Samedi, 28 juin 2020

  • Kora’h
Editorial

 Pour la vie de la Vie

C’est un jour de grandeur et de solennité sur lequel il nous faut nous arrêter en ce début de semaine. Car la simple fuite des heures fait qu’on pourrait ne pas le percevoir avec toute la hauteur voulue, emportés par le torrent impitoyable du quotidien. Alors, il faut savoir le regarder, ce jour du 3 Tamouz, le jeudi de la semaine que nous vivons à présent. Il faut savoir le regarder autant avec les yeux qui balaient le calendrier qu’avec ceux de l’esprit. Il faut savoir y réfléchir car ce jour, loin des commémorations inévitables, est d’abord celui de l’élévation pour chacun.

Il n’est sans doute pas utile de le dire encore : le 3 Tamouz est le jour où le Rabbi quitta matériellement ce monde et aussi celui où il s’élève spirituellement de degré en degré. Mais il faut se garder de commettre une erreur : il n’est pas question ici de départ au sens de séparation ni d’élévation au sens d’éloignement. En sa forte formule, le Zohar l’enseigne avec une clarté absolue : « Le Juste qui s’en va se trouve dans tous les mondes plus que de son vivant » - car, enseigne Rabbi Chnéor Zalman de Liady, l’auteur du Tanya, « il est libéré de ses limites physiques ». Cela n’est pas qu’une manière positive de regarder l’événement. Cet enseignement entreprend de décrire une réalité objective : « le berger n’abandonne jamais son troupeau. » C’est dire que l’élévation incarnée par le 3 Tamouz est aussi la nôtre parce que nous accompagnons celle du Rabbi et qu’ainsi, nous la vivons avec lui. Et même si les conditions sanitaires de la période en limitent l’expression que nous avons coutume de lui donner.

Pourtant, chacun se connaissant, nous savons que notre niveau spirituel n’est pas d’une envergure suffisante. Comment prétendre connaître cette élévation qui dépasse tout ce que nous saurions formuler ? Là est justement la place de la liberté et de l’effort. Nous sommes capables, en ce jour, d’aller au-delà de nous-mêmes. Nous sommes capables d’un dépassement, possible parce que le jour du 3 Tamouz est pénétré de cette puissance spirituelle particulière, parce que le Rabbi ouvre le chemin à celui qui désire s’y engager. Parlant de Jacob que les textes qualifient de vivant après son décès, les Sages commentent : « Comme sa descendance est vivante, lui aussi est vivant ». N’est-ce pas aussi une manière de nous dire qu’il nous faut être vraiment « vivants », au plein sens du terme ? Etre vivant, c’est avancer dans la voie ouverte par le Rabbi, d’étude et de diffusion de la Torah, de pratique et de partage des Mitsvot. Etre vivant c’est s’attacher ainsi à l’Arbre de Vie, jusqu’à ce que la venue de Machia’h donne Vie à la vie.

Etincelles de Machiah

 Explication talmudique

Le Talmud (Baba Metsia) évoque le cas où, un objet étant revendiqué par deux personnes, son propriétaire réel ne peut être déterminé. Dans un tel cas, dit-il, « l’objet restera déposé (auprès du tribunal) jusqu’à ce que le prophète Elie vienne » c’est-à-dire jusqu’à la venue de Machia’h dont le prophète Elie sera l’annonciateur.

Un professeur ‘hassidique enseigna un jour ce texte à ses élèves. L’un d’eux lui demanda : « Le prophète Elie témoignera de qui est le vrai propriétaire. Mais cela ne fait qu’un seul témoin. Or, nous avons appris qu’un témoignage n’est valable que s’il est fait par deux témoins. Dans ce cas, l’objet ne pourra être donné à personne. »

Le professeur répondit : « Quand le prophète Elie viendra, la vérité illuminera le monde. Et celui qui ment aujourd’hui criera demain que c’est l’autre partie qui dit la vérité. »

(D’après les notes de Rav Yo’hanan Gordon)

Vivre avec la Paracha

 Kora’h

Kora’h, briguant pour lui-même la prêtrise et le poste de dirigeant du peuple juif, confiés par D.ieu à Aharon et Moché, est l’instigateur d’une révolte. D.ieu donne la preuve visible aux yeux de tous de la justesse de Son choix.

D.ieu ordonne qu’une Terouma (« prélèvement ») de chaque récolte de blé, de vin et d’huile, ainsi que chaque premier-né ovin ou bovin, ainsi que d’autres présents spécifiques (24), soient remis aux Cohanim (les prêtres).

La Paracha de cette semaine, Kora’h, suscite une question qui nous laisse perplexes. Pourquoi est-elle appelée « Kora’h » alors que ce dernier remit en question le principe selon lequel « Moché est la vérité et sa Torah est la vérité » ? Au lieu de voir son nom perpétué, n’aurions-nous pas dû le compter parmi ceux dont on dit : « les noms des impies devraient être éradiqués » ? La Guemara(Yoma 38b) offre, sur le nom des impies, le commentaire suivant : « leurs noms doivent être éradiqués par le fait que nous ne les mentionnons pas ». Et cela semble particulièrement adéquat ici puisqu’un commandement enjoint : « ne soyez pas comme Kora’h et sa faction ».

La question s’intensifie par le fait que la plupart des Parachiot sont nommées d’après leur premier mot (par exemple : Vayéra, Vayétsé, Vayichla’h, etc.). Cependant, dans notre Paracha, la procédure change. Au lieu du premier mot : Vayika’h, « et il prit », c’est le deuxième, Kora’h, qui a été choisi !

Les choses deviennent encore plus complexes si l’on observe ce qui suit : dans la Paracha Vayétsé, le second mot, Yaakov, n’est pas inclus dans le titre. Pourquoi donc ici, Kora’h en est le titre alors que celui-ci était un impie qui se rebella contre Moché ?

Pour comprendre l’explication, il nous faut faire la distinction entre l’individu qu’était Kora’h et la rébellion de Kora’h.

Le niveau spirituel de Kora’h était très élevé, par le fait qu’il avait d’illustres ancêtres. Il descendait d’Avraham, comme il est dit dans les Chroniques (I,6 :22-23) : « Kora’h le fils de Yits-har, le fils de Kehat, le fils de Lévi, le fils d’Israël (Yaakov) ». Enfant, « le souffle (de Kora’h) était pur et sans péchés », puis il fut l’un de ceux qui transportaient l’Arche Sainte. Ce n’est que plus tard, dans sa vie, quand il fut face au choix entre le bien et le mal dans ce monde, qu’il pécha en se révoltant contre Moché. Cependant, ce n’était pas son essence qui s’exprimait ainsi. Dans son essence, il était « le fils d’Israël » et le commandement « ne sois pas comme Kora’h et sa faction » n’intervient qu’après qu’il ait fauté.

Cette explication apporte la lumière sur les propos que tient Rachi sur le premier verset : « le fils de Yits-har, fils de Lévi ». Rachi commente : « il n’est pas mentionné « le fils de Yaakov » car ce dernier supplia pour lui-même que son nom ne soit pas associé à leur rébellion.

Et quand son nom est-il alors mentionné ? Quand leurs généalogies sont rappelées par rapport au service (dans le Temple), dans les Chroniques : « les fils d’Eviassaf, le fils de Kora’h, le fils d’Yits-har, le fils de Kehat, le fils de Lévi, le fils d’Israël ».

On peut comprendre que Rachi explique pourquoi Yaakov n’est pas mentionné mais pourquoi juge-t-il nécessaire d’indiquer, dans la deuxième partie de son commentaire, l’endroit où il l’est ?

La raison en est la suivante : quand un jeune enfant étudie la rébellion de Kora’h contre Moché, il pose immédiatement la question : « si Kora’h était une si mauvaise personne, pourquoi la Paracha prend-elle son nom ? »

La seconde partie du Rachi répond à cette question. Rachi nous pousse à considérer Kora’h en tant qu’individu, faisant donc une distinction entre la personne et l’acte de rébellion qui porte son nom. Nous observons que la lignée de Kora’h remonte jusqu’à Yaakov et descend jusqu’à ses descendants qui servirent dans le Temple.

Nous en concluons que, par essence, Kora’h était bon, que les fautes qu’il commit ne constituaient qu’un facteur extérieur. La sentence : « bien qu’il ait péché, il reste un Juif » indique qu’un péché est un élément extérieur au Juif. Maïmonide déclare qu’un Juif n’a pas le désir de pécher mais que « son inclination l’y force ». Il n’est jamais trop tard pour un Juif de se repentir, de revenir à D.ieu puisque « personne ne sera banni de Lui. »

Nous rencontrons d’autres exemples de Juifs qui, comme Kora’h, commirent de graves erreurs, tout en étant d’une stature très élevée. Yeroboam, le fils de Névot, était l’opposé de celui qui est « lui-même méritant et causa d’autres à gagner du mérite. » Néanmoins, il est la seule personne dont il est dit que D.ieu désira lier Son nom avec lui, de son vivant.

Le même concept s’applique à Kora’h. Le fait qu’il eût très gravement fauté n’avait pas d’impact sur le niveau personnel si élevé qu’il avait atteint. Il pécha parce que « son inclination l’y força. »

Deux leçons se dégagent de ce qui précède.

Tout d’abord, nous comprenons pourquoi cette Paracha peut s’appeler Kora’h.

D’autre part, et c’est encore plus important, chacun peut tirer ici un enseignement. Nous apprenons que tout en se préservant des influences adverses, nous devons entreprendre de rapprocher chaque Juif à la Torah. Même si, extérieurement, il a l’apparence d’un Kora’h, en réalité ce Juif peut être touché si on l’approche de façon appropriée. Nous savons que si « nous éduquons un enfant dans son propre chemin, quand il sera plus âgé, il ne s’en détournera pas. »

Il est sûr que nous pouvons réussir dans notre tâche, car « personne ne sera banni de Lui », et donc aider à précipiter la réalisation de la promesse « Je la hâterai (la Délivrance) », avec la venue de Machia’h.

Le Coin de la Halacha

 Comment se préparer pour Chabbat ?

« Tu appelleras le Chabbat un délice, pour sanctifier l’Éternel, honoré » (Isaïe 58 : 13). De là, nos Sages ont déduit qu’il faut honorer le Chabbat et se réjouir pendant Chabbat.

On prendra soin de laver tout son corps à l’eau chaude (ou au moins le visage, les mains et les pieds) vendredi (ou jeudi soir) et de mettre des vêtements qui honoreront ce jour. Un homme s’efforcera de posséder un grand Talit spécialement réservé au Chabbat.

On préparera des mets raffinés, en particulier du vin et de la viande car la plupart des gens les apprécient. Si possible, on mange du poisson le Chabbat (sauf si on n’aime pas cela ou si cela risque d’être nocif pour la santé).

Il est recommandé de ne pas regarder à la dépense si on peut se permettre d’acheter des aliments de qualité. Pour autant, on évitera de s’endetter et on ne dépensera pas au-delà de ses moyens.

Même celui qui n’a pas la possibilité de préparer un festin s’efforcera de prévoir au moins deux aliments cuits pour chacun des repas de Chabbat.

Si on a les cheveux trop longs, il est recommandé de les couper vendredi (ou jeudi) en l’honneur du Chabbat. On se coupe les ongles – mais on ne coupe pas ceux des pieds et des mains le même jour. On commence par la main (ou le pied) gauche et on ne les coupe pas dans l’ordre.

On évite de prendre un grand repas vendredi après-midi afin d’être capable d’apprécier le repas de Chabbat.

Celui qui voyage vendredi doit prendre toutes les précautions possibles pour arriver bien avant l’heure de l’allumage des bougies et doit prévenir ses hôtes éventuels afin qu’ils préparent assez de nourriture pour lui.

(d’après Rav Yossef Kolodny – N’shei Chabad Newsletter N° 8004)

Le Recit de la Semaine

 Juste en une heure

Dans les années suivant le triste événement du 3 Tamouz 1994 (le jour où le Rabbi quitta ce monde), j’avais pris l’habitude d’envoyer de nombreuses lettres par fax au secrétariat du Rabbi. Bien que nous ne pouvons plus le voir physiquement, nous n’avons jamais cessé de lui envoyer nos requêtes pour recevoir bénédictions et conseils. Le Rabbi continuait d’être impliqué dans nos vies et nous pouvions ressentir son support pour renforcer notre engagement et nous donner le courage d’avancer dans notre judaïsme.

Un soir, en 1998, mon amie Tamar me téléphona et me demanda d’écrire pour elle une lettre au Rabbi, en urgence. Elle savait que je parlais le russe comme elle et que je pourrais exprimer ce qu’elle ressentait. Avec toute sa famille, elle progressait dans sa pratique du judaïsme mais sa fille Talya avançait plus vite que les autres. Elle rêvait de monter en Israël et de se marier avec un homme pratiquant et sioniste : mais elle ignorait comment le trouver.

Elle commença avec une erreur : elle accepta de rencontrer deux garçons en même temps - ce qui n’est vraiment pas conseillé, même d’un simple point de vue moral. L’un travaillait dans la high-tech, l’autre s’était converti et étudiait la Torah toute la journée. Elle ne parvenait pas à se décider, essayait d’imaginer comment elle expliquerait à l’un ou à l’autre pourquoi elle ne l’avait pas choisi et rien que cette pensée lui semblait une épreuve insurmontable. Elle ne voulait heurter les sentiments ni de l’un ni de l’autre et sombra dans la dépression. Elle passait la majeure partie de son temps au lit, perdit l’appétit, devint pâle et amaigrie. Les deux jeunes gens attendaient patiemment qu’elle guérisse. Et donc Tamar me demandait d’écrire au Rabbi pour qu’il aide Talya à se relever et à se reprendre.

- Au fait, si déjà tu écris au Rabbi pour moi, mentionne que je dois passer un examen d’embauche demain et que je voudrais bien décrocher le job !

- Bien sûr ! Avec plaisir !

J’écrivis la lettre, glissai quelques pièces à la Tsedaka (charité) puis l’envoyai par email au secrétariat du Rabbi.

Le lendemain après-midi, Tamar me téléphona, très excitée :

- La nuit dernière, à 22h 30, juste après que tu aies envoyé la lettre au Rabbi, j’ai reçu un coup de téléphone de quelqu’un que je ne connais pas. L’homme me demanda si j’étais la mère de Talya et si elle était encore libre pour un Chidou’h (rencontre en vue du mariage). Je ne sais pas pourquoi mais j’ai répondu oui. Il continua : « Je veux la rencontrer le plus vite possible. Venez dans une demi-heure à telle et telle adresse, j’y serai, c’est la maison de mon Rav, je vous attends ! ».

Le miracle n’est pas tant que quelqu’un m’ait téléphoné soudainement (juste après que tu aies écrit au Rabbi pour moi) pour un Chidou’h mais que, sans prendre le temps de vérifier de qui il s’agissait, j’ai sauté dans un taxi, au milieu de la nuit, pour me rendre à Bné Brak, une ville que je ne connais pas du tout, pour rencontrer quelqu’un dont je n’avais jamais entendu parler auparavant ! Ce n’est pas du tout ma façon d’agir habituelle !

Quand j’arrivai, je fus accueillie chaleureusement et on me présenta Binyamine, un jeune homme orthodoxe. Il me parla en russe et m’expliqua : « J’ai rencontré votre fille il y a trois ans quand nous sommes tous les deux montés en Israël pour y poursuivre nos études. J’espère que Talya se souvient de moi. A l’époque, nous avions de grandes discussions quant au chemin que nous allions choisir dans notre retour au judaïsme : je voulais devenir orthodoxe tandis qu’elle penchait plutôt pour le sionisme religieux. Comment va-t-elle ? Je vous en prie, demandez-lui si elle se souvient de moi et, si elle accepte de me rencontrer, elle fera de moi le plus heureux des hommes !

J’étais stupéfaite : Oye, oye ! pensai-je. Talya avait déjà deux prétendants et en voilà un troisième ! Si je lui parle de Binyamine, elle sera encore plus dérangée !

Mais ce jeune homme m’avait laissé une bonne impression et son Rav m’avait assuré qu’il était vraiment un érudit. Donc, à mon retour à la maison, j’ai pris une profonde inspiration pour parler à Talya :

- Te souviens-tu d’un certain Binyamine ? lui demandai-je.

- Oh oui ! répondit-elle, les yeux soudain brillants.

- Euh… Voudrais-tu le revoir ?

- Oh oui ! s’exclama-t-elle.

- Attend, je t’explique : il est maintenant orthodoxe, il s’habille en noir et blanc ! Si tu l’épouses, tu devras porter la perruque et non le foulard et te soumettre à son mode de vie évidemment.

- Oh oui, pour Binyamine, je suis prête à tout !

Tout se mettait en place et devenait si évident !

A propos de mon entretien d’embauche : il y avait trois candidates. L’une avait 21 ans, sans expérience. L’autre avait 25 ans et trois ans d’expérience. Moi, j’ai déjà 47 ans mais pas du tout d’expérience. Et pourtant, c’est à moi qu’on a donné le job ! Je n’arrive pas à le croire ! ».

Talya et Binyamine se sont rencontrés, se sont fiancés et Talya en informa délicatement ses deux autres prétendants qui acceptèrent sa décision.

Puis arriva le moment pour les parents de Talya d’inviter Binyamine pour le repas de Chabbat. Imaginez la scène : la maison toute simple de nouveaux immigrants de Russie, le père en tee-shirt avec une Kippa toute neuve dont on voyait encore les plis, regardant nerveusement son futur gendre, vêtu de son costume noir et coiffé d’un chapeau noir, chantant le Kiddouch…

Plus d’une fois, je leur ai rappelé : « Talya, tu es sioniste, ton mari Binyamine est un Juif orthodoxe d’obédience lituanienne. Mais n’oubliez pas : il n’a fallu qu’une heure au Rabbi de Loubavitch pour vous arranger ce merveilleux Chidou’h ! ».

Louba Ahouva Perlov

N’shei Chabad Newsletter N° 8004

Traduite par Feiga Lubecki

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