ce temps, Reb Moché était rentré et son épouse, essoufflée, lui avait raconté ce qui s’était passé. Agacé, il entra dans son salon et vit que l’homme ne mangeait toujours pas !
“Que désirez-vous maintenant ?” demanda-t-il.
“Je ne toucherai à rien tant que vous ne m’aurez pas offert une contribution digne de ce nom!”
“C’est-à-dire… ?” demanda Reb Moché par précaution.
“Mille pièces d’or !” proféra l’homme.
La patience de Reb Moché était à bout. Il tenta de marchander, proposa une somme plus raisonnable mais il était intraitable. “Mille pièces d’or, pas une en moins!” Furieux, Reb Moché intima à l’insolent l’ordre de quitter les lieux.
Ce soir-là, c’était Lag Baomer et, comme les autres ‘Hassidim, Reb Moché se rendit à la synagogue de son Rabbi. Celui-ci réalisa immédiatement dans quel état de nervosité se trouvait Reb Moché: “Tu avais tant désiré mériter l’apparition du prophète Eliahou! Ne t’avais-je pas dit d’accorder à chaque pauvre ce qu’il exigerait ?”
A ce moment, Reb Moché réalisa qu’il n’avait pas été à la hauteur! Il décida alors de s’installer en Terre Sainte, là, il retrouverait sa sérénité. Il vendit tous ses biens, prit ses paquets et, avec son épouse, se mit en route. Ce n’était pas facile à l’époque et, après un voyage pénible aussi long que coûteux et dangereux, il arriva pratiquement ruiné sur la Terre promise.
Ils s’installèrent à Safed, la ville sainte. L’ancien riche notable de Kossov était devenu un pauvre hère. Mais il ressentait une vitalité nouvelle. Il partageait son pain quotidien avec les pèlerins qui visitaient la tombe de Rabbi Chimon Bar Yo’haï. Le jour de Lag Baomer, en particulier, il s’occupait de chacun et transportait lui-même de grands seaux d’eau sur les pentes des collines de Galilée.
Un jour, alors qu’il se trouvait au milieu du chemin et pouvait voir au loin les torches enflammées qui éclairaient la nuit, il aperçut soudain le fameux mendiant qui l’avait tant importuné à Kossov: maintenant celui-ci était habillé majestueusement et rayonnait de sainteté.
Stupéfait, Reb Moché s’arrêta, posa les seaux et contempla, le cœur battant, cette apparition…
A ce moment, il sut qu’il avait obtenu ce qu’il avait tant désiré….
Traduit par Feiga Lubecki