Samedi, 21 septembre 2019

  • Ki Tavo
Editorial

 Quand grandit la vie

Le mois d’Elloul, semaine après semaine, déroule son cours et celui-ci peut sembler parfois bien rapide tant il contient d’opportunités d’actions et de potentiel de conquête. Cette impression ne peut que s’accentuer plus nous approchons des jours fatidiques des fêtes de Tichri. Roch Hachana est décidément à l’horizon et cela ne peut que renforcer le sentiment d’urgence qui monte en chacun.

Voici que la semaine offre, sur ce chemin, un éclat particulier. Elle est celle du 18 Elloul. Cela a été abondamment dit : la date est celle de la naissance du Baal Chem Tov ainsi que de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi, respectivement fondateurs du ‘Hassidisme et de la ‘Hassidout ‘Habad. Derrière ces mots, bien des idées précieuses apparaissent. De fait, le nom complet du Baal Chem est Rabbi Israël Baal Chem Tov. Israël est le nom collectif du peuple juif. Sa naissance est comme un appel lancé à son oreille, comme un cri fait pour le réveiller d’une certaine forme de torpeur, ou d’évanouissement, qui se serait emparée de lui pendant l’exil. Quant à Rabbi Chnéor Zalman, le premier de ces noms signifie « deux lumières », celles des aspects révélés et profonds de la Torah. Ainsi, entre appel à la renaissance et lumière qui ouvre et montre la voie, le 18 Elloul, lié à ces deux sages, est un jour d’une puissance incontournable.

Reste à l’évidence la question : comment utiliser un tel acquis ? Pour nous, simples êtres humains que la matérialité du monde rend trop souvent oublieux de l’essentiel, que cela signifie-t-il vraiment ? Le chiffre 18, numéro du jour, se dit « ‘Haï – vivant » en hébreu. Comme pour nous dire que c’est bien la vie qui est ici à portée de notre main. Qui que nous soyons, quel que soit l’intensité de notre lien personnel avec le spirituel, avec D.ieu, nous avons enfin accès ici à ce qui nous dépasse. Nous pouvons puiser aux sources même de la vie pour donner un sens véritable et profond à la nôtre.

Le temps est certes à l’effort ; par le 18 Elloul et toute la vie qu’il porte en lui, il est aussi celui de la grandeur, du changement et de la réussite.

Etincelles de Machiah

 Juste un bouton à presser

Maïmonide nous enseigne qu’un seul homme, par un seul acte, a le pouvoir d’amener « le salut et la délivrance » au monde entier.

En notre temps, nous le voyons concrètement : n’importe qui, même un enfant, par une petite action, peut presser un bouton et causer un changement considérable dans le monde. Combien plus est-il donc vrai que, par une seule action – presser le bon bouton – pour accomplir la volonté de D.ieu, nous pouvons changer le monde et y amener la Délivrance !

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 10 Chevat 5746)

Vivre avec la Paracha

 Ki Tavo

Moché ordonne aux Enfants d’Israël d’apporter au Temple, une fois qu’ils se seront installés en Israël, les Bikourim, les prémisses des fruits, pour déclarer ainsi leur gratitude à l’égard de D.ieu.

On lit également les lois de la dime donnée aux Lévites et aux pauvres.

Moché rappelle au peuple qu’il est « le peuple choisi » de D.ieu et que lui-même a choisi D.ieu.

Après avoir énoncé les bénédictions que D.ieu enverra au peuple quand ils suivront les lois de la Torah, la dernière partie de la Paracha consiste en une To’haha (Réprimande), le récit de ce qui arriverait si les Juifs en venaient à abandonner les Commandements.

En conclusion, Moché déclare que maintenant seulement, après quarante ans depuis leur naissance en tant que peuple, les Juifs ont atteint « un cœur pour savoir, des yeux pour voir et des oreilles pour entendre ».

Le nom de D.ieu est sur toi

« Alors toutes les nations du monde verront que le Nom de D.ieu est sur toi et elles te craindront » peut-on lire dans la Paracha.

Le Talmud indique que ce verset se réfère au « Tefiline du Roch », « le Téfiline que l’on pose sur la tête ».

La lettre chine

Parmi plusieurs interprétations, celle du Baal Hatourim indique que dans le verset cité ci-dessus : « le Nom de D.ieu sera sur toi », les premières lettres de chaque mot hébraïque : Chem (le nom) Y(oud) K(é) V(av) K(é) (D.ieu) Nikra (littéralement : est appelé) constituent l’acrostiche du mot chine.

Un chine qui suscite la peur

Que signifie que « les nations du monde verront que le Nom de D.ieu est sur toi et elles te craindront » ? Pourquoi le Nom de D.ieu devrait-il avoir pour conséquence que les peuples nous craignent ? Et quel rapport cela a-t-il avec les Tefiline ?

Rachi nous explique que « le Nom de D.ieu » est une référence particulière au nœud du Tefiline qui se trouve à l’arrière de la tête. En quoi ce nœud est-il spécial ? Le Zohar explique que pour ne pas oublier de faire quelque chose d’important, il faut faire un nœud dans quelque chose que l’on porte sur soi. Quand nous voyons le nœud, cela nous rappelle ce que devons faire. Le nœud que nous portons sur le Tefiline de la tête nous remémore donc notre attachement constant à D.ieu Qui nous a libérés et fait sortir d’Égypte. Nous revient alors à l’esprit notre tâche importante : agir de façon à ce que se produise la Délivrance dans le monde.

Le mot hébreu pour « nœud » est Kéchère (constitué des lettres Kouf, Chine, Reich.)

Rabbi Lévi Its’hak explique que l’orthographe de Kéchère montre que la lettre Chine (dont la valeur numérique est 300) unit le Kouf (100) et le Reich (200) qui sont de chaque côté du mot. En d’autres termes, la lettre Chine qui se trouve sur le Tefiline lui-même est le « nœud » qui unit le Juif et D.ieu.

Mais cela va encore plus loin : il y a deux Chines, l’un à la gauche et l’autre à la droite. L’un possède trois branches et l’autre quatre. Celui a trois branches représente les lettres de la Torah comme elles sont écrites dans le rouleau de la Torah. Celui a quatre branches évoque les lettres de la Torah comme elles sont écrites sur les Lou’hot, « les Tables de la Loi ». Dans le rouleau de la Torah, les lettres sont écrites avec de l’encre sur un parchemin. Les Lou’hot sont, quant à elles, constituées de lettres gravées dans la pierre. L’encre des lettres peut s’effacer mais celles qui sont gravées perdurent. Le lien du Juif avec D.ieu est gravé dans « l’esprit » de D.ieu et réciproquement dans l’esprit du Juif.

Quand les nations du monde voient le Chine à quatre branches et le nœud sur notre Tefiline de la tête, quand elles ressentent notre lien inaltérable avec D.ieu, elles réalisent alors que D.ieu mène nos combats. Et elles ont peur de nous faire quelque mal que ce soit.

Roch Hachana

Les jours de Roch Hachana ne sont plus très loin. Que vient nous enseigner ce verset sur la démarche à entreprendre pour parvenir à ces jours solennels ?

La Michna établit qu’en fait, il existe plusieurs Roch Hachana, chaque année. Nos Sages en mentionnent trois, voire quatre. Cela nous rappelle les Chine à trois et quatre branches sur le Tefiline de la tête.

Roch Hachana est le moment où nous couronnons D.ieu comme Roi de l’univers. Dans le Talmud, nous est rapporté que D.ieu dit : « Prononcez devant Moi des paroles de ‘Royauté’ pour que Je puisse devenir votre Roi. »

A Roch Hachana, nous exprimons verbalement notre désir de faire de D.ieu notre Roi.

Cependant, chaque jour qui passe, au cours de l’année, nous avons également la possibilité de couronner D.ieu en acceptant le joug de Sa volonté. Tel est le thème des Tefiline que nous posons sur notre tête, au-dessus de notre cerveau, et sur notre bras, près de notre cœur.

En mettant les Tefiline, nous exprimons clairement que notre esprit et notre cœur sont soumis à la Volonté Divine. Nous acceptons donc ainsi Sa volonté, Il est notre Roi. Et puisqu’Il est notre Roi, Il protègera chacun de nous de tout ennemi spirituel ou matériel.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que les Seli’hot ?

Les Seli’hot sont des prières de supplications qui rappellent les besoins de l’homme mais aussi sa petitesse et ses faiblesses. En récitant les Seli’hot, le Juif procède à une introspection approfondie qui lui permet d’aborder la nouvelle année avec la crainte, l’humilité mais aussi l’assurance et la joie requises.

Dans les communautés ashkénazes et ‘hassidiques, on commence à réciter les Seli’hot à partir du samedi soir précédant (d’au moins quatre jours) la fête de Roch Hachana : cette année samedi soir 21 septembre 2019 vers 1 heure 30. Puis on dit les Seli’hot, à partir du lundi 23 septembre jusqu’au dimanche 29 septembre, avant la prière du matin. On aura au préalable récité les « bénédictions du matin » ainsi que les bénédictions de la Torah.

On ne commence les Seli’hot qu’en présence de dix hommes adultes (plus de treize ans) afin de pouvoir prononcer le Kaddich.

Si possible, on reste debout pendant les Seli’hot, au moins lorsqu’on prononce les « Treize Attributs de Miséricorde » et le « Vidouy » (confession des fautes). Celui qui ne prie pas avec un Minyane (dix hommes) ne prononce ni les « Treize Attributs » ni les prières en araméen.

L’officiant s’enveloppe d’un « Talit » (châle de prière). S’il fait encore nuit, il ne prononcera pas la bénédiction : il serait alors préférable qu’il emprunte un Talit à un ami ou à la synagogue.

L’endeuillé (durant les sept premiers jours) ne sort pas de chez lui et ne peut donc aller à la synagogue pour les Seli’hot, excepté la veille de Roch Hachana (dimanche 29 septembre) où les Seli’hot sont particulièrement longues.

Le Recit de la Semaine

 Quatorze années de Tehilim

L’homme était rouge de colère : « Qu’avez-vous osé dire ? » éructa-t-il devant la jeune femme qui venait d’entrer chez lui et qui, sidérée par cette colère noire, ne savait plus comment réagir. La menaçant du doigt, il continua : « Je connais votre nom, je sais où vous habitez ! Je vous préviens : si vous ne sortez pas d’ici immédiatement, je saurais vous retrouver et vous empêcher définitivement d’agir, compris ? ».

Cet instant effrayant dans une petite maison de Beer Cheva devait rester gravé dans l’esprit de Mme ‘Hannie Karniel. C’était une éducatrice – jeune et pourtant déjà chevronnée – mais qui se retrouvait sans possibilité de répondre à cet homme cruel qu’elle ne parvenait pas à raisonner. Elle était paniquée mais surtout inquiète pour sa protégée élevée dans cette maison pauvre et contrainte d’entendre toutes les injures proférées par cet homme malfaisant. L’enfant se terrait dans un coin, les yeux baissés, craignant les conséquences de cette colère incontrôlable dont elle n’avait que trop l’habitude de subir les conséquences.

Ce récit débuta en 1975. A cette époque, Mme Karniel et son époux Amos (zal) habitaient à Kfar Maïmone : envoyés par le Rabbi de Loubavitch, ils s’investissaient corps et âme dans le domaine de l’éducation.

A ‘Hanouccah de cette même année, Mme Karniel reprit du service après son congé maternité. Elle fut très étonnée quand son directeur lui proposa un poste dans le village de Tekouma présentant un défi évident : ce ne serait pas une classe ordinaire mais des élèves qui relevaient des cas sociaux les plus rudes, des jeunes filles qui avaient déjà côtoyé la délinquance, qui venaient de foyers démunis et qui avaient – pour certaines d’entre elles – déjà touché à des substances illicites et commis de graves infractions.

Mme Karniel apprit alors des récits bouleversants et inquiétants : comment serait-elle capable de s’occuper de cas aussi dramatiques ? A part les contextes familiaux les plus disloqués, ces jeunes filles présentaient de graves lacunes au niveau scolaire : certaines d’entre elles savaient à peine lire et écrire et n’en comprenaient pas l’utilité… « Aucune d’entre elles ne peut être intégrée dans une classe normale, soupira le directeur. Au début de l’année, deux monitrices spécialisées s’en sont occupées mais ni l’une ni l’autre n’ont eu la force de continuer… ».

Mme Karniel écrivit au Rabbi et demanda si elle devait accepter ce poste. La réponse fut positive. Le Rabbi l’encourageait mais lui donnait aussi de précieuses indications quant à la meilleure manière d’agir : elle devait raconter aux élèves de nombreuses histoires de Tsadikim (les grands érudits et Sages du peuple juif) et inciter les élèves à accomplir un maximum de Mitsvot (commandements). Le Rabbi conclut par cette citation de nos Sages : « Les paroles qui sortent du cœur entrent dans le cœur ». La Rabbanit Karniel comprit que, si elle développait dans son cœur un amour intense et sincère pour ses élèves, celles-ci finiraient par accepter ses enseignements et amélioreraient considérablement leur attitude envers elle.

Ce n’était vraiment pas un travail facile. Elle dut faire preuve d’une patience illimitée, d’une imagination créative et surtout d’une détermination sans faille. Peu à peu, l’atmosphère changea dans la classe, s’améliora même considérablement et les élèves commençaient à s’enthousiasmer pour les Mitsvot que Mme Karniel leur proposait doucement.

L’année se termina en fanfare, bien mieux que ce que les plus optimistes auraient osé imaginer. Grâce à la bonne influence du couple Karniel, les élèves continuèrent même après l’année scolaire à progresser dans le droit chemin et choisirent de s’inscrire dans des écoles religieuses.

Toutes. Sauf une.

C’était une fillette dont la mère avait décidé de vivre avec un homme brutal, non-juif qui n’envisageait pas du tout de laisser l’enfant étudier dans une école pratiquante. Toutes les incitations, toutes les discussions à ce sujet étaient vaines. L’homme était enragé dès qu’on abordait le sujet avec lui.

Mme Karniel avait décidé de tenter encore une fois sa chance et s’était présentée elle-même dans la maison de cette « famille » à Beer Cheva afin de parler avec cet homme face à face. Jamais elle ne se serait attendue à pareil « accueil », à un tel manque de courtoisie, à de telles menaces surtout ! Jamais on ne lui avait parlé avec une telle méchanceté assortie d’avertissements aussi explicites contre sa vie. Le regard rempli de haine de cet homme la convainquit qu’il ne s’agissait pas de paroles en l’air et qu’elle devait sortir au plus vite de la maison – sans avoir obtenu ce pour quoi elle s’était déplacée.

Peinée – car elle s’était attachée à cette élève en qui elle voyait un potentiel certain – elle écrivit à nouveau au Rabbi en mentionnant tous les détails. Peu après, elle reçut une réponse : le Rabbi lui demandait si elle connaissait la date d’anniversaire de cette élève. Oui, justement Mme Karniel avait l’habitude de demander au début de chaque année scolaire la date d’anniversaire de chacune de ses élèves et veillait à marquer par une petite fête le jour particulier de chacune. Le Rabbi lui demanda alors qu’à partir de maintenant, elle lise chaque jour le chapitre de Tehilim (Psaumes) correspondant à l’âge de cette élève.

Mme Karniel observa scrupuleusement cette directive. Jour après jour, elle récita le Tehilim de son ancienne élève. Chaque année, le jour de l’anniversaire de celle-ci, elle changeait le Tehilim pour qu’il corresponde au nouvel âge de son élève en se souvenant : « Certainement le Rabbi veut que je continue ainsi toute la vie ! ».

Quatorze années passèrent.

Une année, à l’approche de la fête de Chavouot, Rav Amos Karniel fut invité à animer un rassemblement d’enfants dans un Beth ‘Habad à Zikhrone Yaakov afin de contribuer à préparer les enfants au Don de la Torah. Pendant sa présentation ludique de la fête, une dame accompagnée d’une fillette d’environ dix ans s’approcha de lui : « Monsieur le Rabbin ! Je dois vous parler ! ».

Etonné, Rav Karniel lui demanda d’attendre la fin de son intervention mais elle ne pouvait pas se retenir plus longtemps, elle était trop bouleversée : « Vous êtes bien le mari de mon ancienne éducatrice dans le village de Tekouma, n’est-ce pas ? ». Rav Karniel répondit par l’affirmative et elle se présenta, cita son nom de jeune fille et précisa : « Sachez que cela fait longtemps que je recherche votre épouse ! Je dois absolument lui parler ! ». Rav Karniel lui donna son numéro de téléphone.

La conversation téléphonique entre l’enseignante et son ancienne élève fut des plus chargées d’intensité. Des deux côtés de la ligne, les larmes d’émotion coulaient…

L’ancienne élève raconta ce qui lui était arrivé depuis la dernière fois qu’elles s’étaient vues : elle avait atteint les plus profonds abîmes de la déchéance jusqu’à ce qu’elle fût secourue par les volontaires de l’organisation Yad Lea’him – spécialisée dans le sauvetage de jeunes femmes prisonnières de maris non-juifs brutaux. Lentement, elle avait pu suivre un processus de réhabilitation, s’était mariée et avait donné naissance à une fille qu’elle élevait dans la tradition juive : « Durant toutes ces années, je ne sais pas pourquoi, je me souvenais de vous, mon éducatrice bien-aimée… ».

Maintenant c’était au tour de Mme Karniel de « remplir les trous ». Elle raconta à son ancienne élève comment le Rabbi s’était soucié d’elle et ce qu’il lui avait demandé : « Pendant quatorze ans, je me suis conformée avec constance à la directive du Rabbi. Chaque jour, quoi qu’il arrive, j’ai lu le Tehilim qui correspondait à ton âge en priant pour toi. Il ne fait aucun doute que ce sont certainement ces prières qui t’ont aidée à devenir ce que tu es maintenant ! ».

Rabbanit Karniel – JEM – Sichat Hachavoua N° 1703

Traduite par Feiga Lubecki

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