Semaine 27

  • Pin’has
Editorial
La brèche
Inexorable. C’est ainsi que l’avancée des jours apparaît à nos yeux résignés. Et c’est aussi pourquoi cette semaine est celle du 17 Tamouz, le jeûne qui commémore notamment le jour où la première brèche fut faite dans la muraille de Jérusalem par l’ennemi venu de Babylone. Jour terrible, étape dramatique d’une chute dont toute l’ampleur apparaît trois semaines plus tard, avec le 9 Av, date de la destruction du Temple. Il est vrai que le peuple juif a une longue mémoire. Il est vrai aussi que, sans passé, l’avenir reste bien souvent dépourvu de sens. Pourtant, de tels événements ont-ils encore vraiment leur place dans notre vie ? Celui-ci est si ancien qu’il nous ramène au temps de Nabuchodonosor, à cette antiquité dont ne subsistent que quelques reliques conservées par les musées, faut-il qu’on lui accorde encore une si grande place ? Ou peut-être, justement, cette brèche ouverte dans la muraille de la Ville nous livre-t-elle aussi un message ?
A l’époque où cette histoire arriva, aucune cité ne pouvait vivre durablement sans muraille. Sans cette protection, elle se trouvait à la portée de tous ses ennemis et elle ne tardait pas à disparaître sous leurs coups. A l’abri, elle pouvait, au contraire, se développer. C’est pourquoi, une brèche faite par l’ennemi était clairement une tragédie. La muraille n’était cependant pas une séparation radicale d’avec le monde extérieur. Des portes y étaient ouvertes afin de permettre l’entrée et la sortie, l’échange. Mais ces portes jouaient également un rôle éminent de régulation. Elles étaient closes ou ouvertes selon les besoins et selon la volonté de ses habitants qui en gardaient ainsi la maîtrise. Du reste, dans l’histoire des hommes, les monarques absolus, ceux qui ne supportaient pas que leur pouvoir soit le moins du monde contesté, prirent toujours grand soin d’araser les murailles des villes car l’indépendance que cela représentait ne pouvait leur convenir.
Matériellement, nous sommes évidemment loin de telles préoccupations et, lorsqu’elles subsistent autour des villes anciennes, les murailles ne sont plus que vestiges historiques. Mais l’évolution du monde aussi a tendance à effacer les particularités des cultures et des modes de vie, à briser la diversité pour y substituer une sorte d’uniformité mondialisée, en affirmant qu’il s’agit là d’un progrès : n’abat-on pas des « murailles » ? Et pourtant, conserver une part de soi-même, fidèle, au fond de son âme, hors de toute atteinte, en avoir conscience, n’est-ce pas la clé de tout échange ? Car, si tous sont identiques, que pourrait-on voir en l’autre sinon une reproduction de soi ? La muraille nous susurre qu’il est beau de rester ce que l’on est et qu’il est nécessaire de protéger cela. La brèche nous crie que l’unité et la conscience peuvent être remises en cause par une pression indésirée. Sachons en être les défenseurs.
Etincelles de Machiah
Pour l’éternité

Le texte de la Torah enseigne (Exode 25): “Et ils prendront pour Moi un prélèvement”. Le Midrach Rabba (2,2) souligne: «En tout endroit où il est écrit “pour Moi”, cela ne disparaît jamais ni dans ce monde-ci ni dans le monde futur».
Cela signifie que, lorsque le Machia’h viendra, ce prélèvement – la Terouma – sera également offert pour le Temple comme il fut offert pour l’édification de Michkan, du Sanctuaire dans le désert. C’est, en effet, ce qu’énonce le prophète Ezéchiel, lorsque le Machia’h se révèlera, la ville de Jérusalem et le Temple seront reconstruits tandis que le Michkan réapparaîtra.
(D’après le Midrach Rabba. Commentaire du Maharaze) H.N.
Vivre avec la Paracha
Pin’has

La vie est semée de frontières et de barrières. Certaines sont très importantes pour mener une existence saine et sont établies et promues par la Torah. D’autres sont plus ambigües et la Torah elle-même nous dit qu’il faut les franchir pour réaliser des idéaux plus élevés.
Notre Paracha évoque le fait de franchir des barrières. Pin’has, le petit-fils d’Aharon, nous fournit l’exemple le plus élevé de celui qui est «zélé». A la fin de la Paracha de la semaine passée, Moché et Aharon se trouvaient confrontés à une situation face à laquelle ils se sentaient désarmés. D’une façon très publique, un chef juif, la tête de l’une des douze tribus, traînait dans la boue le concept même de l’identité juive, en se liant ouvertement avec une femme de Midian. Moché sanglotait. Etait-ce là la fin du Peuple Juif ?
C’est alors que Pin’has s’avança, un glaive à la main et géra, apparemment à sa manière, la loi (il les exécuta tous deux). Nous le voyons sembler briser les lois juives qui exigent un procès soigneux avec la recherche de preuves irréfutables et un jugement. Et pourtant, au début de notre Paracha, D.ieu le loue pour cette action.
Les Sages discutent sur cet événement et nous en présentent une image quelque peu différente. Il est vrai que Pin’has outrepassa certaines frontières. Mais il n’en resta pas moins à l’intérieur de la loi de la Torah. Dans la pensée juive, certaines actions sont décrites comme restant dans les limites de la loi sans, toutefois, pouvoir être prononcées par une cour de justice. («C’est réellement la loi mais on ne peut en donner l’instruction»). L’action de Pin’has appartient à cette catégorie. Il s’agissait alors d’une situation désespérée qui requerrait un remède désespéré et Pin’has fit ce qu’il fallait. C’est pourquoi D.ieu l’en félicite d’une façon si remarquable.
Que peut-on apprendre de ces faits pour notre propre vie ? Le Rabbi suggère que transférer ce concept de «briser les frontières» dans le royaume du positif, c’est exprimer l’Ahavat Israël, l’amour idéal du prochain.
Il existe tout d’abord la structure normale d’une vie juive idéale : une communauté chaleureuse, proche, un cercle familial intime, une vie baignée dans des activités juives typiques. C’est là le but de tout couple engagé, observant et conscient.
Le Rabbi suggère de suivre l’exemple de Pin’has : rester dans la loi de la Torah mais de briser certains aspects de sa structure, parce que, parfois, un Juif est dans le besoin. Invitez une personne à votre table du Chabbat, peut-être n’a-t-elle jamais vécu cette expérience ! Passez du temps avec elle, aidez-la à ressentir un sentiment d’appartenance plutôt que de vous occuper à remplir vos devoirs conventionnels. Peut-être même abandonnez votre communauté confortable et partez vivre là où il y a des Juifs mais pas de Cacherout, pas d’école juive, aucun des avantages de la vie communautaire juive. Et instaurez la Cacherout, construisez des écoles, aidez les autres Juifs à découvrir le sens d’être Juif. Et parce que vous aurez brisé des barrières, poussé par votre amour, vous réussirez à faire renaître la véritable identité juive.

La voie vers la paix
Nous, le Peuple Juif, nous voulons la paix, nous croyons que la paix est l’un des buts les plus importants dans la vie. Nos Sages nous disent que la Torah fut donnée pour apporter la paix dans le monde. Le concept de paix signifie bien sûr une atmosphère agréable et positive où tout va bien. Et pourtant, le concept d’ «Alliance de Paix», que nous lisons cette semaine, fut une récompense pour Pin’has.
Mais l’action qu’entreprit Pin’has exprime-t-elle la vertu de la paix ? Et pourtant D.ieu lui déclara en récompense de son acte : «Je lui donne Mon Alliance de Paix».
Les Sages nous disent que Pin’has vécut très longtemps et était la même personne que nous rencontrons dans le Livre des Rois, appelée «Eliahou», dont on nous parle dans la Haftara de cette semaine. Il y est également considéré comme «zélé». Il vit la faiblesse morale et spirituelle du peuple juif et en fut profondément affecté. Il voyagea dans le désert et retourna au mont Sinaï, où la Torah avait été donnée comme pour rencontrer directement le Divin et là il y déclara que «le Peuple Juif ne gardait pas son alliance avec D.ieu».
D’une part, Pin’has était critique, il voyait les défauts du comportement de son peuple et essaya d’engager une action contre lui, comme Eliahou quand il affronta les Prêtres de Baal sur le Mont Carmel.
Mais par ailleurs, D.ieu lui donna l’Alliance de Paix, ce qui impliquait qu’il considérait les hommes d’un œil positif. La Torah affirme également qu’à Pin’has fut donné le rôle de Cohen (prêtre). Le Cohen est décrit comme un homme de bonté, comme nous le voyons chez Aharon, le premier Cohen, qui voyait le bien chez tous.
Il en va de même pour Eliahou. Nos Sages nous disent que parce qu’il s’est plaint du fait que les Juifs n’observaient pas leur alliance, il est lui-même présent à toutes les Brith Mila, quand un petit enfant juif entre dans l’Alliance de la Circoncision. Il peut voir alors qu’en fait chaque Juif garde l’Alliance. C’est la raison pour laquelle, lors de chaque circoncision, une chaise est installée pour lui.
Le Rabbi commente que, tout comme Pin’has et Eliahou, nous devons être capables de combiner ces deux aspects contraires. D’une part, nous devons agir fermement quand c’est nécessaire pour redresser ce qui ne va pas ou pour prévenir un danger. Mais par ailleurs, nous devons pouvoir voir le bien en chacun, son potentiel, ses accomplissements positifs.
L’on va encore plus loin lorsque l’on combine ces deux aspects : en voyant le bien, on peut corriger ce qui doit l’être.
Voilà la voie de la paix réelle. Nos Sages nous promettent qu’un jour Eliahou annoncera la Rédemption, le temps de la paix ultime lorsque tout ce qui est négatif se transformera en bon et en bien. Alors chacun de nos ennemis, en hébreu oyev, sera transformé en ohev, ami. Voilà ce que sera la véritable paix.
Le Coin de la Halacha
Où allume-t-on les bougies de Chabbat ?

Nos Sages ont institué qu’une lumière doit éclairer chacune des chambres qu’on utilisera pendant Chabbat. Ceci, afin de préserver le «Chalom Bayit», la paix dans le foyer, puisqu’ainsi on ne trébuchera pas et on ne se blessera pas sur des obstacles éventuels. C’est pourquoi on a l’habitude de laisser allumée la lumière du couloir qui pourra éclairer chacune des chambres si on en ouvre la porte. On est aussi quitte de cette recommandation si un réverbère de la rue peut éclairer la pièce par la fenêtre.
Quant aux bougies allumées par les femmes, jeunes filles et petites filles de la maison à l’heure prescrite, elles doivent être posées de telle façon que celui qui récitera le «Kiddouch» pourra les regarder pendant le Kiddouch et pendant le repas.
La coutume est de poser les bougies sur la table comme le prescrit le Rama (Rabbi Moché Isserlès).
Un soir de Pessa’h, le Rabbi de Loubavitch avait visité une institution de jeunes filles et demanda où étaient placées les bougies. On indiqua qu’elles avaient été posées sur une table de côté. Le Rabbi remarqua alors : «Chabbat et les jours de fête, les bougies doivent être posées sur la table».
Bien entendu, on veillera à ce que ceci ne pose pas de problème de sécurité – en particulier s’il y a des jeunes enfants. (On leur apprendra très tôt à ne pas s’approcher du feu et à ne pas jouer à proximité des bougies). On veillera aussi à éviter tout problème de «Mouktsé», de possibilité ou d’obligation de déplacer Chabbat les bougies et les bougeoirs, même une fois que les bougies sont éteintes.

F. L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh – Sichat Hachavoua n°1221)
De Recit de la Semaine
Bâtir une ville !

J’étais professeur d’Art et d’Education à l’université Columbia ; avec ma femme et mes enfants, j’habitais dans un adorable pavillon à Teaneck, dans le New Jersey, tout près de la synagogue et à quelques centaines de mètres du premier centre artistique du monde. Le rêve américain.
Mais nous rêvions de nous installer en Israël.
Pour un Juif américain cependant, la «Alia» (montée en Israël) peut se transformer en «Yerida» (descente !) Tel-Aviv ressemble à New York mais en bien plus petit. L’université de Tel-Aviv où j’allais enseigner n’est pas Columbia.
J’en discutai avec l’ancien directeur général du Ministère israélien de l’éducation qui était étudiant en doctorat à Columbia à l’époque : «Vous savez où je vis et où je travaille. Quel endroit en Israël serait exactement l’opposé ?»
- Yerou’ham ! répondit-il. C’est une ville du Néguev, dans le désert, éloignée de toute vie artistique ou universitaire et bourrée de problèmes sociaux et économiques.
J’en parlai longuement avec Myriam, mon épouse.
Mais avant de prendre une telle décision qui impliquerait un énorme changement dans notre style de vie, nous avons pris conseil auprès du Rabbi. Celui-ci écouta attentivement comment j’envisageais de vivre dans un environnement complètement différent. Le Rabbi réfléchit longtemps tout en nous regardant droit dans les yeux. Puis il remarqua que c’était une idée «‘Haloutsique», digne des pionniers, si je mettais à profit mon éducation, mes capacités et mon réseau pour le bien des habitants de Yerou’ham. Le Rabbi expliqua qu’aux Etats-Unis, il existe des villes universitaires : par exemple l’université de Floride compte bien plus d’étudiants que toute la population de la ville de Gainesville où elle est située. «Bâtissez une université à Yerou’ham, elle acquerra l’image d’une ville qui attire de nouveaux habitants d’Israël et même de l’étranger!»
L’été 1977, nous avons vendu notre maison de Teaneck et nous sommes installés à Yerou’ham, cette ville poussiéreuse, sous-développée, vivant comme dans les premières années de l’Etat d’Israël.
En explorant notre nouvelle ville, Myriam et moi avons découvert un bâtiment pratiquement terminé, isolé sur une colline dans le désert, au sud de Yerou’ham. En regardant à travers les fenêtres, nous avons aperçu des salles de classe et des bureaux ; à l’évidence, c’était une école. Quand nous avons demandé aux gens à quoi servait ce bâtiment, on nous a répondu en haussant les épaules.
Le lendemain, je me suis rendu à la mairie et me suis présenté au maire : j’étais un nouvel habitant de Yerou’ham et je venais des Etats-Unis. Il était enchanté. Je lui demandai à quoi servait ce bâtiment que j’avais repéré ; il tourna son pouce sur son front et expliqua : «C’est une erreur ! Le Ministère de l’Education a exigé que nous construisions une école pour les enfants aux besoins spécifiques et des fonds ont été alloués à cet effet. J’ai tenté de leur expliquer qu’on n’avait pas besoin de cette école, que les cinq enfants handicapés de Yerou’ham fréquentaient une école non loin de là, à Dimona, mais les fonctionnaires ont insisté ! Maintenant que le bâtiment est pratiquement achevé, ils ont compris leur erreur!»
- Donnez-moi ce bâtiment ! répliquai-je. Le Rabbi de Loubavitch m’a conseillé de construire une université à Yerou’ham ! Ce sera le premier bâtiment du campus !
Ravi, le maire téléphona à l’entrepreneur : «Apporte les clés ! Il y a là un Juif américain qui veut le bâtiment!»
L’entrepreneur arriva immédiatement, jeta les clés sur la table en s’écriant : «Prenez-les, elles sont à vous!»
Le maire me demanda alors un service : l’Agence Juive avait fait jumeler sa ville avec la communauté juive de Montréal : comme il ne parlait pas l’anglais, il voulait que j’accueille la délégation canadienne qui arriverait à la fin de la semaine. J’acceptai avec plaisir.
Les Canadiens furent très étonnés de trouver un Américain dans cette ville perdue de Yerou’ham. Quand ils me demandèrent qui j’étais, j’expliquai que j’étais venu ouvrir une université pour aider au développement de la ville. J’ajoutai que je possédais déjà un bâtiment mais que je n’avais pas d’argent. Ils se concertèrent et trouvèrent que l’idée d’ouvrir une université était géniale. Ils offrirent de couvrir les dépenses pour l’ouverture de l’université!
J’avais donc le bâtiment et les fonds mais où trouverais-je les professeurs et les accréditations?
Je demandai conseil au Dr Touvia Bar Ilan, responsable de l’université du même nom : «J’ai toujours souhaité, dit-il, inscrire sur le catalogue de présentations de l’université le verset : «Et tu jailliras à l’ouest et à l’est, au nord et au sud» (Genèse). Nous avons ouvert des locaux à Achkelon à l’ouest, à Safed au nord, et sur le Jourdain à l’est. Il nous manquait le sud! L’Université que le Rabbi vous a conseillé de développer à Yerou’ham sera la branche – sud de l’Université Bar Ilan!»
Il me proposa de devenir titulaire de l’université Bar Ilan : je devais enseigner à Bar Ilan un jour par semaine et diriger le nouveau Ramat Hanegev College à Yerou’ham les autres jours. Et Bar Ilan enverrait des professeurs enseigner à Yerou’ham.
A la rentrée suivante, l’Université de Yerou’ham accueillit 400 étudiants venus de toutes les villes et Kibboutzim du Néguev. Par la suite nous avons reçu les candidatures d’étudiants venus du Canada et des Etats-Unis.
Dix années de travail avaient été condensées en dix semaines, grâce au conseil du Rabbi.

Mel Alexenberg – www.chabad.org
traduit par Feiga Lubecki