Samedi, 30 aout 2014

  • Choftim

Editorial

Bon « retour » !

Il est revenu le temps du retour… Mais de quel «retour» s’agit-il au fait ? Si c’est celui, saisonnier, de la rentrée, l’époque où, tous congés épuisés, chacun reprend son rythme d’activité régulier, on peut le constater avec assurance : ce retour-là est bien achevé. Et la période des vacances se range, peu à peu, parmi les souvenirs. Cependant, le calendrier juif a de ces secrets : voici que, justement à présent, il nous ouvre la porte d’un « retour » d’une autre sorte. C’est du mois d’Elloul, le dernier de l’année juive, qu’il s’agit et c’est de retour à Dieu – et, d’une certaine façon, à soi – qu’il est question. Ce sont bien deux retours mais presque aux antipodes l’un de l’autre. Quand le premier évoque le tumulte du monde et le tourbillon des soucis du quotidien, le second donne à celui qui le désire une respiration d’éternité. Il n’invite pas à fuir ou à ignorer le monde mais à lui donner sens.

Il existe une interrogation traditionnelle : le mois d’Elloul aurait dû être un mois de fête, littéralement. En d’autres termes, il aurait dû être constitué de jours prescrits comme interdits de tout travail par la Loi juive à l’instar de tous les temps forts de célébration du judaïsme. La raison en est claire : ce dernier mois de l’année est celui où l’aspiration au spirituel se fait, pour chacun, plus intense, comme neuve. Il est celui où ce que les textes kabbalistiques dénomment les Treize Attributs de la Miséricorde Divine éclairent avec puissance toute la création. D.ieu y est, pour ainsi dire, plus proche de nous et Il y attend que nous allions à Lui, prêt à nous accueillir avec bienveillance. Tout cela est essentiel : c’est la préparation des jours hors du commun de Roch Hachana et Yom Kippour qui est en jeu. Cette préparation réclame, à n’en pas douter, temps et effort. Un mois de lien privilégié avec D.ieu n’aurait sans doute pas été de trop… Pourtant, la Loi juive fixe le mois d’Elloul comme une période apparemment habituelle. Décidément, le monde, son activité, avec tous ses soucis et ses espoirs, y ont leur pleine place.

C’est ici que se tient le secret du «retour». Dans ces quelques semaines essentielles qui nous séparent encore du début de la nouvelle année, où tout est ouvert et tout est possible, continuer l’œuvre, non en se renfermant en soi-même et en se cantonnant à un spirituel désincarné mais en vivant ce nouveau temps parmi les hommes et au cœur de la vie. Etre dans le monde et penser à ce qui le dépasse. Y travailler tout en le spiritualisant par sa présence quotidienne. Un chemin nous est ici indiqué : celui de son propre dépassement et de sa propre spiritualisation. Comme une décision de vivre pleinement. Pour une année bonne et douce.

Etincelles de Machiah

La place des portes

A propos du verset «ses portes s’enfoncèrent dans la terre» (Lamentations 2 : 9), les Sages enseignent (Midrach Ei’ha Rabba sur ce verset) que les portes s’enfoncèrent et furent ainsi cachées. Ainsi, quand Machia’h viendra et que le troisième Temple «descendra du ciel», les portes réapparaîtront et seront remises à leur place. L’idée est surprenante : comme le Temple lui-même descendra du ciel, des portes auraient pu déjà s’y trouver ?

Mais, comme l’enseigne le Talmud (Baba Métsia 53b), «L’homme préfère un ‘Kav’ en propre (de son travail) plutôt que neuf ‘Kav’ appartenant à son prochain». Aussi, dans Sa grande bonté, D.ieu laisse à l’homme une part dans l’œuvre d’édification du troisième Temple : les portes qu’il aura à mettre en place.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Chabbat Parcaht Terouma 5744) 

Vivre avec la Paracha

Choftim: Le jugement et son application 

Une règle étalon

Depuis sa création, l’homme a toujours ressenti le besoin de rechercher la vérité. Mais parallèlement, il doit faire face aux limites de sa propre subjectivité et à la prise de conscience qu’en conséquence ses découvertes ont une portée limitée.

Par le Don de la Torah, D.ieu donna à l’humanité une échelle absolue de Vérité. En opposition à nos perspectives subjectives, la Torah nous donne un modèle de valeurs et de principes objectifs et applicables en toutes situations, en tous lieux et à toute époque.

Quelle responsabilité revient à l’homme ? Celle de juger. Il s’agit de soumettre sa personne et son environnement à une observation scrupuleuse et à déterminer quelle est la conduite prescrite par la Torah. Il lui faut ensuite agir en fonction de ce jugement et entreprendre de modifier en ce sens sa vie et son environnement. C’est ainsi qu’il s’élève, lui-même et ce qui l’entoure, et parvient à un lien avec D.ieu qui dépasse les conceptions humaines du bien.

Aux portes de la ville

Ces concepts se reflètent dans le nom de la Paracha de cette semaine, Choftim, «juges», et dans son verset d’ouverture : «Désigne des juges et des magistrats à toutes tes portes».

Désigner des juges et des magistrats traduit le désir que chaque élément du fonctionnement de la ville soit conforme aux normes de la Loi de la Torah. Les juges transmettront les commandements de la Torah et les magistrats assureront que ces directives soient appliquées.

C’est dans cette veine que le Rambam utilise ce verset comme preuve textuelle du commandement de désigner des juges et des officiers de police          dans chaque ville d’Erets Israël. Dans son prolongement, le verset enseigne également une leçon selon laquelle chacun doit agir comme un juge et un officier dans son propre foyer, le structurant en fonction des valeurs de la Torah.

Ce concept est développé plus encore par une interprétation de «vos portes» comme se référant aux organes sensoriels du corps humain : les yeux, les oreilles, la peau, le nez et la bouche. Ils servent de «portes» par lesquelles pénètrent en nous les informations venant de notre environnement. Nous sommes enjoints de «désigner des juges» à ces portes, de sorte que même nos perceptions physiques soient imprégnées des directives de la Torah.

Plus encore, la Torah utilise la forme au singulier du mot «vos portes» : «votre porte», impliquant ainsi que ces efforts incombent à chaque individu. Chaque personne est «une ville en miniature» et doit «désigner des juges et des magistrats» pour contrôler ses interactions avec le monde dans son ensemble.

Le besoin de contrainte

Les juges, au sein de nos communautés, et également les aspects critiques de nos propres personnalités, ne peuvent considérer que l’intérieur. Or, nos Sages statuent qu’au contraire, un juge doit «se ceindre avec des ceintures d’acier, lever sa toge au dessus de ses genoux et traverser ville après ville… pour enseigner au Peuple Juif».

Il n’en reste pas moins que cette approche comporte un inconvénient intrinsèque. Quelle est l’autorité du juge ? Les valeurs objectives dictées par la Torah. Et puisque la Torah dépasse fondamentalement l’intellect humain, les gens peuvent éprouver des difficultés à établir un lien avec les directives du juge. Quand bien même ils reconnaissent la vérité de ces directives et la nécessité de leur obéir, il se peut qu’il y ait un abîme entre cette reconnaissance et leur propre compréhension. Et cet abîme peut les empêcher de mettre ces directives en pratique.

Deux moyens peuvent permettre de résoudre cette difficulté. Le premier est mentionné dans le verset cité ci-dessus : la désignation d’officiers qui obligeront à observer les injonctions des juges.

Cependant, cette approche présente un désavantage. En effet, s’il est vrai que l’obligation de se plier aux valeurs de la Torah garantit une juste conduite dans le monde en général, celui qui y est contraint n’en est pas raffiné intérieurement. Il a été forcé de s’y conformer mais cela ne l’affecte qu’extérieurement.

 

Intérioriser la moralité

Une approche plus exhaustive est suggérée par un verset de Yichayahou décrivant l’Ere de la Rédemption : «Et Je rétablirai vos juges comme aux temps passés, et vos conseillers comme au commencement». Cela indique donc que les principes que dicteront les juges seront complétés par des «conseillers».

Un conseiller ne dicte pas des édits. Mais, comme l’indique son nom, il propose des suggestions constructives. Il est plus ou moins au même niveau que celui qu’il conseille et lui parle comme à un bon ami avec lequel il a beaucoup en commun. Celui qui écoute se sent à l’aise devant ces conseils et les accepte, non avec la foi mais avec la compréhension que cela lui sera bénéfique.

Quand les «conseillers» partagent donc et expliquent les lois dictées par les juges, les édits de la Torah changent non seulement la conduite mais également le caractère de la personne.

L’esprit prophétique

La différence entre ces deux modes d’observance apportés par la contrainte d’une part, et par la compréhension et le consentement de l’autre, peut s’illustrer par la comparaison de la fonction d’un juge avec celle d’un prophète, sujet également mentionné dans la Paracha de cette semaine.

Dans son Introduction à son Commentaire de la Michnah, le Rambam explique les deux fonctions du prophète :

Il doit, tout d’abord, inciter le peuple à observer la Torah et les mitsvot, comme s’exclama par exemple le prophète Mala’hi : «Rappelez-vous la Torah de Moché, Mon serviteur».

Mais il doit également donner des conseils sur la conduite à adopter dans des sujets d’ordre matériel : «D.ieu nous a désigné des prophètes à la place d’astrologues, de sorciers et de devins, pour que nous puissions les interroger sur des sujets généraux et particuliers». C’est dans cette veine que le Roi Chaoul se rendit auprès du prophète Chmouel pour l’interroger à propos des ânes de son père (Chmouel 3 :20).

En ce qui concerne la compréhension de la Loi de la Torah, le Rambam poursuit :

Le Saint béni soit-Il ne nous a pas permis d’étudier auprès des prophètes mais plutôt auprès des Sages… Il n’est pas dit : «vous vous rendrez auprès du prophète qui sera présent alors» mais plutôt : «vous vous rendrez auprès… du juge qui siègera alors» (Devarim 17:9).

Nous observons ici un modèle qui ressemble à celui qui a été décrit plus tôt : les sages et les juges enseignent les lois de la Torah, prescrivant les modes de conduite. Et le prophète porte la parole de D.ieu à un niveau plus proche de l’expérience habituelle du peuple, l’encourageant à faire de la Divinité une partie intégrante de sa vie quotidienne.

Un acte de foi fondamental

Pour insister sur l’importance de la prophétie, le Rambam déclare : «L’un des éléments fondamentaux de (notre) foi est de savoir que D.ieu envoie Ses prophéties par l’intermédiaire d’hommes» (Michné Torah).

Puisqu’il s’agit d’un élément «fondamental de notre foi», nous pouvons en conclure qu’il s’applique en tous temps. Nos Sages statuent que «depuis le temps où les derniers prophètes, ‘Hagaï, Ze’haria et Mala’hi sont partis, l’esprit de prophétie a quitté Israël».

Cependant, le verbe «sont partis» ne signifie pas pour autant que cela a été complètement aboli. L’esprit de prophétie ne s’est pas interrompu mais il a accédé à un niveau plus élevé» (Yoma 9b).

En fait, même après l’ère des prophètes bibliques, l’esprit de prophétie s’est incorporé dans de nombreux hommes. C’est pour cette raison que dans le Michné Torah, le Rambam inclut une longue discussion à propos de la prophétie, sans mentionner qu’elle a été interrompue ou qu’elle ne peut voir le jour que dans des périodes déterminées. Dans une autre de ses œuvres, il va même jusqu’à nommer un certain nombre de prophètes qui lui sont contemporains.

Le message de nos Juges

et de nos Prophètes

Il ne s’agit pas de sujets de textes historiques mais de concepts particulièrement pertinents aujourd’hui. Comme un avant-goût de l’accomplissement de la prophétie : «Et Je rétablirai vos juges comme aux temps passés, et vos conseillers comme au commencement » dans la période précédant Machia’h, nous ont été donnés des juges et des prophètes pour nous diriger et nous guider. Et souvent ces qualités se personnifient dans des individus uniques, de grands leaders.

Comme des juges, ils nous donnent des directives quant à la nature du temps présent. Pour emprunter une expression du Rabbi précédent, «tous les boutons ont été polis» et nous vivons les derniers instants avant la Rédemption ultime. Et comme des conseillers, ils nous donnent des perspectives pour précipiter la Rédemption dans notre vie et préparer un environnement dans lequel cet esprit peut se répandre de par le monde. 

Le Coin de la Halacha

Quelles sont les coutumes du mois d’Elloul ?

A partir du 1er jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année mardi 26 août 2014) on ajoute après la prière du matin et de l’après-midi le Psaume 27, et ce jusqu’à Hochaana Rabba (cette année mercredi 15 octobre 2014) inclus.

Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d’Elloul – cette année, à partir du mercredi 27 août 2014 – 3 Tehilim (Psaumes), et ce, jusqu’à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.

A partir du second jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année mercredi 27 août 2014), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.

Durant tout le mois d’Elloul, «le Roi est dans les champs», c’est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d’entre nous, et nous pouvons tout Lui demander. C’est pourquoi il est plus facile d’opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.

On a l’habitude de faire vérifier par un Sofer (scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines. On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d’être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.

Le Recit de la Semaine

Un SPA pour l’âme

Une journée de relaxation et d’inspiration pour femmes juives, ce qu’on appelle un SPA pour l’âme, s’est tenue en mars 2014 en Californie. Ces femmes ont eu l’occasion d’entendre un émouvant discours… A vous de juger !

Je m’appelle Avery Sax et je viens d’avoir treize ans. Croyez-le ou non, j’ai dans la tête une grande masse inopérable. Les médecins m’ont avertie il y a trois ans que j’avais 50% de chances de survivre un an mais absolument aucune chance de vivre encore trois ans. Et pourtant je suis là devant vous aujourd’hui ! Et je veux vous parler parce que j’adore parler. J’ai subi des examens douloureux mais mes racines sont solides et c’est ce qui me donne la capacité de sourire et c’est ce qui donne à ma Maman la force de me suivre.

Je n’ai pas hésité à retarder les horaires pourtant serrés du service des radiations afin de pouvoir réciter le Chema avant chaque séance. Et savez-vous quoi ? La technicienne m’a dit que je suis la première personne qu’elle ait vu prier. Et je suppose aussi que je suis la première personne à sourire et à embrasser la technicienne chaque jour de traitement. Bien sûr, j’avais peur mais j’ai toujours tenu à sourire et à rire.

J’avais demandé à doubler la dose, chaque jour, afin de pouvoir commencer l’école à temps, le premier jour de la rentrée et surtout de pouvoir rentrer à la maison à l’heure avant Chabbat. Après cinq jours continus de séances de radiations, c’était bon de retrouver les amis et la famille, les fleurs de Chabbat, l’odeur des ‘Halot toutes fraîches et les bougies… (Oui, j’ai toujours allumé ma bougie à l’heure, ne vous inquiétez pas !).

Avec le temps qui passe, j’ai grandi et plus je comprends la gravité de mon état, plus je m’aperçois que cela ne change pas grand-chose. Les gens me disent que je suis un modèle d’inspiration ou que ceci m’arrive afin que je puisse partager mes convictions… Je ne pense pas vraiment à cela. J’ignore quel est mon chemin mais je fais de mon mieux pour marcher dans le droit chemin, même s’il n’est pas révolutionnaire. Je préfère le chemin déjà tracé. Pourquoi ? Parce que s’il est déjà tracé, il a un avantage certain : il vous amène à destination ! Et donc je veille à rester dans le droit chemin…

Vous parler aujourd’hui, pour moi, c’est une belle musique et mon bouquet de roses fraîchement cueillies. Je suis responsable de mon attitude et de ce que je choisis de voir, de rester sur le droit chemin ou d’en choisir un autre. Vous aussi, marchez, sautez, courrez, roulez, reposez-vous, explorez, questionnez, nagez, portez des valises, arrêtez-vous parfois… mais restez sur le bon chemin !

Ma vie, c’est la foi en action et quoi qu’il arrive, souvenez-vous : Écoute Israël, l’Éternel est notre D.ieu, l’Éternel est Un.

Un chemin. Une histoire. Un peuple.

Je suis une jeune fille, avec un cerveau, avec une vie et j’ai foi en le D.ieu Un. Un, c’est magnifique !

* * *

Lors de ce «SPA pour l’âme», les femmes se sont vu demander de s’engager à accomplir une Mitsva. Andi et sa fille Mc Kenzie (âgée de treize ans) réfléchissaient à la Mitsva de l’allumage des bougies de Chabbat. Mais elles réalisèrent que leur emploi du temps le vendredi après-midi était plein jusqu’à 19 heures. C’était trop dur de s’engager d’allumer les bougies à l’heure chaque vendredi !

En écoutant le discours si gai et si responsable d’Avery, en comprenant combien le Chabbat la réconfortait et lui apportait paix et bénédiction, elles décidèrent non seulement de s’engager à allumer les bougies de Chabbat chaque vendredi mais aussi de préparer un véritable repas de Chabbat chaque semaine. Elles ont réparti toutes leurs activités sur les autres jours de la semaine de façon à être à la maison chaque vendredi à partir de 16 heures. Ensemble, elles cuisinent les plats traditionnels du Chabbat et éteignent les téléphones et télévisions avant l’heure fatidique.

Andi a confié : «Ce sera la première fois que nous serons assises à la table que j’ai reçue en héritage de ma regrettée Maman ; nous ne l’avions jamais utilisée auparavant ! Maintenant, l’âme de Maman brillera avec nous quand nous chanterons Chalom Ale’hem, que nous réciterons le Kiddouch et mangerons la ‘Halla chez nous !»

Dvora Lea Heidingsfeld – N’shei Chabad Newsletter N° 7405

Traduit par Feiga Lubecki