Semaine 30

  • Pin’has
Editorial
La vraie victoire
Cette semaine commence une période que le calendrier
juif désigne comme difficile. Elle porte le nom
“d’entre les limites” et c’est le jeûne du 17 Tamouz
qui en marque le début. De fait, c’est un temps de tragéd
ie qu ’el le rappel le penda nt ces trois sema i nes qu i
déboucheront sur le jeûne du 9 Av, l’anniversaire de la
destruction du Temple de Jérusalem. A l’évocation de ces
é v é nements, un senti ment de tr i stesse pes a nte,
presque de désespoir pourrait s’emparer de chacun. Ne
s’agit-il pas du commencement de l’exil que nous continuons
de vivre jusqu’à aujourd’hui? La destruction du
Temple n’est- el le pas une perte inesti mable pour le
peuple juif comme pour l’ensemble de l’humanité?
Pourtant, nous savons que la seule tristesse n’est jamais
une réponse. Nous savons que la tradition juive refuse de
se laisser enfermer dans le souvenir sans effet sur le
monde. Ses com m é morations sont pr é sentes pa r ce
qu’elles s’inscrivent dans un projet: changer les choses,
les porter à un niveau plus élevé. Réparer, perfectionner,
spiritualiser: ce sont les maîtres-mots de l’action millénaire
du judaïsme. Voici, cependant, que nous sommes
confrontés à une destruction concrète, à un exil historique.
Existe-t-il une réponse à une telle question?
Cela ne fait guère de doute. Ce qui a été physiquement
détruit peut être spirituellement reconstruit. C’est ainsi
que D.ieu l’affirme: “Etudiez les lois relatives à l’architecture
du Temple et Je vous considèrerai comme si vous
l’aviez reconstruit”. C’est dire que chacun a aujourd’hui le
pouvoir d’agir pour que de nouveau le Temple dans sa
splendeur fasse rayonner la paix sur le monde entier. Les
textes à étudier sont connus: prophétie d’Ezéchiel, traité
du Talmud Midot, lois codifiées par Maïmonide. Ils sont à
la disposition de tous pour une aventure sans pareille:
que, de nouveau, l’épée soit vaincue par l’esprit comme
un prélude au temps où seul celui-ci aura sa place, la
venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Une attente juive

Un jour, à l’époque où le Tséma’h Tsédek, le troisième Rabbi de
Loubavitch, était encore un jeune homme, il se trouvait avec un
groupe de Hassidim.La discussion s’engagea entre les présents sur
le thème:“Qui sait quand Machia’h viendra?”
Le Tséma’h Tsédek commenta:“Ce type de conversation rappelle le style
du prophète non-juif, Bilaam. Celui-ci dit, à propos de la venue de
Ma c h i a’h (Bamidbar 24: 17): “Je le vois mais pas mainte n a nt : je le
contemple mais il n’et pas proche”. Il décrit la Rédemption comme lointaine.
En revanche, un Juif doit espérer ardemment et attendre chaque jour
que Machia’h vienne ce jour-là”.
H.N
Vivre avec la Paracha
Le principe du plaisir

Israël s’installa à Chittin ; et le peuple
commença à se divertir avec les filles
de Moav. Et elles incitèrent le peuple à
offrir des sacrifices à leurs dieux... Et
Israël se joignit au culte de Baal Péor...
(Nombres 25 :1-3)
La femme d’un idolâtre était un jour
très malade. Ce dernier fit un voeu: “si
ma fem me guérit, el le ira ador er
chaque idole de ce monde”. Elle guérit
et se mit à célébrer chaque idole du
monde. Quand elle arriva au culte de
Péor, el le dema nda à ses pr ê tr es:
“ com ment sert- on ce dieu?” Ils lui
répondirent: “on mange des légumes
verts et on boit de la bière et puis l’on
fait ses besoins devant l’idole”. Le mari
d é cla ra: “je préfère que ma fem me
retourne à sa maladie plutôt que de
servir ainsi une idole” (Ta l mud
Sanhedrin 64 a).
L’idol â tr ie cons i ste en la déification
d’un objet ou d’une force de la réalité
créée. Les anciens servaient le soleil
parce qu’il leur tenait chaud et nourrissait
leurs cultures. La lune, le vent, la
terre, l’eau et les arbres étaient également
des dieux que l’on devait remercier
et supplier pour les dons qu’ils
attribuaient aux hommes. C’était comparable
à remercier le marteau pour la
construction d’une maison ou la charrue
pour la récolte annuelle, plutôt que
le cr é ateur de ces instruments.
Tou tef ois chaque idol â tr ie poss è de
une certaine logique et même si l’on
se trompe, l’on vénère une sou rce
(présumée) de vie et de nourriture...
chaque culte idolâtre, à l’exception de
celui de Baal Péor qui consiste en la
pratique pa ï en ne de vénérer ses
propres excréments. Ici la personne
adore les déchets, ce qui a été laissé
et rejeté une fois que tout le potentiel
de nourriture a été extrait de toute
substance.
Le peuple d’Israël était à Chittin, le dernier
de ses 42 campements lorsqu’un
nombre significatif d’entre eux rejoignirent
les Moabites et les Midianites
dans le culte de Baal Péor. Les Juifs en
étaient à leur dernière étape du long
voyage de leur génération du Sina ï
vers la Terre Sainte, de la scène de la
Révélation Divine de Sa volonté au lieu
de sa réalisation ultime, et pourtant,
ils succombèrent à la forme d’idolâtrie
la plus irrationnelle et la plus répugnante
sur la face de la terre. En réalité
pourtant, c’est justement leur proximité
de la Terre Sainte qui les rendit
plus vulnérable à l’idolâtrie de Péor.
La transition d’un peuple voyageant à
travers le désert à un peuple établi sur
sa terre était celle d’une vie totalement
spi r ituel le à une vie d’engagement
da ns le monde matériel. Da ns le
désert, le Peuple d’Israël était nourri
du miracu leux “pain céleste”, la
manne, et “du puits de Miryam”, pendant que “les nuées de Gloire ” les protégeaient et
préservaient leurs vêtements. Tous ces miracles leur
permettaient de rechercher la sagesse de la Torah et
de communier avec D.ieu, libres de tout souci matériel.
Mais une fois qu’ils allaient traverser le Jourdain,
“le pain céleste” allait être remplacé par le pain de la
terre, pain pour lequel il faudrait déployer un dur
labeur physique: labourer, semer, récolter et s’engager
dans de multiples travaux pour obtenir la nourriture
de la terre. Une fois qu’ils auraient traversé le
Jourdain, leur idylle spirituelle allait être remplacée
par les détails triviaux de la vie matérielle: le commerce,
la politique, la guerre, la diplomatie etc.
C’est pourquoi la génération rejeta la Terre, préférant
le havre spirituel du désert aux tribulations et aux
défis de l’installation d’un état. Ils ne réussirent pas
à comprendre que le but de la vie sur terre n’est pas
d’échapper au monde matériel. Car D.ieu les avait fait
sortir d’Egypte et leur avait donné la Torah pour qu’ils
entrent en terre de Canaan, s’y installent et commencent
à en faire la Terre Sainte, une terre réceptive
à la sainteté. Selon les mots du Midrach: “D.ieu
désirait une demeure dans ce monde matériel”.
Maintenant, une génération avait pris leur place, une
génération élevée dans l’esprit de la mission, d’entrer
sur la Terre et d’accomplir le désir divin d’une
résidence ici-bas. C’est cette génération qui, à la
veille de la réalisation de sa mission de sanctifier le
matériel, fut la proie de l’idolâtrie de Péor.
La matière appauvrie
C’est de la nature de notre personnalité que chaque
acte physique constructif soit accompagné d’une
sensation de plaisir. Manger est capital pour survivre,
de sorte que la consommation de nourriture
est un acte agréable. Le corps a besoin de repos,
aussi désirons-nous et apprécions-nous le fait de
dormir etc.
Ainsi le plaisir résulte-t-il d’actes remplissant un dessein.
Manger, dormir, etc. ont tous un but: soutenir et
perpétuer une vie physique qui sert la Volonté Divine.
Le plaisir séparé de son dessei n, le plaisir pou r
l’amour du plaisir, est un plaisir corrompu, un détournement
de sa fonction, et de son utilité. Un acte physique
possède un sens et une validité dans la mesure
où il sert un but divin dans la création. Quand le
plaisir associé à l’acte devient son but ultime, c’est
un acte vide, un acte dépouillé de son âme et de sa
vitalité divine.
C’est là le sens profond du culte de Baal Péor. Les idolâtres
de Péor vidaient leurs corps de leurs déchets:
pour eux, seule la matière, même celle qui avait été
complètement dépouillée de son potentiel vital, était
l ’objet de vénération. La
pensée même d’un tel
culte peut paraître répugnante
à n’importe quel
individu sain mais c’est
exactement ce que fait
un individu qui considère
le phys ique com me
désirable en lui et pour
lui, plutôt que pour son
contenu vital, son potentiel
à servir le but divin
dans la création.
C’est là l’erreur de ceux
qui s’adon n è r ent au
culte de Péor à la veille
de leur entrée en Ter r e
Sainte. Leurs parents n’auraient jamais fait une telle
erreur, en fait la Manne qui les soutenait ne produisait
aucun déchet physique mais était complètement
absorbée par leur corps et convertie en énergie
vitale. Le concept même de déchet leur était inconnu.
Mais c’était maintenant une nouvelle génération,
une génération élevée dans l’idéal de rendre “sainte”
une terre, une génération qui avait appris que le but
de la création se réalise à l’intérieur même de l’existence
matérielle. En faisant la transition d’une vie
entièrement spirituelle à la vie matérielle demandée
par la Torah, ils firent un pas de trop, venant à considérer
le physique comme sacré à part entière, plutôt
que comme l’aliment qui vitalise une vie dans le service
de D.ieu.
Le corps de Pin’has.
La tombe de Moché surplombait le Temple de Péor,
car Moché la représentation de la Vérité est l’ultime
réfutation du mensonge de Péor, le mensonge selon
lequel il existe un sens et une valeur à la matière
dénuée du potentiel divin.
N é a n moi ns, Mo ché fut incapable d’emp ê cher la
d é g radation d’Is ra ë l. C’est le pe tit-fils d’Aha ron,
Pin’has, qui mena l’action alors que tous les chefs
d’Israël étaient paralysés, et il éradiqua Péor.
A cette époque, Pin’has n’occupait aucune position
importante dans la direction spirituelle d’Israël. Il
n’était pas même un Cohen, bien qu’il fut le petit-fils
d’Aharon. On l’insulta parce qu’il était le petit-fils d’un
idolâtre. Mais c’est précisément à cause de son statut
qu’il put vaincre l’idolâtrie de Péor.
Le Talmud nous dit que la véritable marque de la
Techouva (repentir) est de se retrou ver dans la
situation dans laquelle précédemment l’on a pêché
et de ne pas succomber. En dernier ressort, un état
négatif ne peut être rectifié en le transcendant ou en
y échappant mais seulement de l’intérieur, en le
transcendant dans sa propre “maison” et dans ses
propres termes. La vérité spirituelle de Moché peut
être la réfutation ultime de Péor, mais une fois que le
peuple d’Israël eut pénétré dans la grossière matérialité
de l’idole, il ne pouvait en être extrait que par le
descendant d’un idolâtre.
Moché fut l’être le plus parfait qui existât. Et pourtant,
au moment de la fin de son séjour de 120 ans
sur terre, son âme quitta son corps qui fut enterré.
Par contre, quand la vie de Pin’has atteignit sa fin,
son âme monta dans un monde purement spirituel
ainsi que son corps. Car Pin’has put parvenir à la rectification
ultime de Péor: le raffinement et la sublimation
du moi phys ique com me ustens i le pour la
Divinité.
Le Coin de la Halacha
Comment veille-t-on à la propreté d’une synagogue?

Le ‘Hatam Sofer écrit que: “La synagogue est la demeure de D.ieu
Très-Haut; le D.ieu d’Israël y réside”.Dans les livres de Moussar (morale
juive), il est souligné combien on doit respecter la Mezouza d’une maison:
“On doit veiller à ce que les quatre coudées autour de la Mezouza
soient toujours propres; on n’effectuera aucune action dégoûtante ou
méprisable près d’une Mezouza. On ne rassemblera pas la poussière
près de la Mezouza lorsqu’on balaie la pièce mais, au contraire, on
commencera à balayer près de la Mezouza et on entassera la poussière
plus loin.
Le Rambam (Maïmonide) écrit:“Il convient d’honorer les synagogues
et maisons d’étude et de les garder propres en balayant souvent le sol.
On secouera la saleté attachée à ses chaussures avant de rentrer dans
la synagogue et on veillera à la propreté de son corps ainsi que de ses
vêtements”.
Chacun est tenu de respecter ces endroits saints et de les nettoyer
quand c’est nécessaire comme il le ferait pour sa propre maison: ce
n’est pas l’apanage du responsable administratif ou du rabbin! Même
si la pièce où on prie n ‘a pas le statut officiel de synagogue, on n’y jettera
pas des papiers, des mouchoirs ou des mégots par terre et on
enseignera aux enfants à ne rien salir.
On pourra disposer des poubelles de bureau dans la synagogue afin
que les fidèles puissent y jeter leurs mouchoirs en papier mais on la
videra souvent.
F. L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)
De Recit de la Semaine
Un amour sans condition

au xquel les je rends visite chaque vend r edi
après-midi à Wilkes Barr en Pennsylvanie. Je l’aide
à mettre les Téfilines puis nous discutons de
divers sujets, aussi bien du judaïsme que de l’actualité.
Un jour, nous avons évoqué le thème de la
famille. Je fus alors stupéfait d’entendre que
David avait deux frères et une soeur – mais
n’avait pas eu de contact avec eux depuis... 60
ans! Lui-même était un vieux célibataire et estimait
qu’il était normal de couper les ponts avec
un frère ou une soeur, une fois que ceux-ci se
marient et fondent leur propre famille.
Un an auparavant, par curiosité, il avait obtenu
quelques renseignements: un des frères s’était
installé en Californie, il y avait soixante ans de
cela! L’autre frère et la soeur se trouvaient à
Washington. Il se sentait trop faible pour effectuer
d’autr es recherches mais esp é ra it qu’en
été, il serait plus courageux et tenace.
En entendant cela, je lui expliquai immédiatement
que sa façon de voir était erronée. Des
frères et soeurs ressentent naturellement une
certaine proximité, ils sont issus des mêmes
parents qui seraient heureux de les savoir en
bons termes mais David avait ses principes et y
tenait.
Finalement je déclarai à David que, de nos
jours, grâce à Internet, il n’est pas si difficile (du
moins je le pensais) de localiser des gens et je
me ferai un plaisir de l’aider. Mais il répliqua que
si des membres de sa famille venaient à sonner
à sa porte, il prendrait ses valises et quitterait la
ville! Je finis néanmoins par obtenir l’accord de
David que, si j’arrivais à en localiser un, je lui
enverrai un message de sa part, leur souhaitant
de vivre “jusqu’à 120 ans” selon la formule traditionnelle.
Ce ne fut pas aussi simple que je le croyais
mais finalement j’obtins de “white pages.com”
toute une liste de personnes portant les noms
que je cherchais. Après de nombreux et vains
coups de téléphone, je trouvais enfin Murray,
âgé lui aussi d’environ 80 ans: il était expertcomptable
et se sou vena it d’un gra nd fr è r e
David, perdu de vue depuis longtemps. Il évoqua
son autre frère qui éta it pha r macien à
Washington; leur soeur était décédée deux ans
plus tôt. J’informai Murray de ma relation avec
son frère David perdu de vue depuis si longtemps
et lui transmis son message. Il répondit
en souhaitant lui aussi une longue vie à David
mais se montra très agité quand il entendit que
David ne désirait pas lui parler. Il répliqua que,
dans ce cas-là, lui aussi ne voulait pas avoir de
contact avec lui. Je racontai alors à Murray une
parole connue du premier Rabbi de Loubavitch: le
coeur d’une personne peut influencer le coeur de
l ’ au tr e. Je lui proposai donc d’ex pr i mer son
amour fraternel de sorte que David en fasse de
même.
Un de mes amis qui se tenait à côté de moi me
dit de suggérer à Murray de mettre les Téfilines
comme David le faisait chaque vendredi: le mérite
de la Mitsva les rapprocherait certainement. Il
accepta.
Au cours de la conversation, Murray m’informa
que 20 ans auparavant, quand leurs parents
étaient décédés, le troisième frère, Jack avait
loué les serv ices d’un avo cat pour tenter de
retrouver David mais sans résultat. De fait les
deux frères s’étaient persuadés qu’il était décédé.
Tôt le lendemain, je me rendis chez David et lui
annonçai que j’avais retrouvé son frère mais
que, malheureusement, sa soeur n’était plus de
ce monde. Je lui demandai s’il voulait parler avec
son frère sur mon téléphone portable. Il répondit
qu’il le ferait volontiers le vendredi suivant mais
je lui fis remarquer que 60 ans de silence étaient
bien suffisants et qu’il était inutile de rajouter
encore quelques jours! Finalement il accepta et
j’ appelai Mu r ray. Ils se pa r l è r ent du ra nt 45
minutes. On avait l’impression qu’un bouchon
venait de sauter, qu’une porte s’était enfin ouverte.
En raccrochant, David était rayonnant: il me
remercia avec émotion et me serra la main.
Le lendemain j’appelai Murray et il me dit que
cela avait été le meilleur jour de sa vie. Sa femme
me dit qu’il semblait avoir rajeuni, qu’ils avaient
tous des deux été agréablement su rpris que
David se souvienne des détails de leur mariage
qu’eux-mêmes avaient oublié. Elle me dit aussi
qu’elle avait envoyé un message à Jack, le troisième
frère qui se trouvait à l’étranger à ce
moment et qu’il avait été follement content de la
bonne nouvelle. Tous deux se rendraient bientôt
sur la tombe de leurs parents pour leur faire partager
leur joie.
Grâce à Internet, des frères se sont retrouvés.
Grâce à Machia’h, tous les Juifs se retrouveront,
dans la joie et l’allégresse!
Chmouel Melamed
Traduit par Feiga Lubecki
Note de l’éditeur. Bien que l’auteur ait intitulé son
article: “Les Téfilines relient une famille”, nous avons
préféré l’intituler “Un amour sans conditions”; ce titre
souligne l’énorme “Ahavat Israël”, l’amour dont ce
jeune Loubavitch, étudiant de Yechiva, a fait preuve
pour un autre Juif