Samedi, 10 septembre 2016

  • Choftim
Editorial

 Retour

L’heure est au retour aussi bien au sens matériel que spirituel. Matériellement, la période estivale s’est close et l’emballement quotidien a retrouvé sa place. Spirituellement, le retour a un sens plus grand et plus profond : c’est le début du mois d’Elloul et c’est à D.ieu qu’il nous faut retourner alors que les grandes fêtes de Tichri sont déjà à portée de regard. Mais, cette année, le retour a encore un autre sens : il y a un peu plus d’une semaine s’est tenu en Russie le congrès européen des Chlou’him, les envoyés du Rabbi sur tout le continent. L’annonce en avait été faite dans ce même cadre, que s’y est-il donc passé ? Sans peut-être en prendre toute la mesure, c’est à un événement historique qu’il nous a été donné d’assister. Voir plus de cinq cents Chlou’him marchant dans les rues de pays où la conscience religieuse – et en particulier juive – n’avait pas droit de cité, où l’idéologie d’état combattait tout ce qu’ils représentent, est en soi une expérience inoubliable. Comment mieux dire que l’obscurité ne peut éternellement résister à la puissance de la lumière ?

Mais il y a aussi autre chose. Arpenter les rues de terre battue du village de Loubavitch, vidé de ses Juifs par les deux plus grandes barbaries de notre temps, se rendre sur les tombeaux des troisième et quatrième Rabbis qui y reposent, donne sans doute une autre dimension aux choses, comme si toute une profondeur de l’histoire réapparaissait, avec ce recul indispensable pour mieux comprendre, ressentir et donc vivre. Aller ensuite jusqu’à Lyozna et Lyadi, les «villes de naissance de ‘Habad» selon le mot du Rabbi car c’est là que vécut le fondateur du mouvement, Rabbi Chnéor Zalman, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h. C’est là que furent posées les bases de ce qui devait devenir le mouvement Loubavitch dans tous les pays du monde, réenchantant le judaïsme pour des générations entières.

Et le Kazakhstan, presque les confins du monde, en Asie, tout près de la Chine. C’est là, à Almaty, que repose le père du Rabbi, Rabbi Lévi Its’hak. Il décéda en cet endroit reculé après avoir été exilé par Staline dans des conditions effroyables pour le grand crime d’avoir diffusé le judaïsme et soutenu son existence. Pour la première fois, tant de ‘hassidim sont venus lui rendre hommage à l’occasion de l’anniversaire de son décès.

L’émotion a bien été présente à chaque étape mais surtout un sentiment d’impensable – et pourtant inévitable – victoire. C’est la loi de l’histoire : le Bien est toujours vainqueur.

Etincelles de Machiah

 «Diffuser les sources»

Comment est-il possible de dire que, précisément dans notre génération – une génération imparfaite – il doit y avoir l’œuvre de «diffusion des sources de la ‘Hassidout à l’extérieur» ?

A l’approche de la Délivrance future, le mode précédent de service de D.ieu – sans cette «diffusion des sources à l’extérieur» – présente un manque. Aussi, c’est dans ces dernières générations, et particulièrement dans la nôtre, que notre effort doit se déployer dans ce sens avec encore plus de puissance et d’énergie.

(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch –

Chabbat Parchat Toledot 5744) 

Vivre avec la Paracha

 Choftim

Résumé

Moché donne l’instruction au peuple d’Israël de nommer des juges et des officiers pour assurer le respect de la loi, dans chaque ville : «La justice, la justice, vous poursuivrez, lui ordonne-t-il, et vous devez l’appliquer sans corruption ni favoritisme. Les crimes doivent subir une enquête méticuleuse et les preuves doivent être très soigneusement examinées. Un minimum de deux témoins est requis pour une accusation ferme et une sanction ».

Dans chaque génération, dit Moché, certains seront chargés de la tâche d’interpréter et d’appliquer les lois de la Torah. «La loi qu’ils vous enseigneront et le jugement qu’ils vous instruiront, vous les accomplirez ; vous ne devez pas vous éloigner de ce qu’ils vous ont dit, ni à droite ni à gauche».

Choftim inclut également les interdictions de l’idolâtrie et la sorcellerie, les lois régissant la nomination et le comportement d’un roi, et un mode d’emploi pour l’établissement des «villes de refuge» pour le meurtrier involontaire. Sont également mises en avant de nombreuses lois concernant la guerre, l’exemption de combattre pour celui qui vient de construire son foyer, de planter une vigne, de s’être marié ou «a peur et possède un cœur tendre», avant d’attaquer une ville et l’interdiction d’une destruction injustifiée de quelque chose de valeur, ce qui est illustré par la loi qui interdit de couper les arbres fruitiers lorsque l’on fait un siège (c’est dans ce contexte que la Torah énonce les célèbres mots : «car l’homme est un arbre du champ»).

La Paracha se conclut avec la loi de Eglah Aroufah, la procédure particulière que l’on doit suivre quand une personne a été tuée par un meurtrier inconnu et que son corps a été trouvé dans un champ, ce qui sous-entend la responsabilité de la communauté et de ses chefs, non seulement pour ce qu’ils font mais également pour ce qu’ils auraient pu empêcher.

 

Dans la Paracha de cette semaine, nous découvrons donc la mitsva de Eglah Aroufah, un acte rituel lors duquel on brisait le cou d’une génisse pour expier le meurtre d’une personne qui avait été abattue par un assaillant inconnu.

La vie du Juif se caractérise, par excellence, par son lien avec D.ieu, comme il est écrit : «Vous qui vous raccrochez à l’Eternel, votre D.ieu, êtes tous vivants aujourd’hui». C’est sur cette base que nous pouvons comprendre la cause de la mort de cette personne qui a été assassinée. Son lien avec la Divinité a été coupé. Pourquoi cela ? Parce qu’on l’a retrouvée dans un champ. Le champ se réfère à un endroit qui se trouve en dehors du royaume de la sainteté. Ce n’est pas un endroit intrinsèquement négatif. Bien au contraire, c’est là que pousse la nourriture qui sustente l’homme. Néanmoins, dans un champ, l’on peut rencontrer «Essav… l’homme des champs» et en subir l’influence. En termes simples, une fois que l’on est en dehors du royaume de la sainteté, il est très facile de tomber dans l’erreur de rechercher les accomplissements et les plaisirs matériels sans qu’il n’y ait de perspective Divine. Cela constitue la mort spirituelle, la fin du lien de la personne avec D.ieu.

La Eglah Aroufah était apportée pour absoudre les gens de la ville avoisinante de leur responsabilité dans la mort de cette victime.

Pourtant, il semblerait que celui qui est mort est le seul responsable de sa propre mort. Après tout, il a quitté la ville, un lieu de Torah, et s’est rendu dans un champ ! Pourquoi donc les autres, les anciens de la ville, ni plus ni moins, seraient-ils responsables d’expier sa mort ?

La mitsva de Eglah Aroufah met en lumière les erreurs que comporte un tel type de raisonnement. Il ne faut pas utiliser un tel argument pour s’extraire de toute responsabilité. Il existe un lien profond qui lie tous les Juifs ensemble et nous connecte à tous nos frères, même à ceux qui ont opéré les mauvais choix et se sont retrouvés «dans le champ».

Les anciens de la ville donnent l’exemple de l’obligation qui s’applique à nous tous, en accomplissant ce rituel et en déclarant : «Nos mains n’ont pas versé ce sang». Nos Sages expliquent qu’ils déclarent ainsi qu’ils n’ont pas laissé partir de la ville l’homme abattu, sans lui avoir donné de la nourriture et une escorte. La «nourriture» se réfère à l’étude de la Torah. Avant qu’un Juif ne se mette en route vers le champ, la communauté doit l’approvisionner en «nourriture» spirituelle et doit également veiller à ce que d’autres l’accompagnent, pour qu’il ne soit pas confronté seul à tous les challenges du champ.

La Paracha Choftim est toujours lue au cours du mois d’Elloul, le mois où, comme l’explique la célèbre métaphore de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi, «le roi est dans le champ». Chaque Juif doit «suivre Ses voies» et quitter la sécurité de la «ville», la communauté juive établie, et sortir pour atteindre ces Juifs dans «le champ», les aider à trouver le chemin du retour vers leur héritage juif. Plus encore, il doit le faire avec joie, à l’instar du Roi qui «accepte tous avec un maintien gracieux et rayonne dans son attitude, à l’égard de tous».

Perspectives

La Paracha Choftim évoque également les prophètes et les lignes de conduite qu’ils recommandent au Peuple Juif, en ces termes : «J’élèverai un prophète pour eux, parmi leurs frères… et Je mettrai Mes mots dans sa bouche». Il s’agit, d’une part, d’une pensée très avenante, le fait de savoir que quelqu’un prononcera pour vous les mots de D.ieu. Vous pourrez appliquer ses paroles avec une confiance absolue parce qu’il ne s’agit pas d’un homme devinant ce qui peut ou ne peut pas être juste. Il communique la vérité d’En Haut.

Mais par ailleurs, cela est très effrayant. Car nous pouvons imaginer comment ce potentiel peut trouver une mauvaise utilisation. De très nombreuses personnes sont crédules et peuvent croire sur parole tout ce qu’on leur dit. En fait, plus celui qui parle paraît «spirituel», plus il en impose par ses propos. C’est pour cette raison que la Bible, elle-même, met en garde contre les faux prophètes et les dommages qu’ils causent.

Maimonide écrit : «L’un des principes fondamentaux de la foi est que D.ieu apporte la prophétie par l ‘intermédiaire d’un homme» car D.ieu désire que Sa parole soit transmise à l’humanité. Et pourtant, pendant des milliers d’années, jamais depuis les premières années du Second Temple, n’y a-t-il eu un prophète, au sens complet du terme.

L’une des caractéristiques de l’Ere de Machia’h sera la renaissance de la prophétie. En fait, dans une lettre aux Juifs du Yémen, Maimonide écrit que «peu de temps avant l’avènement de Machia’h, la prophétie reviendra dans le Peuple juif». Après la venue de Machia’h, la prophétie deviendra un phénomène universel. «Et il arrivera que Je déverserai Mon esprit sur toute chair et vos fils et vos filles prophétiseront ; vos anciens rêveront et vos jeunes gens auront des visions». En préparation de la venue de Machia’h, et certainement après sa venue, l’humanité bénéficiera des dimensions positives de la prophétie, sans avoir à se soucier des faux prophètes.

Le Coin de la Halacha

 Quelles sont les coutumes du mois d’Elloul ?

A partir du 1er jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année samedi 3 septembre 2016) on ajoute dans la prière du matin et de l’après-midi le Psaume 27, et ce jusqu’à Hochaana Rabba (cette année dimanche 23 octobre 2016) inclus.

Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d’Elloul – cette année, à partir du dimanche 4 septembre 2016 – 3 Tehilim (Psaumes) et ce, jusqu’à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.

A partir du second jour de Roch ‘Hodech Elloul (cette année dimanche 4 septembre 2016), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.

Dans un discours ‘hassidique, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi explique que, durant tout le mois d’Elloul, «le Roi est dans les champs», c’est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d’entre nous, accueille chacun avec un visage bienveillant et nous pouvons tout Lui demander. C’est pourquoi il est plus facile d’opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.

On a l’habitude de faire vérifier par un Sofer (scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines.

On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d’être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.

Le Recit de la Semaine

 Demandez-lui pardon !

Rav Chmouel Kaufman était arrivé célibataire à Detroit (Michigan) pour enseigner à de jeunes garçons à la Yechiva Beth Yehuda. Il passait Chabbat au domicile de mes parents, Rav Meir et Mme Cheina Avtzon. Il se maria avec Richa puis revint s’installer avec sa femme à Detroit.

Après plusieurs années de mariage, ils n’avaient toujours pas d’enfants. Mon père leur suggéra de se rendre à New York pour solliciter une bénédiction auprès du Rabbi de Loubavitch. Au début, il refusa, prétextant qu’il n’était pas Loubavitch mais, après qu’il se soit rendu auprès de plusieurs personnalités rabbiniques importantes et n’avait toujours pas été exaucé, il accepta de guerre lasse. Avec mon père, Rav Chmouel se rendit au 770 Eastern Parkway et demanda une entrevue avec le Rabbi. Une fois dans le bureau, il détailla sa situation et le Rabbi lui demanda s’il lui était arrivé, avant son mariage, d’avoir par mégarde heurté les sentiments d’une jeune fille au point qu’elle puisse lui en garder rancune.

Rav Chmouel répondit que non. Mais le Rabbi insista : «Peut-être vous a-t-on présenté une jeune fille en vue du mariage et lui avez-vous laissé entendre que c’était positif puis avez-vous mis un terme à ces rencontres sans vous excuser auprès d’elle ?». Une fois de plus, Rav Chmouel hocha la tête : il ne se souvenait de rien de tel.

Mon père qui assistait à cette entrevue intervint alors : «Si le Rabbi vous pose deux fois la question, vous devez fournir un effort pour vous rappeler d’un tel incident ! Il y a sûrement quelque chose !»

En réfléchissant bien, Rav Chmouel se souvint : une fois, on lui avait présenté une jeune fille et, comme il faisait froid, il lui avait prêté un pull pour qu’elle se réchauffe. Elle avait dû prendre ce geste comme une preuve qu’il s’intéressait à elle. Par la suite, il avait décidé de ne pas donner suite à cette rencontre et avait juste informé le Chad’hane (l’entremetteur qui avait organisé la rencontre) que c’était fini.

- Vous devez demander pardon à cette jeune fille, d’un cœur entier et sincère, s’exclama le Rabbi.

- Mais comment pourrais-je la retrouver ? s’étonna Rav Chmouel qui ne se souvenait même plus de son nom.

- Si vous cherchez vraiment, répliqua le Rabbi, vous serez étonné de constater combien ce sera facile de la localiser ! Une fois que vous aurez sollicité son pardon et qu’elle vous l’aura accordé de tout cœur, vous serez béni et aurez des enfants !

- Mais… hésita le jeune homme, si elle ne veut pas me pardonner…

- Vous lui promettrez – de ma part – que si elle vous pardonne sincèrement, ce sera bénéfique pour vous et pour elle !

L’entrevue se poursuivit avec un autre sujet : le Rabbi lui demanda comment il enseignait la Torah à ses élèves et s’il leur racontait des histoires de Tsadikim (Justes). Rav Chmouel répondit que non car il considérait que c’était du Bitoul Torah, une perte de temps comparée à l’étude sérieuse de la Torah.

- Raconter des histoires de Tsadikim est en soi-même de la Torah ! remarqua le Rabbi en ajoutant : racontez à vos élèves des histoires de Tsadikim, cela renforcera leur Émouna, leur foi en D.ieu !

En sortant de l’entrevue, Rav Chmouel se renseigna, chercha et finit par trouver le numéro de téléphone du frère de la jeune fille. Il l’appela et lui demanda s’il avait un moyen de joindre sa sœur.

- Pourquoi voulez-vous reprendre contact avec elle ? demanda-t-il sèchement. Il faisait froid, vous lui aviez prêté un pull et elle avait interprété ce geste comme une preuve de l’intérêt que vous lui portiez. Ensuite, vous avez mis un terme aux rencontres et cela lui avait fendu le cœur ! Depuis, elle vous en veut énormément pour votre conduite et s’est repliée sur elle-même ! De fait, elle se trouve justement à côté de moi mais elle ne veut certainement plus vous parler !

- Je vous en prie ! supplia Rav Chmouel. Je sors d’une entrevue avec le Rabbi de Loubavitch. Il affirme que la raison pour laquelle ma femme et moi-même n’avons pas encore d’enfants est cet incident fâcheux quand, sans le réaliser, j’ai causé tant de peine à votre sœur. Je veux lui demander pardon : croyez-moi, jamais je n’aurais pensé qu’elle le prendrait tellement à cœur et j’en suis terriblement désolé !

Une rencontre fut organisée. Au début, la jeune fille refusait de lui pardonner. Quand il lui expliqua que le Rabbi avait annoncé que, si elle le faisait sincèrement, cela ouvrirait les portes de la bénédiction pour elle aussi, elle réfléchit et accepta de tout cœur de lui pardonner.

Trois mois plus tard, ma mère téléphona à Rav Chmouel à six heures du matin ! Elle venait d’apprendre la grande nouvelle : la jeune fille en question venait enfin de se fiancer !

Un mois plus tard, la femme de Rav Chmouel tomba enceinte de leur fils aîné, Yona. Les années suivantes, ils eurent la joie de mettre au monde encore six enfants.

Mais ce qui est peut-être le plus extraordinaire dans cette histoire est le fait que les élèves de Rav Chmouel (qui est décédé il y a peu de temps) se souviennent de lui comme d’un très bon professeur. Il a inspiré des centaines et peut-être des milliers d’élèves qui vivent maintenant à la hauteur de l’exemple de piété qu’il leur avait donné.

Quel était son secret ? Des histoires !

Durant toute sa carrière dans le domaine de l’éducation, Rav Chmouel racontait des histoires comme vous n’en avez jamais entendues ! Quand il parlait, vous sentiez qu’il vivait l’histoire qu’il racontait et vous pouviez vraiment la visualiser. Il mettait tout son cœur dans ses récits et donnait vie aux caractères qu’il décrivait avec une foi en D.ieu absolument remarquable.

Le Rabbi lui avait recommandé de raconter des histoires et l’avait assuré que ce n’était certainement pas Bitoul Torah mais la Torah elle-même. Depuis ce jour, il n’avait jamais cessé de raconter des histoires de Tsadikim à ses élèves.

La majorité d’entre eux ne provenaient pas de familles Loubavitch mais leurs vies avaient été durablement impactées par les conseils du Rabbi.

Rav Lazer Avtzon - COLlive

Traduit par Feiga Lubecki