Semaine 34

  • Choftim
Editorial
Grand retour et grand départ

Deuxième versant du mois d’août. Un parfum de fin de vacances flotte déjà dans l’air même si elles ne sont pas encore terminées pour tous. Autour de nous, l’activité sociale reprend peu à peu avec une assurance croissante. Dans la terminologie de notre temps, on appelle cela « la rentrée ». Au-delà des impressions diverses contenues dans ce concept, il y a ici comme un nouveau départ. Toutes forces renouvelées, chacun se prépare à reprendre le rythme laborieux de son apparemment immuable quotidienneté. Est-ce à dire que rien n’a changé et que ce départ-ci n’a pas plus de sens qu’une stricte reproduction des événements similaires vécus l’an passé ? Il ne peut en être ainsi ou, à tout le moins, il nous appartient de faire en sorte que cela ne le soit pas. Car l’homme est un être de progrès. Il ne se satisfait pas d’une vie figée. Il la veut ardente, emportée dans un élan positif, comme un fleuve puissant et non comme une eau stagnante. Pour cela, le nouveau temps qui s’ouvre est bien un départ. Comme en un nouveau combat, nous quittons les positions occupées jusqu’ici pour en conquérir de nouvelles, plus grandes, plus belles, meilleures.
S’il fallait souligner encore l’idée, cette rentrée intervient, selon le calendrier juif, au début du mois d’Elloul. Un mois où, justement, tout commence. Dès à présent, les fêtes de Roch Hachana, Yom Kippour, Souccot sont en perspective, bien plus qu’à la lisière de notre conscience. Cela veut dire que c’est dès à présent qu’il convient de s’y préparer. Car comment vivre pleinement un temps si rare et si précieux sans s’en être préalablement pénétré ? Comment en tirer tout ce qu’il nous donne en abondance sans avoir d’abord mis en place les réceptacles nécessaires ? C’est encore une affaire de nouveau départ – mais cette fois sur des bases différentes : celles du mois d’Elloul, ce mois où le lien avec D.ieu est plus facile et plus fort.
Et si ce départ dépendait d’abord du retour ? Retour à soi, retour à D.ieu. Comme une redécouverte ou une renaissance. Ce retour ne conduit pas vers un passé mythifié, il entraîne vers une reconstruction personnelle pour un avenir plus beau que l’espoir. Il est ainsi temps d’entreprendre le voyage – à la fois de retour et de départ. Il est temps de se mettre en marche, de tout son cœur et de toute son âme. Pour le meilleur.
Etincelles de Machiah
L’attendre sans cesse
Maïmonide souligne, dans son Michné Torah (Hil’hot Mela’him, chap. 11), la nécessité de « croire en Machia’h et d’attendre sa venue ». Apparaissent donc ici deux obligations parallèles. Elles sont certes complémentaires mais elles ne peuvent pas se confondre. En fait, leur juxtaposition a une raison d’être : elle nous enseigne que, de même que l’obligation de croire en Machia’h est constante, ainsi celle d’attendre sa venue imminente est d’application continue.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. XXVIII, p. 131)
Vivre avec la Paracha
Choftim : Rendez-vous utiles

La Torah comprend 613 Mitsvot (commandements divins), depuis la plus évidente («Honore ton père et ta mère» jusqu’à l’ésotérique («ne cuis pas le veau dans le lait de sa mère»), depuis la célèbre («garde le Chabbat») jusqu’à la confidentielle («ne muselle pas un bœuf pendant qu’il laboure»). L’une d’entre elles, l’interdiction 57 selon le décompte de Maïmonide, est Lo Tach’hit, «ne détruis pas», l’interdiction de détruire ou de gaspiller ce qui fait partie de la création divine.
Il est intéressant d’observer que le commandement de ne pas détruire apparaît dans la Torah comme appartenant aux lois de la guerre. Lorsque l’on assiège une ville, la Torah ordonne de ne pas couper les arbres fruitiers pour en faire des tours d’assauts qui permettraient d’attaquer la ville. «N’utilisez que des arbres improductifs». Cette injonction sert de base aux lois qui interdisent toute forme de destruction ou de gaspillage : «celui qui brise un ustensile, déchire des habits, démolit un édifice, bouche une source ou utilise des aliments en les rendant impropres à la consommation, transgresse le commandement de Lo Tach’hit » (Michné Torah et Lois)
La guerre est à la base un acte destructeur. Et pourtant quand la Torah souhaite nous dire qu’il est interdit de détruire, elle choisit une situation dans laquelle la guerre est une nécessité, couper un arbre un impératif et elle nous indique alors quels arbres ne pas couper.
La Torah considère les détails. Il se peut que nous nous trouvions dans une situation où la guerre est une nécessité et un devoir, mais nous sommes alors enjoints de faire la distinction entre une guerre morale et une guerre immorale (en fait, le chapitre comprenant cette loi inclut un nombre important de règles sur la façon dont il faut mener une guerre). Le fait qu’il nous faille absolument couper des arbres ne nous exempt pas de faire la différence, dans notre façon d’agir, entre les arbres productifs et les autres.
Il en va de même pour l’inverse. Même lorsque nous faisons quelque chose d’utile, nous devons toujours nous poser à nous-mêmes des questions : Est-ce que je le fais de la meilleure manière possible ? Est-ce que j’optimise ma tâche et moi-même ? Ne pas exploiter toutes nos possibilités est comparable à utiliser un arbre fruitier pour construire une tour d’assaut.
Les maîtres ‘hassidiques vont encore plus loin, appliquant ce principe à toutes nos ressources et pas seulement aux arbres, aux édifices et à l’alimentation. Tout ce qui nous a été donné : le temps, l’énergie, l’intelligence, les expériences etc. l’a été dans un objectif bien précis. Rien n’est vide de sens ou superflu dans le monde de D.ieu.
Une explication classique de ce principe nous est apportée par l’enseignement du Baal Chem Tov : «tout ce à quoi une personne assiste, tout ce qu’elle entend, doit lui servir de leçon sur la manière dont il faut servir son Créateur.» Je marche dans la rue et je suis témoin d’un événement. Cela, comme tout dans le monde de D.ieu, a une fin. Souvent, la leçon à tirer est évidente. Mais il ne suffit pas de se demander «pourquoi est-ce arrivé ?». Il faut aussi s’interroger : «pourquoi l’ai-je vu arriver ?». Ce qui s’est passé a rempli un objectif, que j’en aie été le témoin ou non. Mais le fait que moi personnellement y aie assisté doit m’enseigner quelque chose, faute de quoi, cet aspect précis en aura été gaspillé.
Une pratique courante consiste à rappeler ceux qui ne sont plus là en donnant leurs noms à des objets, des projets ou des institutions.
Le Rabbi explique que ce phénomène est dérivé du principe de Lo Tach’hit, de l’idée juive de l’utilité.
Pour l’âme de celui qui est parti, la mort n’est pas une perte ou un gâchis. Au contraire, c’est une ascension vers une existence plus pure, plus sainte et plus spirituelle. Mais qu’en est-il de ceux qui restent derrière, dans le monde matériel ? Qu’en est-il de notre expérience de l’événement ? Pour nous, la perte d’un être cher laisse un vide, un sentiment de gâchis terrible.
C’est la raison pour laquelle il est primordial de transmuer nos sentiments de perte en un élan donné par un accomplissement de quelque chose d’utile. Cela permet d’assurer non seulement que l’âme de celui qui a quitté ce monde s’élève dans un sens cosmique, mais également qu’aucun détail de cet événement, y compris les réponses qu’il suscite chez ceux qui restent dans le monde d’ici bas, ne soit jamais gaspillé.
Le Coin de la Halacha
Quelles sont les coutumes du mois d’Elloul ?

A partir du 1er jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année samedi 18 août 2012) on ajoute après la prière du matin et de l’après-midi le Psaume 27, et ce jusqu’à Hochana Rabba (cette année dimanche 7 octobre 2012) inclus.
Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d’Elloul – cette année, à partir du dimanche 19 août 2012 – 3 Tehilim (Psaumes), et ce jusqu’à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.
A partir du second jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année dimanche 19 août 2012), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.
Durant tout le mois d’Elloul, «le Roi est dans les champs», c’est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d’entre nous, et nous pouvons tout Lui demander. C’est pourquoi il est plus facile d’opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.
On a l’habitude de faire vérifier par un Sofer (scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines. On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d’être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.

F. L.
De Recit de la Semaine
« Je vous attendais ! »

Comment avez-vous utilisé vos vacances ? Voici comment deux jeunes étudiants de Yechiva Loubavitch ont profité de leur temps libre pour sillonner des paysages désertiques et y découvrir – non pas l’aventure et les sensations fortes – mais les trésors véritables : des âmes juives assoiffées de judaïsme.

Dans la ville de Gutschein en Allemagne, en 1943, un bébé naquit dans la famille Luria. Malgré ou peut-être à cause de la guerre qui faisait rage alentour, cette naissance fut accueillie avec joie : la vie était la plus forte.
Mais quelques heures plus tard, les forces nazies encerclèrent tout le quartier, rassemblèrent avec brutalité tous les Juifs qui s’y trouvaient encore et les déportèrent vers l’inconnu, en fait vers les camps d’extermination.
Madame Luria, bien qu’affaiblie, serrait contre elle son petit «paquet» tout chaud, réfléchissant comment le sauver pendant cet horrible voyage en wagon à bestiaux, comment le sauver de la solution finale. Elle avait trouvé quelques médicaments qu’elle donna au nourrisson pour le faire dormir afin qu’il n’émette aucun son qui pourrait faire découvrir son existence. Le train s’arrêta enfin : à Auschwitz.
Bien droite, Madame Luria passa la première sélection : elle était grande et forte, donc apte aux travaux forcés. Personne n’avait remarqué le trésor qu’elle conservait dans son sac à dos : son bébé.
Quand elle put s’approcher des barbelés électrifiés, elle aperçut de l’autre côté un paysan polonais et, sans dire un mot, elle lança le sac à dos par-dessus les barbelés, dans sa direction. L’homme ramassa le sac, réalisa ce qu’il contenait, fut pris de pitié et confia l’enfant à un orphelinat.
Miriam Luria et son mari survécurent. Dès qu’ils furent libérés, ils remuèrent ciel et terre pour retrouver leur enfant qui avait été amené d’un orphelinat à l’autre et, finalement, ce fut à Paris qu’ils retrouvèrent leur petit «sac à dos» qui était devenu un beau garçonnet âgé de cinq ans.
Bien décidés à s’enfuir le plus loin possible de ce continent où ils avaient tant souffert, ils partirent s’installer en Australie. Mais ils choisirent aussi de s’éloigner autant que possible de leur judaïsme.
Le petit Alex ne fréquenta pas le Talmud Torah le dimanche matin ; il ne se rendit jamais à la synagogue, il ne célébra jamais un Séder de Pessa’h, il ne connut pas l’excitation d’une Bar Mitsva. Rien ! Ses parents voulaient «le protéger au maximum de tout ce qui pourrait lui causer des ennuis s’il était reconnu comme Juif».
Malgré tous leurs efforts, Alex souffrit cependant : à l’école publique, les enfants se moquaient de lui, le traitant de «sale Juif». En larmes, il rentra à la maison, demanda des explications à sa mère qui l’amena chez un «expert» pour lui expliquer ce qu’est un Juif. Mais ce rabbin libéral ne put rien expliquer, se bornant à exposer de «bonnes raisons», pourquoi il était normal que ses camarades le haïssent…
Quelques cinquante-cinq ans plus tard, les Loubavitch qui s’occupaient de l’Australie rurale - sous la direction de M. Saul Spiegler – parvinrent à entrer en contact avec «Petit Alex».
David Leib Marasow et Lévi Levitin de Balarat Victoria s’étaient mis en route vers les endroits les plus reculés de la brousse australienne : là ils consultèrent l’annuaire, découvrirent le nom Luria (qui leur rappelait Rabbi Yits’hak Luria, le célèbre Ari zal qui dévoila une grande partie de la Kabbala au 16ème siècle à Safed) et décidèrent de tenter leur chance.
Ils arrivèrent après plusieurs heures passées sur des routes défoncées en plein soleil, frappèrent à la porte : un homme d’environ soixante-dix ans leur ouvrit, les dévisagea avec curiosité :
- Qui êtes-vous ? demanda-t-il, étonné.
- Nous sommes venus de la part de la communauté juive ! répondirent-ils sur le ton de l’évidence.
- Entrez ! Le visage d’Alex s’était comme illuminé. Cela fait longtemps que les chrétiens me rendent régulièrement visite pour me convaincre de me convertir mais cela, je ne le ferai jamais. Et je me demandais quand donc les Juifs s’intéresseraient à moi et viendraient me voir ! Vous êtes enfin là !
Ce jour-là, Alex mit les Téfilines pour la première fois, célébrant ainsi sa Bar Mitsva ; c’est avec beaucoup d’émotion qu’il fixa une Mezouza à sa porte, ce parchemin qui lui rappellerait à chaque fois que D.ieu est Un et le protégerait comme Il l’avait protégé à sa naissance. C’est ainsi qu’il entama sa découverte d’un judaïsme vivant qui avait tant à lui offrir pour satisfaire sa soif de connaissances.
- Mon père avait toujours affirmé que nous étions des descendants directs d’un grand rabbin de Safed, se risqua-t-il.
Maintenant c’était au tour des jeunes Loubavitch d’exprimer leur stupéfaction : ils avaient eu le mérite de retrouver un descendant du saint Ari zal !
Le mérite des pères protège leurs descendants tout au long des générations !
Aucun Juif ne sera abandonné !

ColLive
Traduit par Feiga Lubecki