Toute la réalité d’un vieux rêve
Il existe des rêves liés à la nature même des hommes, des rêves qui paraissent à jamais inaccessibles. Quel être humain n’a-t-il ainsi pas désiré un jour revenir en arrière sur la route du temps, retourner à l’embranchement où il fit un choix erroné et prendre le chemin qu’il avait alors malencontreusement délaissé ? Qui n’a pas désiré effacer les échecs rencontrés, non en les oubliant mais en les transformant, en rectifiant un mot, un geste, une décision qui avait fait basculer l’événement d’un côté indésirable ? Avoir une deuxième chance quand l’expérience nous rend mieux apte à en tirer tout le parti...
Cela arriva un jour et le texte biblique sait nous le dire. Lors du premier Pessa’h vécu par les Juifs sortis d’Egypte, vint le temps du sacrifice d’un agneau qu’il revenait à chacun d’apporter. Un temps d’une immense élévation spirituelle. Certains ne furent pas en mesure de participer à la cérémonie : ils étaient rituellement impurs et peut-être étaient-ils eux-mêmes responsables de leur situation. Mais ils ressentirent le terrible manque que cela constituait. Et ils eurent sans doute ce sentiment si humain : «Si seulement nous avions su...» Hélas, semblait-il, le moment était passé, il n’y avait plus rien à faire. C’est alors que, poussés par la douleur de leur cœur, ils s’adressèrent à Moïse : «Pourquoi serions-nous écartés ?» Et Moïse d’interroger D.ieu. Et D.ieu de répondre : «Un mois plus tard, il y aura un deuxième Pessa’h.» Une deuxième chance leur fut donnée et ils offrirent le sacrifice que leurs choix individuels leur avaient fait manquer la première fois.
Depuis, il en va ainsi pour chacun, dans le cadre de la fête de Pessa’h bien sûr mais aussi dans la vie quotidienne et quelles que soient les circonstances. Rien n’est jamais perdu, il est toujours possible de changer les choses, d’agir comme si le temps n’était plus cette pierre portant gravées sur elle les actes passés de manière ineffaçable mais comme s’il était un organe vivant et toujours modelable. Un message d’espoir ? Certes, et une invitation à l’action !
Au talon de Machia’h
Le principal est notre génération qui est véritablement celle du « talon de Machia’h » car elle se déroule immédiatement avant sa venue. Les talons maintiennent le corps. De même, notre génération « maintient » toutes celles qui l’ont précédée.
Mais c’est sur le talon que la saleté s’accumule. C’est pourquoi on observe aujourd’hui un renforcement du mal. Il faut donc diffuser la lumière et automatiquement le mal sera écarté.
(D’après Séfer Hasi’hot 5699 p. 50)
Be’houkotaï : Grandir véritablement
Satisfaire la soif
L’un des aspects par lesquels se caractérise la condition humaine est un désir de grandir. C’est un trait positif, l’expression de la nature de l’âme humaine. En effet, l’âme est «une véritable partie de D.ieu». En tant que telle, aucun substitut de vérité ne peut lui paraître valide. Plus encore, même si la personne parvient à une compréhension d’une vérité authentique, elle cherchera sans cesse à aller au-delà de cette conscience. Car D.ieu est illimité et le potentiel divin inhérent en nous, qui le reflète, ne se satisfait jamais d’une situation donnée et aspire toujours à «progresser de force en force» (Psaumes : 84 :8).
Bien que ce désir d’expansion soit universel, son expression varie d’un individu à l’autre. Certes, nous désirons tous avancer, mais nous sommes nombreux à ne pas savoir comment commencer et c’est cette méconnaissance qui nous empêche de le faire.
Comment donc trouver le chemin infini de l’élévation personnelle ? La Paracha de cette semaine peut apporter des réponses à cette question. Elle commence par les mots : «Si vous suivez Mes statuts». Le verbe que l’on a rendu par «suivez», Télé’hou en hébreu, signifie également «avancer» et est utilisé dans de nombreuses instances pour évoquer le progrès individuel. Le terme «Mes statuts», Be’houkotaï, se réfère à une catégorie particulière de mitsvot, les ‘houkim. Que signifie donc le fait que le progrès personnel dépende de l’intériorisation des leçons de ‘houkim ?
Taillé dans notre cœur
Le mot ‘hok (singulier de ‘houkim) signifie «gravé». Différencier «écrire» de «graver» nous permettra d’apprécier le sens profond des ‘houkim et l’influence qu’ils exercent sur nous. Tout d’abord, à l’inverse de l’écriture, la gravure nécessite un labeur ardu. Ecrire est aussi considéré comme l’une des 39 catégories de travail (Chabbat 7 :2) mais les efforts requis pour écrire ne peuvent être comparés à ceux que nous devons investir pour graver.
C’est dans ce contexte que Rachi interprète le premier verset de la Paracha : «si vous suivez Mes statuts» comme signifiant : «si vous faites des efforts dans l’étude de la Torah», autrement dit, «si vous faites plus que simplement étudier et que vous vous appliquez avec ardeur à la Torah». Lorsque nous nous y consacrons ainsi, les mots de la Torah «se gravent» dans notre cœur. Même si notre cœur est dur comme une pierre, la pression légère mais inexorable exercée par l’eau de la Torah pénétrera. (Cf. Avot de Rabbi Nathan 6 :2. Ce concept est cité en relation avec l’histoire de Rabbi Akiva qui fut inspiré à étudier la Torah en observant comment un petit filet d’eau, coulant goutte à goutte, avait fini par éroder un rocher. Il en conclut que chaque «goutte» d’étude de la Torah peut changer une personne, même si les changements initiaux n’avaient pas été immédiatement perçus).
Là est la première clé pour le progrès personnel. Il n’existe pas de spiritualité sans sacrifice. Un champ ne produit pas de récolte sans avoir été labouré et semé. Pour permettre au potentiel divin, que nous possédons tous, de grandir et fleurir, il nous faut investir un dur labeur.
Sans dichotomie
«Ecrire» et «graver» présentent une autre différence. Quand on écrit, la surface qui sert de support et l’encre que l’on utilise restent deux entités séparées. Mais, par contre, les lettres gravées dans la pierre et la pierre elle-même forment un tout : elles sont inséparables.
Cela souligne l’importance d’intérioriser la Torah, de faire de ses enseignements une partie de notre être. Il y a un avantage à s’obliger à observer la Torah même si cela va à l’encontre de notre nature. Car l’engagement le plus profond au service de D.ieu reconstruit notre nature pour refléter Sa volonté.
Telle est la seconde leçon des ‘houkim : la personne et la Torah ne doivent pas constituer des entités séparées mais un ensemble unique.
Cette approche permet de véritablement grandir car nous parvenons au-delà des limites de notre propre perception et sommes introduits par la Torah dans des horizons illimités.
Au-delà des limites de l’intellect
Ce qui précède conduit à une troisième interprétation de ‘houkim. Ce terme évoque des dimensions de la Torah qui dépassent notre entendement. Faire des efforts dans l’étude de la Torah permet la prise de conscience que chacune de ses facettes, même de celles qui paraissent accessibles à l’intelligence humaine, sont en réalité illimitées. Car la Torah est la sagesse de D.ieu et «tout comme il est impossible pour une créature de comprendre son Créateur, ainsi est-il également impossible de comprendre Ses attributs». «Il est Celui Qui sait… et Il est le savoir lui-même. Tout est un.»
Cela va encore plus loin, un tel engagement à l’étude fait plus qu’engendrer une conscience de l’infinie dimension de la sagesse de la Torah. Comme cela a été mentionné plus haut, il permet d’intérioriser cette dimension. Dans le processus, la démarche intellectuelle change l’homme et la dimension infinie de la Torah s’unit totalement avec son être-même.
Fusionner les tendances antagonistes
La Paracha Be’houtaï est souvent lue avec la Paracha Behar. Apparemment, ces deux lectures représentent des approches opposées. Behar communique le message de force et de courage intérieurs alors que Be’houkotaï renvoie au thème de transcendance, de dépassement de soi. Néanmoins, lorsqu’un individu s’engage à appliquer les leçons de chaque Paracha dans sa vie, il réalise que ces messages sont complémentaires.
Quand la force de Behar couronne le dépassement de soi de Be’houkotaï, nous découvrons en nous des réserves de forces plus profondes et plus puissantes que celles que nous possédons normalement.
Et à l’inverse, le dépassement de soi de Be’houkotaï n’est possible que lorsque nous possédons la force intérieure nécessaire pour faire les efforts requis.
Connaître la bonté de D.ieu
La plus grande partie de cette Paracha se concentre sur les récompenses accordées pour l’observance de la Torah et les punitions encourues dans le cas contraire. L’on pourrait s’interroger : Quel est l’intérêt de la récompense pour la personne qui a intériorisé la notion du dépassement de soi, enseignée dans Be’houkotaï ? Comme le disait Rabbi Chnéor Zalman : «Je ne veux pas Ton monde à venir. Je ne veux pas Ton Gan Eden. Tout ce que je veux, c’est Toi seul».
Mais en réalité, seule une personne qui sincèrement «veut Toi seul» peut apprécier la pleine mesure de la récompense que D.ieu associe avec la Torah et ses mitsvot. Tant que nous ne sommes concernés que par notre volonté et nos désirs personnels, c’est ainsi que nous interprèterons la récompense pour notre observance. Mais pour celui qui a transcendé son désir personnel, il s’agira d’apprécier, non ces récompenses purement matérielles mais la bonté et la miséricorde essentielles de D.ieu.
Et cela engendrera un modèle de renforcement personnel car le but de la récompense accordée par la Torah est de permettre de renforcer encore davantage l’étude et l’observance.
Et cette approche gagnant l’humanité toute entière, nous mériterons la pleine mesure des bénédictions mentionnées dans la Paracha, avec le retour de notre Peuple sur notre Terre, sous la conduite de Machia’h. Alors «la saison de votre battage durera jusqu’à la récolte de vos raisins, vous mangerez votre pain à satiété… J’accorderai la paix sur la Terre et personne ne vous effraiera».
Est-il permis d’emprunter les livres d’une synagogue ?
Il est écrit dans le Choul’hane Arou’h : «Les gens d’une ville s’obligent les uns les autres à construire une synagogue et à acheter des livres de Torah, Prophètes et Hagiographes».
Depuis Rabbénou Hakadoch (premier siècle de l’ère commune), il est permis et même recommandé d’écrire les enseignements de la Torah Orale : les décisionnaires ont donc tranché qu’il est également obligatoire pour une synagogue de se procurer des livres de Michna, Guemara, Rambam, Tour, Choul’hane Arou’h et les commentaires de la Guemara ainsi que d’autres livres à portée de compréhension des fidèles.
Il n’est pas permis d’emprunter des livres de la synagogue sans le consentement des responsables, même si on a l’impression que personne ne s’en sert. «Celui qui emprunte sans qu’on s’en aperçoive est considéré un voleur». Le Rama écrit : «On trouve écrit dans les décrets anciens qu’il est interdit de sortir de la synagogue un Talit ou un livre sans la permission de leur propriétaire». Il semble que cela s’applique pour les livres que les donateurs ont réservé à l’usage public : même ceux-là, il est interdit de les sortir de la synagogue sans permission, surtout que cela risque d’empêcher une communauté d’étudier la Torah de façon confortable, avec tous les livres mis normalement à sa disposition.
Même les responsables de la communauté ne sont pas les propriétaires de ces livres et ne peuvent autoriser n’importe qui à les emprunter.
Celui qui prépare un cours ou qui a besoin d’un certain livre pour trancher une Cheéla (question de loi juive) peut emprunter un livre après en avoir demandé la permission aux responsables.
Si la synagogue ne possède pas assez de livres et que cela risque d’empêcher les fidèles d’étudier parce qu’ils ne possèdent pas ces livres, on peut obliger les propriétaires de certains livres à les prêter à la communauté contre un gage et une promesse d’y veiller soigneusement.
Il est recommandé que la synagogue se procure de nombreux exemplaires des traités talmudiques étudiés lors des cours.
F.L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh – Sichat Hachavoua N° 1420)
La lumière et la pluie
Un épais silence planait sur ce village du nord de l’Inde. Pas un souffle d’air ne faisait frémir les maigres arbustes. Les feuilles des palmiers pendaient lamentablement comme privées de vie, les bananiers ne produisaient aucun fruit. L’air était chargé de poussière ; des vaches squelettiques erraient dans les rues sales et vides de tout passant. Des enfants décharnés se tenaient debout devant les portes de leurs misérables habitations, guettant un signe du ciel, guettant la pluie tant attendue. Mais le soleil dardait ses rayons éclatants sans pitié sur le village à bout de force, complètement asséché. Les hommes ne chantaient pas en travaillant, ils ne pouvaient pas travailler le sol aride.
Il n’y avait pas de pluie.
Les moussons de juillet se faisaient attendre. Les gens gisaient sur leurs nattes d’osier, espérant avoir la force de vivre jusqu’à ce que tombe la pluie.
Sarah arriva cet après-midi. Durant plusieurs années, elle s’était rendue dans ce village pour y étudier les danses traditionnelles et la philosophie orientale pour étancher sa quête d’absolu, pour donner un sens à sa vie.
Mais cette fois, c’était différent : elle revenait en Inde après être revenue à ses racines profondes, après avoir retrouvé une paix intérieure véritable, après avoir compris que la vérité se trouvait en elle, en l’étincelle juive présente dans son cœur. Maintenant, elle cessait de considérer la Torah comme une vague tradition à laquelle même ses parents n’accordaient pas trop d’importance : la Torah était devenue pour elle un guide dans sa vie, la réponse à ses questions métaphysiques, le critère unique de vérité et de justice. Elle tenait à se rendre utile et à soulager la misère des autres tout en gardant à l’esprit sa mission : agir pour rendre ce monde non seulement meilleur mais digne de constituer une demeure pour D.ieu. Elle se passionnait maintenant pour l’étude de la Torah : elle avait emporté dans ses bagages plusieurs livres de pensée juive authentique et se réjouissait du calme de ce village où elle pourrait s’approfondir, non pas dans les mantras de gourous manipulateurs mais dans les écrits ‘hassidiques.
Par la fenêtre de sa chambre d’hôtel, elle observait la place du village, si différente de l’agitation de Brooklyn. On était vendredi après-midi et elle avait du mal à imaginer, ici, comment ailleurs on pouvait être si agité pour les préparatifs de Chabbat.
Mais elle savait qu’ici, le soleil se couchait rapidement. Elle ouvrit son sac de voyage et en retira un bougeoir, une nappe blanche, des ‘Hallot et des boîtes de conserves cachères.
Elle remarqua du mouvement dans le village. Le Sage de la tribu, un vieil homme calme et écouté de tous, avait rassemblé tous les habitants et leur parlait, les exhortait sans doute mais Sarah ne comprenait pas ce qu’il disait.
Il était temps d’allumer la bougie de Chabbat (oh, comme elle espérait en allumer bientôt deux, quand elle serait mariée !). Elle craqua une allumette, l’approcha de la bougie, entoura la lumière trois fois dans un geste de ses bras. La lumière scintillait devant elle mais elle couvrit ses yeux et prononça avec ferveur la bénédiction : «Barou’h Ata…», les mots que tant de femmes juives avaient prononcés avant elle et prononçaient sans doute maintenant en même temps qu’elle dans le monde entier. Oui, D.ieu était le Roi du monde et même de ce village abandonné, affamé, désespéré. Elle réalisa que c’était probablement la première fois qu’on accueillait le Chabbat ici.
La flamme se mit à danser joyeusement, une brise légère s’était levée. Il semblait même que le vent se mettait à souffler et la flamme augmenta, aspirant à s’élever toujours plus haut. Les premières gouttes de pluie tombèrent et Sarah dut fermer la fenêtre.
Le vieil homme fixait du regard sa fenêtre. Puis il se dirigea d’un pas décidé vers l’entrée de l’hôtel : il frappa respectueusement à sa porte. Sarah ouvrit et l’homme la salua avec un sourire chaleureux. Ses mains désignèrent la bougie :
- D’où viens-tu, ma fille et qu’est-ce que représente cette bougie ?
- Je m’appelle Sarah ; c’est ma bougie de Chabbat.
- Quel est le sens de cette bougie ?
- Elle apporte lumière, paix et bénédiction dans ce monde obscur.
- D’où venez-vous et à quelle ethnie appartenez-vous ?
- Je suis juive.
Il étendit ses mains vers la bougie en signe de bénédiction.
- Ah ! Juive ! Vous êtes une nation sainte protégée par D.ieu Tout Puissant. Avec cette bougie bénie vous avez apporté la pluie, donc la vie à notre village !
Il s’inclina devant elle en signe de respect, prit congé et repartit sous un torrent de pluie.
Sarah ressentit que ce serait la dernière fois qu’elle viendrait en Inde. Sa mission en cet endroit était achevée.
Lubavitch Central – Edgware Londres
Traduit par Feiga Lubecki