L’éclat du soleil
“Comme le temps passe!” s’exclame-t-on souvent, surpris
plus qu’il ne faudrait par la rapidité de l’écoulement
des jours. Il est vrai que, les températures s’élèvant,
nous prenons soudainement conscience que le mois
d’été du calendrier juif, celui de Tamouz, commence
bientôt. Ce Chabbat n’est-il pas déjà le dernier du mois
de Sivan?
Tamouz ou le temps des fortes chaleurs, du ciel bleu et
du brillant soleil: ce n’est pas une simple remarque de
saison. La tradition juive enseigne que tout événement
matériel est profondément l’expression d’un phénomène
spirituel similaire. Aussi, si les observations météorologiques
rendent bien compte de ces évolutions, elles
ne peu vent s’ attacher qu’à la su rface des choses,
renonçant, comme par nature, à s’interroger sur les ressorts
cachés qui les animent. Pour cela, il faut revenir à
l’un de ces textes essentiels qui, de tout temps, ont
façonné le monde: les Psaumes. En un verset, ils révèlent
ici l’essentiel: “Car le soleil et son bouclier, c’est
l’Eternel, D.ieu”.
Ainsi, “le soleil” représente “l’Eternel” et “un bouclier”,
“D.ieu”. C’est dire que la Lumière Divine nous apparaît
souvent masquée, protégée par un “bouclier” qui la voile
à nos yeux. Le monde peut alors ne pas percevoir sa
présence. Il peut vivre dans l’obscurité de l’inconscience.
Mais, quand le voile se déchire, plus aucun doute
n’est possible. La lumière est apparue et toute opposition
disparaît devant elle.
C’est précisément à cela que nous assistons aujourd’hui.
Après la grisaille qui masquait matériellement le
soleil, voici venu le temps du jour clair. Alors que l’hiver
nous confinait en nous-mêmes, le soleil illumine tout ce
qu’il touche. En termes spirituels, la Lumière Divine est
désormais sensible à tous. C’est ainsi que l’été est un
temps bien précieux. Il porte la puissance de la spiritualité
à son plus haut degré. Il ne reste qu’à s’en saisir.
Ta semence restera
Parlant du temps de Machia’h, le prophète Isaïe (66:22) annonce:“Car, comme
les cieux nouveaux et la terre nouvelle que Je ferai resteront devant Moi, dit
D.ieu, ainsi ta semence et ton nom resteront”.
Le terme “cieux nouveaux” fait référence à la diffusion d’une nouvelle lumière
spirituelle qui dépasse les limites de l’univers. L’expression “terre nouvelle”
désigne celle d’une lumière spirituelle nouvelle présente au sein du monde.
Cependant, même alors, “ta semence et ton nom resteront” devant D.ieu:
l’oeuvre spirituelle du temps de l’exil, qui consiste à ensemencer en préparation
du temps de Machia’h, gardera aussi toute sa valeur.
(d’après Likouteï Torah sur Chir Hachirim) H.N.
L’élitisme spirituel
La Paracha Kora’h évoque la révolte de Kora’h et de ses adeptes contre la prêtrise d’Aharon et de ses fils. Mais que recherchait réellement Kora’h?
D’une part, il s’élevait contre l’institution elle-même de la prêtrise, ou du moins contre le fait qu’elle ait un statut particulier.
Par ailleurs il ressort clairement du récit qu’il recherchait la grande prêtrise pour lui-même. Comment ce dessein contradictoire peu t- il avoir un sens?
Grâce à l’étude que nous allons faire, nous pourrons répondre à cette question et comprendre deux autres difficultés:
Pourquoi “Kora’h”, le nom d’un dissident incitateur est-il éternisé en donnant son nom à l’une des sections de la Torah et pourquoi cette Paracha unique contient-elle deux thèmes apparemment si opposés: la révolte de Kora’h et le don des “vingt- quatre présents de la prêtrise” à Aharon.
Thèmes et oppositions Chacune des 53 sections de la Torah renferme un thème central, un thème qui se retrouvera dans chacun de ses versets, du premier au dernier, et qui sera suggéré dans le nom qu’elle porte. Il semble difficile d’appliquer ce principe général à la Paracha de Kora’h qui commence par l’accusation de Kora’h et de ses adeptes contre Aharon et la prêtrise et s’achève avec le don de D.ieu des “vingt- quatre présents de la Prêtrise”.
L’accusation initiale et la validation ultime semblent s’opposer l’une à l’autre et ce n’est pas simplement que la dernière est la conséquence de la première. Mais il nous faut plutôt chercher une manière de comprendre comment les dons de la prêtrise font partie intégrante de l’histoire de Kora’h.
Car la Paracha est bel et bien nommée d’après lui et c’est donc là que réside son essence. Mais la recherche se trouve compliquée par un problème: l’insurrection de Kora’h traduisait une
opposition à la prêtrise, incarnée par Aharon, alors que les “vingt quatre
présents de la prêtrise ”
étaient, ainsi que le sou ligne Rachi, une manière d’“écrire et de sceller et de rappeler à la cour” le don de la prêtrise qui lui fut fait.
Le nom de Kora’h
Une difficulté supplémentaire vient s’ a jouter.
Comment en tout premier lieu la Paracha peut elle être appelée “Kora’h”?
Car à propos du verset: “Le nom des vils prendra racine”, le Talmud commente: “leurs noms pourriront car nous ne mentionnons pas les vils par leurs noms”. Dans ce cas, il semble encore moins compréhensible que le nom même de la Paracha soit emprunté à l’un de ces personnages malfaisants, car c’est bien là une manière de le perpétuer!
Les prérogatives de Kora’h
Et en dernier lieu, il existe aussi une inconsistance dans la réclamation de Kora’h elle-même. D’une part, il semble qu’il s’opposait à la nature de l’institution de la prêtrise ou tout au moins à son statut particulier: “Car toute la congrégation est sa i nte et l’Eternel réside en son sein; pourquoi donc vous élevez-vous au sein de la congrégation de l’Eternel? ” Et par ailleurs, il semble que Kora’h et ses adeptes recherchaient la prêtrise pour eux-mêmes, comme Moché le leur dit explicitement.
S’il avait cette ambition, pourquoi alors s’exclama-t-il: “Pourquoi vous élevez-vous?” car il avait de bonnes raisons de voir la prêtrise élevée.
Le firmament qui divise les eaux
Les mots qui ouvrent notre Paracha: “Et Kora’h prit” sont traduits par le Targoum en “et Kora’h divisa”. De plus dans l’ouvrage Noam Elimélé’h, Rabbi Elimélé’h de Liszensk compare la dissension de Kora’h au firmament créé par D.ieu le second jour de la création, pour diviser les eaux d’en-haut des eaux d’en-bas.
Quelle est cette analogie? L’une des différences entre les prêtres et le reste des enfants d’Israël était que les prêtres étaient retirés des affaires du monde et exclusivement absorbés par leur saint office, et tout particulièrement le Grand Prêtre (contre lequel se portait essentiellement l’accusation de Kora’h) dont il est écrit: “il ne quittera pas le Sanctuaire”.
Mais malgré cela, il ne s’excluait pas du reste du peuple; bien au contraire, il exerçait son influence sur tous et les amenait à son propre niveau de sainteté. Cela se symbolisait par l’allumage du ca nd é labre à sept branches: la Menora h. L’attribut caractéristique d’Aharon était “un grand et éternel amour” et il conduisait les gens à ce service.
Mais Kora’h ne voyait pas cela. Il ne voyait que la séparation entre le prêtre et le peuple. Et à cette lumière, il voyait que tout comme les prêtres avaient un rôle particulier, il en allait de même pour le peuple en réalisant la volonté de D.ieu sur terre, ce qui est réellement le but de la Torah.
Considéré en tant qu’entité séparée, le peuple avait droit au moins à autant d’honneur et d’élévation que les prêtres. Et cela enlève à sa réclamation son inconsistance. Il cherchait la prêtrise mais comme un service complètement séparé du peuple. De là vient son accusation: “pourquoi vous élevez-vous?”. A ses yeux, les deux groupes, bien distincts, avaient chacun un statut particulier.
C’est en ces termes que Kora’h était semblable au firmament: il avait pour but de diviser les gens, comme les eaux, et briser le lien entre le
Sanctuaire et le monde ordinaire.
La division et la paix
Le second jour de la Création nous trouvons que D. ieu ne dit pas: “Et c’était bien”. Nos Sages expliquent que cela est dû à la division (le firmament) créée ce jour-là. Ce n’est qu’au troisième jour que ce jugement fut prononcé et répété, une fois pour la création du jour et une fois pour le firmament alors purifié et guéri de sa division.
Aussi apprenons-nous que dans le schéma divin, il faut qu’il y ait une division entre les choses de la terre et celles du ciel mais que le but ultime en est la réunification. Et tout comme lors du troisième jour, lors du troisième millénaire la Torah fut donnée pour rapprocher le ciel et la terre, D.ieu descendant et Israël montant, à l’unisson.
Bien que certains soient totalement impliqués dans le service divin et “ne quittent pas le Sanctuaire”, et que d’autres agissent dans le
monde concret (“Connais- Le dans toutes tes voies”), ils ne doivent pas se séparer les uns des autres. Les premiers doivent conduire les derniers, à la manière d’Aharon, toujours plus près de D. ieu. Cela, l’hom me qui vit dans le monde, qui y travaille etc. l’atteint en établissant des moments réguliers pour l’étude de la Torah.
Et cette étude doit être empreinte d’une telle concentration qu’à ce moment là ils sont comparables à ceux qui n’ont jamais quitté le Sanctuaire!
Et tout comme le travail du second jour de la Création fut achevé le troisième, D.ieu permit la dissension créée par Kora’h pour qu’el le aboutisse dans les “vingt-quatre présents de la prêtrise”. Car la prêtrise fut établie comme une alliance éternelle d’une façon qui n’aurait pu avoir
lieu sans la rébellion provoquée par Kora’h.
Voilà le lien entre le début et la fin de notre Paracha. La dissension bien qu’apparemment opposée à l’alliance de la Prêtrise était en fait sa condition préalable.
Et c’est la raison pour laquelle le nom de Kora’h est perpétué comme nom de la Paracha. Bien que Kora’h représente la division et que la Torah
représente la paix, la paix et l’union envisagées par la Torah ne viennent pas malgré la division mais par son intermédiaire; bien qu’il y ait le ciel
et la terre, le service les réconcilie au point que D.ieu Lui-Même réside parmi nous.
“Tu aimeras ton prochain comme toi-même” (suite)
On sera particulièrement attentif à ne pas faire honte à un
autre Juif, ni par la parole, ni par l’action,ni même “entre quatre
yeux”: à plus forte raison, pas en public. On ne rappellera pas à
celui qui est revenu à la pratique de la Torah ses actions précédentes,
pas plus qu’à un converti. On ne l’appellera pas par
des surnoms qui lui sont désagréables.
On ne se réjouira pas de la honte de l’autre.
On ne justifiera pas les malheurs qui arrivent à l’autre par son
éventuelle mauvaise conduite passée, mais on le réconfortera
et on l’aidera par tous les moyens possibles.
Bien entendu, même et surtout à l’intérieur de la cellule
familiale, on veillera à ne pas froisser les sentiments de son
conjoint, son enfant ou son parent et on maintiendra un haut
niveau de respect et de compassion les uns envers les autres.
Si une personne a blessé ou lésé et demande pardon, on s’effo
rcera de pardonner immédiate m e nt, même si l’ a u t re a
répandu des rumeurs malveillantes et sans fondement.
Avant d’adresser des reproches – justifiés –, on parlera avec
douceur à la personne qu’on cherche à sensibiliser à la gravité
de ses actes ou paroles.
On ne maudira pas un autre Juif, en sa présence ou non et on
s’efforcera par tous les moyens d’augmenter les mérites de
chaque Juif. Car il suffit d’une seule Mitsva, dit le Rambam
(Maïmonide) pour faire pencher la balance du monde entier
vers le bien.
F. L. (d’après Rav Avraham Alashvili – Michpa’ha)
Wa l bru m, un “shtetl”, un village juif en
Pologne, près de Varsovie, dans les années
trente.
Deux jeunes garçons Dov et Binyamine sont
les mei l leurs amis du monde. Ils étud ient
ensemble la Torah au Héder (l’école juive), ils
jouent ensemble, ils grandissent ensemble.
L’atmosphère change dans le village, une
nouvelle idéologie se fait jour et inspire les
jeunes Juifs: monter en Erets Israël, retourner
en Terre Sainte et la reconstruire, assécher les
marécages et travailler la terre. Deux organisations
sionistes se forment et tentent d’attirer
des futurs pion n ier s: le mou vement la ï c
Hachomer Hatsaïr et le mouvement traditionaliste,
la Agoudat Israël.
Dov – désireux de préserver la tradition de
ses ancêtr es – s’ i nscr it à l’Agoudat Isra ë l.
Binyamine, lui, préfère se couper du passé –
comme les jeunes réagissent si souvent – et
se joint à l’Hachomer Hatsaïr. Tous deux mûrissent,
se marient, montent en Erets Israël et s’y
établissent durablement, reconstruisant, chacun
à sa manière, le pays à la sueur de leur
front.
* * *
Israël 1987: le mouvement Loubavitch ouvre
une nouvelle antenne dans une ville de développement.
Un adolescent tou rne au tour du Centre
Loubavitch, le Beth ‘Habad. Il veut entrer mais
hésite. Quelque chose l’attire mais, en même
temps, l’effraie un peu. Il tourne et tourne et, à
la fin, entre.
Dès sa première conversation avec le rabbin,
ils se comprennent parfaitement et le jeune
garçon réalise qu’il a enfin trouvé quelqu’un
qui répond à ses questions. Le rabbin parle de
façon claire, est ouvert sur le monde: même
les mati è r es scienti f iques ne lui sont pas
étrangères. Et il a le sens de l’humour!
Les questions reçoivent des réponses pertinentes,
les doutes sont balayés, la science ne
contredit pas la Torah.
Le jeune garçon se plait dans le Beth ‘Habad.
Il vient régulièrement; ce qui lui plait surtout,
c’est que personne ne le pousse ni ne l’oblige,
il avance à son rythme.
Cela fait déjà un an qu’il fréquente le Beth
‘Habad. Chaque jour, il prie et met les Téfilines,
il connaît maintenant une bonne dose de philosophie
‘hassidique mais quand il quitte le
centre, il remet machinalement la Kippa dans
sa po che. Puis même cela évol ue avec le
temps.
Le jeune homme parle avec ses amis de la
beauté qu’il découvre dans l’étude de la Torah,
de l’apaisement que lui procure la pratique
quotidienne du judaïsme. Il parle aussi avec
ses cousins, ses connaissances et, bien sûr,
avec son vieux grand-père.
Une discuss ion en amène une au tr e. Le
grand-père demande s’il peut lui aussi rencontrer
“le rabbin qui t’a ramené à la Torah”.
Le grand-père et le rabbin trouvent eux aussi
un langage commun. Au début, ils parlent du
petit-fils, puis de sa mère qui, de fait, l’avait
encouragé à franchir la porte du Beth ‘Habad.
Puis ils parlent du grand-père lui-même.
Un mot par-ci, un mot par là et le rabbin
constate qu’en fait, le grand-père possède de
sol ides con na i ssa n ces ta l mud iques. Il lui
demande alors de raconter sa vie. Le grandpère
explique qu’il est né et a grandi dans un
village près de Varsovie ; quand les idées sionistes
avaient pénétré dans le “shtetl”, lui,
Bi nya m i ne avait rompu avec les trad itions
familiales, avait rejoint l’Hachomer Hatsaïr et
s’était installé par idéal en Israël où il avait
participé à la construction de l’état.
Durant ces années, les souvenirs de son
éducation juive s’étaient estompés et nul ne
se souciait de rallumer sa flamme. Il s’était
battu, avait travaillé dur mais avait langui le
judaïsme. Le rabbin l’écoute attentivement: il
comprend.
Le gra nd-père conti nue et raconte que
durant toutes ces années où il s’était éloigné
de la tradition, il avait pourtant veillé à conserver
l’amitié d’un de ses camarades de jeunesse.
Celui-ci était un ‘Hassid qui, malgré toutes
les épreuves de l’installation et du dur labeur
de construire le pays, était resté fidèle au
judaïsme, scrupuleux dans l’accomplissement
de chaque Mitsva.
Mais maintenant le grand-père se sentait un
peu déprimé: son ami d’enfance, le ‘Hassid,
était décédé deux mois plus tôt; il se sentait
vraiment seul, pratiquement le seul survivant
de son village.
“Et comment s’appelait le village?” demande
le rabbin.
“Walbrum”.
Le coeur du rabbin bat plus vite.
“Et comment s’appelait votre ami?”
“Dov” répond le grand-père.
Le rabbin est lui aussi submergé par l’émotion:
“C’était mon père, que sa mémoire soit
bénie!”
Le grand-père tombe dans les bras du rabbin,
l’embrasse, l’enlace, pleure, parle en yiddish
“comme là-bas”...
Le cercle s’était refermé.
Kfar Chabad Magazine
Traduit par Feiga Lubecki