Samedi, 5 septembre 2020

  • Ki Tavo
Editorial

 Quand le monde change

Depuis deux semaines, la vie n’a pas cessé de dérouler son cours habituel. Les grands cycles naturels ou sociaux sont tous à leur place et leur stabilité n’est pas faite pour nous surprendre.  Même les grands bouleversements que la planète semble traverser aujourd’hui ne parviennent pas à remettre en cause de tels fondamentaux. Pourtant, le monde a changé. Il est possible que nous n’en ayons pas pris conscience ; la pensée aime à suivre ses rails familiers. Mais peut-être les évolutions au-dehors viennent-elles aussi le souligner pour nous : ce que nous voyons est porteur d’un nouveau message. Décidément, Elloul est entré dans le monde.

Elloul ou le dernier mois de l’année juive. Mais, bien plus encore, voici venu le temps de la préparation à Roch Hachana, celui de l’introspection et du bilan. C’est le temps où chaque acte pèse d’un poids qui le dépasse car c’est l’instant précieux où D.ieu est plus proche de Sa création, où Ses treize attributs de miséricorde rayonnent sur l’univers. En une parabole fameuse, on a coutume de dire qu’en ce mois « le Roi est dans les champs », à la portée de chacun et prêt à recevoir avec bienveillance ceux qui viennent à Lui.

Le monde autour de nous a donc changé, profondément et durablement. Un vent nouveau s’est levé, comme si l’air, la lumière avaient une texture différente. Tout cela, chacun peut le voir et, mieux, le ressentir mais sans doute un effort est-il nécessaire.

Le mois d’Elloul est celui de la préparation, de la réflexion sur soi-même, ses actes de l’année presque achevée, celui du retour profond et sincère à D.ieu. Cela a été abondamment dit : le mois d’Elloul est celui de la préparation, de la réflexion sur soi-même. C’est que servir D.ieu n’est pas qu’un réel effort spirituel. C’est aussi une œuvre qu’il faut vivre de toutes les fibres de son âme. Pour cette raison, l’inspiration que seul peut donner l’enthousiasme dans l’action est essentielle. Cela signifie que nous vivons un mois où l’exigence est double : examen de conscience et joie absolue.

C’est ainsi que, dans le processus du retour à D.ieu, l’enthousiasme renaît. Tout à coup, la solennité n’est plus synonyme d’austérité ; elle devient tourbillon d’élévation. Il ne s’agit pas ici d’une forme d’oubli complaisant. Mais, à présent, l’espoir change de camp. Nous savons que nous possédons les armes de la victoire dans le grand combat spirituel qu’il nous revient de livrer. Nous savons qu’en ce seuil de nouvelle année, le temps presse et que nous sommes les acteurs du bonheur de tous. Cela sonne comme une ambition démesurée ? C’est le rôle donné à chacun, à nous de l’assumer pleinement.

Etincelles de Machiah

 La Techouva par choix

Maïmonide enseigne : « La Torah a promis que finalement le peuple juif fera Techouva à la fin de son exil et il sera immédiatement libéré. » (Michné Torah, Hile’hot Techouva 7:5).

A la lecture de cet enseignement, il apparaît que le peuple juif fera Techouva de sa propre initiative, sans que D.ieu l’y ait contraint. Ainsi ce sera vraiment sa Techouva qui amènera la Délivrance. Pourquoi Maïmonide choisit-il cette approche ?

Dans les deux chapitres qui précèdent dans le Michné Torah, Maïmonide a abondamment souligné l’idée du libre arbitre. Puis il commence celui où se trouve la citation ci-dessus par les mots : « Puisque tout homme en a reçu la permission… il doit entreprendre de faire Techouva… » Il veut dire ainsi que l’homme doit s’efforcer à une Techouva sincère, qui procède de sa libre volonté et non d’une quelconque forme de coercition. Après avoir posé ce principe, Maïmonide poursuit : « finalement le peuple juif fera Techouva » : son retour à D.ieu sera décidément le résultat d’un libre choix.

(D’après Likoutei Si’hot, vol. XXVII, p. 215)

Vivre avec la Paracha

 Ki Tavo

Moché instruit les Enfants d’Israël d’apporter au Saint Temple, une fois qu’ils se seront installés en Israël, les Bikourim, prémisses des fruits, pour déclarer ainsi leur gratitude à l’égard de D.ieu.

On lit également les lois de la dîme donnée aux Lévites et aux pauvres.

Moché rappelle au peuple qu’il est « le Peuple Élu » de D.ieu et que ce même peuple a choisi D.ieu.

Après avoir énoncé les bénédictions que D.ieu enverra au peuple quand ils suivront les lois de la Torah, la dernière partie de la Paracha consiste en une To’ha’ha (« Réprimande »), le récit de ce qui arriverait si les Juifs en venaient à abandonner les Commandements.

En conclusion, Moché déclare que maintenant seulement, après quarante ans depuis leur naissance en tant que peuple, les Juifs ont « un cœur pour savoir, des yeux pour voir et des oreilles pour entendre ».

La sixième section de la Paracha Ki Tavo nous offre une leçon fort intéressante. Il y est statué que : « L’Éternel fera en sorte que tes ennemis qui se soulèvent contre toi soient écrasés devant toi en sept jours. »

En termes spirituels, « tes ennemis » fait référence au Yétsér Hara, qui est « l’ennemi et le vengeur » spirituel. L’Écriture nous dit : « ils fuiront devant toi en sept jours », car le service spirituel de l’homme se concentre principalement sur les sept Midot (caractéristiques de l’âme).

Le service qui consiste en : « ils fuiront devant toi » indique que le Yétsér Hara continue d’exister mais que grâce à notre service divin, il « fuit devant toi. » Par la suite intervient le travail qui a pour objectif de convertir le Yétsér Hara en bien. Ce service général (« fuir devant toi » nous conduisant vers la conversion ultime du Yétsér Hara) s’applique tout particulièrement au mois d’Eloul, celui de la Techouvah (le retour à D.ieu).

Par ce service spirituel de : « ils fuiront devant toi », de l’abolition de nos péchés (cause de l’exil), l’exil (la conséquence de nos péchés) sera également aboli, puisque lorsque la cause est éliminée, il en va de même pour la conséquence. Bien que nous soyons encore en exil et que nous devions encore attendre quelque temps pour que survienne la Rédemption complète et véritable, il ne s’en trouve pas moins que l’accomplissement littéral de : « ils fuiront devant toi » est réalisé. Comme le Texte l’établit plus loin, « tous les peuples de la terre verront que le Nom de l’Éternel t’accompagne et ils te craindront. »

Quand un Juif avance avec la force de D.ieu, au point que « les peuples de la terre » voient réellement que « le Nom de l’Éternel t’accompagne », alors « ils te craindront » et « ils fuiront devant toi en sept jours. » Plus encore, ils ne fuiront pas seulement à cause de la crainte des Juifs (peur de leurs armes, ce qui en réalité est la peur de D.ieu, car la force du Juif est véritablement la force de D.ieu) mais « ils te craindront » signifie que leur peur naîtra du respect, quand ils verront que « le Nom de l’Éternel t’accompagne. »

Ce qui précède est particulièrement d’actualité.

Certains pensent que l’on peut parvenir à la paix véritable et qu’elle peut régner dans le monde. Mais nous avons constaté récemment que c’est très exactement le contraire qui est vrai. Même si autrefois la situation était très mauvaise, force nous est de constater que très récemment les nations se querellent et se combattent encore plus. De la même façon, les récents événements ont démontré très clairement que le Peuple juif ne peut pas s’appuyer sur les nations du monde. « Ne mets pas ta confiance dans des bienfaiteurs, dans un mortel car il ne peut t’apporter la délivrance. »

Les Juifs doivent donc avancer avec la force de D.ieu, telle que « tous les peuples de la terre verront que le Nom de l’Éternel t’accompagne. » Les Juifs doivent proclamer : « nous levons notre bannière au nom de notre D.ieu », « nous invoquons le Nom de l’Éternel notre D.ieu » et donc agir comme il convient.

Les peuples du monde « te craindront » alors, « sachant qu’un Juif est un émissaire de D.ieu ».

Ils accomplissent ainsi Sa mission avec Sa force. Mais puisque D.ieu désire que les choses arrivent naturellement, le Juif possède donc des armes. Mais il n’aura pas besoin de s’en servir, car lorsque les peuples réaliseront que le Nom de l’Éternel les protège, ils les craindront. Et non seulement ils « fuiront devant toi en sept jours » mais ils seront transformés en amis et en sympathisants : « les rois seront vos parents d’accueil. »

Quand un Juif se conduit convenablement, alors le concept de « les rois seront vos parents d’accueil » est effectif, et pas seulement à l’époque du Beth Hamikdach mais également en exil.

Un Juif en exil est soumis à un règne non Juif et il sait qu’un Juif doit prier pour le bien-être du pays, que « la loi du pays est la loi » et en même temps, sa conduite, pour tout ce qui est associé au Judaïsme, est en cohérence avec « la fierté de Yaakov ».

Chaque Juif est un fils d’Avraham, Its’hak et Yaakov et il hérite de la force de la « fierté de Yaakov ». A D.ieu ne plaise qu’un Juif agisse de façon obséquieuse devant un non Juif ou qu’il le flatte !

Une telle conduite ternirait la « fierté de Yaakov », et tout particulièrement dans la mesure où le non juif sait que la flatterie est hypocrite. « La loi du pays est la loi » ne s’applique qu’en ce qui concerne les choses qui n’ont rien à voir avec le Judaïsme et la Hala’ha (les lois juives), prend bien sûr le dessus.

Quand un Juif se conduit comme il se doit, les non Juifs eux-mêmes reconnaissent que « vous êtes un royaume de prêtres et une nation sainte », et c’est pourquoi ils agissent de manière à illustrer : « les rois seront vos parents d’accueil ».

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que la Techouva (retour à D.ieu) ?

La Techouva comporte deux étapes essentielles : reconnaître qu’on a fauté et prendre la ferme résolution de ne plus recommencer - même si les circonstances n’ont pas changé, même si on éprouve la même envie de recommencer la faute et que malgré tout, on s’en abstient.

La véritable Techouva consiste donc à regretter ses fautes au point que « Celui qui connait tout ce qui est caché puisse attester qu’il ne recommencera plus jamais à fauter ».

Confesser ses fautes sans prendre la résolution de ne plus recommencer est comparable à se tremper dans un Mikvé (bain rituel amenant la purification) tout en tenant un reptile (source d’impureté) - ce qui, à l’évidence, annule le processus de purification. C’est pourquoi il convient avant tout de se débarrasser de la faute complètement.

La Techouva est acceptée par D.ieu à tout instant. Cependant, elle est encore plus belle et plus facilement acceptée durant les « Dix Jours de Pénitence entre Roch Hachana et Yom Kippour ». La Techouva durant Yom Kippour est effective pour les fautes commises envers D.ieu. Cependant, les fautes commises envers le prochain doivent être reconnues et réparées avant Yom Kippour (rendre les objets volés par exemple).

Celui à qui on demande pardon devrait accepter les excuses et ne pas se montrer cruel en refusant de pardonner, en se vengeant ou même en gardant rancune.

« Même s’il a été un méchant toute sa vie, s’il fait Techouva à la fin, on ne lui rappellera rien de sa conduite répréhensible ».

La Techouva est un principe fondamental du judaïsme.

 (d’après Hil’hot Techouva - Rambam)

Le Recit de la Semaine

 Merci qui ?

Le 13 Tamouz 5778 (2018), se tenaient des élections en Utah, cet état américain surtout connu pour être le Centre mondial du mouvement mormon, très actif pour convaincre et convertir toutes sortes de personnes. Mais Salt Lake City (sa capitale) abrite aussi depuis quelques années un Centre Loubavitch dirigé par Rav Benny Zippel, qui s’occupe des besoins d’une communauté juive nombreuse.

Avec mon ami Mendel Mintz, nous avions été envoyés dans cet état pour préparer la venue d’un nouveau couple de Chlou’him (émissaires du Rabbi), Mendy et ‘Haya Cohen qui allaient bientôt s’installer dans une autre ville, St George. Nous sommes allés de porte en porte pour trouver des Juifs à qui parler de judaïsme mais au bout de quelques heures, nous avons renoncé tant la chaleur était insupportable.

Nous avons décidé de nous « abriter » dans un bureau de vote et de tenter notre chance là-bas. Il faisait plus frais, l’air était plus respirable mais nous n’y avons trouvé aucun Juif avec qui engager la conversation. Par contre, nous avons été abordés par un jeune couple de mormons qui s’intéressaient au judaïsme. Nous leur avons expliqué en gros de quoi il s’agissait et leur avons demandé s’ils connaissaient des Juifs. Quand des mormons rencontrent des Loubavitchs…

Oui, ils se souvenaient d’une dame âgée et seule, Chochana qui était juive. Son nom ? Son adresse ? Non, ils étaient désolés, ils n’en avaient aucune idée. Nous nous sommes hâtés de retourner à notre hôtel et, au bout d’une trentaine de minutes de recherche frénétique sur Internet, nous avons réussi à trouver l’adresse de Chochana, à quelques minutes de là.

Nous avons sonné à sa porte ; une dame ouvrit la porte mais la claqua aussitôt devant nous, sans aucune explication. Peut-être avait-elle été prise au dépourvu ? Nous avons décidé d’aller lui rendre visite quelques jours plus tard.

Le lendemain, notre téléphone sonna : c’était une femme, elle s’appelait Chochana. Comment avait-elle réussi, elle, à nous retrouver ? Nous n’avions même pas laissé notre carte de visite !

De fait, Chochana avait elle aussi effectué des recherches sur Internet et avait découvert que le mouvement ‘Habad-Loubavitch avait un émissaire en Utah, Rav Benny Zippel à Salt Lake City précisément, à cinq heures de route de là. Lui aussi avait fait jouer ses contacts et avait retrouvé nos numéros de téléphone… Bref, nous nous sommes donné rendez-vous chez elle à 16h 30. Quand nous sommes entrés, Chochana annonça joyeusement : « Je dois vraiment remercier mes cousins qui vous ont envoyés ici ! ».

Nous nous sommes regardés, interdits : de qui s’agissait-il ? Ce couple de Mormons ? Non, ce n’était pas possible !

- Voyez-vous, expliqua Chochana, j’ai des cousins très pratiquants qui habitent à Bnei Brak en Israël. Ils font partie du mouvement des Yechivot lituaniennes. Il y a deux semaines, je leur ai écrit et j’ai mentionné combien je me sentais seule ici en Utah. Je leur ai demandé s’ils pouvaient contacter pour moi des représentants du mouvement Loubavitch pour qu’ils m’aident dans ma situation spirituelle, pour qu’ils m’apportent quelques objets de culte juifs et des livres. Vraiment ils ont fait vite !

Nous étions médusés ! Quelle incroyable « coïncidence » ! A peine une âme juive avait-elle exprimé la douleur de sa solitude et avait sollicité l’aide des émissaires du Rabbi que nous avions miraculeusement trouvé son adresse et l’avions consolée : elle n’était pas seule, le Rabbi s’occupait d’elle ! Nous avons immédiatement procédé à la pose d’une Mezouza à sa porte, avons laissé quelques fascicules explicatifs sur sa table et avons discuté avec elle pendant plus d’une heure. Bien entendu, nous lui avons donné l’adresse du Chalia’h, Rav Cohen qui allait bientôt s’installer dans sa ville.

Les mois suivants, Chochana pris contact avec ce nouveau couple et assista aux différentes activités qu’il organisait et aux offices des fêtes. Elle participa activement à leurs réunions, offrant même différentes œuvres d’art qu’elle avait réalisées.

L’année dernière, le 25 ‘Hechvan 2019, alors que nous assistions au Congrès International des Chlou’him du Rabbi avec plus de trois mille participants du monde entier, nous avons appris que Chochana était décédée dans son sommeil.

En entendant que de lointaines connaissances s’apprêtaient à procéder non pas à son inhumation mais à sa crémation, Rav Cohen ne perdit pas de temps. Avec l’aide d’un avocat spécialisé, Mendy Mayberg de Floride, il passa d’innombrables heures au téléphone pour qu’elle soit enterrée dans un cimetière juif, le jeudi après-midi, 7 Kislev. Pour s’assurer la présence d’un Minyane (quorum de dix Juifs), Rav Cohen fit même venir des jeunes gens de Yechiva de Las Vegas.

C’est sans doute par le mérite de « l’appel au secours » de Chochana à ses cousins lituaniens de Bnei Brak – pour qu’ils interviennent en lui envoyant des émissaires du Rabbi – qu’elle a mérité d’être enterrée dans un cimetière juif en présence d’un Minyane Loubavitch…

Shmuly Butler - Collive

Traduit par Feiga Lubecki