L’espoir au cœur
L’anecdote est connue : un jour, Rabbi Akiva se trouvait, avec les Sages de son temps, à l’emplacement des ruines du Temple, à Jérusalem. Ils virent alors un renard sortir de l’endroit où le Saint des Saints s’était élevé. Les Sages ne purent retenir leurs larmes alors que Rabbi Akiva se mit à rire. L’attitude de se dernier parut incompréhensible aux Sages. Ils l’interrogèrent : « Pourquoi ris-tu ? ». Et Rabbi Akiva de répondre : « Pourquoi pleurez-vous ? ». Les Sages n’eurent guère de peine à expliquer : les ruines du Temple, la désolation des lieux où ils se trouvaient parlaient d’elles même. Mais ils insistèrent : « Pourquoi ris-tu donc ? » « Je ris », répondit Rabbi Akiva, « parce que, comme les prophéties annonçant la destruction de Jérusalem se sont réalisées, celles annonçant sa reconstruction se réaliseront aussi ! ». Ces fortes paroles, dit le Talmud, consolèrent les Sages.
De fait, cette semaine, le jeûne du 9 Av marque la destruction du Temple et ces seuls mots disent la gravité du jour. Mais nous savons aussi l’annonce que donne le Talmud, « dès que le Temple a été détruit, immédiatement est né le sauveur d’Israël » c'est-à-dire le Machia’h. C’est ainsi que, pour chacun, la tragédie commémorée par le 9 Av ne se limite pas à elle-même, elle n’écarte jamais l’espoir ni l’attente de la Délivrance imminente.
Comme un écho, la semaine culmine avec le premier Chabbat qui suit le 9 Av et ouvre ainsi la période des sept semaines dites « de consolation ». Ce sont sept semaines pendant lesquelles retentissent, dans la lecture rituelle, les mots des prophètes qui, justement, annoncent la venue du Machia’h. Le temps que nous vivons est ainsi bien ambivalent. Et cette ambivalence paraît refléter avec exactitude notre vie quotidienne, faite d’espérance et parfois de désillusion, mais toujours ardente et, pour cela, toujours actrice du progrès éternel que la Délivrance de tous couronnera.
H. Nisenbaum
Dix questions / réponses sur la résurrection des morts (VIII)
Question : Comment le corps sera-t-il reconstruit ?
Réponse : Un os du corps est indestructible et subsiste donc toujours. Il existe une discussion parmi les Sages pour savoir où il se trouve. Certains disent que c’est une partie de la colonne vertébrale : les uns estiment qu’il s’agit de la base du cou, là où le nœud des Téfilines de la tête est placé, d’autres pensent qu’il s’agit, au contraire de la vertèbre la plus basse de la colonne vertébrale. En tout état de cause, au moment de la résurrection des morts, D.ieu assouplira cet os avec la ”rosée de la résurrection”. L’os jouera alors le rôle de la levure dans la pâte : à partir de lui, l’ensemble du corps sera reconstitué.
(d’après “Techouvot Oubiourim”, sec. 11)
Vaét’hanane : trois échos divins : la singularité, la pluralité et l’unicité
Ecoute Israël, l’Eternel notre D.ieu, l’Eternel est Un («é’had»)
Deutéronome 6 :4
Nous pensons généralement le combat cosmique en termes de bien contre le mal. Mais selon les Cabalistes, le bien et le mal ne sont rien d’autres que des émanations de l’unité et de la division. D.ieu est l’unité ultime et tout ce qui est divin dans notre monde porte la marque de Son unité. Le mal, en termes simples, est la distorsion de cette unité par le voile de la division dans laquelle D.ieu a enveloppé Sa création.
La création, comme elle est décrite dans les enseignements de la Cabale, est une évolution de l’unité singulière vers la pluralité et la dichotomie. Toute l’existence a son origine dans l’aspiration divine de créer, un désir aussi singulier (unique) que Son créateur. Mais le Divin possède également un autre aspect latent : les possibilités infinies implicites dans le potentiel illimité de D.ieu. C’est pourquoi le désir singulier de la création donne naissance à notre monde pluriel, un monde dont l’immensité des détails et la complexité expriment le potentiel infini de son Créateur.
Rien de tout cela ne constitue le phénomène négatif que nous appelons le mal. Et pourtant les germes du mal sont là. La pluralité produit la division et la division débouche sur le conflit. Tant qu’une réalité plurielle fait écho de sa source singulière, la division ne prend pas racine et ne se transforme pas en lutte; mais avec le développement de chaque entité particulière dans la diversité de la création, en un moi distinct de l’entité cosmique, la division, la querelle et le mal font surface.
Disséquer la vie
Comment restaurer l’unité divine dans un monde fragmenté? En plongeant encore plus dans sa pluralité.
Car tel est le paradoxe de la vie: plus quelque chose est fragmenté dans ses détails et plus nous découvrons les opportunités d’en faire ressurgir l’unité.
Prenez pour exemple deux substances matérielles. Vos cinq sens les perçoivent différentes et sans relation l’une avec l’autre: mais placez les sous un microscope et vous découvrirez qu’elles sont constituées de composants similaires, elles peuvent même avoir en commun un ou deux éléments. Plus vous creuserez, allant jusqu’aux niveaux moléculaire, atomique et infra-atomique, plus vous trouverez de convergences et plus vous découvrirez la manière de mettre ces énergies au service d’une fin unique.
Ou bien encore prenez deux nations. Apparemment, leurs buts, leurs aspirations vont à l’encontre les uns des autres, donnant naissance à des conflits voire des combats. Mais disséquez ces aspirations point par point et vous trouverez inévitablement des domaines qu’elles partagent et dans lesquels elles se complètent. Ce terrain commun peut ne couvrir que cinq pour cent de la volonté collective de la nation, mais un pont d’harmonie peut être construit. Creusez plus profondément encore et ce pont peut être élargi. Explorez les aspirations profondes de chacun des millions d’individus de la nation, les détails innombrables de la volonté de chacun et des terrains d’intérêts communs et de dépendance mutuelle peuvent être mis à jour. Les différences resteront mais au lieu d’alimenter les combats, elles serviront à construire des blocs de coexistence harmonieuse.
C’est ainsi que nous introduisons un nouveau facteur dans l’équation cosmique : l’harmonie. Nous évoluons de la singularité ultime vers la pluralité puis vers la diversité. Mais la diversité n’a pas besoin de dégénérer en querelle. Au contraire, la diversité peut se disséquer en ingrédients pour l’harmonie, une harmonie qui reflète la singularité qui a pu donner naissance au processus.
L’investissement
Néanmoins, un monde harmonieux fait plus que refléter la tranquille singularité dont il est issu : il va au-delà pour mettre à jour un nouveau visage, et donc inconnu, de la réalité divine. La vie sur terre est plus que l’engagement à faire un cercle complet : réparer la création en y restaurant son unité originelle. La descente de la singularité vers la diversité est un investissement et D.ieu attend d’en recueillir les profits. Le profit est l’harmonie, qui est une expression de l’unité divine plus profonde, plus vraie que la singularité d’avant la création.
Si une phrase est bien la pierre angulaire de la foi juive, c’est la première phrase du Chema, le verset récité chaque matin et chaque soir de sa vie par le Juif et les derniers mots qu’il prononcera: «Ecoute Israël, l’Eternel notre D.ieu, l’Eternel est Un». Mais questionnent nos Sages, pourquoi le verset utilise-t-il le terme «é’had» («un») pour évoquer l’unité de D.ieu? Le mot «un» peut également servir pour se référer à quelque chose qui fait partie d’une série (comme dans «un, deux, trois…) ou à quelque chose composé de plusieurs éléments (comme dans «un morceau de pain», «un être humain», «une communauté»). L’unité de D.ieu transcende une telle «unité», comme le dit Maimonide dans le chapitre qui ouvre son Michné Torah. Le mot hébreu «ya’hid» («singulier» «unique») n’aurait-il pas été mieux approprié ?
Mais la singularité est une unité que l’on peut défier, une unité qui peut être obscurcie par l’émergence de la pluralité. Comme nous l’avons vu, quand s’exprime le potentiel infini de D.ieu dans les détails innombrables d’une création diversifiée, le résultat en est le voilement de Son unité. L’accomplissement de la vie du Juif est de parvenir à une expression plus vraie de l’unité de D.ieu, l’unité du é’had. E’had est l’unité de l’harmonie: non une unité qui nie la pluralité (et donc que la pluralité obscurcit) mais une unité qui utilise la pluralité comme fondement de l’unité.
Trois échos divins
En dernier ressort, l’essence de D.ieu, inconnaissable et indéfinissable, transcende et embrasse à la fois la singularité et la pluralité. Aucune description ne peut Le définir. Notre réalité ne peut exprimer Sa vérité quintessencielle. Mais certains des éléments de Sa vérité peuvent l’être:
a) la singularité de D.ieu qui s’exprime dans la réalité qui précède, transcende et domine la création
b) Son potentiel infini exprimé dans le vaste monde qu’Il a créé.
c) l’harmonie divine que nous exprimons en faisant une synthèse et une unanimité dans le but de la création diversifiée de D.ieu.
Des trois, l’harmonie est la plus profonde expression de la vérité de D.ieu. Car son unité, é’had, embrasse les phénomènes de la singularité et de la pluralité exprimant la vérité que la réalité divine ne peut être confinée dans aucun mode d’expression et d’être.
Quand l’homme, confronté à un monde fragmenté et déchiré, répond en extrayant le potentiel d’harmonie implicite, il élève la création au-dessus de son apparence plurielle, au-dessus même de ses origines singulières et le façonne dans un modèle de l’unité quintessencielle de Son Créateur.
Pourquoi est-il préférable de prier à la synagogue ?
Certaines personnes estiment qu’elles peuvent mieux se concentrer sur les mots de la prière dans le calme de leur maison plutôt que dans une synagogue, avec un Minyane (minimum requis de dix hommes âgés de plus de treize ans).
Cependant il est écrit dans le Choul’hane Arou’h (Ora’h ‘Haïm 90. 16) : « Il est obligatoire de prier avec un Minyane, même si pour cela, on doit marcher près de deux km – même si cela impliquera une baisse de sa concentration ».
Rav Moché Feinstein remarquait : « Celui qui prie sans un Minyane ne peut être certain que sa prière sera acceptée – quel que soit son degré de concentration. Et si la prière n’est pas acceptée, il n’aura donc pas accompli la Mitsva, l’obligation, de prier : en effet, la prière à l’intérieur d’un Minyane est toujours acceptée par D.ieu ».
Le ‘Hafets ‘Haïm conseillait : « Priez avec un Minyane car la prière a plus de chances d’être acceptée ».
De plus, quand on prie avec un Minyane on peut prononcer plus de prières (« Kaddich », « Bare’hou », « Kedoucha » etc…), donc s’acquitter de l’obligation instituée par le roi David, de réciter cent bénédictions. On permet également à d’autres Juifs de réciter le « Kaddich » pour leurs parents disparus. On pourra aussi écouter et se rendre quitte de la lecture de la Torah.
Répondre « Amen Yehé Chémé Rabba… au Kaddich avec force et ferveur permet de déchirer les mauvais décrets et de réduire au silence tous les accusateurs.
Même si on n’a pas réussi à réunir un Minyane, il est néanmoins préférable de prier dans une synagogue car c’est un endroit saint.
Il est recommandé d’arriver parmi les premiers à la synagogue, et plus encore, d’arriver le dixième, car ainsi on complète le Minyane.
Celui qui se rend matin et soir à la synagogue et s’y conduit comme il convient mérite de vivre longtemps.
UNE HISTOIRE FAMILIERE
Les fidèles de la synagogue Marina Rochtsa à Moscou se connaissaient bien. Et si un inconnu entrait, on se montrait très circonspect : peut-être était-ce un espion à la solde du K.G.B., prêt à dénoncer un imaginaire complot anti-révolutionnaire…
Un jour un Juif inconnu entra : d’âge mûr, il avait le visage orné d’une barbe grisonnante et parlait peu. On apprit qu’il s’appelait Chalom Feigin. Un des fidèles, Reb Aharon ‘Hazane (un ‘Hassid qui habitait la banlieue de Moscou) demanda à un autre fidèle, Reb Sandler, s’il avait d’autres renseignements sur le nouveau venu.
« Voici ce qu’il m’a raconté », dit Reb Sandler. Et, au fur et à mesure qu’il parlait, Reb Aharon ne pouvait s’empêcher de penser que cette histoire lui semblait connue et même très connue… En effet :
Dans les années quarante, Reb Aharon cherchait du travail qui lui permettrait de respecter le repos du Chabbat. Enfin il avait trouvé un emploi dans une fabrique de tricotage : le directeur, Sacha était juif, affilié au Parti Communiste, mais il accepta de fermer les yeux sur les absences de Reb Aharon le samedi et même le vendredi après-midi : celui-ci travaillait le dimanche pour compenser. L’usine était située assez loin et Reb Aharon devait effectuer chaque jour trois heures de train entre son domicile et son travail. Le vendredi, alors que Chabbat entrait à 15 h 30, Reb Aharon quittait le travail à midi afin de pouvoir arriver chez lui à temps.
Un vendredi, Sacha appela Reb Aharon : « Aujourd’hui, camarade, tu devras rester à ton poste tout l’après-midi. En effet, demain il y aura une inspection générale de l’usine, or nous n’avons pas terminé le travail prévu ». Reb Aharon écouta attentivement et répondit, aussi courtoisement que possible : « Camarade directeur, je suis désolé mais je ne pourrai pas travailler cet après-midi. Je dois sortir à midi au plus tard ! »
Le camarade directeur se fâcha : « Sache que si on apprend que, d’une part, le travail n’a pas été accompli et que, d’autre part, je t’ai permis jusqu’à présent de ne pas travailler Chabbat, nous paierons cela très cher, tous les deux ! »
« Je comprends qu’il est très important de fournir la quantité de travail exigée mais pour moi, le Chabbat est encore plus important ! »
Cette réponse mit Sacha hors de lui :
« Si tu quittes le travail à midi, tu seras renvoyé ! »
Cette menace était sérieuse : se retrouver sans travail en Union Soviétique était d’une extrême gravité. Aucune allocation ne complétait le salaire des employés. Et l’accusation de « parasitisme » pouvait mener tout droit en prison ou même en Sibérie. Mais Reb Aharon était ferme : il quitta le travail à midi.
Le lundi matin, Reb Aharon retourna à l’usine, comme les autres ouvriers. Il évita Sacha et celui-ci ne lui adressa pas la parole. De fait, Sacha ne l’avait pas renvoyé mais il régnait entre eux deux une vive tension.
Quelques temps plus tard, Sacha quitta ses fonctions à l’usine et un nouveau directeur fut nommé. Les ouvriers ignoraient si Sacha, qui approchait les soixante-dix ans, avait déjà pris sa retraite ou si le Parti l’avait nommé à un autre poste.
Reb Aharon oublia bien vite cet épisode surtout que lui aussi quitta l’usine car il avait trouvé un travail plus agréable.
Depuis, les années avaient passé : qui aurait pu deviner que la barbe grisonnante de Chalom Feigin ornait en fait le visage de l’ancien directeur, membre du Parti, Sacha ? Voilà pourquoi Reb Aharon n’avait pu le reconnaître ! Et Chalom Feigin n’avait pas osé mentionner le nom de Reb Aharon quand il avait raconté son histoire à Reb Sandler.
Celui-ci n’avait pas remarqué le sourire qui s’ébauchait sur le visage de Reb Aharon. Et il raconta la suite de l’histoire.
« Après que je me sois calmé, avait poursuivi Sacha-Chalom, je me suis mis à réfléchir : « Comment un Juif pouvait-il être prêt à sacrifier son unique source de revenus alors qu’il avait une femme et des jeunes enfants à nourrir ? Oui, il avait des principes, une ligne de conduite ! C’est lui qui était fort car capable de résister aux pressions extérieures ». C’est alors que Sacha-Chalom s’était souvenu de son enfance, de la maison de ses parents, des visites qu’il avait effectuées avec son père dans le village de Loubavitch, chez Rabbi Chalom Dov Ber…
« Je n’en pouvais plus : ces pensées me hantaient, dit-il, et je décidai de retrouver une vie juive entière et véritable. Je pris ma retraite, laissai pousser ma barbe et repris le chemin de la maison d’étude et de prière… »
C’est alors que Reb Aharon se présenta à nouveau à son ancien patron : c’était lui qui l’avait tant impressionné par la force de ses convictions !
Telle est la force du Chabbat !
Si’hat Hachavoua
Traduit par Feiga Lubecki